Aller au contenu principal

Bonne fête des mères !

mai 14, 2023

Sexualité

mai 8, 2023

La base d’une relation sexuelle :

Le consentement        Le respect      Le plaisir.

Un sourire d’enfer 74 (fin)

avril 25, 2023

Un sourire d’enfer  74 (fin)

Les jeunes n’existaient pratiquement pas pour les adultes.  On ne nous faisait pas de grands sermons sur le danger des méchants vieux messieurs qui auraient pu avoir le désir de toucher à notre petit zizi ; mais on commentait les journaux. Ce qui était aussi pire.

La peur du sexe est une peur féminine. Une peur qui nous vient de la religion, mais aussi de la télévision.  La peur des autres, une paranoïa.  Le mépris que les femmes ont d’elles-mêmes parce qu’elles sont femmes et se proclament victimes.

Jusqu’à l’adolescence, le danger sexuel ne nous transperce même pas régulièrement l’esprit.  Même les plus vicieux n’y songent probablement pas davantage. 

À cette époque, la sexualité était le dernier de mes soucis.  Surtout que j’étais trop idiot pour comprendre les mots employés par les adultes correspondaient parfois à mes tentations amicales. Ce discours venait dans les cours d’écoles, à la cachette. Certains essayaient même de se prétendre mieux bâti que leurs chevaux alors que les autres comme moi pensaient que ce petit tube ne servait qu’à faire pipi. 

Mieux encore, nous n’avions pas la télévision pour présenter une bande de vieilles obsédées sexuelles qui essaient de nous faire croire que l’on pouvait être en danger en jouant aux fesses ou en voyant de la chair fraîche.   Le scrupule traumatise plus que le plaisir. 

Ces femmes projettent leur peur et leur dégoût du sexe sur leurs enfants.  La peur du sexe est une obsession féminine.  Si elles ont eu un peu de plaisir, il est évident qu’elles seront un peu plus ouvertes d’esprit.  Le sexe ne sera pas un sacrifice exigé par la Bible.  Il ne faut pas oublier qu’en 1967, les Québécois(es) ont souffert le martyr quand des noires d’Afrique sont venues en spectacles nous montrer de très beaux seins. On a du chemin à parcourir pour se sortir de la grande noirceur.

Je me rappelle aussi que mes parents avaient discuté d’articles de journaux jaunes où on racontait comment certains garçons avaient été déchiquetés pour le plaisir sexuel d’un vieux cochon. Je n’aurais jamais cru que de souhaiter que M. Pope me mette la main entre les deux jambes aie d’une certaine manière un rapport avec ce danger.  Je rêvais de savoir ce que ça faisait quand c’était un adulte qui nous touche. 

Dans le fonds, c’est tout un hommage que je lui rends sans même qu’il ne l’ait jamais su : je le croyais assez correct pour ne pas en avoir peur et vouloir vivre cette expérience au-delà de ce que je connaissais sans peur, ni honte. Je n’avais même pas douze ans.

Pourtant plus tard, si je suis resté accroché à la pédérastie, c’est justement parce que je me rappelais ces histoires qui m’avaient totalement traumatisé.  Comment discerner un M. Pope d’un de ces sales qui te coupent en morceaux après avoir vérifié la rigidité de ton petit pipi.  L’homosexualité était tellement mal vue qu’à part les latrines publiques, tu ne savais pas où rencontrer des gais.  Moi, mon fou, j’avais encore peur des vieux.  Je voulais bien, mais à reculons (sans jeu de mots), c’est-à-dire tremblant de peur. 

J’ai en très grande partie décroché de la pédérastie quand je me suis d’abord aperçu que ce n’était pas tous les gais qui rêvaient de faire de toi un chop-suey ou une tourtière. Même que la plupart des gais étaient délicats, respectueux. 

Est-ce qu’on nous avait menti ou est-ce qu’on exagérait un danger parce qu’on n’en connaissait rien ?  Le « cruising » est une des choses les plus intéressantes de la vie sexuelle gaie, même si souvent ça ne tourne à rien.  Ça vaut la peine de vaincre ta peur pour te sentir désiré.

Cette peur n’a pas eu d’effets néfastes simplement parce qu’à Barnston, les gais ne courent pas dans les rues. J’ai dû affronter ces histoires d’horreur que beaucoup plus tard et sans m’en rendre compte j’ai opté pour ce qui était le plus sécuritaire.  À cette époque, on n’était pas encore devenu assez fous pour croire qu’on peut être un monstre en jouant aux fesses sans violence et dans le plaisir.

L’école libre me permit de me rendre compte que je pouvais vivre 24 heures sur 24 en rut, sans même toucher les gars qui me tentaient.  Je pouvais aussi avoir des jeunes qui étaient absolument consentants et heureux de me connaître. Je m’apercevais que les moumounes qui combattent avec tant d’acharnement la sexualité sont beaucoup plus aigries, plus jalouses que moi. 

Ce fut cette transformation qui me donnait le choix,  qui me permettait de découvrir que je pouvais aimer être le jouet sexuel d’un gars de mon âge ou d’un aîné, et aimer ça. L’exclusivité quant à aimer juste des gars, comme la majorité des pédérastes, volait en éclats à travers mes expériences.  Par contre, j’étais déjà prisonnier de mes textes sur la pédérastie et identifié à cette orientation sexuelle.

Je trouvais la petite Hélène assez belle pour désirer une femme.  Les seins sont encore plus beaux quand la fille n’est pas encore âgée.  Ils sont plus petits, plus « poires ». Elle avait probablement environ 25 ans.      
 
Même si nous nous étions séparés, Suzanne demeurait une connaissance que j’appréciais grandement.  Elle m’avait appris à me connaître moi-même en vivant différemment ma pédérastie.  Elle me forçait  à cause de sa maturité à une recherche intérieure plus profonde que le pouvait un jeune. 
 
Je découvrais qu’il y a chez les adultes un pouvoir d’aimer qui se compare très bien avec celui des gars à cause de sa différence. Ces relations permettent en plus une autre forme de développement intellectuel.  Une bonne discussion donne un énorme plaisir.   J’apprenais à être autant éberlué par l’intelligence des autres que par leur beauté physique.

Mon besoin de séduire des bonhommes quand nous allions prendre un coup était, sans que je m’en rende compte, un des éléments retenus par les psychiatres que j’étais allé les voir pour être certain de ne jamais être un danger pour un petit gars.

Je disais que c’était mon côté féminin, mon côté «guidoune». Nous avons tous intérieurement une partie des deux sexes. Notre développement sexuel en homme ou en femme ne se fait qu’à la fin de notre développement.

Selon les psychiatres, pour ne pas souffrir inutilement de l’étroitesse d’esprit de notre société, il était préférable que je sois gai plutôt que pédéraste, et ce, même si ma façon de vivre ma pédérastie leur semblait tout à fait correcte, probablement parce que je n’aimais pas la sodomie.

Mon dédain pour la peur et la violence faisait en sorte que je ne pouvais pas être un danger pour qui que ce soit. Mes recherches étaient axées sur la tendresse et les caresses.

Mon désir de devenir père et enseignant est né dans ces circonstances.

Je pouvais être un bon professeur parce que j’avais une bonne connaissance de l’âme des jeunes.  Je pouvais facilement me mettre dans leur peau et réussir à l’université.      

D’autre part, rien ne m’empêchait de vivre ma vie sexuelle en dehors de ma profession d’enseignant.

L’enseignement devenait une porte de sortie très intéressante, adaptée à ce que je suis profondément.  Enseigner était sans que je le devine encore sacrifier ma pédérastie sous l’aspect génital, mais éliminait en rien les sentiments. Je devais au préalable terminer ce que j’avais entrepris au niveau de l’écriture.  Je me prenais déjà pour un écrivain, mission qui se confondait avec la révolution.

Au début, Avant de se retrouver tout nu dans la rue ou le problème du logement devait être un livre d’une centaine de pages.  Je pouvais aussi compter sur mon très bon ami Gaétan Dostie et Parti pris pour le publier.  J’ai voulu innover en résumant la position de tous ceux qui étaient concernés et marquer combien le fédéral était encore une fois de trop dans ce domaine.

Chaque groupe fut invité à présenter son mémoire à un colloque sur le logement afin d’écrire ce livre.  Je devais ensuite faire la sélection.  Puisque je voulais toucher tous les aspects, le livre devint immense, plus de 400 pages.

Parti pris n’était pas très content du volume des textes, surtout que le ministre qui appuyait le projet trouvait que ce serait un livre beaucoup trop volumineux. Je dois avoir eu raison dans mes choix, car ce livre a servi longtemps de livre de référence dans les universités.  En y publiant beaucoup de statistiques, malheureusement, le livre devenait très vite dépassé. Mais, à cette époque, écrire était pour moi mon arme de combat.  Rien n’empêchait les mises à date.
 
La correction fut faite par Louis Geoffroy. Celui-ci me dit qu’il m’avait toujours considéré comme un bon écrivain, mais qu’en lisant mes textes, il avait totalement changé d’idée.  Selon lui, le livre était plein de fautes de français, totalement monotone, sauf le chapitre sur les feux dans le secteur de Saint-Louis, à Montréal

Malgré ce jugement défavorable, j’aimais bien Geoffroy et c’était son droit le plus légitime de ne pas aimer mon livre. 
 
De toute façon, j’étais devenu un écrivain connu par accident.  Si je n’avais pas connu Gaétan Dostie et Gaston Gouin, je serais demeuré un parfait inconnu quoiqu’à cette époque les journaux publiaient beaucoup mes lettres ouvertes.   Mes écrits sur la pédérastie n’auraient jamais été connus si je n’avais pas participé à la publication de Sortir avec Jean Basile, en 1978, et fait un dossier avec Paul Chamberland dans le Berdache, le 15 novembre 1980. 


Mon texte entraîna une recherche à l’université de Montréal pour savoir quels effets pouvaient avoir mes textes en prison puisque tout le monde peut les comprendre.


J’étais perçu comme un baveux, un provocateur, par bien d’autres écrivains qui ne comprenaient pas que je prenais mes écrits pour une mission à accomplir.  Comme tout fanatique, j’étais prêt à mourir pour défendre mes causes : l’indépendance du Québec et le droit à la pédérastie.


Une fin de semaine, je partis pour rendre visite à ma famille à Barnston.  La petite Hélène me rejoint au téléphone pour m’annoncer une très mauvaise nouvelle, mon éditeur était décédé. 

Au début, j’ai cru que c’était mon ami Gaétan Dostie, mais dès mon arrivée à Montréal, j’ai appris qu’il s’agissait de Geoffroy, mon correcteur et non mon éditeur.

 
Il demeurait dans le secteur Saint-Louis et il venait de mourir à la suite d’un incendie dans sa demeure.  Les photos pour la publication d’Avant de se retrouver tout nu dans la rue étaient sur son bureau au moment du sinistre. Elles étaient partiellement brûlées.  On décida de s’en servir quand même pour illustrer le livre. 

Ces funérailles furent particulières. Rien de religieux, Janou Saint-Denis y lut des textes poétiques à l’église. Ce fut suivi d’une rencontre où l’on s’enivra avec une chaise vide pour marquer la présence et les goûts de Louis.  Je suis sorti de ces funérailles complètement « pacté ».

Quand le livre Avant de se retrouver tout nu dans la rue fut terminé, j’ai décidé de prendre des vacances en me rendant sur le pouce voir ce fameux Lac Saint-Jean.  Je suis parti accompagné de Patrick et deux des trois garçons de ma cousine.  Nous avions une tente pour dormir et des pouces pour s’y rendre. 

À notre retour, nous étions sur le bord du chemin quand une patrouille de la police s’arrêta pour nous embarquer un bout.  C’était évidemment un moyen pour me questionner.  Un vieux avec trois jeunes, c’est automatiquement très suspect. On fut laissé un peu plus loin et les policiers avaient pu constater que rien d’anormal ne se produisait. 

Quelques minutes plus tard, la police revenait et nous demanda d’embarquer.  Il avait appris que des changements devaient être effectués dans mon livre sur le logement et qu’il y avait un avis de recherche pour me retrouver d’urgence.  Nous nous sommes rendus jusqu’au parc, sirène et tout le pataclan. On me dit que c’était pour me faciliter les choses un peu plus loin, car d’autres conducteurs n’auraient pas peur en nous ayant vu dans une auto patrouille.  Les policiers ne pouvaient pas m’amener jusqu’à Montréal. 

Un seul autre élément me revient à l’esprit quand je songe à ce livre. J’avais rencontré le nouveau ministre de la Justice, Marc-André Bédard, par accident, et je lui avais fait part de mes peurs et constatations concernant les incendies répétitifs dans les maisons abandonnées.  Je lui ai dit que ceux-ci étaient l’œuvre de la pègre qui procédait ainsi pour obtenir l’espace afin d’ouvrir de nouveaux terrains de stationnement. Une de mes grandes intuitions journalistiques.  Ce fut les rires et les  « yé malade celui-là.  Quel paranoïaque !».  C’est vrai que je n’avais pas de preuves, mais ça me sautait aux yeux.  On a découvert quelques années plus tard que j’avais raison.  Si on ne mérite pas un rire, on ne vaut pas grand-chose.

À cette époque, je me prenais pour un grand poète incompris.  L’écriture comptait déjà autant que les petits gars. Je devais trouver un métier que j’aime, oublier ma révolution. Mais, en même temps, j’étais assailli par une remarque de Raoul Roy, l’écrivain. 

 » Karl Marx essayait de sauver le monde avec ses grandes théories alors que sa famille crevait de faim. »


Je ne voulais pas être un de ces « preachers.  Je ne cherchais pas le pouvoir, je cherchais ma place dans cette société de plus en plus puritaine. Ou était-ce un retour à mes sources?  Port-Royal, le royaume des chercheurs de sainteté, c’est ça notre passé. 

Plus je réfléchissais, plus le retour à l’école me semblait le premier pas à faire dans la bonne direction.  

C’était la fin de ma carrière de révolutionnaire. 

Le hasard fit que je m’en irais dans l’enseignement puisque c’est tout ce que je savais faire. Il fallait enclencher le passage progressif de la pédérastie à la vie gaie.


Je dois avouer que ma vie sexuelle fut toujours pour moi celle de l’enfant : un pervers polymorphe.  Tant qu’il y a du plaisir, le sexe est un maudit beau passe-temps.  Il n’y a aucune violence dans le sexe, seulement du plaisir ; mais il faut le consentement et le respect mutuel obligatoire.


Je découvrais la vie gaie.  Les soirées dans les clubs à espérer qu’une personne me remarque et m’invite à terminer la nuit avec elle. 

Quelles joies d’avoir rencontré Raymond Paquin, un professeur de Rouyn-Noranda, perdu dans les tavernes gaies, de Montréal, où nous nous sommes croisés. 

Tout ce qui comptait, c’était rire et baiser. Une autre découverte incroyable : des bonshommes pouvaient croire que j’étais beau et me vouloir.  Rien n’était capable de nous arrêter.  On aimait se rendre dans un restaurant et après avoir commencé à manger, se lever et chanter « L’Internationale« , l’hymne communiste, juste pour le plaisir de voir les gens capoter. 

Une autre fois, nous nous étions rendus dans un club de danse hétéro et nous avons d’abord dansé un «boogie» ensemble, puis, un «slow cochon». Les gens voulaient nous tuer.  J’ai sauté sur une table, mais en rejoignant le plancher, je me suis tordu une cheville.  J’en ai eu pour des semaines à en rire et à boiter. 

Paquin pouvait payer la traite à tout le monde, mais il y avait toujours une condition : être drôle, agréable.  Quand j’étais trop sérieux, il me faisait fumer : un party garanti.

Parfois, on se rendait sur la montagne, là, où j’ai connu ce que c’était de devenir le centre d’une orgie collective, d’avoir une dizaine de langues qui essaient de trouver un pouce de chair à lécher. C’était bien des plaisirs, mais ça ne me conduisait nulle part.

J’aimais autant aider Raoul Roy dans son imprimerie.  Le soir, quand je ne savais pas où aller coucher, je me rendais chez lui et il me prêtait son divan.  Le lendemain, je l’aidais à imprimer ses multiples livres. Je me suis beaucoup attaché à ce personnage inconnu de notre révolution alors qu’il en fut un des plus grands intellectuels. 

Sauf pour l’indépendance du Québec, on n’avait pas les mêmes idées, loin de là, mais il m’apprenait que la révolution c’est un travail sans relâche de communication et d’éducation.  Fidèle au Général de Gaule, Raoul Roy était un passionné de l’indépendance et du socialisme. Nous parlions peu, nous agissions. On passait des journées à imprimer ses livres.

C’est un personnage très coloré, avec sa petite barbiche à la Lénine.  Par contre, il était prisonnier de notre passé collectif. Il refusait qu’un individu se dise Québécois plutôt que Canadien-français.  Cette évolution était selon lui une régression, un moyen de diluer notre désir de créer une République. Il n’acceptait pas que les Canadiens nous aient volé jusqu’à notre nom.  Il prétendait aussi que si le Parti Québécois prenait le pouvoir, l’indépendance ne se ferait jamais parce que les gens commenceraient à déléguer cette mission au parti plutôt que de continuer à s’investir pour la cause.

Raoul s’était aussi rendu en Israël faire une recherche sur Jésus qui donna son livre Jésus, guerrier de l’indépendance, publié à Parti pris, une des plus grosses maisons d’édition à cette époque. 

C’est à partir de lui que je tenais que Jésus était profondément en amour avec son petit cousin de quinze ans, Saint-Jean l’Évangéliste.  Dans l’Évangile de Saint-Jean, bible de Jérusalem, l’auteur indique que Jésus était couché nu avec ses disciples bien-aimés.

C’est aussi pourquoi j’ai dit dans une émission de radio sur les Rhinocéros en Abitibi –puisque Raymond Paquin s’était présenté candidat aux élections fédérales comme rhinocéros — que j’étais St-Jean, le petit serein de Jésus-Christ–.  

Nous buvions et fumions beaucoup.  Ce n’est pas une excuse, mais une réalité.  J’ai dû redescendre à Montréal sur le pouce puisqu’on voulait me faire la peau, tellement ça avait choqué beaucoup de gens. 

Dans ce voyage, en passant à Val d’Or j’ai pressenti que cette ville serait très importante dans ma vie, mais je ne savais pas pourquoi.  Je suis passé par le lac Saint-Jean pour le retour.  J’ai dû coucher en prison, car la police craignait que je sois attaqué par un ours.   Ce détour me permettait de connaître une autre partie de notre merveilleux Québec.

Je suis maintenant convaincu que la peur qu’on entretint quand j’étais petit concernant les gros méchants loups qui rodaient pour décapiter les petits gars m’a profondément marqué.  

Elle a manifestement retardé mon évolution sexuelle vers l’homosexualité, ce qui est quand même mieux accepté que la pédérastie.

Durant des années, j’ai voulu affirmer mon exclusivité aux petits gars, mais la vie m’amenait lentement à cesser de croire dans les peurs de mon enfance. Freud a bien raison, nous sommes d’abord des pervers polymorphes.

 Par contre, le plus fondamental dans une orientation sexuelle demeure ce par quoi tu es attiré. Ma peur des hommes n’était pas toujours consciente, c’était un traumatisme enfantin. Ce qui primait, ce qui me permit de modifier ma façon de voir les choses; fut que j’étais disponible à tout ce qui m’attirait, me fascinait.

C’était d’abord les petits gars à cause de leur jovialité, leur complicité et l’absence de peur inconsciente.  L’inconscient joue un rôle déterminant dans tes choix sexuels. La vie humaine est très compliquée à comprendre et la vérité est encore plus difficile à déterminer. J’ai commencé à justifier la pédérastie en y voyant l’avantage de ne pas être mis en danger par le sida.  

C’est ce qui se passe aujourd’hui au Québec.  En condamnant globalement la sexualité les jeunes ne saisissent pas les nuances.  Ton rapport avec la sexualité est fondamentalement le même qu’avec la liberté.  C’est surtout vrai chez les filles.  Pourquoi les féminounes sont-elles incapables de valoriser la sexualité ? Le discours sexuel est nettement plus négatif pour les filles que pour les garçons. C’est strictement une question d’éducation.  La société a créé les règles pour éviter que les problèmes des pauvres se répercutent sur les bourgeois, en créant une morale mur à mur.

Le sexe est associé au mal plutôt qu’au plaisir sans aucune raison valable. 

La phobie du sexe chez les femmes est strictement à mon avis due au fait qu’elles sentent, même si ce n’est pas ouvertement dit, toutes les peurs que notre civilisation charrie depuis des siècles. Ce sont des peurs sociales qui viennent particulièrement des religions.  La société a été composée à partir des lubies des mâles.  Ce n’est pas étonnant que les gais soient presque sur la même longueur d’onde que les femmes, car celles-ci n’ont pas à craindre la pénétration avec eux, tout en ayant droit à toute l’affection, la tendresse qu’elles cherchent.

J’ai toujours été très mélangé dans ces choix sexuels pleins de nuances.  La seule chose dont j’étais certain, c’est que le plaisir sexuel ne peut pas tolérer la violence.  Les rapports sexuels sont un échange d’énergie, de complicité, de fascination autant que le plaisir charnel strictement génital de la pénétration.  Dans le fonds, je préférais probablement les petits gars parce que je détestais et craignais la sodomie.  J’ai même découvert les plaisirs de la fellation  que devenu adulte.

La vie me prouvait quotidiennement que ce que l’on racontait sur la pédérastie était absolument faux.  Le sexe avec les petits gars passent nécessairement par le jeu, par l’affection mutuelle. Une masturbation. Des caresses. Une fellation. Et pour certains, la sodomie.  Pour voir ce que tout ça fait. Quel plaisir ça apporte.  C’est pourquoi c’est absolument faux de prétendre qu’un jeune peut être traumatisé par de telles expériences.

Mais, il existe des psychopathes qui sont dangereux parce qu’ils sont frustrés sexuellement. C’est le contraire de ce que prétend la loi qui appelle un jeu sexuel, un abus, une agression.

Je ne pouvais pas supporter de tels mensonges d’où je me suis créé une vocation, soit de rétablir la vérité et éliminer ce qui m’avait tant blessé, soit la peur des relations sexuelles avec des gars plus âgés. Je ne voulais pas que dans l’avenir, les jeunes aient à souffrir de l’ignorance quant au sexe que moi j’avais vécu. 

J’identifiais le problème sexuel à l’ignorance, rien d’autre.

J’avais rencontré un groupe de jeunes garçons qui prenaient plaisir à venir me visiter strictement pour avoir du plaisir. Ils prétendaient même que je leur appartenais.  Une voisine qui aimait boire avec moi l’apprit à ses dépens. Les jeunes se sont présentés à mon insu chez elle pour la menacer si elle continuait de me fréquenter. 

Les jeunes ne se sentent jamais inférieur à un adulte, à moins que celui-ci joue le gars en situation d’autorité. L’égalité homme-femme sera bien plus difficile à réaliser que l’égalité homme- gars. 

Les jeunes savent qu’il n’y a pas que les bras dans notre monde et qu’ils peuvent très facilement te faire mettre en prison pour des raisons sexuelles. 

Les féminounes pêchent par leur non-confiance aux jeunes.  Elles les imaginent aussi à la merci de tout ce qui bouge.  Elles les sentent comme elles se sentent. 

Ainsi, on maintient chez jeunes la honte du sexe, car ils le cachent à leurs parents ou aux adultes. 

C’est à mon sens ce qui amène ce genre de relations à pouvoir être dangereuses, car le jeune vraiment en danger ne voudra pas en parler avec raison,  car on a créé un véritable enfer autour du mot sexe. 

Si au contraire, on pouvait en parler très librement, l’exploitation, la domination ne pourrait pas exister.  En ce sens, les parents et les éducateurs doivent mettre les jeunes à l’aise pour parler de ce qui pourrait les troubler. 

Mais dans notre société puritaine actuelle qui serait assez fou pour oser le dire, sans chercher à mettre fin à la relation qui existe s’il y a un malaise.  Si les jeunes vont avec un bonhomme, c’est qu’ils y trouvent des avantages et des cadeaux.  La pédérastie est basée sur la séduction et non la domination. On a beau dire que ce n’est pas grave, tout le monde en parle, donc, c’est sûrement quelque chose d’important. 

La pédérastie est fondamentalement un plaisir, sinon jamais un jeune ne consentirait.
       
1978

Fin
     

Un sourire d’enfer 73

avril 24, 2023

Un sourire d’enfer  73

(Page 273 à 281/288)

Au cours de la même semaine alors que j’entrais à pied à la maison, je me fais klaxonner. 

C’était le Cid, le Mexicain que j’avais contribué à faire sortir de la prison de Bordeaux qui m’appelait.

Le Cid m’a dit avoir reçu sa citoyenneté canadienne grâce à mes démarches et la collaboration du journal Le Jour.  Non seulement, il était maintenant citoyen canadien, mais toutes les accusations qui avaient été portées contre lui avaient été retirées. 

— Je demeure dans le comté de Mercier et j’ai voté pour le Parti Québécois.  J’ai longuement hésité.  Les libéraux nous disaient que si nous votions pour le Parti Québécois, nous serions tous déportés dans nos pays d’origine.

«Un soir, en allant mené Bourassa dans un restaurant grec, je l’ai vu en compagnie des manias de la pègre.  Voyant avec quelle belle famille, il se tenait, j’ai décidé d’appuyer le PQ.», me dit-il.

Était-ce vrai ?  Je n’en sais rien, mais le chantage a toujours été la base de la politique des libéraux contre l’indépendance. 


Les libéraux sont les vrais terroristes.


Quelques jours plus tard, je me trouvais un emploi dans un bain sauna, rue St-Laurent.  Je nettoyais les planchers.  J’aimais beaucoup ce travail, car bien des petits vieux me faisaient des yeux doux.

Par contre, les ordres étaient formels, sous menace de congédiement : en aucun temps, nous ne devions accepter qu’il y ait racolage dans les corridors. Nous devions aussi empêcher quiconque d’y introduire de la drogue.

Ted ne voyait pas ma décision du même œil.  Il était irrité que je ne profite pas de l’accession du PQ au pouvoir pour me dénicher un emploi.  Il a décidé de me faire comprendre à coup de gifles que ma place n’était pas dans un bain sauna.

Pour la première fois de ma vie adulte, j’ai répliqué aux coups.  Je lui ai sauté dessus et je lui ai montré, sans le frapper, que j’étais aussi fort que lui. Je me contentais de le retenir parterre.


J’interprétais son geste comme étant celui d’un indicateur de la GRC.  À force de me faire critiquer et écraser, j’ai développé une petite paranoïa, basée sur la sous-estime de « moi ».   J’ai décidé d’entreprendre des démarches pour aller vivre ailleurs. 

Pourquoi Ted voulait-il que je travaille absolument au gouvernement ?  Quelles informations espérait-il ?

Ma décision de déménager a été sans retour quand un ami me demanda ce que je faisais avec un indicateur de la GRC. J’étais encore bien plus énervé.

Ted a changé de tactique.  Il a trouvé un emploi comme animateur dans un projet « Canada au travail ».   L’employeur était la Fédération des Unions de familles, un mouvement de droite.

Ted a proposé que je sois approché pour le seconder dans ce travail, ce qui fut fait avec succès.  Ce mouvement de droite était dirigé par un ancien de Sherbrooke qui me connaissait de réputation.

J’hésitais parce que j’étais maintenant convaincu que Ted était un indicateur ; quoiqu’aussi souvent je me disais que c’était complètement impossible. Je me méfiais de ma paranoïa. Quant à mon futur patron, les pressions étaient nombreuses.  Tout le monde lui conseillait de ne pas m’embaucher.

Il a décidé de risquer sa chance, et moi, après réflexions, j’ai opté pour le fait que je ne pouvais pas vivre toute ma vie sur le bien-être social.  Je devais travailler.  J’étais certain de trouver un moyen de travailler, être efficace, tout en ayant pas à craindre de me faire espionner par Ted.

J’ai commencé mon travail en l’orientant sur le problème qui me semblait le plus urgent à résoudre : le logement.

Deux jours après mon départ du bain sauna, j’ai rencontré un confrère de travail qui m’apprit que la veille, la police avait fait une descente.  Puisque je venais de partir, certains ont même pensé que je m’y étais infiltré pour la police.  Après lui avoir exposé ma position, il a vite conclu que ces rumeurs n’avaient aucun sens.  Je détestais alors trop la police pour collaborer avec elle. Si j’avais un indicateur, je n’aurais pas fait deux fois de la prison. Il s’engagea à passer le message auprès de mes anciens boss.


La descente de police a été effectuée sous prétexte qu’il y avait de la drogue.  Dans ses recherches, la police a effectué sans raison pour 2,000$ de dommages matériels.  La police avait agi en véritable sauvage. Ils savent se comporter en écœurant quand ils ne sont pas forcés de répondre de leurs actes.

La police de Montréal se comporte vis-à-vis les homosexuels (gais) comme de vrais hitlériens.  Si elle pouvait tous nous tuer, elle le ferait probablement volontiers avec la bénédiction des Drapeau-Ryan.  Elle ne respecte même pas la loi des droits de la personne.  Elle brutalise et s’excuse ensuite, si l’opinion publique manifeste une certaine réprobation.


L’époque de mon livre   Avant de se retrouver tout nu dans la rue, publié par Parti pris, a aussi été marquée par des événements tristes et marquants.Au début de février, je m’étais rendu à Barnston rencontrer mes parents.  J’étais accompagné de Gilles Laflamme qui était devenu un véritable ami. Il faisait aussi des prédictions et réalisait des cartes du ciel.  Selon ses prédictions, je mourrai dans la mendicité et les souffrances les plus totales. C’est bien parti pour ça, mais pour l’instant, je suis encore assez béni des dieux. Les autres tireuses de bonne aventure m’ont prédit des événements complètement différents : dans un cas, je suis supposé devenir très riche; dans l’autre, je finis sur une île entourée de petits gars et j’écris sur la philosophie, ce qui me rendrait assez célèbre pour être reconnu durant des décennies après ma mort. 

Mes prédictions sont tellement contradictoires que je n’en crois aucune. La vie sera ce qu’elle sera.

Gilles a lu dans les mains de tous, sauf mon père.

Papa était très heureux d’apprendre que j’avais un nouvel emploi et que je travaillais à écrire un livre sur le problème du logement. 

Il me croyait d’autant plus devenu sage que j’habitais avec une petite amie, la belle Hélène.  Celle-ci devint différente sous l’influence des féministes. Alors qu’au début, nos interrogations sexuelles étaient au centre de toutes nos préoccupations, de nos aventures, de nos recherches ; à la fin, elle mesurait au quart de pouce la vaisselle et les planchers pour être certaine que  » la femme n’en fasse pas plus que l’homme ». 

Cette vision du féminisme était à la mode.  Je trouvais Hélène très belle et très ouverte.  De plus, je venais de retrouver une de mes cousines qui avaient été une de mes flammes quand j’étais petit.  Ce fut une période où les femmes comptaient beaucoup dans tout ce que je faisais.  Pour elle, ma pédérastie était un objet de curiosité plutôt qu’un motif de culpabilisation.  On me regardait vivre et on était bien d’accord que ma façon de vivre ma petite nature était profitable aux jeunes. 

Après m’avoir laissé, la petite Hélène se maria à un Algérien, je crois, et finit par se suicider.  L’Islam est condamnable ne serait-ce que pour sa façon de percevoir les femmes. Les hommes ne comprennent pas encore qu’on ne peut pas vivre comme à l’époque de Mahomet.  Les femmes sont nos égales.  Dans ma tête, l’égalité de la femme est aussi essentielle pour modifier la vie que l’acceptation de la pédérastie, car dans l’avenir, l’individualisme sera une valeur plutôt qu’un obstacle à la socialisation.

En visite, j’étais parti prendre une marche avec Gilles.  Devant le cimetière, je me demandais qui était enterré sous la neige près de la clôture.  J’avais beau chercher, je ne trouvais pas. Je m’y suis rendu pour voir, mais je n’appris rien, car il y avait trop de neige pour pouvoir lire sur les monuments.

Gilles me reprocha d’avoir dérangé les morts.

De retour à Montréal, je dus me rendre un bon matin à l’hôpital pour des examens à l’estomac comme d’habitude. Je pensais à papa et j’ai décidé de lui dédier mon prochain livre Laissez venir à moi les petits gars.  Dans ma tête, c’était le meilleur moyen de lui rendre hommage.  Même si papa n’acceptait pas ma pédérastie, il m’aimait bien et je l’admirais pour son courage.  Il a toujours fait en sorte que nous ne manquions de rien, même si on était huit enfants vivants et il aida de nombreuses familles à se tirer de la misère. 

Quand je suis arrivé au bureau, on me dit qu’on avait une très mauvaise nouvelle à m’annoncer.  Papa venait de mourir.   Quel choc !  Quelle peine !

Ce n’est que quelques mois plus tard que je rêvais à lui.  Il me montrait un mur que je trouvais affreusement laid, on aurait dit un paquet de merde.  Il me fit avancer avec lui et je pouvais de plus en plus distinguer qu’il s’agissait d’une forêt.  Elle était de plus en plus belle.  À la fin, j’étais estomaqué de constater comment ce monde était merveilleux.  Et c’est alors qu’il me dit que s’il en était ainsi c’est que chaque branche d’arbre était un petit gars de qui j’avais été amoureux.  J’en ai déduit que de l’autre côté mon père a pu vraiment juger ce que je vis.


J’ai continué mon engagement social après l’aventure de Cinq-FM.  Je suis devenu président d’une section de la SSJB de Montréal.  On l’appelait la section Plateau Mont-Royal.

Par contre, nous avons été blâmés, Gilles et moi, pour notre façon d’avoir agi à la radio par le Conseil de Presse.  Ce fut, je crois, le début de mon rejet de toutes institutions.  Je trouvais leur décision carrément injuste.   Notre système est crapuleux en ce qui concerne la démocratie et la liberté d’expression.  Une société d’hypocrites. 

La société accepte des compromis inacceptables.  Pour elle, la vérité ne compte pas. Cela confirmait que pour tout le monde, je suis un objet à rejeter. Que j’aie raison ou tort, tout ça n’a pas d’importance.  Il ne faut pas m’écouter parce que je suis pédéraste.  Et selon eux, un pédéraste, c’est un pervers.


J’ai travaillé six mois à la Fédération des Unions de famille : le temps d’organiser un colloque sur le logement et de publier avec Parti pris, mon livre sur le logement : Avant de se retrouver tout nu dans la rue, un livre essentiel pour comprendre le problème du logement. C’était la première fois qu’un livre traitait du sujet.

Ted mit tous ses efforts pour torpiller le sommet sur le logement et le récupérer pour la go-gauche.  Je paniquais au travail sans exprimer mes doutes sur les allégeances de Ted. J’écopais de tous les reproches des patrons de l’Union des familles.

À cause de mes doutes, je ne pouvais pas trop compter sur Ted.  J’étais convaincu qu’il ne ferait pas son travail pour faire échouer mes efforts. Au colloque, il n’a même pas vérifié la qualité du son, ce qui entraîna la faillite complète de tous les vidéos qui ont été tournés.

Les patrons me percevaient de plus en plus comme un extrémiste ; j’étais le premier soupçonné dès qu’il y avait une menace d’avoir un témoignage marxiste.

Je voulais seulement laisser tout le monde s’exprimer.  Quand les responsables des mouvements de go-gauche empiétaient sur le temps des autres, j’étais immédiatement perçu par les patrons comme celui qui avait tout manigancé en ce sens.  Ils songèrent même à me congédier sur le champ. 

Après discussions, ils durent convenir que j’avais simplement fait montre de sagesse en intervenant pas, laissant ainsi le débat prendre de la qualité en profondeur.  Cela a aussi permis un compromis qui empêcha le colloque d’éclater en plein milieu des discussions tant les tensions étaient grandes.

En plus d’avoir toujours été dans l’eau bouillante, j’ai produit le livre dans un temps record, quoiqu’il ait des centaines de pages de plus que prévu. Parti pris n’appréciait pas que le manuscrit ressemble plutôt à un brouillon.  J’étais convaincu que dans les circonstances personne n’aurait pu faire mieux. 

J’ai réussi à écarter Ted en l’orientant sur un autre projet alors que je travaillais sur celui que j’avais créé.  Je ne l’informais jamais, ce qui fit monter les tensions entre nous à un tel point que les dirigeants ont cru que le projet n’arriverait jamais à se rendre à terme.


Ce fut une expérience extraordinaire, mais épuisante.  Je me sentais déjà brûlé après six mois.  Malheureusement, la Fédération des familles ne voulait pas me réengager pour poursuivre l’expérience en septembre. La raison état bien simple: je publierais avec Parti pris mon livre Laissez venir à moi les petits gars.

C’était pour le moins que l’on puisse dire incompatible avec leur philosophie.  La Fédération est un mouvement de droite et ce livre est une dénonciation de l’hypocrisie et de l’oppression inhumaine de l’Église face à la pédérastie.

Comme il fallait le prévoir, un pays qui se pourfend à se prétendre le royaume de la liberté d’expression me forçait à me taire et avaler ma pilule. 

Le problème avec les humains est que nous sommes pour le reste de notre existence marqués par les premières années de notre vie.  Tout se passe avant six ans. Nous évoluons au fur et à mesure que notre corps se transforme. Notre capacité intellectuelle est correspondante à ce développement physique puisque maintenant on sait que le cerveau se développe tout comme le corps jusqu’à notre vie adulte. Nos réactions, nos impulsions sont les effets créés par les sécrétions chimiques ou électromagnétiques d’hormones dans notre corps. 

Nous sommes beaucoup plus dépendants de notre corps que les religions nous l’ont appris. Les religions nient le corps et sa beauté. Une erreur fondamentale car si Dieu avait créé quelque chose de mauvais, il ne serait qu’un sale. Je n’en étais pas encore à me demander si nous avons été créés par Dieu ou le fruit de l’évolution. Freud disait que nier la mort est une forme de schizophrénie. Il y ajoutait une vie après la mort.   Le problème dans le monde ce n’est pas la sexualité, mais la violence.

Je suis devenu un adulte simplement plus lentement, plus tardivement que les autres. J’ai passé ma vie à me percevoir comme un être inférieur.  J’étais fort comme un pou depuis ma naissance.  J’étais plus noir qu’à la normale.  J’apprenais à l’école qu’il faut devenir quelqu’un, influencer le cours des choses ; mais je n’avais rien pour y parvenir.  Je m’accrochais à ce qui me semblait mon point fort. Croire que la vie est belle.


Quand j’ai découvert plus tard le corps des autres, je me suis mis dans la tête comme bien des petits gars que j’avais un zizi très peu développé comparativement aux autres, ne sachant pas que j’étais dans le plus normal des normal.  La grosseur et la longueur ne sont pas les mêmes pour tous et surtout pas les mêmes pour tous à un certain âge donné.  Si j’avais pu en parler, ça aurait changé les choses.  J’aurais su que ça change vers 13-14 ans, plus tôt, pour les plus précoces.  J’étais bourré de complexes sans le savoir et si je n’avais pas voulu autant me comprendre, je n’aurais jamais eu la liberté d’esprit que j’ai maintenant.

Malheureusement, je suis trop vieux pour recommencer les luttes d’antan. J’ai énormément lu et assez vécu pour me poser de nouvelles questions. Je suis capable de prouver que notre société est absolument arriérée quand il s’agit de sexualité.  Nous voyons la sexualité comme l’Église nous l’a enseignée.

En fait, j’ai commencé ma vie d’adulte, avec l’enseignement. J’ai commencé à vivre, le jour où j’ai cessé d’avoir peur. J’ai commencé à vivre quand j’ai cru en moi.

J’essayais de comprendre pourquoi je suis ce que je suis. Ma vie sexuelle était sûrement un facteur prépondérant. Ma pédérastie était une forme de fixation à ma vie d’enfant.Je n’avais jamais été réprimé et puni pour mes agir sexuels pour la simple raison que mes parents ne le savaient pas et que pour moi il n’y avait rien là. Une manière de voir les choses qui n’a pas changé d’un iota.   Ma sexualité était comme pour tous les enfants du monde un geste de curiosité.  Un plaisir a partagé. J’étais plus normal que l’enseignement de l’Église sur le sujet.

Pour moi, comme à l’époque de la Grèce antique, la sexualité était bonne, un plaisir.   La société était un frein à mon évolution. Un arrêt dans mon évolution parce que la société me privait de vivre une relation physique avec ceux qui me fascinaient. Elle m’empêchait de me créer une morale personnelle. Je ne l’acceptais pas parce que les lois à ce sujet sont ridicules et basées sur la peur et non su la compréhension et la responsabilité. 

On fait toujours croire qu’il y a de la violence, des traumatismes dans des rapports pédérastes alors que c’est absolument faux.  Ces relations sexuelles sont la recherche du plaisir et non la recherche d’un pouvoir. Le pouvoir est une obsession d’adulte.

La peur de la pédérastie est une projection de sa propre peur de la sexualité. La peur de la pédérastie est une peur de l’homosexualité. C’est la peur de l’autre.

Notre société veut tout niveler.  Elle n’accepte que l’hétérosexualité et prétend que le seul but de la sexualité est la procréation. Cette conception est basée sur l’ignorance puisqu’elle ne fait aucune nuance entre la sexualité, basées sur l’affectivité, et la génitalité strictement localisée aux organes de plaisir.

On ne fait aucune différence entre un pédéraste et un psychopathe.  On essaie de nous faire croire que toutes relations pédérastes reposent sur la sodomie, ce qui est loin d’être vrai pour tout le monde. 

La sodomie est un choix individuel.  Dans le code pénal, c’est un acte visé en particulier.  La sodomie, à mon avis, ne se réalise pas sans douleur, ce qui la rend très peu intéressante.

D’autre part, la société idéale que j’avais perçue dans ma compréhension de l’Évangile devenait une société hautement hypocrite.  Fais ce qu’on te dit, non ce que l’on fait.

L’instruction, le savoir, me révélait que ceux qui nous prêchent cherchent à nous diriger, à nous écraser pour conserver leur pouvoir.  Ce sont des exploiteurs.  Ils nient les connaissances de la science.  Comment peut-on croire sans douter ?  Qui peut affirmer sans crainte de se tromper que ce qu’on nous enseigne s’est vraiment passé, il y a plus de 2,000 ans ?  Qui peut en témoigner, personne de cette époque ne vit encore ?  Comment Lazare pouvait-il être mort, ressuscité et mourir encore ? Ça n’a pas de sens. Mais, réfléchir à partir des textes bibliques me semblait toujours un moyen de rechercher la Sagesse.

Je n’ai jamais été un être docile qui accepte tout ce qu’on veut lui faire croire.  Je veux et je dois d’abord comprendre. Et, pire j’ai appris chez les Jésuites que ma vision de la religion était d’une naïveté sans borne.  La religion repose sur l’ignorance et l’émotivité.  Les Jésuites m’ont ouvert les yeux.

La vieillesse est un autre stade que je vis présentement.  On se met physiquement à reculer avec la dégradation physique.  Qu’on le veuille ou non, notre vie intellectuelle, émotive, spirituelle dépend de notre corps.  Le corps est l’instrument de la perception et de l’interprétation de notre réalité. Si le corps se dégrade trop, l’esprit en est affecté.

Par contre, nous ne sommes pas qu’un corps. Il est seulement le conducteur de la vie.  Le « Je », notre conscience, se forme et se dégage pour enfin se distinguer du grand tout énergétique qu’est notre réalité totale, réelle. C’est une des plus grandes découvertes faites sur nous, les humains. 

Nous ne sommes pas ce que nous pensons être. Nous sommes une infiniment petite énergie perdue dans un univers infiniment grand.  Pouvons-nous être en contact avec lui et en être conscient ? Notre destin est-il autre chose que le fruit de notre contact avec notre environnement ?  Un hasard intelligent, comme disait Einstein.

La faculté la plus essentielle est la conscience. Sans elle, nous existons, mais nous ne le savons pas ?  Est-ce ça la vie après la mort ?  Un trou absolu. Une énergie qui ne sait même pas qu’elle existe ?  C’est elle, la conscience, qui interprète tout. Nous sommes la continuité de l’existence de la vie et notre corps est l’instrument de conscience qui nous permet de s’en apercevoir.  C’est la réponse à la grande question à savoir s’il y a une vie ou non après la mort. Cette question, cette peur est à la source des religions. Ce sont des interprétations qui mises au service des institutions devient une force plus grande que les multinationales.

Enfant, sans qu’on puisse réfléchir, nous développons nos qualités et nos défauts.  Nous sommes alors à la merci de notre environnement.  Nous ne pouvons pas avoir déjà un esprit critique simplement parce qu’on n’a pas assez d’expériences pour pouvoir mesurer les événements.  Nous ne pouvons pas nous défendre. Nous sommes une éponge.  C’est la raison fondamentale pour laquelle je suis contre la pédophilie.  Le pouvoir de choisir qui à mon avis est inexistant avant au moins 10 ans.  À partir de 10 ans, la force des hormones entre en ligne de compte et réveille nos besoins sexuels. Nous sommes un individu plus complet.

Les religions tiennent absolument à être vécues et enseignées dès l’enfance parce qu’elles produisent ainsi une empreinte indélébile qui agira sur nous le reste de notre vie. .

Elles peuvent ensuite diriger tous les gestes et toutes les pensées.  C’est la raison fondamentale pour laquelle il ne faut pas que les religions ne soient pas enseignées à l’école, du moins, avant le cégep.  C’est trop tôt pour qu’un individu puisse en toute liberté se créer une conscience personnelle. La seule voie pour enseigner les religions plus hâtivement est le respect que tous doivent avoir les uns envers les autres et le droit de ne pas penser comme tous, tant qu’il n’y a pas de violence.

La confession avait le pouvoir absolu sur notre vie intellectuelle et émotive. Le philosophe Foucault démontre dans ses écrits le pouvoir de l’aveu et de la confession dans la vie quotidienne des gens au 17è siècle.  La confession est au centre de la répression sexuelle. Ce fut l’instrument privilégié. Ce fut ensuite les médecins qui ont inventé tout un vocabulaire monstrueux de manière autour de la sexualité de manière à développer une forme de haine des déviances sexuelles que l’on n’arrivait pas à expliquer. On a alors créé un index de ce qui est normal et ce qui ne l’est pas.  Évidemment, tout tenait sur la fréquence des comportements rencontrés. Évidemment, en niant la sexualité des enfants, la masturbation ou la précocité devinrent des comportements à proscrire. 

La religion est un héritage familial, culturel.  Ce savoir sera une empreinte qui te marquera toute ta vie. Elle dirigera tes croyances et ton jugement sur tout ce qui adviendra dans le futur. .Nous apprenons à réagir devant ce qui nous rend heureux ou malheureux.  Nous ingurgitons la vie quotidienne et sans s’en rappeler plus tard, ce sont ces événements qui feront de nous ce que nous sommes. Ils créeront notre inconscient. La religion forme notre émotivité.  Notre capacité à juger grâce à notre faculté de comparaison. 

Plus nous sommes riches d’expériences, plus nous sommes capables de porter un jugement. De plus, notre mémoire alimente nos décisions, notre esprit critique.  Il est donc normal de s’assurer que ce qui nous marquera soit quelque chose qui améliorera notre jugement et non des explications imaginaires comme dans les religions.

Les expériences créeront notre capacité à saisir les choses en dehors de leur apparence, c’est-à-dire qu’avec l’adolescence, il ne se produit pas que des changements physiques, mais notre capacité intellectuelle s’arme d’un autre pouvoir, celui de la symbolisation et les hormones orientent différemment nos besoins.

Les événements ne reproduisent plus nécessairement qu’une réalité.  Nous devenons capables de les comparer, les classer et réagir différemment, même de ce que l’on nous a appris. Avec ce nouveau pouvoir intérieur, on peut former notre propre jugement, notre propre morale. 

Avec l’adolescence, on devient enfin « soi-même ».  On est capable de plus en plus d’évaluer les situations. L’autonomie est le but fondamental de l’éducation.

Bébé, nous cherchons à obtenir l’amour de nos parents et de nos petits copains/copines puisque nos sentiments deviennent une partie de soi.  Presque tout est de l’ordre du non verbal au point de vue émotif, ce qui constitue notre prise de conscience et notre mémoire émotive.  C’est pourquoi les enfants qui ont été caressés génitalement par leurs parents dans le cadre de leur culture ont une personnalité plus heureuse, plus stable et plus épanouie.  Ces sociétés ne font pas face au suicide à l’adolescence parce que les enfants ont connu, grâce aux parents, ce qu’est la stabilité et le plaisir.  Ils ne sont pas divisés par la dualité corps esprit comme dans nos religions. Ils n’ont pas honte d’être sexués. Ils obéissent à la leur nature qui à travers les expériences de vie modèle une morale personnelle.
 
À partir de l’adolescence, nous créons notre propre personnalité.  Enfant, on se développe en imitant les autres et en craignant de ne pas être aimé, ce qui nous guidera durant toute notre vie d’adulte. Comme le disait mon bon ami Freud, dans le développement d’un individu, la personne peut demeurer fixée à un stade de développement, régresser vers un autre, ou sublimer un besoin que l’on arrive pas à admettre dans notre personnalité.  C’est ainsi que la sexualité fut remplacée par l’argent, les biens, le pouvoir quand on n’arriva pas à vivre une vie sexuelle intéressante. Une sublimation qui a marqué notre civilisation.

Je crois que dans mon cas, le fait d’avoir vécu avec un curé qui me confessait presqu’à tous les matins parce que je m’étais masturbé la veille a été une façon de me déculpabiliser,  car je pouvais ainsi continuer de communier et de vouloir devenir un petit saint, objectif de tout bon chrétien poursuit malgré ses faiblesses. .

Ce qui était intéressant dans la religion catholique, c’est que la confession était devenue avec le temps un moyen de te déculpabiliser. Va, mais ne pêche plus.  Tu pouvais pécher, mais avec l’absolution, tu redevenais blanc comme neige. 

C’est sans le vouloir ce qui à mon avis confère au christianisme sa supériorité sur les religions plus scrupuleuses et par conséquent moins humaines. Il laisse une place à l’erreur. Personne n’est parfait et ce n’est pas une raison pour s’haïr… On ne peut aimer les autres si on ne s’aime pas soi-même.  C’est la suite normale du « Connais-toi toi-même », de Socrate.

La majorité des Québécois ne savent pas que la Grèce antique, le pilier de notre civilisation, a déjà existé et favorisé l’amour pédéraste. 

La pédérastie était même une fierté. Cette ignorance du passé est normale puisqu’on en parlait un peu qu’à la fin de notre cours classique.  Avant, on avait pour références que les écrivains qui s’acharnaient contre l’homosexualité. Personne ne se levait pour combattre cette fausseté.  Qui veut passer pour un malade mental ?

En fait, je me rends compte que la peur idiote de la sexualité transmise par les féminounes actuelles est la même que celle de la religion quand j’étais petit

Un sourire d’enfer 72

avril 23, 2023

Un sourire d’enfer  72

(L’affaire Radio Centreville. Je m’excuse pour la longueur, mais je voulais la raconter dans un seul billet)

À Radio-Centreville, j’avais fait part à notre responsable de mon projet de mettre sur pied une série d’émissions qui porteraient sur l’homosexualité. 

Je ne faisais pas encore de nuance entre la pédérastie et être gai, mais je sentais qu’il y en avait une.  Le fossé s’est agrandi quand les féministes réactionnaires inventèrent le terme pédophile. C’était un moyen féminin pour écraser sa progéniture et propager la peur des femmes qui n’acceptent pas la sexualité parce qu’elles ont peur. Aussi, confondent-elles être «cruisées» et être violées. 

Les termes de relation intergénérationnelle n’étaient pas encore inventés.  On invente des termes pour définir des situations, ainsi, on doit en inventer d’autres au moindre changement.  Les mots servent à définir l’orientation morale.  

En principe, le projet fut vite retenu.  J’ai même commencé à organiser mes entrevues.  Ce projet était d’autant plus important que de nombreux gais vivaient dans le quartier.

Ayant longtemps travaillé dans ce milieu en écrivant des articles, il me semblait possible de facilement relever ce défi.  Je voulais dans ces émissions faire connaître toutes les versions du problème et particulièrement celles de ceux qui les vivent.    


C’était encore tout un problème de vivre gai. À part Montréal, la police avait souvent un comportement véritablement malade face aux gais, ces anormaux.

Un autre de mes projets étaient d’organiser le plus d’entrevues possibles avec les mouvements du quartier, suivre leur évolution à la semaine ou du moins au mois et fournir des blocs d’information aux émissions animées par les permanents.  Les médias sont pratiquement les seuls à permettre une évolution de la pensée. Un petit travers que j’ai gardé comme journaliste : la recherche de la Vérité.

Même si j’étais assisté social, j’avais un bagage de sept ans de journalisme. J’étais fou de pouvoir retourner dans le monde de l’information.  J’aurais travaillé gratuitement toute ma vie dans l’information tant je trouvais ça intéressant et important. C’est le métier le plus important, après l’éducation, pour aider une société à évoluer.  Ce métier permet à lui seul de pouvoir implanter une vraie démocratie. 

À mon avis, un bon journaliste se doit à la population qu’il dessert.  Aussi, il ne peut pas être un simple transmetteur d’informations, il doit s’assurer que ces informations sont pertinentes et surtout vraies.   Comment un journaliste consciencieux peut-il transmettre des informations biaisées pour un pouvoir quelconque ?  La vérité est le fondement absolu de l’information.  Puis, l’analyse devient tout aussi importante pour comprendre.

À mon avis, tout le monde devrait avoir le droit absolu de parole, tant que l’on ne prône pas la violence.  C’est un droit qui devrait même exister dans toutes les religions, chez les communistes, les capitalistes, les syndicats et les minoritaires.  Les gens décideront ensuite ce qu’ils veulent retenir.  La censure est le mépris de l’intelligence.

Ma lutte pour la liberté absolue de la presse est aussi vieille que mon expérience du journalisme.  Elle ne souffre aucun compromis.

Un dimanche, j’ai rencontré Gilles Laflamme, un animateur bénévole qui organisait quelques émissions chaque semaine. Gilles accepta mon invitation à venir prendre une tisane à la maison.  Nous avons discuté de la possibilité que je participe à ses émissions de poésie.  Gilles était un bonhomme intrigant et fort cultivé.  Un gars très agréable dans une discussion. 

Il fut convenu que celui-ci se servirait de certains de mes travaux pour alimenter ses émissions.  J’étais bien content.  Puisque Gilles semblait un gars ouvert, j’étais persuadé que ce serait très facile de travailler avec lui.

Octobre 1976.  Un vrai miracle. Bourassa a enfin déclenché des élections.  Je suis décidé plus que jamais à faire tout ce qu’il est en mon pouvoir pour le faire battre.

Certains étudiants en radio décident de s’informer à savoir ce que la station fera à l’occasion de cette campagne électorale.   La direction demeure silencieuse. J’écris une lettre, après avoir tenu une réunion à ce sujet, mettant la direction en demeure de nous recevoir et de s’expliquer. 

Durant ce temps, un étudiant s’informe auprès du Conseil de la Radio et de la Télédiffusion (CRTC) de nos droits.   Comme étudiant, nous proposons de faire un travail semblable à celui réalisé à l’occasion de la grève des hôpitaux et des transports publics.  Nous voulions réaliser des entrevues avec le public et rencontrer les candidats des comtés desservis par Radio-Centreville ou Cinq-FM.

Nous étions persuadés que la direction réagissait ainsi, en se servant de ses avocats, pour camoufler le désir d’autocensurer l’information, en réponse à un chantage appréhendé d’Ottawa.  La station n’avait pas encore reçu les subventions promises et devait se présenter bientôt devant le CRTC.  Nous n’avions pas l’intention d’accepter un tel bâillon d’Ottawa.

Nous avons obtenu une rencontre avec les dirigeants où nous avons fait prévaloir la pertinence de nos suggestions puisqu’aucune grande station de radio ne fait connaître les candidats locaux.  Il est important de savoir ce que ceux-ci nous réservent à l’échelle du comté.  Ces politiques influenceront directement la vie de quartier et une radio communautaire doit suppléer à ce manque d’information. 

Pour nous, tous les partis, même le Parti des travailleurs devaient avoir le même temps d’antenne.  Tout le monde devait répondre à nos questions. 

La direction de Cinq–FM prétendait que le CRTC obligeait les stations à consacrer un temps égal à chaque parti politique ; mais que ce travail devait être fait par les permanents seulement.

Les discussions en dehors des réunions faisaient mieux ressortir la vérité.

Cette attitude anti-démocratique visait un autre but politique qui servait les libéraux à maints égards.  Les permanents clamaient à toutes les cinq minutes qu’il n’était pas question d’accorder ne serait-ce que cinq minutes à Claude Charron, dont le comté faisait pourtant partie intégrante du territoire de Cinq-FM.  Les responsables nous interdisaient même de nommer les candidats péquistes de nos comtés. 

Pour toute information, le public avait droit à la lecture des articles du Devoir et du commentaire des permanents francophones qui appuyaient de plus en plus ouvertement le Parti des Travailleurs du Québec.  De toute évidence, les responsables de la station étaient anti-péquistes.

Je ne cherchais pas un affrontement avec les annonceurs.  Comme eux, je trouvais souvent le Parti québécois trop à droite.  Aux élections, j’optais pour un regroupement derrière le Parti québécois puisqu.il était le seul à pouvoir réaliser l’indépendance du Québec.

Il était évident qu’en élisant un gouvernement marxiste, jamais les Etats-Unis n’accepteraient une telle situation.  Je ne voulais pas du Chili à Pinochet au Québec.  La CIA est le pire ennemi de la démocratie.  On devrait parfois se demander le rôle que la CIA a joué dans les événements d’Octobre.

Pour éliminer les tensions et quand même aider la population du quartier, j’ai réalisé, lors d’une convention péquiste, un sondage à savoir quel était le problème le plus crucial du secteur.  Je rejetais, par autocensure, toutes les solutions se basant uniquement sur le besoin de changer de gouvernement.  Je voulais des solutions concrètes, à des problèmes concrets, pas du pelletage de broue.  Ainsi, hors de toute partisannerie, il était possible de faire ressortir les besoins de la population et leur faire émettre leurs opinions quant à la solution.


Il fut établi hors de tout doute qu’au Centreville de Montréal, le problème numéro un était le logement.

J’ai voulu organiser des entrevues sur ce problème.  Le responsable de l’organisme, Sauvons Montréal, Michael Fish, a accepté mon invitation. 

Dans une longue entrevue, il résumait la situation et prenait position contre le socialisme.  Même si à mon avis, il se trompait, l’impartialité demandait que son opinion soit entendue.  J’ai élaboré le montage de deux entrevues à être diffusées séparément.

Entre temps, j’avais commencé à travailler pour Lyne Bourgeois, candidate péquiste dans St-Louis.  Ma participation fut à peu près nulle. J’étais quasi ignoré.  Devant cette inutilité, j’ai offert mes services dans le comté de Mercier où j’ai été accepté comme représentant de Gérald Godin, un poète et dirigeant à Québec-Presse. On se connaissait déjà.  J’étais encore plus ravi de lui donner un coup de pouce.

J’étais bien fier de faire du porte-à-porte. J’apprenais ainsi à mieux connaître les objections de la population à la souveraineté-association.  Dans Mercier, une forte partie de la population est âgée.  Les libéraux leur faisaient croire toutes les peurs possibles et impossibles.  La plus caractéristique était de prétendre que les personnes âgées perdraient leur pension de vieillesse avec l’avènement du Parti québécois.  Le PQ est au pouvoir depuis deux ans et rien de cela n’est encore arrivé.

Je prenais ce travail bien au sérieux.  Je me suis même rendu à une joute de hockey pour réaliser la véracité des dires d’un électeur qui faisait ressortir le besoin de construire un nouvel aréna pour répondre aux besoins de la population du centre de Mercier.

L’atmosphère dans le clan Godin était nettement meilleure.  La méfiance n’existait pas comme dans St-Louis où plusieurs cherchaient des postes plutôt que de remporter l’élection.

Apprenant que Lyne Bourgeois et Harry Blank devaient se rencontrer à la réunion de Sauvons Montréal, j’ai obtenu la permission de Cinq-FM de couvrir l’événement pour la radio.

Le lendemain, lors de l’entrevue en direct, j’en ai profité pour contrevenir à l’ordre absurde de ne pas nommer la candidate du comté.  J’ai rappelé que Lyne Bourgeois a sommé le député libéral sortant de se présenter dans un débat public.  Quand je parlais de la candidate péquiste, je l’appelais Lyne Bourgeois quand je parlais d’Harry Blank, je le nommais  » le candidat libéral sortant ».  Une guerre de bébé finalement. Faire le contraire des ordres parce que je les trouvais antidémocratiques alors que je ne faisais pas mieux.

Ce fut le scandale.  Les discussions ont repris à plus vive allure.

 — Le Parti québécois est un parti de bourgeois.

— Même s’il est souvent à droite, il est le seul à pouvoir réaliser pacifiquement l’indépendance.

— En appuyant un parti de gauche forcément minoritaire, c’est faire le jeu des libéraux.

Petit à petit, j’ai pris conscience que sur certains points secondaires, j’étais éloigné du Parti québécois ; mais je l’étais encore plus sur l’essentiel de la pensée de ces nouveaux curés du marxisme.

Je commençais à saisir les nuances entre la gauche et la go-gauche.  Cette dernière est fanatique et anti-démocratique, tout le contraire de la vraie gauche.  Elle vise qu’à renverser le capitalisme et elle se fiche bien de la population en autant que sa pensée pénètre, que le message passe.  Elle caricature tellement la gauche qu’elle entraîne un appui au statut quo.

Pour les adeptes de la go-gauche, rien n’existe après Marx.  Aussi, comme Marx, ils rejettent tout nationalisme.  Selon eux, le nationalisme, c’est un nouveau péché.

Pour la go-gauche, très souvent infiltrée par la GRC, le Parti québécois est un ennemi terrible.  Tout en étant de centre-gauche, le PQ laisse entrevoir la possibilité d’une société nouvelle qui ne rejette pas carrément intégralement le capitalisme, mais essaie plutôt de le civiliser, tout en intégrant pas complètement le marxisme.  C’est le rejet du Chili de Pinochet et de la Russie, ce nouveau pays dominé par le capitalisme d’état.
 
Il a fallu peu de temps pour que je sois identifié comme petit bourgeois.  Je comprenais de moins en moins : comment puis-je être un petit bourgeois tout en étant sur le bien-être social.

Ma participation à Radio Centreville devenait de plus en plus une guerre ouverte.    


J’ai à nouveau rencontré Gilles Laflamme et nous nous sommes entendus à l’effet que je participerais en direct à son émission.  Nous avons établi une feuille de route qui comprenait une entrevue avec le président de Sauvons Montréal, Michael Fish, sur le problème du logement ; quelques farces sur les pannes d’électricité appréhendées ; l’annonce d’une série d’émissions sur l’homosexualité. 

Être gai ne concernait en rien Gilles puisque ce n’était pas son orientation sexuelle.

Dans une seconde partie, je ferais part de mes expériences à la Tribune et de mes voyages dans l’Ouest.  Le tout devait aussi présenter une lecture de « Speak White« , de Michèle Lalonde.

Je voulais y mettre le paquet, tout en respectant les ordres de la direction.  J’étais encore très loin de considérer l’équipe comme des ennemis.  J’espérais qu’elle se rallierait à mon point de vue : il faut profiter des élections pour décrocher des solutions aux problèmes des gens que l’on dessert.

Je rêvais en couleurs.  Pour les permanents, j’étais la pourriture introduite dans un panier de bonnes poires.

À mon arrivée à la station, avant d’entrer en ondes avec Gilles, j’en ai profité pour travailler à d’autres montages.  Je m’attendais à de vives protestations de la direction, si le contenu de l’émission leur était connu avant.  Si mes craintes étaient justifiées, tout ce qui pourrait aider directement ou indirectement le PQ serait interdit.  La liberté d’expression était encore une fois menacée… Je m’en faisais encore une fois le défenseur, même si parfois je n’utilisais pas les bonnes armes.

Pour moi, la situation était devenue plus claire : la station était de toute évidence au service indirect des libéraux, l’objectif étant de diviser les votes nationalistes entre les gens de la droite et de la gauche. 

Parfois plus paranoïaque, je pensais que la station était entre les mains des Américains, car le principal responsable était un Américain.   Donner le droit d’opérer une station libre permet de bien savoir ce qui se passe aussi dans l’opposition.   De toute évidence, elle était l’instrument de la gauche anglophone, juive et grecque, donc, carrément opposée à la libération nationale.

La transmission, pour les immigrants, d’émissions traitant des révolutions un peu partout autour du monde n’a rien de rassurant.  La plupart, venant de pays qui viennent de connaître une révolution, craignent d’être repris dans un autre piège.  Comment les rassurer ?  Certainement pas en essayant de créer dans leur esprit un parallèle entre le Québec et les pays où la révolution a tout saccagé.

Certains craignaient que je parle sur les ondes de ma campagne-devinette sur Bourassa.

— Avec Simoneau, on peut s’attendre à tout. C’est un maudit voyou. 

Je travaillais docilement, étonné du grand nombre de permanents en studio.  Un premier coup de téléphone retentit et selon les expressions, il était évident que l’on parlait de moi.

— Y parait que tu dois passer à l’émission de Gilles ?

— Oui, Il en est responsable et il m’invite.

— Mais, il n’a pas le droit de faire des entrevues.  Il a été entendu à son arrivée qu’il présentera seulement de la musique.

Le coup de téléphone visait à avertir les dirigeants de ma participation et probablement de mon intention de ne pas vouloir y mettre la pédale douce.  L’atmosphère était déjà très tendue.

Qui avait appelé pour me dénoncer ?  Qu’avait-on pu leur faire croire pour qu’ils craignent mon intervention à ce point ?  Avais-je encore un ami qui servait de « stool » au système ?

Quelques secondes plus tard, Gilles laissait traîner la feuille de route comme s’il avait voulu que les responsables prennent connaissance du contenu de l’émission.  Évidemment, elle fut miraculeusement trouvée par un des permanents.

Je lui ai fait remettre à Gilles.  Nerveux, celui-ci la laissa à nouveau traîner avant d’être ramassée par un autre responsable.  Le fouillis général commença. Tous les moyens devaient être pris pour m’empêcher d’entrer en ondes. 

À leur avis, il s’agissait d’une émission trop pro-péquiste.  Pourtant, en aucun endroit le Parti québécois n’était nommé.  Est-ce que j’avais simplement à raconter ma vie pour que ce soit une claque aux libéraux ?


Les Anglophones de Cinq-FM ont décidé de faire intervenir la responsable de l’équipe francophone, sous prétexte qu’elle avait plus de facilité à discuter avec moi.  Dans de telles circonstances, je deviens très peu coopérant, manifestement sarcastique, polisson, pour ne pas dire carrément baveux.

J’ai accepté après, une courte discussion, de prouver ma bonne volonté en enregistrant l’émission avec Gilles pour la faire approuver après coup par l’équipe francophone avant de la diffuser.

L’argument de la responsable était valable.   » Comment pouvait-elle me faire confiance après le coup de Lyne Bourgeois, ayant déjoué les prévisions et refusé d’obtempérer aux règles de la radio communautaire ? « 

J’étais prêt à quitter le studio quand Gilles m’a invité à participé quand même à son émission.  Je ne pouvais pas refuser.


 « Dès que j’aurai fait l’émission, je serai accusé d’avoir occupé illégalement les ondes d’une station de radio », me dis-je.  

Au micro, tandis que des responsables s’installaient de chaque côté de nous pour nous épeurer, je dénonce la censure de cette émission.  J’annonce, après avoir raconté ce dont j’aurais normalement dû parler que mon cas sera réglé le lendemain.  Je quitte la station le poing en l’air. Un signe révolutionnaire.
 
Même dans cette dénonciation de la censure, je me suis conformé aux règles établies.  En acceptant d’enregistrer l’émission, je prouvais que notre émission ne serait ni partisane, ni de la propagande péquiste.

Ce travail complété, nous avons été reçus par l’équipe francophone.  Elle refusa, cette fois l’émission en camouflant les vrais raisons qui étaient, elles, strictement politiques.

La direction refusait l’entrevue avec Michael Fish, prétendant que la station ne travaille pas avec Sauvons Montréal, un organisme dont on ne connaissait pas les vraies attaches. La réalité était plutôt que la direction soupçonnait Michael Fish d’être péquiste, car celui-ci travaillait avec le Parti Québécois de Saint-Louis dans deux dossiers : le mont Saint-Louis et l’institut des sourds-muets, je crois.

Quant à la série d’émission sur l’homosexualité, annoncée pour bientôt, la direction prétendit n’en avoir jamais entendu parler.  Elle affirmait préférer travailler avec le CHAR, groupe qui venait d’être dissous.  Puisque je connaissais très bien le fondateur-responsable, j’en savais quelque chose.

Quant au moment où je racontais comment et pourquoi j’avais dû quitter La Tribune, cela était évidemment indirectement politique, car, quatre ans après, Bourassa se trouvait confronter aux mêmes accusations qui m’avaient valu d’être chassé des Vauxcouleurs en 1972.  Les responsables me disaient qu’ils étaient contre, car selon la politique de la station, il .était interdit  de diffuser des entrevues avec des individus, on préférait celles faites avec des groupes.

Ainsi, je venais de me faire avoir encore une fois.  Il est impossible d’être honnête au Québec sans se faire rouler.  L’émission ne serait jamais diffusée.

De toutes les raisons invoquées, une seule chose transparaissait : L’émission ne faisait pas l’affaire des libéraux.

De tous les reproches, je n’étais d’accord qu’avec un : c’est probablement vrai que je me prends pour un autre.  Je me croyais un révolutionnaire et j’étais prêt à mourir pour changer le monde.

Notre travail en vue d’obtenir des entrevues avec les candidats avaient aussi porté fruit.

Une table ronde devait être organisée pour répondre aux normes du CRTC. Or, la station a fait parvenir une seule invitation à la candidate péquiste de St-Louis, Lyne Bourgeois.  Elle était invitée à participer à une table ronde avec les représentants de tous les partis en lice, mais en anglais seulement. C’était l’insulter.

Cette cerise sur le gâteau a fait déborder le vase.  Même si l’on m’avait dit que jamais je ne remettrais les pieds à la station, si je portais plainte contre Radio Centreville, j’ai commencé à préparer la dénonciation de cette censure au Conseil de Presse et au CRTC.

Je venais de trouver une nouvelle raison d’être contre la go-gauche : elle ne respectait absolument pas la liberté d’expression, le droit de parole à ceux qui ne partagent pas son point de vue. Elle refusait la liberté d’opinion.

Je n’en n’avais pas contre le fait que les responsables de la station favorisent le Parti des travailleurs du Québec, c’est leur droit.  Cependant, je ne pouvais pas admettre qu’on ne fournisse pas à tous les clans politiques le droit de s’exprimer et encore moins qu’on insulte la candidate péquiste du comté de St-Louis.

Cette aventure me mettait dans une drôle de position : j’ai toujours été, jusqu’à un certain point, plus ou moins ouvertement, rejeté par le Parti Québécois, sous prétexte que je suis trop radical, trop à gauche ou pire pédéraste. 

Or, pour faire nouveau, voilà que j’étais rejeté par la go-gauche parce que je suis trop bourgeois, trop à droite. J’étais un fanatique quand je me battais pour une cause.  Je n’ai jamais pu accepter la censure. La censure était et reste pour moi une offense à l’intelligence humaine.

Je ne comprenais plus rien.  Se pouvait-il que les mouvements de contestation que j’admirais soient sous la gouverne de la gauche anglophone ?  Faudrait-il comprendre que non seulement les francophones du Québec sont dominés par les « Big boss », mais aussi par l’establishment des mouvements de contestation?  La go-gauche n’est-elle pas caricaturale dans sa dénonciation sociale dans l’espoir d’effrayer les gens et les pousser à se sécuriser en réélisant les libéraux ?

La situation la plus payante est quand un système contrôle les deux extrêmes et les font agir selon ses caprices.  Est-ce moi qui étais totalement dépassé ?

Chose certaine, les mouvements de go-gauche étaient bien implantés dans les secteurs hospitaliers, les CLSC, le logement, le bien-être social, au Centre de référence des femmes et certains autres mouvements féministes radicaux.  Pouvaient-ils tous servir contre la population pour avantager une idéologie ?  Si tel est le cas, la révolution culturelle au Québec, n’est pas pour demain.  Où finit la gauche à laquelle je m’identifie politiquement et commence la go-gauche ?  Je crois dans un mouvement politique qui recherche le bien du peuple et non son propre bien en priorité.


J’étais intérieurement très divisé entre le nationalisme et mon penchant naturel à considérer l’analyse marxiste comme une des meilleures.

C’était peut-être là, la différence, l’analyse marxiste donne une bonne idée de la situation, mais quand il s’agit de proposer des solutions, elle est souvent complètement dans la merde.

À la maison, Ted devenait de plus en plus écrasant.  Il voulait savoir comment se présentait les élections.

Je ne lui faisais pas complètement confiance à cause de la violence de son discours et surtout parce qu’il était issu des Jeunes Canadiens, un mouvement que les journaux ont décrié comme étant complètement infiltré par la GRC.

Devant mon peu d’intérêt à tout lui raconter, Ted décida d’employer les grands moyens.  Sa violence verbale, loin de me faire ouvrir la trappe, me portait à être encore plus méfiant. Cette situation rendait les élections encore plus électrisantes.

Le jour du scrutin, alors que je travaillais pour Gérald Godin, Robert Bourassa fit son entrée.  Il donnait la main à tous ceux qui y travaillaient.

Quand il s’est présenté à moi, j’ai refusé de lui serrer la main.  Bourassa est devenu un peu plus rouge et son entourage sembla tout à fait décontenancé.  Bourassa fit quelques pas, puis, se retourna vers moi et dit :

— T’as bien la face du parti que tu représentes.

— Laisse faire mon Bourassa, tu as assez écrasé les gens de l’Estrie, des Vauxcouleurs, que jamais on ne t’oubliera.

La représentante libérale qui trouvait que mon geste n’était pas très poli se dit  étonnée de l’attitude de Bourassa.

— Ce n’est pas la première fois que des gens refusent de lui serrer la main aux élections, mais jamais je ne l’ai vu réagir aussi violemment.  Habituellement, il leur passe la main dans les cheveux en leur disant que le «péquisme» leur passera.
    
Je lui ai expliqué que Bourassa et Jean Marchand étaient, selon ce qu’on m’avait raconté, les responsables de mon renvoi à La Tribune de Sherbrooke.

 » Ils ont fait pression pour me faire perdre mon emploi, mon assurance-chômage et mon bien-être social.  C’est à mon tour d’essayer de lui faire perdre sa job. »

La dame dit comprendre ma réaction et m’avoua que ses enfants étaient tous membres du Parti Québécois.

À la fin de la journée quand Bourassa réapparaissait dans le décor, il se tenait à l’autre bout de la salle.

Le soir, je n’étais pas encore sorti que les résultats étaient déjà connus.  J’avais peur que les libéraux volent les boîtes de scrutin et qu’ils en changent le contenu.  Cela c’était déjà vu.  C’est toute la confiance que j’ai dans l’honnêteté des libéraux.

À mon arrivée au rassemblement des supporteurs de Gérald Godin, j’ai été accueilli par la grande nouvelle.  Je n’osais pas le croire :

      » Godin élu, le Parti Québécois majoritaire. »

J’aurais pleuré de joie, mais la surprise était trop grande pour y croire, même si depuis une semaine, j’étais convaincu que le Parti Québécois serait élu, à moins que les libéraux réussissent à voler les élections ou fassent un coup de cochon sans précédent. Ça semblait tenir du rêve.

J’ai été dénoncé au Conseil de presse pour avoir occupé illégalement une station de radio puisque j’avais participé à l’émission de Gilles Laflamme sans l’approbation des dirigeants de la station.  Mais que pouvais-je faire autrement, si je voulais que la vérité soit connue ?

Un sourire d’enfer 71

avril 22, 2023

Un sourire d’enfer  71

Personnellement, bébé, j’avais l’art, m’a-t-on raconté, de placer des couteaux, fourchettes dans les prises électriques pour savoir ce que ça faisait.  Je n’en ai pas le moindre souvenir, sauf qu’aujourd’hui, j’ai peur de l’électricité. Alors pourquoi si une aventure sexuelle, ce qui n’est pas désagréable en soit, me pourchasserait-elle toute ma vie ?

Plus j’y pensais, plus je trouvais cela stupide.  Pourquoi mentons-nous toujours sur tout ce qui touche la sexualité ? Combien de gens vivent parfaitement équilibrés et ont déjà connu des jeux sexuels dans leur enfance ? Qui ne s’est pas déjà masturbé ?  Il n’y a pas qu’une façon de découvrir le plaisir.


Par contre, combien ont été traumatisés parce qu’on leur a fait peur quand ils ont été pris sur le fait ?  Combien de jeunes se sont suicidés parce qu’ils ne se croyaient pas aimés par leurs parents ?  On risque d’être beaucoup plus traumatisé par un manque d’affection dans notre enfance que par des caresses. 

Quand on est jeune, la sexualité ça ne veut absolument rien dire, sauf l’affection, se sentir désiré, aimé.  Par contre, en voyant les adultes devenir fous dès qu’on parle de sexe ou quelque chose qui s’y rapproche, on s’imagine que c’est aussi pire que l’apparition du diable.

Si on n’attache pas une importance outre mesure à la sexualité, pour les enfants, la vie sexuelle est pratiquement presque toujours inexistante avant 10 ans. 

C’est d’ailleurs pourquoi je suis contre l’enseignement de la sexualité pour tout le monde à l’école, avant la fin du primaire.  Pourquoi parler d’un sujet qui n’intéresse pas un jeune, qui n’en a pas besoin, sinon pour lui laver le cerveau et lui transmettre ses bibittes.  Je suis contre les lavages de cerveaux religieux et moralisateurs. S’en prendre à la sexualité pour un rien, c’est une connerie propre aux religions.

Par contre, l’école doit pouvoir répondre aux cas particuliers, à ceux qui veulent savoir, soit en ayant des spécialistes dans cet enseignement ou des moyens (livres, films) qui permettent de répondre aux questions des plus précoces.

Si j’aimais la visite des enfants, même s’ils faisaient beaucoup de désordre, mon colocataire, Ted ne goûtait plus au plaisir de les voir venir s’amuser chez nous.  À son avis, l’école libre exigeait trop d’énergies pour pouvoir encore supporter des enfants à la maison. 

Je voyais dans cette décision, une tactique pour m’empêcher de rencontrer les gars, décision assez surprenant de sa part, car, il croyait comme moi que la vie serait plus heureuse pour les jeunes si on éliminait l’interdit sexuel et le bourrage de crâne qui l’entoure. 

Jusque-là, il n’avait jamais démontré de réserve quant à ma pédérastie.  Au contraire, il m’avait lui-même présenté des gars, dont Steve n’était pas le moindre.

Ted n’avait plus le courage d’entendre crier les enfants, surtout avant 11 heures du matin.

Je le trouvais bien paresseux.  Je ne me gênais pas pour lui dire.  Pire, je n’acceptais pas sa foi religieuse.  Elle me faisait peur.  Ted prétendait toujours que l’avènement de Dieu était pour bientôt et que ce serait un arabe.  Il me prédisait la chute prochaine du Chah d’Iran, le début de la guerre au Moyen-Orient par la France, l’indépendance du Québec, pendant cette guerre, et finalement, l’assassinat du pape au Québec. Tant de violence me faisait peur.  Aussi, je ridiculisais toutes ses vues macabres. Plus il me parlait de religion pour me convertir, plus il m’en éloignait.

Un autre problème, Ted se comportait avec moi comme si j’étais son épouse.  Je devais lui obéir, me soumettre comme toute bonne femme au foyer. Ce n’était pas tout à fait mon genre et contrairement aux femmes, ces scènes de violence ne me faisaient pas peur.  Le mâle dominateur, violent, est une notion que je déteste autant que les féminounes enragées ou les gais qui se prenaient pour une femme. 

La féminité n’est pas que dans l’allure extérieure. Je n’avais pas encore très évolué quant aux travestis.  J’étais comme tous les autres qui les jugent sans même savoir pourquoi, mais parce que notre éducation nous a mis dans la tête que ce sont des gens malades.

Les crises de Ted se faisaient de plus en plus violentes et de plus en plus fréquentes. 

Ted a dû apprendre assez vite que pour moi la libération de la femme, ce n’est pas qu’un appui intellectuel.  J’ai horreur qu’un humain essaie de dominer un autre humain. J’ai horreur de cette race de mâles hétéros.  J’ai horreur de cette race de mâles qui ne peuvent pas se passer d’une femme dans leur lit et qui les traitent comme de vulgaires servantes.  J’en ai autant horreur que d’entendre certaines féministes brailler sur leur exploitation, sans chercher à en secouer le joug. On est exploité quand on veut l’être.


J’ai toujours admiré les féministes qui se tiennent debout et qui ne sont pas toujours à nous casser les oreilles avec leur manie de mettre tous les hommes dans le même panier et ne pas réaliser qu’elles sont aussi une partie du problème si elles ne prennent pas leur place dans la société.  Je suis pour l’égalité absolue des êtres humains quelle que soit la race, la couleur, le sexe, l’âge.  Un être humain, c’est un être humain. Il n’y en a pas de meilleurs ou de pires.

La situation se corsa encore plus entre moi et Ted, mon colocataire.

Les enfants en jouant ont brisé une vitre dans la porte de la chambre de bain.  Ted y vit un moyen que j’aurais inventé pour espionner les jeunes dans la toilette. Quand tu es scrupuleux, tu as tellement l’esprit croche que tu imputes toutes sortes d’intention aux autres pour transgresser tes scrupules.  Je n’étais pas là quand les jeunes ont brisé la vitre. J’étais frustré d’être ainsi accusé.

Pour corriger cette situation, Ted plaça un tableau, une grosse croix pour remplacer la vitre cassée. Quand j’ai aperçu ça, je me suis rappelé tous les péchés qu’on m’avait mis sur la conscience quand je me masturbais.

La guerre a pris.  J’aurais probablement rien dit s’il s’était contenté de boucher le trou ; mais autant de symboles religieux avaient de quoi me faire perdre le goût de rire.

On m’a toujours dit que j’étais demeuré un enfant, d’où cette possibilité de vivre en toute égalité avec les jeunes, sans chercher à profiter du fait que je suis un adulte.  Peut-être est-ce parce que j’étais trop naïf ou que dans ma tête, l’égalité humaine ne repose pas sur le sexe, la couleur ou l’âge ?   L’égalité est inscrite dans le fait même d’être humain et ça se résume à la phrase évangélique de ne pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’il nous soit fait.

J’ai vécu ma sexualité comme l’explique Freud.  J’étais très curieux, un adepte des comparaisons ; mais je ne comprenais pas pourquoi les adultes viraient fous dès qu’il était question de sexe. Pourquoi tous les jeunes avec qui je partageais mes curiosités sexuelles étaient-il très heureux d’y avoir participé alors que l’on prétendait que ça les traumatisait ?  Je n’y voyais réellement rien de mal. Le mal existe-t-il que dans la tête des adultes ? 

Je ne comprenais pas l’obsession des adultes au point de manquer de mourir dès qu’on posait une question sur le sujet.  Probablement, que ce silence est le premier responsable du fait que la masturbation était devenue chez moi un élément important dans le développement de ma personnalité.  Par contre, ma relation avec les filles était pire puisqu’elle me conduisait à l’alcoolisme.

Qu’est-ce qu’il y a de mal dans le fait de tomber en amour avec un gars ?   Alors que l’Évangile prônait l’amour dans presqu’à chaque phrase, tomber en amour avec un gars et vouloir partager son intimité devenait un péché mortel.  Vas donc voir pourquoi ? Remarquez que même aujourd’hui je me pose encore la même question.  Plus je cherche, plus je découvre que notre haine du sexe est absolument débile.  Avec les expériences, j’ai compris qu’il faut avoir du plaisir en cachette et rien n’est mal si on ne se fait pas prendre.

L’étroitesse d’esprit est quasi planétaire quand il question de sexe, car nous nous avons tous fait laver la cervelle dès l’enfance par les religions.  On commence à condamner le sexe dès la petite enfance, en criant au meurtre dès qu’un jeune se promène nu.  Pas besoin de scènes interminables, les jeunes perçoivent mille fois mieux le langage non verbal que les adultes. Juste à voir et entendre les parents, ils savent, tout en ne comprenant pas, qu’ils font quelque chose de mal.

Puisque les prémisses des parents sont fondés sur l’ignorance de l’enfance et une imagination absolument sautée quant à ce qui est bien et mal, il est évident que la tradition n’a eu qu’à maintenir ses erreurs et en faire des dogmes pour que chaque individu soit à la merci des règles religieuses et entament la vie avec un vif sentiment de mésestime de soi. 

On savait qu’en interdisant les jeux sexuels, puisque tout le monde naît sexué, tout le monde se sentirait redevable à la religion de les sauver de l’enfer.  On ne pouvait pas prôner un châtiment sur terre (sauf pendant l’Inquisition) alors on inventa la vie après la mort, ce qui devenait la justification de tous les interdits et la naissance de toutes les peurs. 

Aujourd’hui, le système judiciaire a pris la place des religieux dans l’interdiction du plaisir charnel.

Avant douze ans, les expériences sexuelles, ça ne voulait rien dire, sinon des jeux comme les autres.  J’aurais été incapable de comprendre d’une manière ou d’une autre.

Ma peur de la sexualité est apparue quand on se mit à discuter des meurtres de petits gars, à voir la violence à la télévision et ne pas comprendre pourquoi les Indiens étaient vêtus dans les films alors qu’on apprenait que les missionnaires étaient rendus fous par la nudité des autochtones.  Pourquoi cet illogisme ?  Qu’est-ce qu’on nous cachait de si grave et important ?

Pour moi, voir le corps nu d’un petit compagnon c’était plutôt un objet d’adoration.  Je voulais voir, toucher quelqu’un que je trouvais beau. Pourquoi disait-on que c’est cochon ? Cela créait en moi une curiosité encore plus globale de l’autre.  Je voulais savoir si ces réactions concordaient avec son allure.  J’étais admiratif devant certains autres gars ou un vieillard.  Je voulais tout voir, tout sentir de lui parce que je sentais qu’il y a quelque chose qui m’échappait et que je voulais découvrir à tout prix.  Ça dépassait le corps, c’était comme le besoin d’intégrer l’autre pour mieux partager ses sentiments. 

C’était comme la vie, une beauté que tu ne peux vivre que si tu la possèdes de l’intérieur.  Est-ce que le linge constituait un empêchement de contempler la beauté dans son essence ?  Un mur qui t’empêche de tout partager de l’autre ? Jusqu’à un certain point, mais surtout du côté de la complicité. La complicité rapproche.

Devant un plus vieux, j’ai un peu le même sentiment qui est ordinairement plus asexué, plus intellectuel.  Est-ce ça l’amitié ? Je trouve certains vieux et vieilles d’une très grande beauté.  On dirait que ces personnes arrivent dans un regard, dans une larme, une moue à te faire sentir tout leur désespoir ou leur bonheur, toute leur fatigue, tout cet écrasement, cette impuissance et cette résignation d’être condamné à la solitude et une mort proche.

Dans les deux extrémités de la vie, on dirait que les choses essentielles de l’esprit sont plus faciles à percevoir.  Est-ce parce que le désir n’y est pas ou est-ce simplement parce que je suis plus sensible ?

Je percevais rien de mal dans mes obsessions,  car je ne faisais que tomber en amour avec la beauté des visages.  Quand le reste faisait surface, c’étaient des prières et des prières pour cesser d’avoir ces idées folles.  La morale religieuse rend fou.

Ma relation avec les jeunes élevés librement était la suite normale de ce que j’avais vécu plus jeune. 

Mon problème avec les filles s’était tout simplement résorbé avec leur absence dans ma vie.  Pas de femme, pas de problème.  Mais, il y a plus de femmes que d’hommes dans notre société.  Impossible de faire comme si elles n’existent pas.  D’autant plus, qu’elles dominent présentement tous les domaines reliés à l’art, l’écriture et l’enseignement.  Il faut agir comme elles le veulent,  sinon on est mis de côté.  C’est leur manière de se croire égale aux hommes. Les remplacer au pouvoir.

J’essayais de vivre sans elle et ainsi éviter les problèmes.  Les femmes sont trop compliquées. Elles ne comprennent rien aux hommes et voudraient que l’on pense exactement comme elles.  Elles nous repassent les sermons des curés contre la sexualité en pensant qu’elles sont ainsi progressistes.  Elles ne se rendent même pas compte qu’elles voudraient nous faire vivre ce que les vrais féministes progressistes ont combattu.  Je peux critiquer je suis un peu comme elles.

Un sourire d’enfer 70

avril 21, 2023

Un sourire d’enfer 70

Aimer, c’est d’être bien avec quelqu’un. (Gabriel Charpentier)

La capacité de communiquer entre les enfants et les parents de notre milieu garantissait que jamais un jeune ne serait assez honteux ou peureux pour ne pas pouvoir parler directement entre eux de notre relation. Le jeune ne se sentait pas juger ou étouffer parce qu’il m’aimait.    

Cette confiance devrait exister dans toutes les familles et tous jeunes devraient pouvoir parler sans peur, ni honte avec leurs parents d’un événement qui le blesse ou le trouble ou le rend heureux.

Si les parents sont inconfortables d’en parler, c’est qu’ils ont un sérieux problème.  Quoi de plus naturel que le sexe ?  Pourquoi la peur de la nudité rend tant de gens malades ?  Je suis persuadé que la manière répressive de vivre la sexualité chez les jeunes crée beaucoup plus de traumatismes que le fait de jouer à des jeux sexuels..

Après tout, si j’avais pu aller plusieurs jours en examen psychiatrique pour m’assurer que jamais je ne pourrai être un danger pour un garçon avec qui j’aurais une relation sexuelle, il est inutile de dire que j’étais très préoccupé par les effets de ma pédérastie sur les jeunes. 

Cependant, rien, moins que rien, dans ce que je voyais et ressentais me permettait de croire que mes relations pouvaient avoir le moindre effet négatif. Les arguments que l’on inventait pour interdire des rapports sexuels intergénérationnels s’avéraient totalement faux.

Il suffit que les jeunes se sentent vraiment libres et non écrasés par la morale pour que la sexualité devienne un sujet comme les autres. Pourquoi les autorités nous mentent-elles tout le temps quant à la sexualité ?

J’étais révolté quand j’ai appris que ce que n’est pas vrai que te masturber te donne des boutons, ce que les religieux et la médecine essayaient de nous faire croire. Comme il est faux que la masturbation entraîne l’éjaculation précoce.

Évidemment, ce n’étaient pas tous les parents qui comprenaient mon point de vue.  C’était même une très petite minorité qui connaissait assez leurs enfants pour leur laisser le droit de choisir eux-mêmes et n’intervenir que s’il sentait qu’il y avait quelque chose qui cloche. . Je dirais même que ce n’était possible que dans un cercle fermé.  Ceux qui cherchaient à comprendre la vraie vie.  Ceux qui voulaient vraiment le bonheur des autres et ne partaient pas en croyant avec le pré requis que le sexe est mal et honteux.

Un jeune élevé dans un milieu sexuel libéral ne peut pas être perturbé s’il rencontre quelqu’un qui vit ainsi ; mais s’il vient d’une famille scrupuleuse, si on apprend ce qui se passe, c’est l’enfer et le jeune peut être marqué pour le reste de sa vie. Le jeune a bien plus peur de la réaction des autres que de ce qui s’est passé.  C’est un plaisir de jouer aux fesses quoiqu’en disent les autorités.

Les gens ne semblent pas comprendre que tous les enfants apprennent non seulement à travers les paroles, mais qu’ils sont des lecteurs nés de tout le langage non-verbal.  La meilleure preuve est qu’ils apprennent à parler en nous regardant faire. 

La façon dont les parents réagissent face à la sexualité les marque à vie. C’est une empreinte qui nous marque avant même que l’on commence à comprendre qui on est.

Des tonnes d’affaires se déroulent durant notre enfance et dont on ne se rappelle pas. On apprend sans même s’en rendre compte.  C’est ce qui constitue notre inconscient.   

Personnellement, j’avais l’art, m’a-t-on raconté, de placer des couteaux, fourchettes dans les prises électriques.  Je n’en ai pas le moindre souvenir, sauf qu’aujourd’hui, j’ai peur de l’électricité. Alors pourquoi une aventure sexuelle, comme un toucher, survenait, ce qui n’est pas désagréable en soit, me pourchasserait toute ma vie ?

Plus j’y pensais, plus je trouvais cela stupide.  Pourquoi mentons-nous toujours sur tout ce qui touche à la sexualité ? Combien de gens vivent parfaitement équilibrés et ont déjà connu des jeux sexuels dans leur enfance ? Qui ne s’est pas déjà masturbé ?  Il n’y a pas qu’une façon de jouir.


Par contre, combien ont été traumatisés parce qu’on leur a fait peur quand ils ont été pris ?  Combien de jeunes se sont suicidés parce qu’ils ne se croyaient pas aimés par leurs parents ?  On risque d’être beaucoup plus traumatisé par un manque d’affection dans notre enfance que par des caresses. 

Quand on est jeune, la sexualité ça ne veut absolument rien dire, sauf l’affection, se sentir désiré, aimé.  Par contre, en voyant les adultes devenir fous dès qu’on parle de sexe ou quelque chose qui s’y rapproche, on s’imagine que c’est aussi pire que l’apparition du diable.

Si on n’attache pas une importance outre mesure à la sexualité, pour les enfants, la vie sexuelle est pratiquement presque toujours inexistante.  C’est d’ailleurs pourquoi je suis contre l’enseignement de la sexualité à l’école pour tout le monde avant la fin du primaire.  Pourquoi parler d’un sujet qui n’intéresse pas un jeune, qui n’en a pas besoin, sinon pour lui laver le cerveau et lui transmettre des bibittes.  Je suis contre les lavages de cerveaux religieux et moralisateurs. S’en prendre à la sexualité pour un rien, c’est une connerie propre aux religions.

Par contre, l’école doit pouvoir répondre aux cas particuliers, à ceux qui veulent savoir, soit en ayant des spécialistes de cet enseignement ou des moyens (livres, films) qui permettent de répondre aux questions des plus précoces.


25 avril.

avril 21, 2023

Je mets fin à ma carrière d’écrivain et d’éditeur, le 25 avril 2023.

Par la suite, je me contenterai d’écrire de temps en temps des lettres ouvertes pour les journaux ou des commentaires sur Facebook. 

D’une manière, mon expérience aura été celle d’une censure quasi absolue, grâce Québec, et d’une autre façon, une expérience de la liberté d’expression quasi totale, grâce à WordPress et Facebook. 

Une vie de contradictions claires et nettes.

Un sourire d’enfer 69

avril 20, 2023

Un sourire d’enfer  69

Le soir, dans le Vieux-Montréal, nous avons tenu une soirée de poésie.  J’y ai présenté qu’un seul texte qui, malgré son contenu, créa moins d’émoi que les poèmes du Baron Philippe qu’on a déjà malheureusement oublié.

Mon poème de l’Archange Foin-Foin se lisait ainsi :

Je suis l’archange-mère Foin-Foin
ici à titre personnel
pour imager un coin de ciel.

Échappé des hautes sphères
malgré vos « Empire building »
votre pollution senteur fond de pet
vos asphaltes assassins de sensations
je vous annonce : la fin des temps durs.

Bientôt, mes camarades piqueniqueront
dans des pétales de roses
au jardin botanique.

J’entends vos questions.

Combien de temps encore durera le règne des crapauds alourdis, des serpents à la langue fourchue, de la drapolice, de la boubouphalie et de la trudeaumanie ?

Quand ce cruel Boubou vendra-t-il l’autonomie culturelle du Québec in English ?

N’attendez pas les anges pour vous le dire
Ils font l’amour.  Ils font la foire.
Valser !  Valser ! Vaut mieux que se faire fourrer.

En novembre, il est maintenant certain qu’il y aura des élections.


Ce n’était pas de la prophétie, mais un sens de la prévision qui, parfois, me fait grandement peur.  On dirait que je sens les événements arrivés. Le grand Robert disait que je pourrais lire l’avenir si je le voulais. 

Une autre fois, j’avais écrit un texte pour une revue d’Amérique du Sud, à la demande de Gilbert Langevin, dans lequel en m’adressant à Nixon, après avoir crié ma solidarité pour les Noirs des Etats-Unis, je disais quelque chose comme : M. le Président, il est temps de vous tuer. Je ne voulais pas parler d’assassinat, mais je sentais qu’il serait renversé. 

Le texte a été refusé bien évidemment, mais peu de mois plus tard, Nixon abdiquait à cause du Watergate. Dans l’esprit de mon texte, il venait d’être tué. Il venait d’être expulsé de son travail. Ça m’a toujours fait peur de sentir de tels événements.  Ils ne sont pourtant que la logique appliquée.

J’ai parfois des intuitions qui me font peur.  Un soir, je me suis réveillé en sueurs. J’avais rêvé que Nixon voulait déclarer une guerre atomique. Quand je racontais ces choses tout le monde riait de moi.  T’apprends à la fermer.  Plus tard, il fut confirmé que Nixon a effectivement à cette époque voulu attaquer la Russie.  Comment expliquer ça ?  Je ne le sais pas.  Ça n’a pas grande importance. Ça n’arrive plus.  J’ai tué ces voix intérieures.

Selon ce que j’ai appris, un an après la chute de Bourassa, il semblerait que la décision de Ryan au Devoir d’appuyer le Parti québécois serait issue de sa peur des rumeurs quant aux goûts sexuels de Bourassa.  Est-ce vrai ? J’en doute, mais on ne sait jamais.

Je crois que la vie sexuelle de toute personne qu’elle soit en politique ou non ne regarde que les gens qui la vivent avec elle.  Rien n’est aussi privé que la vie sexuelle. 
 
C’est une des grandes et belles choses au Canada, les journalistes ne parlent jamais de la vie sexuelle de nos politiciens.  Avec Ryan et sa religion, tout est possible.  Et, si c’est vrai, ma pancarte ne fut peut-être pas aussi inutile dans le sens de la révolution. 

Je reconnais aujourd’hui, que c’était de la folie de ma part que d’introduire ainsi la politique dans la poésie. Aucun sujet ne doit échapper à la poésie, mais il y a une manière de rendre ce discours poétique et non vindicatif. En poésie, même la politique se doit de s’exprimer poétiquement. Elle fait connaître les sentiments vis-à-vis les choses et porte ainsi la politique à un niveau qui n’a plus la forme d’un discours.


Pour plusieurs, je n’écrivais plus de poésie.  D’une certaine façon, j’en convenais.  C’était plutôt un cri de névrose ou de révolte.

Évidemment, j’aurais pu en avoir honte ; mais la névrose n’est-elle pas une invention des psychologues pour justifier la répression sexuelle ? 

Pour rendre des souris névrosées, il suffit de produire des décharges électriques dans leur nourriture.  Elles deviennent folles ne sachant plus si elles doivent répondre à un besoin naturel impérieux ou subir le choc électrique. C’est exactement ce qui se passe avec la sexualité.

Moi, les gars sont ma nourriture spirituelle.  Le système a perverti la sexualité pour élaborer sa différenciation dans les classes sociales et entretenir des modes.  Le sexe est devenu une denrée économique.  Je ne suis pas électrocuté, mais je suis enfermé ou humilié par tout le monde qui me refuse ce droit à la VIE VRAIE, À L’AMOUR, À ÊTRE CE QUE JE SUIS VRAIMENT.

Je ne voulais pas abdiquer à ce besoin, car, j’étais persuadé que ma pédérastie, dans mon cas, de la manière que je la vis, est un moyen de sublimer l’Homme, de résister à la violence, de garder un peu le goût de vivre. 

De plus, j’ai la certitude de ne pas nuire à mes jeunes partenaires, au contraire, je leur apporte une part de mon bonheur. Un petit poème résume ce que je ressens :


Sur le cadavre

D’un soldat de quinze ans
Paul et Serge s’embrassent.

La ville autour d’eux
en nuages s’évapore
un encens de fumée
pour on ne sait quel dieu

Paul est capitaliste
Serge communiste
dans les bras l’un de l’autre
Paul et Serge sont des Hommes.

La jeunesse sacrifiée
à chaque éclat d’obus crie :
l’humanité est folle.

Quel est l’ombre qui nourrit
ce brasier d’ignorance ?
Qui arrache à la folie
ces deux soldats
enlacés dans le feu ?

L’Amour serait-elle l’épouse de Satan ?


Je pourrais résumer ma pensée politique d’alors par : 


NI LES ÉTATS-UNIS

NI LE CHILI
NI LA RUSSIE
VIVE LE QUÉBEC, TERRE HUMAINE !

                                                 23


Septembre 1976.  J’étais encore une fois assisté social.  Je demeurais chez Ted, un animateur à l’école libre.

Il ne m’aimait guère puisque privé de l’école libre, j’ai transposé l’expérience à la maison.  Ça le fatiguait, moi, ça me choquait de l’entendre chialer.  Presque toutes les fins de semaine, la maison était pleine à craquer.  J’avais laissé le hangar aux gars pour qu’il se fasse une cabane.  C’était la période expérimentale au cours de laquelle les jeunes font les 400 coups pour savoir s’ils sont vraiment libres.

À l’intérieur, ils dirigeaient mes travaux de peinturage. Tout le monde participait, avant de passer au hangar où avec l’aménagement de leur local, la cour était devenue un véritable dépotoir.

Parfois, Patrick et Yanie venaient faire leur tour.  Patrick était jaloux.  Si je m’étais pris pour le père, il s’était pris pour le fils ou du moins en revendiquait-il tous les privilèges. Même Yanie affirmait aux petites Haïtiennes à la maison quand elles ne voulaient pas l’écouter : « Je connais Jean depuis bien plus longtemps que vous.  Il a même resté chez nous.» Grand verdict irréfutable, signifiant qu’elle avait plus d’influence sur moi et que je lui appartenais plus qu’à elles. 

J’adorais recevoir les enfants desquels je pouvais difficilement me différencier. Quel pouvoir avais-je de plus ?  Je vivais parfaitement l’égalité entre tous les êtres telle qu’enseignée à l’école libre. Je n’avais plus qu’à apprendre, moi aussi, à dire oui ou non. Pour moi, le non a toujours été un grand problème. Pourquoi se priver de plaisir ?

La cuisine ou le salon devenait vite une salle de jeux.  Je les regardais faire ou je dessinais avec eux, tout dépendant combien j’étais occupé dans mes préoccupations d’adulte.  En dessin, j’étais toujours un peu mal à l’aise d’être beaucoup moins talentueux qu’eux.  Je n’ai jamais été capable de faire un dessin convenable quand j’étais au collège et je n’étais pas mieux en vieillissant.  Comme avec la musique, il suffisait que je chante pour que tout le monde autour perde la mélodie.  Une cruche parfaite.  En quoi suis-je bon ? devenait souvent la question de circonstance.  Une chose certaine je les aimais encore plus que je m’aimais moi-même. J’admirais leur talent. 

Les vacances avaient été extraordinaires. 


Sachant que tous les jours ne peuvent pas être une fête et vivre en compagnie de gars, je me suis développé une mémoire quasi-nucléaire tant visuelle que tactile de chacun d’eux.  Je peux ainsi, quoique je vive autre chose, me référer à eux pour reprendre le goût de vivre.

Malgré leurs visites sporadiques, septembre laissait de grands vides dans mon emploi du temps.  Aussi, je me suis enregistré à des cours fournis aux Ateliers populaires.

J’ai choisi le théâtre et la radio.  Le théâtre m’aiderait à rendre plus vivant mes poèmes quand j’aurai à réciter ; alors que la radio me permettrait de m’impliquer davantage dans la vie du quartier.  Je me sentirais ainsi un peu moins inutile.

Le cours de radio se poursuivait en collaboration avec Radio Centreville, une station communautaire, à Montréal. 

J’étais fier de collaborer à cette station de quartier, car, elle m’apparaissait la seule radio libre au Québec.  Le seul endroit où il était possible de critiquer le gouvernement ou de parler de sujets tabous. 

J’appréciais particulièrement la notion de quartier.  Pour moi, cette radio devait servir à faire connaître les services communautaires dont ils pouvaient bénéficier.  Un instrument efficace pour combattre la pauvreté et redonner espoir aux gens.  Un mécanisme pour trouver un consensus local, des solutions à nos problèmes. 

Une fois par semaine, nous nous rendions à la station apprendre à se servir de l’équipement et à monter des émissions.


Quant au théâtre, il reposait surtout sur la spontanéité et la création.  J’adorais ce passe-temps à cause de l’atmosphère d’amitié, de solidarité.  Notre professeur était excellent.  J’ai compris que si j’avais plus de mémoire, j’aurais pu devenir un bon acteur. 

Avec ma grand famille, j’ai tôt fait de suggérer une émission avec les enfants.  J’aurais aimé dans cet élan créer une série d’émissions qui auraient été faites strictement par les enfants.  Marco aurait pu facilement en être l’animateur.  L’idée fut tout de suite retenue.

À part de courir les cours d’écoles pour organiser des entrevues, j’ai dû passer de nombreuses heures à travailler au montage.  J’ai trouvé ça fascinant.

Je découvrais cette technique en même temps que l’auteur américain William Burroughs.  Je ne comprends pas pourquoi les critiques s’entendent pour affirmer le génie de cet écrivain à partir du Festin nu où il est question d’expériences de la CIA alors que La machine molle et Les garçons sauvages sont des ouvrages bien supérieurs.  Dans La machine molle, il nous fait pénétrer techniquement dans le continuum espace-temps par la descente spiralée à travers le trou du cul d’un petit gars pour aboutir dans la vision fantastique de l’espace-temps appliquée à la civilisation.  Ce qui est grandiose dans ce texte, tu en sors comme t’es entré par le cul du petit soldat, phénomène qui structure vraiment son roman sous forme de spirale.

Quant aux Garçons sauvages, il ne fait penser aux Gamins de Caracas, ces petits bouts d’hommes qui deviendront dans quelques années, le point central de tout Occidental.  Ce sera le prochain épisode de ma recherche, car au Québec, sauf dans les sermons, ce n’est pas pour demain que les parents accepteront le droit de l’enfant à sa sexualité, encore moins sur le choix de sa famille, de son école, de sa pensée. 

La civilisation occidentale est encore mille ans en arrière de ce règne d’espérance et la Russie quant à elle, l’est de dix mille ans. C’est encore rien à côté des Talibans qui sont restés coincés à l’époque du désert avec Mahomet. Pas surprenant que pour nous faire vivre d’une manière aussi arriérée, les Islamistes aient besoin de prendre les armes pour faire écouter leur message.

Aujourd’hui, les parents qui se prétendent les plus progressistes te diront fièrement que leur enfant c’est leur propriété. « C’est à moi, cet enfant.  Que je ne vois jamais un maudit salaud lui toucher.».  Et, ces enfants deviendront alcooliques ou drogués pour oublier qu’ils n’ont jamais connu la tendresse de leurs parents parce qu’on leur a appris que se caresser est un péché.  Heureusement, Freud était plus intelligent, il faisait une nuance entre la sexualité et la génitalité. 

La sexualité est tout ce qui touche à l’affection alors que la génitalité concerne les parties du corps qui servent à la reproduction ou à créer du plaisir. Les zones érotiques ont beaucoup changé depuis que l’on essaie de couvrir tout le corps, une manière de manifester sa honte d’être un être matériel.  Une bêtise consacrée comme étant normale et une vérité qui a franchi les siècles, grâce au mensonge et à la violence.  L’Inquisition en témoigne.

Je préférais pouvoir me présenter carrément comme pédéraste aux parents et amis, car ça garantissait que jamais je ne pourrais me servir de ma force pour obtenir une relation sexuelle avec un petit. J’avais bien trop peur de devenir un prédateur sexuel, ce qui impliquait la violence.  En étant aussi ouvert, si par hasard  un jeune se serait senti inconfortable dans notre relation, il n’aurait pas peur d’en parler à ses parents.  Peut-on devenir violent à force d’être frustré ?  C’est ce dont j’avais peur.

L’essentiel de la relation était que je sois amoureux et que mon partenaire le soit autant que moi.   Ce sont des choses qui se sentent. Comment l’amour pourrait-il nuire à quelqu’un ?  Je dirais que 98 pour cent d’une relation sexuelle est, à mon avis,  pure affection et tendresse. La complicité est aussi un des éléments essentiels.

Un sourire d’enfer 68

avril 19, 2023

Un sourire d’enfer  68

J’étais fier de cette découverte : une radio libre à Montréal.


J’ai immédiatement organisé une émission de poésie en collaboration avec Janou St-Denis. Ce fut un succès.

Le groupe de poètes invités s’est ensuite rendu au restaurant où il fut décidé de créer un mouvement littéraire pour aider Janou dans ses revendications à l’effet que les poètes aient un coin sur la montagne à l’occasion de la Saint-Jean. 

Ce groupe fut nommé le Comité d’action poétique.  Ce mouvement de jeunespoètes a été mis surpiedà la Place aux poètes, animée toutes les semaines par Janou St-Denis.

Nous avons décidé de tenir une manifestation contre la Société Saint-Jean-Baptiste qui décidait qui participait aux fêtes de la Saint-Jean.  De plus, Jean-Marc Castilloux avait déniché un permis de la police.  Le CAP était un regroupement bizarre.  Il comprenait des membres de l’Atelier des Idées nouvelles, le baron Philippe, toujours habillé en femme et se battant pour les féministes, et bien d’autres.

Cet événement fut spectaculaire non par le nombre de participants, mais parce que pour la première fois à ma connaissance, des poètes prenaient la rue pour protester.

La poésie perdait son caractère pédant.  Nous distribuions des poèmes à tout le monde, même aux flics qui en lisaient probablement pour la première fois dans leur vie.  Les poètes ont dû même pousser la moto d’un flic tombée en panne.

La poésie prenait droit de cité. Elle vivait enfin.  Plusieurs personnes étaient ravies d’une telle initiative. «Gauvreau ne se taira plus, les poètes non plus.», disait-on avec foi.

La victoire symbolique de la parole nous entraîna par hasard dans une nouvelle aventure.

Adrien Vilandré, un ami de Québec, nous demanda de participer à une soirée de poésie, cédulée comme par hasard, le soir même de l’arrivée de la reine Élizabeth, à Montréal.

Le récital a été organisé, malgré les protestations de la police.  Elle ne pouvait rien faire contre nous, car tout se déroulait sur un terrain privé, soit au séminaire de Montréal, dans l’ouest, sous le signe de l’orignac épormydable, de Gauvreau. Il s’agissait d’une soirée de la jeune poésie et une fête populaire de la chanson amérindienne.  Chanter les Indiens, avant des poèmes sur les signes avant-coureurs de l’indépendance, en souvenir autant de Gauvreau que de Louis Riel, le soir de l’arrivée de la reine ne troubla personne.

Ce fut une très belle soirée. Récital à l’extérieur.  Tout était survolté.  Avant le récital la police nous avait nargués, empruntant un chemin près de notre scène pour aller se stationner en haut de la butte qui nous servait de remontoir pour réciter nos textes devant la foule à nos pieds.  Nous étions examinés comme si nous avions été de vulgaires bandits.

Par contre, pour couronner notre entreprise poétique, nous avions la visite du Consul américain ainsi que du chef de l’Opposition, M. Jacques-Yvan Morin.  J’étais fier d’y réciter un seul poème, mais très provocateur, une espèce de slam avant le temps.

Je n’aurais jamais cru qu’un jour un de mes textes fassent un tel tabac. Ce n’est pas qu’on le trouvait baveux, mais plutôt drôle. On ne voyait pas encore dans la poésie une tournure d’esprit qui se permet de rire des événements.

Je m’appelle Élisabeth
I am the queen du mois de juillet
j’ai été choisi pour mes deux fleurs
deux gerbes de poil près du pénis.

J’aime autant que Philippe
les belles fesses rondes de nos athlètes
et quoiqu’en dise le maire Drapeau
le stade ne vaudra jamais
la beauté de nos olympistes.

Vive le Québec !
Au moins icitte
on tripe en Christ…

Laissez laissez venir
à moi les petits gars
laissez
je m’en occuperai
de mille et une façons
qu’ils aimeront.

Bourassa
j’ai le cul plus vierge
que tes promesses
La vie aussi poignée
que tes lois
je ne veux rien
sinon ma dignité
ma liberté.

Vasez, vasez
vos gens durant ce temps
jasent jasent
et paient leurs taxes.
    
 Je me promenais depuis la première manifestation avec une pancarte sur laquelle était écrit : Qu’osse ça veut dire : Le PD à Bourassa, l.d ! 

Je promettais de révéler bientôt le sens de ces lettres et j’invitais Bourassa à tenir des élections. C’était aussi le fruit d’une gageure avec un ami.  Une vengeance de la prison.

En fait, le PD à Bourassa : l.d. : voulait simplement dire : Qu’osse ça veut dire : LE PEUPLE DEMANDE à Bourassa, Lève-toi debout. Je m’en étais aussi servi dans une manifestation que l’on avait tenue sur la rue Saint-Denis où j’avais d’ailleurs récité un texte intitulé : L’archange Foin, Foin. 


Un texte dans lequel je prétendais annoncer la fin prochaine de tout ce qui était libéral tant au Québec qu’au fédéral. 

Je me promenais alors avec de grandes ailes pour faire un peu plus archange. Une parade plus qu’une manifestation.

Le Cap voulait réunir tous les arts dans le même panier.  Avec la poésie, on peut faire des tableaux et des pancartes, on peut accompagner le tout de musique. Être un artiste, c’est aussi être un poète. Le rire fait aussi partie de la beauté et des bonnes choses de la vie.

Ce soir-là, les poètes étaient en révolte et exigeaient la défaite prochaine du gouvernement Bourassa.

Si Janou refusait toute ingérence de la politique dans la poésie ; moi, avec ma pancarte, je revivais le parti Rhinocéros en poèmes. 

Manifester était devenu une grande fête intérieure.

Je me suis présentéau Solstice de la poésie, à l’occasion des Jeux Olympiques, à Montréal, avec ma pancarte. Je savais que les organisateurs y tournaient une vidéo qui devait être distribué un peu partout, surtout dans les écoles afin de faire connaître la poésie à la jeunesse.

Avec ma pancarte, je savais très bien que ce n’était pas tout le monde qui y voyait le sens que je lui prêtais.  Je voulais créer une pression de plus sur Bourassa et le forcer à démissionner. Je n’avais rien à perdre : ou je me faisais descendre pour avoir eu cette audace ou je risquais de passer le reste de ma vie en prison.  Je me défendais avec ce qui me semblait lui faire le plus peur.

J’ai profité de ma présentation pour donner un véritable réquisitoire en faveur des prisonniers politiques à la suite de la lecture d’un dossier que j’avais préparé sur le sujet.  Malheureusement, presque toute ma participation à la vidéo a été ratée. Le message n’a pas débordé le cap d’un tout petit auditoire d’une centaine de personnes.

À la suite de cette soirée, j’étais fier de moi.  Janou St- Denis me dit que de tous les révolutionnaires qui avait paradé sur le théâtre, j’étais le seul qu’elle aurait vu aux barricades. J’étais authentique à en être un peu fou.

Par contre, j’étais triste de la façon que Paul Chamberland m’avait perçu : « t’avais l’air d’un vrai bum », me dit-il. C’était une claque, car j’adorais Chamberland. Je ne voulais pas être un bum, mais un vrai révolutionnaire.

J’ai été consolé plus tard quand Francoeur a sorti sa chanson  » Beau bummage ».

La poésie, c’est une espèce de drogue effervescente.  Une rivière intérieure de grand printemps. La Chaudière en pleine débâcle. Aucun barrage ou dynamitage ne peut en venir à bout.

L’Atelier des idées nouvelles qui venaient d’ouvrir ses portes dans le quartier chinois de Montréal décida d’organise avec le Comité d’Action poétique une manifestation poétique.

Le Comité d’action poétique a été élargi à tous les artistes en vue d’un regroupement général. Le nouveau nom fut le « Mouvement d’Action Poétique, le MAP.

La prochaine manifestation devait s’appeler : « D’l’aut’bord du.chassis ». Ce titre un peu trop joual a créé quelques dissensions mineures. Pour organiser cet événement, nous avons tenu une conférence de presse.  Tous les journaux importants sont venus, tous y déléguèrent un photographe, sauf Le Devoir, qui obtint les détails par téléphone.

Aucun des journaux ne publia les résultats de cette conférence de presse, car à chaque fois que je me présentais avec ma pancarte Le P.D. à Bourassa l.d. tout le monde paniquait.  On trouvait que j’aillais trop loin.  Aujourd’hui, je dirais qu’on avait raison. Exaltation d’avoir été en-dedans ne justifiait pas ma manière de contester. Je n’avais pas à m’en prendre à Bourassa, mais plutôt au système judiciaire qui exagère le mal des relations sexuelles entre adultes et jeunes au point de ressembler à l’Inquisition. Mais, la rage était là, bien humaine.

Radio-Canada n’en parlait pas, nous y avons tenu une manifestation, devant les studios lors de l’émission « Ce soir ».


Je n’ai pas eu besoin de me faire reprocher de ne pas avoir caché ma pancarte de malheur, trop politique pour être poétique. J’ai plongé seul dans les remords de conscience.  Pourquoi ne pas avoir eu l’intelligence d’oublier ma lutte personnelle pour le bien de toute la communauté artistique ?  Publicisé ou pas, la parade fut tout un succès.  Même Armand Vaillancourt, le sculpteur, y présenta une œuvre originale.

Je me promenais déguisé en archange, enceinte d’une bonne nouvelle.  Deux pénis siégeaient sur mes ailes larges de deux pieds, chaque côté de moi.

Je n’étais pas tellement reconnaissable.  J’étais bien heureux de défiler quand j’ai passé devant les deux flics qui m’avaient arrêté dans le métro. Cependant, n’ayant ni fait les trois jours de prison ou payé l’amende dans les délais pour crier ma non-culpabilité, j’étais en quelque sorte apte à être arrêté n’importe quand.  J’avais la chienne.

C’était un spectacle nouveau à Montréal.

Un camion, muni d’un haut-parleur, ouvrait la parade en scandant : 

« Le temps de se taire, de se faire fermer la gueule est révolu.  Face à la répression culturelle qui sévit au Québec avec CORRIDART, les poètes sur la montagne, les Gens de l’air et le Jour (les libéraux refusaient d’y annoncer, consacrant la faillite du journal) ne peut y avoir qu’une réplique.  Nous, artistes de toutes les disciplines et de partout, nous nous élevons dans une lutte à mort pour la libération de toutes formes d’expression.  Nous sortons du châssis, écrasant toute frontière, toute classe sociale, tout vedettariat, toute limite morale, sociale, formelle qui nous étreint.  Nous prenons la rue.  Nous la fêtons.  Nous la gardons.»

Un sourire d’enfer 67

avril 18, 2023

Un sourire d’enfer 67

À Montréal, on fermait les yeux sur le fait que des gais étaient tués ou blessés dans les parcs. La police était aveugle quand il s’agissait d’un cas impliquant un homosexuel battu.

Il suffisait aussi qu’un jeune prétende que sa victime avait été tuée parce qu’elle lui avait fait des avances sexuelles non seulement pour faire pardonner son meurtre, mais convertir son geste dégueulasse en bravoure et convertir le meurtrier en héros. 

Après des siècles de lavage de cerveau, c’est impossible de contrer le discours de l’autorité, même s’il est basé sur des mensonges et des interprétations farfelues de la vie. 

Notre très sainte nation a besoin qu’on la purifie de ses membres trop libertins.  On peut tuer, blesser, c’est moins pire qu’un attouchement sexuel. 

Je me rappelle pourtant que dans mon enfance, quand les autres me touchaient, je ne me mettais pas à brailler. J’aimais ça.

Deux gais sont des adultes et leur fornication ne changera pas grand-chose dans les statistiques des naissances. S’ils prennent leur condom, il en sera de même du côté de la santé.

D’ailleurs, quand on s’est aperçu que la vie de gais permettait à plusieurs d’être plus riches et de dépenser plus, on modifia les règles pour obéir aux besoins économiques.  On créa le Village, à Montréal.  Un ghetto pour gais. Et, on reconnut le droit aux femmes de faire carrière plutôt que d’être mère.  Un droit tout à fait légitime, mais les salaires inférieurs justifiaient cette nouvelle reconnaissance.

Quand on se rendra compte que la pédérastie peut-être un facteur positif pour devenir un bon prof, on commencera à comprendre que tuer la tendresse pour obéir à une paranoïa nationale est le meilleur moyen d’augmenter le décrochage chez les gars et un manque de professeurs mâles.  Notre système d’éducation, notre culture sont de plus en plus une exclusivité féminine.

Cet incident ne m’a pas arrêté de travailler à la SAQ.  J’ai dit à mes confrères que j’avais mis les doigts à la mauvaise place. L’incident fut clos.  J’avais ce que je méritais, selon eux, et j’avais couru après, selon moi.

J’aimais mon travail et tout le monde s’accordait bien avec moi.  J’étais d’ailleurs le seul à pouvoir dire tout ce que je pensais au gérant sans qu’il s’emporte, car je m’amusais à imiter Trudeau quand je parlais. J’étais une espèce de clown, bien travaillant.

J’ai toujours aimé travailler, même si je suis bon en rien.  J’étais parfois un peu chialeur sur les bords. On ne peut pas être parfait.

Un matin, sans avertissement, j’ai reçu l’ordre de changer de magasin.  C’était le transfert ou la porte.

Je me suis rendu aux désirs des patrons la première journée ; mais j’ai laissé l’emploi quand on a voulu m’envoyer travailler dans un magasin de la SAQ dans Verdun.  J’habitais complètement dans l’est de Montréal, avec Roland, mon frère aîné.  Accepté ce transfert signifiait que j’aurais dorénavant à payer davantage pour me loger. 

Arrangé ainsi, avec les nouvelles dépenses, ça me donnait absolument rien de travailler.  Je devais me lever à des heures de fou pour me rendre à ce nouveau boulot. Je devais passer presqu’autant de temps dans le métro et en autobus qu’à l’ouvrage.  Les autorités de la SAQ ne voulaient rien savoir. C’était ça ou rien.

J’ai porté plainte au Ministère du Travail qui, après enquête, me donna raison.

La grève était éminente.  J’ai retardé à poser à nouveau ma candidature pour un autre poste afin de ne pas passer pour un «briseur de grève». Quand j’ai voulu faire appliquer le verdict du Ministère du Travail, la direction de la SAQ m’a envoyé promener.  Selon eux, j’avais trop attendu.

Cette fois, je n’y voyais pas de raison politique, même si ce transfert coïncida au fait que je recommençais à discuter politique avec les autres employés.

C’était moins évident qu’au moment où j’avais, à Sherbrooke, été viré d’un cours de cuisine,  car je manifestais trop de plaisir à remettre sur le nez des libéraux qui m’enseignaient,  la série d’articles de Pierre Vallières sur la mort de Pierre Laporte. Laporte a été une victime du système qui l’a sacrifié à l’unité nationale canadienne puisqu’on en a fait un instrument pour combattre le Parti Québécois.


Est-il vrai que Pierre Laporte a été tué quand un sergent, pris de panique à l’idée que l’auto des felquistes puisse être piégée, a tiré dans la serrure, atteignant un Pierre Laporte moribond à l’intérieur du coffre de la voiture ? La rumeur alors lancé par les médias électroniques à l’effet que Laporte aurait été attaqué par des maniaques sexuels viendrait de la blessure de cette décharge de fusil. Ce point a été vite démenti à la radio, mais il a quand même existé dans les informations pour démolir la réputation du FLQ.

Le gouvernement de Robert Bourassa a-t-il versé la somme de un million de dollars demandée par la pègre pour retrouver Laporte ?

Est-il vrai que le FLQ était tellement bien infiltré qu’à chaque minute le gouvernement fédéral était informé de la santé des deux kidnappés (Cross-Laporte) ?

Pourquoi Paul Rose a-t-il été reconnu coupable du meurtre de Pierre Laporte alors qu’il n’était même pas présent sur la rue Armstrong quand Pierre Laporte aurait été tué ?  Pourquoi n’a-t-on pas tenu un nouveau procès quand on apprit ce fait essentiel?  La Justice en temps de crise cesse-t-elle d’exister ? Je n’y connais rien, mais je crois que ce sont des questions très pertinentes pour comprendre ce qui s’est vraiment passé.

À Sherbrooke, j’avais remis le cas de mon renvoi entre les mains d’un avocat de l’aide juridique.  Le moins que l’on puisse dire, ce ne sont pas des avocats qui battent leurs œufs longtemps et fermement.

De plus, j’ai été assez naïf pour croire un conseil des responsables des cours de cuisine, pris pour me trouver un métier me permettant de ne pas vivre au crochet de la société.  Selon eux, si j’en faisais la demande, je serais admis à l’école de Montréal.  Je me suis fait avoir encore une fois.  Suis-je fou pour être aussi naïf.

J’ai recommencé à boire.  J’enfilais la bière et le vin à une allure vertigineuse.

Saoul, je me suis ramassé, sans que j’en aie conscience,  dans un voyage, chez des gens de Montréal, identifiés à la direction de la grosse pègre.  Ils voulaient que je collabore avec eux.  Ils me feraient entrer comme journaliste au Journal de Montréal et je n’aurais que de temps en temps à avoir à passer de petits messages pour ceux qui sont en prison. C’était normal si on m’avait remarqué en prison, sauf que les personnages étaient les dirigeants de la pègre. Je ne me rappelle presque rien de cet entretien.  J’ai décliné cette invitation, car je ne suis pas collaborateur de police ou de la pègre.  Je suis un homme libre.  Je leur fis valoir que je ne pouvais pas leur être utile puisque j’étais un journaliste en chômage et pour longtemps, car personne ne voudra de moi. Je suis retourné chez moi comme j’étais venu, sans même me rappeler si j’étais en auto ou en avion.  J’ai pensé avoir été drogué.

Si je gueulais contre la visite de la reine quand j’étais saoul, sur le plan politique, je ne faisais plus rien.  Je ne croyais plus.  J’avais perdu mes illusions.  Non seulement Bourassa se vantait, m’avait-on dit, que j’étais son pire ennemi, les péquistes me boudaient.  Par contre, je faisais des critiques de livres parus dans le quotidien Le Jour.

Encore chômeur, j’ai douté de ma compétence au point d’essayer d’être accepté dans un cours de communication à l’UQAM ; mais on me refusa pour «expérience pertinente». Je n’ai jamais su ce qu’ils voulaient dire dans ce verdict.

À force de réfléchir à la question, j’ai convenu qu’il soit possible que je sois complètement incompétent, trop paranoïaque et trop radical, pour pouvoir faire une bon journaliste. 


Encore une fois, je ne savais pas quoi faire de ma vie. J’apprenais à m’en ficher royalement.  Tout ce qui comptait, c’était le moment présent, pas une seconde de plus.  Survivre, c’était mon défi quotidien.

Quelques semaines avant les Olympiques, j’ai voulu me rendre chez Suzanne.  J’avais une bonne heure à attendre.  Le métro était rempli à craquer.  J’ai décidé de m’y promener et y chercher une âme sœur.

Ma recherche n’a pas été vaine, j’en ai trouvé deux qui m’ont conduit au bureau de la police du métro.  Ces policiers en civil m’avaient souvent vu passer à Berri.  Ils avaient trouvé mon comportement suspect, après tout, la reine était pour bientôt être là.  Et je suis classé parmi les dangereux de ce monde dans les fiches fédérastes.  Évidemment, les policiers n’ont pas pu me retenir, car rien interdit de perdre son temps en se promenant dans le métro. Par contre, ils m’ont flanqué une charge de flânage avant de me laisser partir. Je leur avais dit que je suis journaliste, ce qui m’a probablement valu d’être emmerdé moins longtemps. Même si je n’avais pas été longtemps au bureau de la police, j’avais eu le temps d’apprendre que la police de Vancouver, une bande de royalistes, ne m’avait pas oublié.

— T’es mieux de ne pas remettre les pieds à Vancouver.  On t’y attend depuis longtemps.

Un autre point : la police était surprise du nombre de livres que j’amenais avec moi, comme elle se disait agacée par la longueur de mes cheveux et mon allure de «petit voyou».

Effectivement, grâce à Gaétan Dostie, je faisais des critiques payées pour le journal indépendantiste le JOUR. C’est peut-être niaiseux, mais cela me revalorisait énormément, car j’avais un pied dans le journalisme.  Il y avait au moins une personne sur terre, Gaétan Dostie, qui croyait que je pouvais faire quelque chose de bien dans la vie. Comme le dit si bien Félix Leclerc :  » Si vous voulez tuer quelqu’un, empêchez-le de travailler. »  Sans Gaétan Dostie, c’est probablement ce qui serait arrivé, car je me sentais de plus en plus un idiot.  Je me demandais si je n’étais pas fou puisque personne ne voulait me prendre au sérieux.

J’avais payé mon billet pour me promener dans le métro.  Cette expérience m’a pourtant bien servi pour réaliser la critique d’un livre sur le caractère cumulatif de la violence psychologique des gens dans la foule qui attendent les services communautaires.  Finalement, j’ai été condamné à l’amende ou trois jours de prison, malgré mes explications.

J’ai interprété cette arrestation comme une tactique préventive pour me coffrer illico si jamais il arrivait quelque chose à Sa Majesté durant les Olympiques. 

Trois jours, c’était juste le temps nécessaire pour me garder à l’ombre, grâce à nos taxes, et permettre à Trudeau de mépriser les Québécois encore une fois, un peu plus.  J’ai de par cette injustice, été réveillé de ma longue léthargie post-prison.  J’étais encore une fois en guerre avec la police des libéraux.

Je ne savais pas comment répliquer à ces méthodes anti-démocratiques préventives.  L’occasion s’est présentée avec la littérature.

Gaétan Dostie organisaitdes soirées de poésie à l’occasion des Olympiques.  J’ai été inscrit comme poète dans la soirée des « intervenants », en pleine go-gauche, avec les marxistes-léninistes et les féministes.  Puisque je me croyais un très mauvais poète, cela me suffisait amplement.  J’étais dorénavant à l’abri des arrestations arbitraires. 

Je ne me tairais plus. J’étais d’autant plus révolté que le fédéral s’apprêtait à déposer une loi contre les armes, visant particulièrement le Québec. Avec le temps, je suis devenu un partisan de l’enregistrement des armes à feu, car je pense qu’au Québec, rien ne justifie le moindrement la possession d’une arme à feu.

Il y avait aussi une autre loi permettant d’emprisonner à deux ans indéfinis tout délinquant sexuel récidiviste.  Cela veut dire que pour un petit attouchement, une petite masturbation ou fellation, tu peux passer le reste de ta vie en prison parce que cela s’est produit avec un mineur qui a probablement adoré l’expérience jusqu’à ce qu’il se fasse prendre.  C’est pire que la prison à perpétuité, car alors tu es à la merci de tes juges et des entreprises de recherche comme du temps de la Gestapo pour le reste de ta vie.  Ta vie devient un réservoir sans fond d’incertitude.

Pour moi, puisqu’on se servait de mes goûts sexuels pour m’écraser politiquement, cela signifiait être assuré très bientôt de finir mes jours en prison.  Je n’avais plus rien à perdre.  Je crèverais en prison, si je me faisais reprendre.  Notre seul droit était de croire ce que le système veut que l’on croit, rien d’autre. 

La liberté sexuelle existe seulement pour ceux et celles qui n’en ont pas besoin, car ils vivent comme le système veut qu’ils vivent.  C’était payé cher de petites masturbations en couple ou des 34 et demi, car souvent les jeunes aiment seulement être sucés.  La réciproque ne les intéresse pas

En participant aux activités du COJO, il devenait impossible que je sois arrêté, séquestré arbitrairement, sans que l’alarme ne soit donnée. En fait, j’ai passé ma vie à me battre pour la liberté sexuelle alors que le fait de combattre pour cet idéal me condamnait à ne pas pouvoir vivre cette même liberté pour laquelle je combats. Je pouvais à nouveau agir librement.

J’ai d’abord écrit un texte ridiculisant la bagarre qui devrait exister sur la valeur inestimable des crottes de la reine, jetée dans le Saint-Laurent, lors du passage de son bateau.  Je disais qu’il faudrait les récupérer et les exposer en permanence au stade olympique, comme on le fait pour le cœur du frère André, à l’Oratoire Saint-Joseph. J’y préconisais aussi un plan de location de maisons de loyalistes le long du fleuve.  Je terminais en me moquant de la venue des cadets de l’armée en disant que je ne m’y opposerais pas, bien au contraire, je serais le premier à les faire «venir».

Ce texte jugé scandaleux fut refusé dans tous les journaux, même dans Hobo-Québec.  Peut-être n’aimait-on pas le passage où je disais en riant que le prince Philippe serait le juge de nos athlètes, faisant ainsi allusion à sa présumée homosexualité ?

Je me suis présenté à La Place aux poètes organisée par Janou Saint-Denis.  Ce retour à la poésie m’entraîna à Radio Centreville, une radio communautaire FM, diffusant au centre de Montréal. 

J’étais fier de cette découverte : une radio libre à Montréal.

Un sourire d’enfer 66

avril 17, 2023

Un sourire d’enfer  66

Le trafic d’armes, la violence, c’est ce qu’il y a de plus payant pour la mafia internationale qui se prétend aussi légale que la pègre.

La mafia est savamment aidée dans ses exploits de profits par un deuxième pouvoir : la religion.  Elle cherche à rendre les gens dociles.  Elle culpabilise pour mieux dominer chaque individu. La religion est la glaise, le ciment qui maintient l’édifice debout.

Sans foi aveugle, l’homme ne rêve plus de vie dans l’au-delà.  Sans foi, l’homme risque d’exiger d’être heureux durant son passage sur terre. Sans foi aveugle, l’homme risque de se rebeller. La seule question : comment expliquer la douleur, la souffrance, la maladie si la vie n’est qu’une expérience à vivre ?

Le troisième pouvoir est celui des communications.  Après avoir été élevés dans la culture de leurs parents depuis leur enfance, les hommes réagiront selon leurs connaissances.  C’est pourquoi il est important pour le système de manier et manipuler l’information.  Le quatrième pouvoir est le savoir.  Devenir professionnel te permet d’échapper à des salaires de misère.

La société est ainsi prise dans des modes d’intégration qui font que tu dois toujours te mouler à ce que l’on attend de toi avant de pouvoir franchir le cap du succès.  Il faut assez t’emprisonner pour que tu ne puisses pas tout fracasser.  Parmi les grands moules : le mariage, le couple, la morale sexuelle. 

Tout le monde est ainsi divisé et doit ainsi tendre vers la société pour échapper au cauchemar de la solitude.  Il faut appartenir à un groupe pour maintenant sa confiance en soi.  Cela permet une meilleure classification : hétéro, gai, féministe, féminoune, bi, etc.

Depuis 1971, je suis convaincu que la plus grande révolution qui puisse exister sur terre, c’est de cesser de faire le jeu.  Cesser toute violence.  Forcer les riches à nous respecter, en cessant toute forme de surconsommation. Créer des réseaux de survivance qui garantissent à tous un minimum vital. 


Infailliblement, tout va s’écraser. La grande révolution, ce sera quand tous les hommes dans un geste de lucidité s’assoiront et refuseront de se battre. La vraie révolution, c’est la paix. 

Alors, le vrai système celui qui manipule autant le christianisme que le communisme, écrasera.  Les multinationales seront remplacées par des institutions nationales.


La vraie révolution, c’est une assistance sociale mondiale qui garantit la survivance individuelle partout dans le monde.  Un minimum vital qui permet de vivre décemment. Un salaire minimum mondial.

Il n’y a aucune solution sans solidarité internationale dans un respect intégral partout des droits de la personne. 

Je ne crois pas dans les mouvements marxistes-léninistes ou autres, car très vite, ce n’est plus le bien de l’individu, de l’homme qui est visé, ce n’est plus la libération de l’homme qui est récoltée, mais l’esclavage à une autre idéologie, une autre forme de religion.

L’important ce n’est pas le système, ni la nationalité, c’est chaque être humain, la solidarité de la race humaine, si c’est possible grâce à l’égalité absolue.  Il faut voir à ce que les vrais droits de l’homme soient respectés par tout le monde, partout. 

Je crois dans la révolution de la PAROLE.


Il faut lire Les vrais propriétaires de Montréal, de Benoît Aubin.  Cela nous permet de comprendre l’étendue de l’exploitation des Québécois par la mafia internationale.


J’aimais bien mon travail à la SAQ.

J’avais perdu l’habitude de la politique, car, ma paternité artificielle avait permis un miracle : durant une année, à cause des enfants, parce que j’avais peur d’influencer le verdict du procès de Suzanne, je me suis abstenu de presque toutes interventions politiques. 

Les libéraux n’étaient jamais parvenus à me fermer la gueule aussi longtemps.  Ils n’avaient pas pu m’acheter, ils n’avaient pas pu me faire assez peur pour me faire abdiquer au combat. Il ne leur restait plus qu’à pousser mes antagonismes. La pédérastie et la politique ne vont pas ensemble. 

La pédérastie est une reconnaissance de la liberté et du plaisir beaucoup trop grande pour qu’un jour la pédérastie soit honorée comme dans la Grèce antique. C’est ce qui fait qu’on me classe anarchiste. Si je n’étais pas pédéraste, je serais certainement en politique sans aucune restriction.  C’est tellement vrai que plus vieux, je serai gai, mais je ferai de la politique. 

Pour une première fois, j’avais été confronté à quelque chose de plus important que la politique : mon amour des enfants.  Les enfants avec qui je vivais. Ils étaient encore plus importants que toutes mes fibres révolutionnaires.

Je me suis assis et j’ai compris quela vie n’est pas la même quand tu as des enfants.
 
La grève commençait à faire des siennes à la SAQ.  J’étais solidaire aux permanents, mais je ne pouvais pas dire un mot, car j’étais seulement un employé en période de probation.

Après avoir travaillé durant les fêtes dans un magasin du centre-ville, j’ai été transféré dans un magasin dans l’Est de Montréal, car, les patrons étaient très satisfaits de mon travail.

La situation syndicale m’a entraîné à nouveau à la vie politique. 

J’ai appris d’un Italien fort sympathique que la communauté italienne ne partageait pas souvent les prises de position de ses leaders et de ses journaux. Émilio m’a raconté comment, au cours d’assemblées de sa communauté, souvent l’idée de Cotroni de mettre sur pied une espèce de Klux Klux Klan contre les francophones a été écartée de justesse,

Ma vie affective était en plein déclin.  J’en étais rendu à percevoir l’amour comme les Américains : une source intarissable de souffrances.

J’étais la souris dont la nourriture céleste était électrisée.  Je doutais de mes conceptions sexuelles, de leurs effets sur les jeunes.  Pourquoi, contrairement à mes habitudes, avais-je développé mon côté autoritaire avec Patrick ?  Pourquoi faut-il qu’un rôle social modifie les croyances profondes en la liberté absolue ?  Pourquoi se pose-t-on autant de nouvelles questions quand on a des enfants ?  Je me sentais coupable d’user d’autorité avec Patrick et Yanie, mais je ne pouvais pas accepter l’idée de les laisser tout faire sans intervenir. La liberté absolue, sans limite, me paraissait contre-nature.
 
J’aurais voulu qu’au contraire mon côté pédéraste prenne le dessus.  Je constatais que la grande différence entre la pédérastie et la paternité : c’est que le père à moins de tolérance, qu’il est plus écrasant parce qu’il se sent responsable. Il dirige plus sévèrement la vie d’un autre que la sienne.  Il connaît sa force et n’a pas confiance dans son enfant. Il a peur pour lui.   Quand on se prend pour un père, on s’imagine qu’il faut donner l’exemple, sévir.  J’étais grugé par ce que disaient les autres.  La vie était devenue quasi impossible.  Je travaillais et je buvais.  Je ne vivais plus avec eux.

Ma vie amoureuse a pris toute une fouille quand je me suis rendu à une fête du journal le Jour, à Vaudreuil.

J’ai d’abord bu comme un cochon.  Les participants étaient si nombreux qu’on y était serrés comme des sardines.  Tassé, écrasé, j’ai été envahi par la beauté d’un gars qui se trouvait près de moi.  J’ai décidé de le cruiser comme dans les clubs gais que je fréquentais parfois.  On passe hypocritement la main là où l’intérêt nous guide. Si tu n’aimes pas, tu te tasses, un signal facile à comprendre.

Mes doigts se sont promenés là où ils n’avaient pas d’affaire.  Mes caresses ont vite créé une belle petite pyramide sur le pantalon de mon nouveau dieu.  Il s’est écarté, mais j’ai insisté, j’ai recommencé.  Quand tu fais des efforts et qu’on t’écrase, tu as comme réflexes de te dire que ça ne sert à rien de vouloir bien faire. J’aurais dû m’apercevoir qu’il ne partageait pas mes goûts, évaluation que j’arrivais habituellement faite très facilement, l’espace de quelques regards. La boisson aidant, j’ai mal évalué ses réactions.  J’ai mis fin à mes grandes aspirations à un défoulement digital et il s’est perdu dans la foule. 

Plusieurs minutes plus tard, trois solides adolescents m’ont saisi par le collet.

— Viens, icitte !  Je vais t’apprendre qu’on ne touche pas à mon chum.

J’étais assez saoul que je ne me rappelais même pas de qui il parlait.  J’ai pu faire le lien avec le jeune quand il est venu vérifier sur place la tendresse de ses copains. 

Il était tellement beau, j’aurais remis les doigts à la même place et, comme les martyrs canadiens, j’aurais enduré les pires atrocités pour lui dire à travers ma souffrance que je l’aime d’être aussi éblouissant.

Les jeunes m’ont entraîné en dehors de la foule et ils m’ont maudit la raclée de ma vie.  Je ne voulais pas me défendre car j’avais agi en idiot.  Je n’avais pas respecté le jeune et j’avais ce que je méritais.  De toute façon, ils étaient bien plus solides que moi.

J’ai eu durant au moins les trois semaines suivantes, le visage tellement tuméfié et enflé que les enfants auraient pu facilement me confondre avec Frankenstein.       


Cette aventure en plus de me coûter une nouvelle paire de lunettes a exigé que je me rende à plusieurs reprises à l’hôpital pour des blessures au dos.  Il m’a fallu plusieurs semaines avant de pouvoir me déplacer sans douleur et sans canne.   


Après on dira, que les enfants ne savent pas se défendre… c’est oublier le pouvoir de la «gang». Mais, j’avais couru après. Trois choses importantes dans toutes les relations sexuelles : le consentement, le respect et le plaisir mutuel.

Un sourire d’enfer 65

avril 16, 2023

J’étais le gardien sur semaine qui s’occupait exclusivement des enfants, il ne me manquait plus que de me trouver un emploi pour le devenir le père, le pourvoyeur. 

Je devais d’abord m’assurer que la Tribune ne me massacrait pas trop en donnant des références, surtout avec le départ que nous avions connu.

Je me suis présenté à la Tribune, au bureau du président, M. Yvon Dubé, pour lequel j’avais une grande admiration,  car ses conseils s’étaient toujours avérés justes.  J’étais venu quêter un emploi ou du moins obtenir la certitude que la Tribune ne me nuirait pas en me donnant des références, si un employeur éventuel me proposait quelque chose.
 
M. Dubé s’est montré très compréhensif.  Il n’a pas cherché à exploiter ma décadence sociale.  Je n’étais plus l’employé arrogant, mais le journaliste soumis qu’il avait connu, lors de mon retour au journal en 1968.

Nous avons discuté de mon livre Il était une fois les Cantons de l’Est ou Lettres ouvertes aux gens de par chez-nous.  M. Dubé a confirmé que le livre était fidèle à ce qui s’était déroulé, mais il m’a fait remarquer que le patron engagé pour me mettre à la porte n’était pas son beau-frère, car son beau-frère s’appelait Raymond et non Adéodat. 

C’était évident que les deux enfantsm’aimaient beaucoup,car ils disaient que de tous les amants de leur mère, j’étais celui qu’ils préféraient comme père. Je voyais ça comme un grand honneur et le seul moyen de devenir encore plus père-mère. 

J’ai convenu de mon erreur et je lui ai assuré que je ne l’avais pas faite de mauvaise foi.  (J’en parle maintenant justement pour rétablir les faits et m’en excuser auprès des gens concernés.)

À la fin de notre entretien, M. Dubé m’a offert, probablement parce que je faisais vraiment pitié, de m’acheter des reportages commandés par le journal.  Il mettait une condition : je devais signer mes articles d’un pseudonyme.

J’avais déniché le même genre de travail à La Patrieet autres journaux de Power Corp

Je n’ai fait qu’un reportage sur Quo Vadis. Je ne l’ai jamais vu dans le journal et je n’ai jamais été payé.  Cela a mis fin à ma courte carrière de pigiste.

Ma paternité artificielle a sauté peu après l’arrivée de Bob, le nouvel amant de Suzanne.  Je m’occupais des enfants quand il venait et, lui, des besoins de Suzanne que je n’arrivais plus à combler. 

Je me croyais seul à comprendre Patrick et à l’aimer comme il le méritait. J’étais devenu son esclave.  Mais, je représentais encore l’autorité.  Celui qui exigeait qu’on respecte des règles de base.

Ça me faisait mal de quitter Yanie et Patrick que j’aimais beaucoup. Patrick m’avait si bien accepté, malgré mes crises sporadiques d’autorité, qu’il ne réfutait plus les gens comme au début quand on m’appelait « son père ».  Il rougissait un peu, se tortillait, puis, passait à autre chose.

Quant à Yanie, elle m’aimait bien.  Elle m’avait surnommé Simopette.  Je n’étais pas que l’autorité, mais celui qui jouait très souvent avec eux.  Elle s’était même beaucoup ennuyé de moi durant que j’étais en prison.  Le lien que j’avais avec eux tenait surtout de ma disponibilité à leur égard.  Je les adorais et ils le sentaient sans que j’aie à leur dire, comme la majorité des jeunes savent te juger très vite.  Je l’admirais pour son intelligence, son imagination, son rire et sa gêne.  Je ne savais pas comment lui expliquer que je préfère les garçons. 

On n’a pourtant pas à l’expliquer, car les filles ont entre elles leur fameuse relation privilégiée entre femmes. Mais, pour les gars, on a fermé les tavernes pour qu’ils ne se retrouvent pas seuls entre gars. Le prétexte de la boisson a suffi à tuer cette connivence mâle. Les brasseries sont préférables, car il n’y a pas de différences de sexe.  Une connerie qui nous a été léguée par la religion. 


Je ne lui ai rien expliqué et tout naturellement, à travers le quotidien, elle est devenue ma complice.  Elle savait qu’elle pouvait compter sur moi.  La nuit, pour échapper à la peur, elle venait se coucher près de moi.  La première chose que je savais, j’étais inondé, car elle pissait encore au lit.

Je n’ai pas l’impression que ma pédérastie la peinait. C’était un sujet d’adulte qui ne se manifestait pas dans mes relations avec les jeunes.  Par contre, c’est évident que ça l’intriguait.  À toutes les fois qu’un petit bonhomme venait à la maison, elle trouvait moyen de me demander devant lui si je le trouvais beau.  Cela n’était pas toujours avantageux.  Pour les petits nouveaux, j’apparaissais comme une espèce de monstre dangereux, un maniaque à redouter.

Cette expérience d’une année avec eux a fait naître en moi, une nouvelle conscience.

Si je ne pouvais pas cesser de désirer un petit gars, il était dans l’ordre des choses que je ne tente rien à moins que lui ne manifeste son intérêt pour la chose, ce qui se produit bien plus souvent que les adultes le croient.


L’école libre a été une prise de conscience de la réalité des jeunes sans être dès l’enfance conditionné à rejeter la sexualité.  L’école libre donnait des enfants désobéissants, mais beaucoup plus éveillés.  Ce serait aujourd’hui les enfants du « ritalin ».

J’ai perdu ma place à la maison et je fus remplacé par le nouvel amant de Suzanne.

J’ai toujours mangé de la merdre pour ma façon de voir et vivre ma sexualité, et pourtant, c’est un besoin qui pour moi est loin de m’obséder.  Je suis plus attentif aux émotions et à la joie qu’au sexe.  

 Par ailleurs, à l’école libre, on avait été tellement libre que les adultes ont dû parfois attendre très longtemps à l’extérieur de l’école avant d’être invités à se joindre aux jeunes.  C’était devenu une porcherie à tel point qu’un moment donné l’école fut aux prises avec une épidémie de puces.  Elle ferma très vite.

 
Ce fut un moment extrêmement important dans ma vie, car, j’apprenais comment vivre ma pédérastie, tout en étant correct.  Mais, j’avais un nouveau problème.  Je prenais conscience que notre société déteste la liberté. On en a peur.

L’école libre et la rencontre de cette nouvelle vocation quasi-paternelle ne fut paspour moi une expérience négative, bien au contraire.

J’ai enseigné l’anglais quelques années plus tard à Yanie. Elle avait choisi l’école conventionnelle à cause de la violence des garçons.  Quant à Patrick, il en voulait à sa mère de l’avoir envoyé dans une telle école, car m’a-t-il expliqué, l’école libre lui avait nui dans son éducation, rendant plus difficile de trouver un métier pour vivre. 

Pour un garçon qui déteste l’école naturellement, la corde à tarzan est beaucoup plus attrayante que de choisir un cours.  Quand on est jeune, on ne voit pas la nécessité de l’école. Et, si personne ne les pousse, ils préféreront toujours le plaisir immédiat. 

Aujourd’hui, on est loin d’avoir trop de liberté.  Il faudrait que les enfants aient un diplôme universitaire en sortant de la maternelle.  On oublie que le propre des enfants est d’apprendre en jouant.  C’est le plus important que m’ait appris l’école libre.  La deuxième chose : un jeune a un pouvoir de récupération multiplié par dix si le sujet l’intéresse.

Grâce aux fêtes et mon ami Pierre, j’ai trouvé un emploi à la Société des Alcools.  Je demeurais juste en face du stade olympique. 

J’ai pu constater comment, pour le système, en exaltant la fierté des gens, il fut possible de littéralement voler la population.

Souvent les travailleurs n’avaient rien à faire.  Ils attendaient les plans et les ordres.   Cela donnait souvent naissance à d’interminables périodes d’incertitude.
 
Les compagnies ne s’en plaignaient pas.  Ce n’était pas grave, car presque tous les contrats étaient à «coût plus».  Plus c’est long, plus c’est payant pour les constructeurs.

Dans un cas comme celui-là, tout le monde en profite, sauf ceux qui payent la note. 

Cette fois, c’était la population du Québec, excepté quelques peanuts payées par le fédéral, pour se donner le droit de fourrer le nez dans un autre domaine généralement réservé aux provinces : le sport.  Le fédéral se nourrit de notre argent, il ne fait que nous remettre une partie de ce qu’il nous doit.

Les interventions du gouvernement ont entraîné un changement de compagnies de construction. 

Avant il avait été possible de compter jusqu’à 300 grues sur le terrain, 24 heures par jour, à des taux de plus de 200$ de l’heure. Il y avait tellement de grues qu’il était impossible de s’en servir.

Que dire des vols ?  Il y a eu des camions complets de bois qui sont passés par une porte et sortis par une autre sans s’arrêter.  Des moteurs sont disparus.

Le chantier olympique en a enrichi plusieurs comme ce fut le cas, dit-on,  dans la construction de la Baie James. 

Il est curieux que la Commission Malouf n’ait pas enquêté sur les détournements de fonds et de matériels par de grosses compagnies.  Avec le huis-clos et la Protection de la Cour, il serait peut-être possible de faire ressortir qu’au moins le tiers du coût de la construction des installations olympiques ont servi à voler. 

Les mêmes compagnies opéraient à la Baie James depuis la très récente arrivée au pouvoir du Parti Québécois.  Comment, grâce à ce changement, a-t-on pu sauver presque un milliard en une année pour les contribuables ?   La corruption dans la construction ne date pas d’aujourd’hui.

La vraie mafia n’est pas celle dont on entend parler dans les journaux.  Elle, c’est la petite pègre. Les bras.

La mafia, c’est le gros business, les grosses piastres, les grosses compagnies   Elles peuvent pour du pétrole faire crever des milliers de jeunes au Biafra, faire assassiner le président Kennedy, renverser le président Allende.    C’est le langage de la finance.  Un langage qui fait trembler tout le monde. 

La vraie mafia est légale, internationale, planétaire. 

Elle décide du moment où une guerre est payante, comme le moment où cette guerre doit cesser.  C’est la grande machine de l’exploitation.  Celle qui décide à quelle classe de gens tu vas appartenir, qui décide ce tu dois croire, toi, le petit subalterne. 

Le plus lucratif de toute la machine, c’est la violence.  Sans la violence, la domination devient quasi impossible. Les vrais patrons vivent de la violence. 

Le trafic d’armes et l’exploitation des richesses naturelles, c’est ce qu’il y a de plus payant.

Un sourire d’enfer 64

avril 15, 2023

Un sourire d’enfer  64

J’ai pressenti en partant pour Sherbrooke que le dénouement de mon aventure à l’école libre était pour bientôt.  Je suis quand même allé en autobus à l’entrevue que l’on m’offrait en vue d’un emploi à la radio.

Par hasard, en route, j’ai entendu deux flics dire : « L’enfant de chienne, il ne se remettra plus nu devant des enfants.».  Un drôle de hasard. Par intuition, j’ai fait un rapprochement avec mes dernières expériences à l’école.  Puisque j’avais accepté de jouer le même jeu que les jeunes, ça ne pouvait pas demeurer impuni bien longtemps.

Je ne savais pas pourquoi ces flics se trouvaient là, mais je savais que le message me collait à la peau.  La vie a de ces hasards incroyables.  

Dès mon retour, j’appris que les femmes avaient fait bloc pour exiger des promesses à l’effet que je sois moins actif et que je refuse les propositions des jeunes.  J’ai refusé,  car c’était le contraire de l’esprit de l’école libre. C’est comme exigé de quelqu’un qu’il devienne personne.  Pourquoi nier ce en quoi je crois ?

Si tu respectes l’autonomie absolue de l’enfant, tu ne peux pas faire exception sur la sexualité, un élément fondamental de la personnalité de chaque individu.  Ta réaction à ta libido est ce qui tracera ta façon de vivre dans la vie.  C’est que qui fera que tu seras une personne intro ou extraverti.  Pourquoi un enfant ne pourrait-il pas être honnêtement informé sur sa sexualité ? 

L’imbécilité ne crée pas des êtres supérieurs. Je crois que les gens scrupuleux sont ceux qui ont des troubles de personnalité, non le contraire.

C’était normal que ça arrive. Ces animatrices travaillaient dans des écoles ordinaires et elles n’aimaient pas ce qui s’y passait, donc, elles cherchaient ailleurs ; elles ne pouvaient pas se rendre aussi loin dans la liberté que l’école préconisait.  Elles étaient marquées au fer rouge du scrupule.  Que les adultes soient libres, soit ; mais pas les enfants, ils sont trop stupides pour décider. 

Le sexe ça te rend fou que dans la mesure où ceux qui t’entourent te rendent coupables. On ne fait pas un tel tabac avec la violence.Cette nouvelle m’écœura complètement.   J’avais travaillé comme un fou à construire cette école, je croyais dans ces principes fondamentaux de liberté ; mais dès qu’on eut plus besoin de moi, on me fichait dehors parce que je voulais appliquer ce pourquoi on avait fondé cette école : la liberté sous tous ses aspects. 

Je trouvais dégueulasse qu’on accepte que l’école devienne pire qu’une porcherie, sous prétexte que les adultes n’avaient pas droit d’ingérence dans le choix des enfants.  Pourtant, on n’acceptait pas qu’ils aient été intéressés par ce quoi j’avais entre les jambes et surtout que je ne me sois pas rebellé contre leur curiosité.  On recréait la même école qu’avant, le même maudit schème. C’était aussi poigné sur tout ce qui touche la sexualité, aussi malade.

Pour ces femmes, j’étais un mystère, un monstre, l’inhabituel. 


Pourtant, c’est ce qui se passe dès que les jeunes sont libres.  Ils veulent réaliser ce qui leur a toujours été interdit.  Rien de mal là, en autant que ça ne s’incruste pas comme une pathologie.  C’est moins pire que la violence ou les drogues, mais ce n’est pas ce que l’on a appris dès l’enfance.


Chez nous, on était bien normal, personne sauf moi, n’est resté poigné dans ce désir sexuel de chercher à voir plus beau que la beauté.   Je me croyais anormal, mais ça n’avait rien à voir avec ce qui e passait.     

 
Je savais que je ne serais jamais dangereux et on avait beau me dire que c’est affreux pour les jeunes que de penser au sexe, je savais intuitivement que c’étaient eux les malades de voir du mal là où il n’y en pas.  Je n’avais pas incité les jeunes puisqu’ils ont eux-mêmes initié le jeu. 


Par contre, je me suis demandé si les jeunes n’avaient pas agi ainsi parce qu’ils auraient entendu quelque part quelqu’un parler contre ma pédérastie.  Une nouveauté à essayer. 

Les jeunes savent quand tu es dangereux ou non, du moins, quand ils ont plus de 12 ans.  Puisqu’ils ne peuvent pas nécessairement être conscients avant cet âge, c’est la raison pour laquelle je serai toujours contre la pédophilie. 

L’âge est important, car il correspond au développement du cerveau. Ce n’est pas juste un caprice de ma part que fixer une différence entre la pédophilie et la pédérastie. C’est une réalité physique et scientifique.

Habituellement, les jeunes participaient aux assemblées, car ils étaient les maîtres de l’école ; mais cette fois, pour me juger, leur accès a été interdit.  Les jeunes concernés n’ont absolument rien eu à dire.


C’était formidable de voir les petits poser nus pour m’exciter, ça me suffisait, car ils prouvaient ce en quoi je crois, il n’y a que les adultes qui meurent de peur devant la sexualité parce qu’alors qu’ils étaient jeunes on leur a appris à nier leur sexualité. Ça même rendu la vie impossible à bien des gens. 

C’est ce que les psychologues appellent une empreinte primaire.  Quelque chose de subjacent qui dirige toute ta façon de penser.  C’est ce que notre éducation sexuelle fait.  Un mal particulièrement répandu chez les femmes parce qu’on les a toujours associées à Ève la pécheresse. (Pouvoir de l’horreur, Julia Kristeva, psychiatre féministe)


Je n’ai pas tellement rué dans les brancards parce que je trouvais l’existence de l’école libre beaucoup plus importante que mes droits.


L’école était construite, on avait plus autant besoin de moi.  Si j’avais tant travaillé, c’était surtout pour les enfants de Suzanne. 

Je croyais dans la nécessité d’améliorer l’éducation des jeunes, même si pour moi ce besoin passait par la liberté sexuelle ou si l’on veut, une meilleure connaissance de soi et de l’humain.

Pour moi, l’école libre, c’était essayer de comprendre, sans le filtre de toutes les règles que l’on impose aux jeunes, ce qui se passe vraiment dans le plus profond de l’âme des jeunes.  L’éducation, c’est essentiel pour améliorer la société. Je vivais de plus en plus mon rôle artificiel de père et j’aimais ça.

De toute manière, l’école libre était en soi toute une expérience. J’avais appris à aimer deux jeunes qui vivaient en toute liberté, ce qui était pour moi le plus important de la vie.


Le garçon avait beau devenir le centre de ma vie, je savais qu’avec lui jamais je n’aurai une relation sexuelle.  Ça ne l’intéressait absolument pas. Et, dans ce cas, si nous avions expérimenté la chose à force d’insister, notre relation aurait été anéantie car, il aurait subi une forme de culpabilité ou de honte. Deux sentiments qui ne peuvent pas vivre en même temps que l’amour.


Quant à la petite fille, elle avait beau beaucoup m’aimer, elle ne me permettait pas de comprendre les femmes.  Le fait d’être pédéraste me donnait une certaine liberté vis-à-vis de la petite, car je n’étais pas attirée par elle physiquement.  Je ne pouvais devenir pédophile ce qui est être pédéraste pour les hétéros puisque je suis définitivement gai.

Mais, tout est possible, aucun individu n’est à cent pourcent qu’une seule orientation sexuelle, car elle se manifeste de différentes façons.  Il n’y a pas que le corps, il y aussi toute une dimension émotive.  Elle est même plus importante. C’est elle qui donne un sens aux actes. C’est ce qui me permettait d’aimer les femmes à ma façon.

Pourquoi la petite était-elle une petite merveille de tendresse tant que sa mère n’était pas présente ?  Dès que Suzanne mettait les pieds dans la maison, la guerre reprenait avec son frère et la vie devenait automatiquement un enfer.


Quand j’étais seul et que la guerre éclatait entre eux, je n’essayais pas de devenir l’arbitre, c’était impossible.  J’envoyais les deux réfléchir dans leur chambre. Quand ils revenaient, j’avais la paix.  Je recherchais mon impartialité.  Pourquoi aurais-je dû prendre plus pour un que pour l’autre ; même si je sais que d’instinct on prend d’abord pour ceux de son propre sexe.

Apprendre à être libre, c’est immense.  Ce n’est pas facile.  Comment vivre sans interférer dans la vie des autres ?  L’amour et l’amitié sont une forme de partage distincte,  car elles ne font pas appels au même type de relation, de complicité.

J’étais encore victime à travers les nouvelles animatrices de l’imbécillité des féminounes, mais ça me permettait de voir la nuance entre féminounes et féministes. 

Je détestais autant les féminounes que j’appuyais avec beaucoup de respect les féministes.  Je n’avais pas encore lu Le pouvoir de l’horreur, mais je comprenais d’instinct qu’il est plus difficile pour une femme d’être libérée que pour un homme, à cause des religions. 

En ce sens, je devrais dire que je suis féministe, même si jamais je ne serai d’accord avec les féminounes, car elles sont des frustrées qui propagent la bêtise humaine, la domination de l’homme sur la femme en se servant de leur peur et de leur haine de la sexualité. Elles concrétisent les sermons religieux.

Alors que les féministes travaillent à l’amélioration globale de la vie des femmes, les féminounes souffrent, en réactionnaires, de leur mépris de tout ce qui est sexuel, au point d’être des machos féminines.  Selon elles, tout ce qui est mal vient du mâle. Le pire, elles essaient d’établir comme une règle sociale ce qui les a rendues gaga.

Je gardais les enfants depuis au moins une année quand survint un élément caractéristique dans ma définition de la tâche de l’homme : le pourvoyeur. 

J’ai commencé à me sentir inférieur parce que je ne travaillais pas pour un salaire comme tous les autres mâles. Il me semblait, comme le prétendait Suzanne, que l’éducation libre n’est possible que pour les riches et nous n’en étions pas à cause de moi qui jouais à la nounou avec les enfants chez nous, pendant qu’elle allait à l’école. C’était une répartition des tâches que nous avions acceptée tous les deux. 

J’adorais être la «femme du ménage» parce que ça me permettait de comprendre ce que vit une femme.  Je n’aurais jamais cru qu’elles ont autant de travail juste à s’occuper d’entretenir la maison et s’occuper des enfants.  Les moments libres sont rares, très rares.

Je comprenais le point de vue de Suzanne à l’effet qu’il faut être très riche pour pouvoir vivre l’école libre.  Si tu ne veux pas te choquer parce que le petit à briser telle ou telle chose, il ne faut pas que tu sois assez serré pour que cette nouvelle dépense vienne te priver de l’essentiel par la suite.

La liberté est affreusement dispendieuse.  C’est un essai qui englobe aussi les erreurs.

Riche tu n’as pas à endosser l’insécurité matérielle en plus de la patience que te demande cette forme d’éducation.  Aujourd’hui, les éducateurs ont choisi la voie opposée : dès qu’un jeune bouge comme c’est normal, on court pour trouver des pilules afin de leur calmer les nerfs.  On ne cherche pas le bien-être du jeune, mais celui de l’éducateur. 

Quand tu as de la difficulté à manger à la fin du mois, tu paniques vite.  Dans la vie quotidienne, tu n’as pas la même patience.

Je prenais tellement mon rôle à cœur que j’étais prêt à tout risquer, même à me prostituer mentalement un peu, pour avoir un emploi.

Par contre, Suzanne qui n’avait rien d’une nymphomane, mais elle se plaignait quand elle venait à la maison, que  je n’étais pas assez bon au lit.  Je travaillais comme un fou alors « jouer aux fesses » ne m’intéressait pas beaucoup.  Je trouvais ça souvent même une occasion de honte, car je n’arrivais pas à bander ou à éjaculer aussi vite que désiré.  J’étais déjà assez épuisé sans devoir toujours être un héros dans le lit.  « Si tu en as tant besoin, trouve-toi un autre bonhomme, je ne serai pas jaloux.», répétais-je jusqu’à ce qu’elle m’annonce qu’elle avait un remplaçant dans son lit.

J’étais bien plus préoccupé par mon rôle de pourvoyeur que d’amant.  Ce n’était pas différent de ce que je vivais avant, j’ai toujours été ainsi.  Le sexe est intéressant tant qu’il n’est pas un emmerdement. 


Je prenais très au sérieux mon nouveau statut de père-mère artificiel temporaire.

Un sourire d’enfer 63

avril 14, 2023

Un sourire d’enfer  63

Pour ma part, je ne comprenais rien aux différents scrupûles.  Je n’ai jamais été trop vite sur le plan sentimental.  Je trouvais pénible de parler de quoique ce soit, particulièrement avec les filles. 

La vie, la vraie vie, c’était le jeu et rien d’autre. J’imagine que c’est la même chose pour tous les jeunes.  Les adultes sont hypocrites en refusant de se rappeler leur passé.  D’ailleurs, c’était tellement vrai que la sexualité occupait un espace privilégié qui nous faisait peur sans que l’on sache pourquoi ; mais c’était ainsi. 

Puis, avec les journaux, on nous faisait encore plus peur quand il était question de jeunes qui avaient été décapités par de méchants bonhommes.  On s’imaginait qu’on devenait fou ou tueurs si tu jouais trop aux fesses, comme nous l’enseignaient les religieux.  On associait les boutons, la surdité à se masturber. Un plaisir  qui devenait automatiquement objet de peur.  Une peur à venir comme si tu es plus marqué par le plaisir que par le mensonge de leur enseignement. 

La peur permettait aux adultes «d’élever» leurs enfants. Contrôler le sexe, c’est contrôler les humeurs.  Un frustré est souvent de mauvaise humeur, un enfant maître de sa sexualité est moins obéissant, car il est plus autonome.

Si la société éduque par la peur, elle a des grands chances qu’un jour on s’en aperçoive.  C’est ce qui m’est arrivé. 

Si la société allait trop loin dans sa rigidité, l’école libre allait trop loin dans sa liberté.  Les jeunes n’aiment pas l’autorité, mais veulent se sentir encadrés, aimés, sécurisés.

La seule loi quand j’étais jeune : on ne frappe jamais une femme.  Je ne sais pas si ça contribué à l’idée que je me suis fait d’elle, en ce sens, que j’ai toujours préféré vivre sans femme.  Je n’en ai jamais trouvé une qui n’essaie pas un moment donné de tout mener. Mais, je n’ai jamais douté un instant de l’égalité de l’homme et de la femme.  Des différences, certes.

Les femmes comme tous les hétérosexuels mâles sont incapables d’accepter l’existence des pédérastes.  L’existence de la pédérastie remet en question leur façon de voir les rôles dans la société. Ce qui prouve bien que l’éducation est ce qui définit en grande partie le comportement social. 


Même les gais rejettent les pédérastes pour ne pas être accusés d’être des corrupteurs d’enfants. Ils ont déjà oublié ce qu’on disait d’eux, il y moins de 50 ans.

Pourtant, si on veut accepter l’homosexualité, on doit reconnaître que les relations interpersonnelles, les formes de «cruising» sont différentes parce que le danger de faire des enfants n’est pas bien grand.  Même je siphonnais mon partenaire sans arrêt, ça ne donnera jamais un enfant fort et ça ne remplacera jamais une soupe. 

Les homosexuels se comportent comme les hétéros et doivent se marier pour être acceptés par la société. Il y a une réalité émotive, mais pourquoi faut-il se marier sinon pour des raisons économiques ? Les sentiments sont à l’origine de la vie de couple.  Il n’y en pas qu’une sorte. Le refus de la pédérastie que l’on mélange à la pédophilie est parfois incroyable.
 
Une fin de semaine, une année plus tard, une femme qui m’aimait bien est venue me retrouver dans mon lit. Nous avons bien partagé sa décision.  Nous avons passé la nuit ensemble.  Le matin, deux petits gars sont arrivés pour partager ma couche.  Nous avons insisté sur notre besoin d’intimité.  La pauvre femme n’a jamais voulu se rendre à l’évidence. Pour elle, je serais bientôt un hétérosexuel comme les autres, car, j’avais manifesté pas mal d’intérêt à son endroit durant la nuit, particulièrement le matin, quand mon petit zizi avait le nez en l’air et les joues gonflées.

Ce qui est affreux c’est qu’on a trop honte d’enseigner aux jeunes comment vivre une vie sexuelle intéressante et les gestes capables de procurer du plaisir. On devrait avoir une littérature sur le sujet disponible dès l’adolescence.

À mon avis, c’est anormal de catégoriser la sexualité en groupes : féministe, lesbienne, gai.  Ce sont des gestes de discrimination.  Nous sommes tous des humains et ces catégories n’ont aucune raison d’exister.

Peu après, cet épisode au cours duquel Donald avait prouvé le même intérêt pour le sexe que les autres, les nouvelles animatrices ont commencé à comploter durant mes absences pour que je sois écarté de l’école.  La vérité les rendait malades.

La liberté sexuelle était déjà bannie.  Les adultes voyaient-ils dans l’école une justification à leur besoin propre de liberté ?  Vouloir expérimenter une nouvelle forme de vie scolaire permettant d’expliquer les changements qu’on voudrait apporter dans sa vie sexuelle.  Ça permettait de justifier le libre échangisme entre adultes et ça questionnait en même temps le sens de la sexualité dans notre société. 

L’école libre était un laboratoire plus poussé que Summerhill même.

Quand je suis arrivé, j’avais informé tous ceux qui étaient responsables de mes goûts. C’était un moyen de m’assurer que je ne profiterais pas de la situation, mais que j’apprendrais enfin ce que sont vraiment les enfants. 


Est-ce que ma fascination pour Summerhill était une erreur ?  Un enfant peut-il mieux évoluer s’il est dans un contexte de liberté absolue ?  Si on est absolument libre, pourquoi interdire le sexe ?  C’est une chose normale et une bonne.   Pourquoi le sexe serait-il mal, puisque c’est la partie la plus fascinante de l’évolution de la vie et de l’humain ?  Le sexe doit être vu comme le mal seulement pour justifier toute forme d’interdit. 


Même si elles se voulaient libérées, ces animatrices croyaient intérieurement dans le mal quand il s’agit de sexualité.  Leur éducation refaisait surface malgré elles,  car la vie des jeunes touchaient leur point sensible : la peur du sexe. Tout peut être libre, sauf le sexe. Pourquoi ?  Ça toujours été de même.  Le sexe est u n plaisir s’il n’y a pas de violence ou de domination. Et, ce n’est aux autres de décider si ce rapport existe entre deux individus.

Leur façon de penser n’avait rien de commun avec les buts de l’école libre comme le voyaient les initiateurs de ce projet.


Quand je suis arrivé à l’école, le principe fondamental était la liberté absolue.  Que les enfants décident totalement de leur vie était la vérité fondamentale.  On croyait qu’un enfant laissé libre apprenait plus vite et mieux que dans un système rigide, organisé, encadré. .Les adultes n’avaient pas droit d’intervenir, interagir à moins d’être invité par les enfants.


Ce fut un des premiers points que j’ai remis en question.  Comment les enfants pouvaient-ils vivre dans un cocon où aucun adulte n’existe ?  Ce n’est pas la réalité.  Comment peut-on vivre d’égal à égal si on nie l’existence d’une partie de la réalité ?  Pourquoi toujours séparer les adultes des enfants comme on séparait jadis les gars des filles ?  L’influence.  La vie n’est qu’influences. On n’est pas des robots.

Les nouvelles animatrices ne cherchaient pas une nouvelle formule d’école afin de permettre un plus grand épanouissement individuel des jeunes, mais une école dont la façon d’enseigner était différente.  On voulait enseigner sans travailler.

Pu besoin de préparer sa classe d’avance, c’était le jeune qui décidait des cours qu’il suivrait, selon son appétit du jour.  L’adulte demeurait strictement en position de disponibilité. 


On a vite constaté chez les gars particulièrement que le jeu prenait tout l’espace.

Le deuxième constat : libre les garçons écrasent les filles. 

Mais, elles persévéraient à croire que l’autonomie des jeunes va jusqu’à leur laisser faire tout ce qu’ils veulent, sauf la violence qui était totalement non acceptée. 


C’était passionnant, mais ça risquait d’être un laboratoire adulte aux dépends des jeunes.  On s’est vite rendu compte que c’est encore plus difficile d’enseigner dans un contexte où l’enfant est totalement libre. On a beau croire dans l’égalité, mais les enfants sans règle, sans discipline rendent la vie infernale. La pureté des enfants c’est une imbécillité d’adultes.  Les enfants ont déjà leur caractère et leur défaut.

Dès que la liberté des jeunes s’est manifestée sous forme sexuelle, ces disciples de la liberté absolue ont perdu la tête. Tout, mais pas ça.  Un gars ne pouvait surtout pas choisir librement l’homosexualité. On oubliait qu’enfant, son zizi a autant d’importance que de manger.  C’est une partie naturelle de son corps.

Freud établit que l’homosexualité est une phase normale, majoritaire, chez les adolescents.  C’est un passage presqu’obligé, même si ce n’est pas universel. Un passage qui survient à différents âges, selon chacun, surtout dans un monde où la sexualité est réprimée. 


Le petit gars hétéro initié par sa gardienne ou sa petite amie ne recherchera pas à vivre l’homosexualité, sinon pour vérifier s’il a bien les instruments normaux de grosseur et de longueur comme tous les autres gars. Si la pornographie est le seul moyen de répondre à sa question, il ira voir.   C’est d’ailleurs pourquoi la pornographie est néfaste pour certains garçons qui ont un plus petit zizi que ceux qu’ils voient sur internet. 


Ce fut mon cas, bien avant, internet. Une raison pour se mésestimer.  Ça explique probablement mes besoins insatiables que j’avais d’effectuer beaucoup de vérifications visuelles et tactiles. C’est devenu une passion, même si le médecin m’a affirmé plus tard que j’étais dans ce qui y a de plus normal.


Chez les femmes, la même appréhension semble exister quant à la grosseur des seins. On nous apprend à voir honte de notre corps à travers le scrupule.

Une des animatrices étaient particulièrement agressive à mon endroit.  On aurait dit qu’elle ne me pardonnait pas de lui préférer les petits gars.  C’était comme si ce choix d’orientation sexuelle la diminuait.  Un mâle qui n’a pas besoin d’une femme, c’est affreux. 

Un sourire d’enfer 62

avril 13, 2023

Un sourire d’enfer  62

(Page 223/288)

Enseigner que la sexualité est mauvaise, c’est un crime ; mais apprendre à dominer ses plaisirs, comme le voulaient les philosophes de la Grèce antique, c’est un pas dans la direction de la SAGESSE. 

La sexualité est grande et belle dans la vérité.

On veut tout savoir sur ce qui se passe quand de telles situations arrivent, mais quand on l’apprend, on réagit comme si le ciel nous était tombé sur la tête.

Il faut dénoncer parce qu’on ne peut pas garder son sang-froid quand ça se produit. 

Ce fut bien évidemment le scandale total quand les jeunes racontèrent nos expériences.  Ces pauvres femmes n’en sont pas revenues, oubliant que dans une éducation libre, ces genres de jeux sont tout simplement normaux.  

Qu’on le veuille ou non les jeunes sont sexués et très intéressés s’ils ne sont pas réprimés.

Quand les jeunes se sentirent vraiment libres de faire tout ce qu’ils voulaient, leur première réaction fut de déshabiller les animateurs. Si ces derniers pouvaient demeurer de bois, pas moi. On aurait dit que les jeunes me percevaient plutôt comme un complice alors que pour les adultes je ne suis qu’un pervers.

C’est évident quant à moi qu’il faut, même si on veut être libre d’une manière absolue, reconnaître qu’il y a une limite, soit de respecter le « oui » ou le « non » de l’autre.  Le consentement mutuel.

Notre réaction à la sexualité dépend strictement de notre éducation quand on était très jeune.  

Si on devient fou au Québec dès qu’il est question de liberté sexuelle, c’est qu’on a été élevé dans cette atmosphère. Il ne fallait même pas y penser si on ne voulait pas être vu comme des cochons.  C’est complètement contre nature, mais on croyait ce que les curés nous prêchaient. 

Entendre le contraire, nous rend malades.  On s’imagine que les jeunes n’ont aucun droit à la sexualité ; mais qu’on le veuille ou pas, ils sont sexués. On se dit libérer des religions, mais on obéit aux règles des religions à travers ce que nos parents nous ont appris.

Les pauvres femmes venaient d’être démenties dans leur propre raisonnement à l’effet qu’elles ne pourraient croire dans la possibilité que les jeunes aiment les expériences sexuelles que si Donald si prêtait.  Et à la première occasion, il était le premier au front.

Ce ne sont pas les jeunes qui ont succombé à mes avances.  C’est moi qui ai répondu favorablement à leurs invitations.  J’en suis encore très heureux et je recommencerais n’importe quand dans les mêmes circonstances.

Si les animatrices étaient sérieuses et voulaient être honnêtes, elles devaient convenir dans la possibilité que des jeunes soient les initiateurs de tels événements. C’est normal puisque c’est un des plus grands plaisirs humains. 

La Grèce antique le reconnaissait, mais considérait qu’il fallait l’encadrer.  Ce que j’appelle le consentement.  Tu ne sautes pas sur n’importe qui et tu dois t’assurer que le plaisir est partagé.

Elles auraient dû reconnaître que leur position ne tenait pas.  Tu ne peux pas refuser absolument de te mêler de la vie du jeune, à moins qu’il y ait violence, lui donner le droit de faire tout ce qu’il veut et, en même temps, lui interdire ce à quoi il pensera dès la première fois qu’il se sentira vraiment assez libre.  Pas besoin d’un adulte, ses hormones se chargeront de lui apprendre.

La notion de respect ne s’intègre pas facilement à celle de consentement, mais c’est à mon avis, là où il faut aller.  Le respect est l’accord de l’autre. La complicité est aussi un plaisir.  C’est la base de l’amitié, du partage et de la réciprocité.

Les femmes, en particulier, mélangent le respect et leur peur de ne pas être aussi belles que les autres. C’est d’ailleurs ce qui les anime lorsqu’elles combattent la nudité.  Elles ne peuvent pas concevoir qu’une belle femme puisse être objet d’admiration, tout en étant, elles, privées de cette même capacité de séduction  

La séduction, pensent-elles, devraient leur appartenir en propre et ne peuvent pas concevoir que la beauté des autres puisse leur faire concurrence.  Les femmes sont jalouses des autres.

Si elles se croient moins belles, elles jalousent tout ce qui est mieux qu’elles.  Leur peur guide leur façon d’interpréter leur besoin de respect. 

Chaque individu est à la fois égal, pareil en étant un humain et différent parce qu’on se constitue à partir de notre génétique, mais aussi de notre éducation. L’inné et l’acquis. Ce sont des éléments fondamentaux dans le développement de sa manière de percevoir la liberté sexuelle.
 
Le problème avec les féministes, c’est de refuser de voir que la perception quant à la sexualité est tout à fait différente entre un homme et une femme, même si les deux sont égaux.

L’égalité n’a rien à faire avec les accessoires.  Les humains ne sont égaux qu’en fonction de leur nature profonde.  C’est un élément rattaché directement à notre évolution sociale.

Les sociétés d’aujourd’hui viennent de celles qui les ont précédés avec quelques nuances près.  Elles suivent les lois de l’évolution.

On ne peut pas voir la sexualité du même œil quand on a compris qu’elle est interdite parce qu’on croyait que faire l’amour pouvait modifier notre état de santé. On croyait que le sperme était une partie du cerveau ou de la moelle épinière ou encore l’écume du sang.

On ne peut pas continuer de croire les religions quand elles condamnent la sexualité, car elles sont fanatiquement contre toutes formes d’activités en dehors de la procréation.  On sait ce que leur célibat a donné.

Si tu crois qu’aucun adulte ne peut intervenir dans la vie d’un enfant comme on le préconisait à l’école libre, pourquoi ferait-on un drame parce que le jeune cherche à établir un rapport de nature sexuel  avec un adulte?  On est absolument libre ou on ne l’est pas.  La vie est fondée sur la logique.

Quand on était jeune, on ne pouvait pas comprendre ce qui se passait. On n’avait pas le droit de rien faire et pire, on commettait un péché seulement en y pensant. 

On se demandait pourquoi on devenait aussi fou dès qu’il était question de sexe. 


Un sourire d’enfer 61

avril 12, 2023

Un sourire d’enfer   61

Pour adulte seulement.

Malgré toutes nos probabilités, Antoine a été le premier à m’inviter à coucher dans sa chambre.  Que fallait-il répondre ? Fallait-il me faire confiance et prendre la chance ? Les jeunes invitent ceux qu’ils aiment bien à coucher dans la même chambre qu’eux. C’est comme partager une amitié. C’est un partage qui officialise qu’il t’aime bien. 

À moins d’avoir un jeune à qui on interdit ce genre de rapport, il est difficile d’expliquer pourquoi ce serait indécent.   D’ailleurs, pour les jeunes même le mot indécence est difficile à comprendre.  Ils ne sont pas encore conditionnés à la pruderie. Un corps c’est un corps, il y a rien de mal là-dedans, même la nudité est naturelle.  Ils ont raison, sauf qu’on ne se met pas nu n’importe où, n’importe quand.   D’ailleurs, tu peux coucher dans le même lit sans qu’il y ait des ébats sexuels.

Sa mère ne s’y opposa pas, et malgré qu’elle préconise une éducation absolument libre, elle manifesta son mépris pour cette invitation avec beaucoup d’arrogance. Il était cependant entendu que c’étaient les jeunes qui menaient et décidaient de leur vie.  Il était évident qu’elle craignait que son fils ait des attraits pour les hommes. Mais, comment justifier qu’elle refuse que je couche dans sa chambre.  Ça la forçait à s’interroger, car elle savait très bien que je n’avais rien fait pour valoir cette invitation. J’en étais moi-même très surpris.

Pour elle, l’homosexualité était encore anormale, contre-nature, mais elle avait l’honnêteté de ne pas me juger et décider pour ses enfants.

Elle me reprochait autre chose. Elle ne digérait mal mes reproches à l’effet qu’elle avait l’habitude de trop brailler sur son sort et sur la condition d’infériorité des femmes.

Dans un groupe de féministes rien n’est plus grave que de reprocher aux femmes de brailler sur leur sort plutôt que d’agir en toute égalité.  Agir au lieu de se plaindre. Si on se croit inférieure, on n’a pas à blâmer les autres d’agir en mâles envers nous. L’égalité commence par sa propre façon de se voir. Elle avait cependant l’honnêteté d’être franche. 

Pour d’autres,  j’étais l’insulte suprême parce qu’au lieu de m’intéresser aux femmes, je disais que j’étais intéressé par les garçons. Elles ne pouvaient pas digérer un tel outrage à leur magnétisme supposément invulnérable. 

Ma vie me posait beaucoup de questions. Comment un gars peut-il être pédéraste et vivre avec une femme ?  Le pire, le sexe n’existait qu’avec elle.  Une passe dans le temps où j’étais temporairement strictement hétéro.

Un temps où je me questionnais encore plus profondément sur mon identité sexuelle.   Vivre en toute liberté avec les gars, ça soulève d’autres questions. 

Est-ce qu’ils perçoivent la sexualité comme moi ?  Comment savoir qu’on agit vraiment en égaux ?  Peut-être que les féministes avaient raison quand elles prétendaient que juste le fait d’être adultes les influençait.  Que sans s’en rendre compte, on attire le jeune vers ce que l’on veut ?  Que le jeune ne peut pas penser sexe sans qu’on l’ait amené à le faire. Ce sont des questions très importantes, fondamentales, quand tu crois dans la liberté absolue.

Sans le savoir, pour moi, le consentement était le centre de toutes les relations. Par exemple, Edmond venait me trouver dans le lit sans que je lui demande et même si on couchait ensemble, pas question d’y toucher parce qu’il ne voulait pas. Il se sentait plus en sécurité en étant avec moi. Point à la ligne.  Ayant refusé l’invitation d’Antoine, le problème disparut ; mais toutes questions survivaient.

 
Les féminounes projettent-elles leur propre peur sur les jeunes pour justifier leurs valeurs morales ? C’est aussi très possible.

Les femmes de l’école s’étaient mises d’accord pour prouver que la pédérastie n’est pas normale en formulant que jamais Donald, par exemple, n’accepterait une telle expérience.

Or, à la suite de cette réunion où j’avais fait part de mes amours et de mes scrupules, de ma peur de nuire aux jeunes et au bon déroulement de l’école, j’ai sans que je n’aie eu rien à dire, dût confronter ma réalité à la grande sagesse, basée sur l’ignorance des gens qui se disent normaux.

Je travaillais à la construction de la nouvelle école, gelé comme une balle quand trois jeunes apaches sont apparus nus, courant autour de l’école. 


Je ne pouvais pas me cacher mon intérêt visuel, je ne suis pas le curé d’Ars. Les jeunes l’ont sans doute remarqué et ont continué leurs petits jeux en m’apparaissant de plus en plus près. Je les croquais ou les dévorais des yeux.  J’étais follement mal à l’aise d’en jouir autant, mais j’étais comme un radiateur surchauffé. 

Le même soir, ils m’ont invité à aller jouer au Monopoly avec eux.  Donald était du groupe et très clairement le meneur. 

J’étais le seul adulte sur le terrain et je n’avais plus rien d’autre à faire.  J’ai aussi accepté avec un plaisir immense. J’espérais en silence, en jouant la sainte âme, qu’ils répéteraient leur exploit de nudité.  On est tous plus ou moins hypocrites quand il s’agit de profiter d’une situation qui nous ébloui et qui devrait nous paraître mauvaise. On souhaite que ça recommence en s’en voulant d’être aussi cochon. 

Le soir, en jouant, ils ont très vite introduit l’obligation de striptease, à laquelle je ne me suis absolument pas opposé.  Pourquoi l’aurais-je fait, sinon pour obéir à une règle morale que je trouve dépravée, car elle repose sur la honte de son corps.  Nous nous sommes tous retrouvés à poil.

Donald s’est même permis des attouchements sur moi et je fus invité de lui rendre la pareille. Quel plaisir !  Nous étions en pleine séance de Monopoly quand nous avons entendu, plus prématurément que prévu, comme le bruit d’une auto qui arrivait. 

Nous nous sommes rhabillés en vitesse comme des criminels. Pourtant, à l’école libre, la sexualité était libre, si elle était consentie par tous ceux qui étaient impliqués.   Je regrettais ma réaction d’aliéné, mais trop tard. 

Je suis demeuré très scrupuleux, malgré toute la théorie que je prônais. Comme c’est difficile d’échapper à l’éducation de son enfance.  Mais, ce fut une fausse alarme.

Nous avons ensuite discuté au cours de la soirée autant de ma pédérastie que des étoiles. Les petits déambulaient à nouveau nus, se cachant parfois derrière les meubles pour me voir les chercher du regard. L’un d’eux ressemblait comme deux gouttes d’eau à l’acteur principal, dans Mort à Venise, en plus beau et en plus jeune. Ils m’excitaient comme un fou.  Il aimait jouer à la danseuse.  Il se cachait et me réapparaissait en se dandinant nu.  

Quand je me suis couché, j’ai entendu les jeunes dans leur chambre discuter à savoir s’ils devaient venir coucher avec moi.  J’aurais bien aimé ça, mais il était entendu que jamais l’incitation devait venir d’un adulte. Finalement, ils ont eu peur.  « Ils auraient dû faire la femme », disaient-ils.  Ils ne voulaient pas se faire sodomiser.  Une chose que je n’aime pas, mais comment pouvait-il le savoir ?  Ils pensaient comme les adultes.  Où sont-ils allés chercher cette image du pédéraste.

Laisser libres, les jeunes raffolent de ce genre d’expériences, quand ils se sentent en sécurité, mais les adultes le nient,  car ils s’imaginent que les jeunes sont encore de petits innocents.  Ce pourrait être dangereux, j’en conviens, si le pédéraste est un psychopathe, donc victime d’une maladie mentale qui n’a rien à voir avec la pédérastie.  Comme m’avaient dit des policiers : ils ne pensent pas tous comme toi.

Bien des sociétés ne s’offusquent pas de cette tradition qu’ont les jeunes de jouer à des jeux sexuels. 

Or, nous, on nous a appris à en avoir honte et à y voir quelque chose de malsain, de sale, de pervers. 

La pudeur que l’on croit naturelle est en fait ce que l’on appelle « une marque primaire » en éducation.   C’est la certitude intérieure que c’est mauvais parce que l’on constate très jeune, à travers le non-dit des adultes, que la sexualité est le pire des crimes.  

En même temps, il arrive que l’on l’expérimente quelque chose de profondément amusant, parfois drôle, d’où cette double manière d’aborder la sexualité.  Nous ne sommes pas encore adultes que nous sommes intérieurement divisés entre la réalité humaine et les enseignements religieux.

Au Québec, on vit nos contradictions comme si elles n’existaient pas.  C’est un des plus grands plaisirs, et sans que ce soit vraiment justifié, il faut absolument le répudier. C’est tellement grave qu’on doit avoir honte d’en parler.  Si on en parle dans les écoles, c’est juste pour te montrer que c’est mal ou éviter les maladies vénériennes.

Si on étudie l’histoire de la répression sexuelle, on se rend compte que la folie tient à ce langage qui place la sexualité au rang des perversions.

Pourtant rien n’est aussi fabuleux que la sexualité.  La reproduction est un phénomène qu’aucune machine n’arrivera à reproduire.  C’est le miracle le plus grandiose de la nature et pourtant on le place comme étant le plus sale. 

Peut-être que les plus fous ne sont pas ceux que l’on pense ; mais les ignorants qui s’imaginent que sans le sexe l’humanité aurait survécu. 

Pourquoi avoir honte d’une chose aussi naturelle ?  Qu’est-ce qu’il y a de plus beau, de plus magique qu’un spermatozoïde qui rencontre son ovule et crée un enfant ? 


La modération a toujours meilleur goût. . Il faut être libre, mais pas trop, car, la liberté comprend aussi la responsabilité. 

Un sourire d’enfer 60

avril 11, 2023

Un sourire d’enfer 60  Je suis juste quelqu’un plus lent sur le plan émotif que les autres.  J’en suis resté à définir la sexualité comme un plaisir.  J’aurais été au ciel si j’avais vécu dans la Grèce antique, qui soit dit en passant, même si elle acceptait l’esclavage, était plus évoluée que le Québec poigné dans sa peur de la sexualité. Je n’étais plus sûr de rien.  J’étais toujours divisé entre mon nouveau statut de paternel artificiel et ma réalité sexuelle.   Quand tu es pédéraste, tu ne peux pas le changer. Tu nais ainsi et tu meurs ainsi, du moins, quant aux désirs.  Tu ne peux qu’apprendre à le vivre comme du monde. J’avais retrouvé mon insécurité des années 1963, de ma première sortie de prison. Cette fois, plutôt que de retourner à la religion, de m’enliser dans leur folie quant à la sexualité, j’assumais mes contradictions comme une guenille qu’on déchire. J’ai travaillé plusieurs mois à la construction de l’école libre et à la rédaction d’une constitution pour la République du Québec.   Avec un ami, l’école libre est devenue une obsession quant à ce qu’il fallait faire pour vraiment changer la société et la rendre plus heureuse, plus autonome. Patrick m’accompagnait souvent.  Il s’était créé une espèce d’osmose entre nous deux.  Je me sentais responsable de lui et Yanie comme si c’eut été mes propres enfants. Une complicité extraordinaire.  Je respectais sa volonté, ses désirs et dans la mesure du possible, je réalisais quelques-uns de ses rêves.  J’étais fier que Patrick ait moins de difficulté à s’exprimer. Je crois que c’était parce qu’il avait plus confiance en lui.  Je me sentais un petit peu responsable de ce changement plus que positif. La pédérastie offre aussi de très grands avantages quant à la communication avec les jeunes.  Des adultes qui refusent de devenir adultes, ça comprend plus vite les jeunes. Ce travail manuel difficile, mais sain, de construction me permettait d’oublier la vie politique ; quoique j’en parlais encore.  La drogue de la politique est comme l’héroïne.  Aucune cure ne t’en détache complètement.  À l’école libre, on était trop socialiste pour être péquiste. Ça ne me touchait pas tellement puisque je me suis toujours cru un révolutionnaire. J’étais tout à ma paternité.  Tout respectueux de la philosophie de l’école : intervenir le moins possible dans la vie des enfants. N’être là que pour répondre à leurs demandes. J’ai travaillé plusieurs mois à la construction de cette école parce que je me sentais accepté.  L’école libre, c’était la  » grande révélation », le « grand espoir » de créer un nouveau monde où le respect de la spécificité de l’individu l’emporte sur les tabous. Après avoir travaillé avec acharnement à sa constriction, j’ai commencé à craindre que ma pédérastie ne nuise à sa réalisation et à sa réputation.  Les gens du Québec quand il est question de sexe, surtout à l’école, où ce sont très majoritairement des femmes qui s’y retrouvent, sont incapables de se raisonner et de voir qu’on fait tout un plat avec la sexualité.   On est malade de scrupules, alors qu’il n’y a rien là, s’il n’y a pas de violence.  On ne peut pas se détacher des siècles de répression sexuelle où tout ce qu’on nous montrait reposait sur l’ignorance de notre corps. J’ai tenté de devenir animateur quoique mon incompétence me faisait peur.        J’étais encore divisé entre ce que je crois fondamentalement et ce que nous prêche la société.  Serais-je un exemple de «culpabilisé» toute ma vie ?  Je ne me faisais pas confiance.  D’où vient cette mésestime de soi quand on vit sa sexualité différemment des autres ?  J’étais moins poison pour les jeunes que ceux qui me faisaient la leçon.   Je croyais que l’éducation c’est d’abord et avant tout créer des êtres autonomes et fiers d’eux.  Et, aussi fou que ça puisse être, dans ce cas pour moi, il n’y avait aucune différence entre un garçon et une fille.  Les deux sont égaux, même si l’un nous attire plus que l’autre. De toute façon, ils étaient trop jeunes pour faire des enfants, même s’ils avaient joué aux fesses toute la journée. Donc pourquoi s’énerver ? Digne de ma naïveté, j’ai décidé d’informer le groupe de ma pédérastie.  Je me disais que je ne pourrais jamais être un danger pour un jeune si tout le monde était averti de mes tendances.    Question aussi d’honnêteté pour que l’école ne se ramasse pas dans un ouragan à cause de moi, parce que j’étais trop lâche pour dire la Vérité.  Je n’ai jamais voulu qu’une personne autour de moi ait à souffrir de cette révélation en apprenant sous forme de dénonciation que je suis pédéraste.  D’autant plus qu’ainsi surveillé, je ne pourrais jamais provoquer le goût chez un jeune de me flirter, sans qu’il soit protégé.  Je ne pourrais certes pas profiter de mon expérience pour obtenir les faveurs de qui que ce soit. En le disant, je devenais la cible de tous les regards. Quelle erreur !  Je n’avais pas compté sur la bêtise de ceux et celles qui prétendent être les étendards des droits des jeunes.  Certaines femmes, qui pivotaient autour du projet, n’attendaient que ça pour laisser éclater leur stupidité et bien évidemment essayer de me faire expulser de l’école. Si j’ai été plus tard en quelque sorte écarté de l’école par les féminounes avec la complicité de mâles hétéros, leur victoire était loin d’être définitive.  Elle trahissait plutôt leur faiblesse et leur ignorance. Elles provoquaient une curiosité malsaine. Ces femmes me reprochaient mon hypocrisie.  L’histoire avait été déclenchée à partir d’un geste anodin. J’avais aidé un jeune garçon à monter d’un étage à l’autre, il n’y avait pas encore d’escalier. L’autre animateur, au deuxième, prenait le jeune par les mains pour le grimper alors que moi je le soulevais pour que ça devienne possible de le tirer.  Une nouvelle animatrice y voyait là une raison de scandale.  Selon elle, je manifestais dans mon visage une trop grande jouissance pour que ce soit normal, surtout parce que j’avais dû le pousser par les fesses pour le soulever davantage.  À son avis, ce geste banal était une forme de sollicitation. Quant à moi, quand elle en parla, je pensais plutôt qu’elle avait un urgent besoin de se faire soigner, car elle était stupidement scrupuleuse et peut-être jalouse.  Je n’étais quand même pas à me mettre à pleurer parce que je devais le tenir par les fesses pour être assez haut. Tout le monde agit comme je le faisais sans qu’il n’y ait de problème. Elle capotait parce que j’avais dit que j’aimais les petits gars. Donc, elle extrapolait quant à ce que je ressentais et le jeune aussi… Le jeune, qui soit dit en passant s’en était même pas aperçu, tant tout cela se passa normalement. Non seulement elle s’attachait aux gestes, mais elle me prêtait des intentions que je n’avais même pas. Elle me savait pédéraste, donc, ça devait être ainsi.  Comment peut-elle le savoir puisqu’elle ne sera jamais pédéraste.  Les féminounes sont trop aliénées pour comprendre qu’il n’y a rien là. Pas de violence, rien de particulièrement indécent ; mais elle avait l’imagination et la critique perverse. Elle se projetait intérieurement sur moi.  Pourquoi une personne normale évaluerait-elle mon degré de satisfaction à travers mes yeux ou mes sourires, à moins d’être complètement perverse elle-même ? Les féminounes m’en voulaient d’être populaires auprès des enfants. Dans leurs petites têtes, elles auraient voulu que je réponde complètement au stéréotype véhiculé par les journaux jaunes sur la pédérastie : un pédéraste est un sanguinaire qui écrase les enfants avec sa force ou la fascination.  On avait beau me reprocher quoique ce soit, je respectais complètement la décision de l’équipe à l’effet que jamais un adulte ne devait faire les premiers pas pour être en contact avec les jeunes.  Il y a des adultes qui plaisent automatiquement à un certain type de jeunes.  La confiance, l’amitié, l’affection est automatique. Je n’y pouvais rien, c’est ce qui se produisait. On était bien obligé de s’en rendre compte.  Les adultes ne connaissent rien aux plus jeunes parce qu’ils sont tellement imbus de leur vocation de parents qu’ils n’arrivent pas à comprendre le cheminement du développement de leurs jeunes.  Ils ont peur pour eux et les étouffent, ils les empêchent de vivre leurs expériences.  Ils s’imaginent que tous les jeunes sont pareils à eux, ce qu’il y a de plus faux. Malgré les coups de gueule sale, la majorité décida de laisser les choses se développer normalement.   Je m’étais mis complètement à nu et on considérait que jusqu’à preuve du contraire, j’avais un comportement non seulement satisfaisant, mais exemplaire. À cette époque, dans ce milieu, les esprits étaient moins tordus qu’aujourd’hui.  On essayait vraiment de comprendre et de changer les choses.   Il y avait des féministes en nombre croissant, mais elles ne partageaient pas l’étroitesse d’esprit des féminounes. Elles aussi s’interrogeaient sur la réalité des jeunes, sans vouloir leur imposer leurs valeurs.  On décida de ne pas tenir compte des réactions de la mégère.  La directrice de l’école conclut en disant que peut-être les jeunes vivent leur sexualité différemment de ce qu’on leur avait appris.  La seule chose importante, c’était leur liberté.  On souligna aussi que Neil, le fondateur de Summerhill, n’aurait jamais toléré un gai dans son école libre quoiqu’il n’en faisait pas toute une montagne dès qu’un incident sexuel s’y passait.   La directrice de l’école termina en disait qu’elle croirait que les jeunes sont plus ouverts sexuellement quand Donald, son garçon le plus âgé, initierait librement un jeu sexuel. Et cela se produisit plus vite que prévu.

Un sourire d’enfer 59

avril 10, 2023

Un sourire d’enfer  59


Quelques jours avant mon départ de prison sont arrivés trois syndiqués, emprisonnés pour avoir incité à la violence.  Je trouvais ça dégueulasse, mais je n’y pouvais rien. 

Un nouveau mot était maintenant utilisé dans les conversations en prison : révolution.  Et, ce n’était pas moi qui l’utilisait le plus souvent. 

Les gars lisaient mon livre et riaient de me voir engueuler les libéraux. J’ai appris, comme tout le monde en prison, que Jérôme Choquette démissionnerait bientôt.  Cela me semblait plus qu’invraisemblable, mais j’ai fait parvenir l’information au Jour.  Quand tu as été journaliste, un scoop ça veut toujours dire quelque chose.

Jusqu’à quel point les libéraux étaient-ils liés à la pègre pour qu’on sache en prison plusieurs jours d’avance ce qui se produirait dans la vie politique du Québec ?


Le dernier message que j’ai eu alors n’était pas politique, c’est moi qui rêve j’imagine.  C’était à peu près ceci :  » Ne refais jamais de politique, sinon t’auras pas besoin d’avoir fait quelque chose pour retourner plus longtemps dedans. « 


C’était court, net et clair.  Tu fermes ta gueule ou tu passeras ta vie en prison.

J’ai pensé que la prochaine fois on essaiera dans un coup monté de faire croire aux gens que j’ai été violent avec des petits gars ou qu’on fera sauter quelque chose en me le mettant sur le dos. 

À ma sortie de prison, je n’ai pas pu récupérer le seul dollar qui me restait pour survivre et que j’avais à la cantine.  C’est comique de te faire voler par les gardiens de prison.  

Quand je suis retourné à la maison, même si j’aimais encore Suzanne, mes doutes paranoïaques avaient tellement pris d’ampleur qu’au début je n’arrivais même plus à éjaculer.  J’étais physiquement atteint.

Je ne voulais pas la laisser, j’en étais incapable ; mais je ne pouvais plus croire de façon absolue qu’elle n’était pas mêlée à ce piège politique. 

La politique avait encore une fois brûlé ma vie.

Alors qu’avant je m’en sortais plus baveux et plus brave, cette fois, j’étais grugé par en dedans.

Je n’arrivais pas à rattraper les énergies perdues.

J’étais écartelé entre mes opinions politiques et ma famille artificielle.

Cela ne m’empêcha pas de multiplier les démarches pour obtenir la libération du Cid, ce que nous avons obtenu assez vite.

J’avais perdu mes capacités au lit.  Une bonne partie des Américains souffrent d’une maladie qui consiste à avoir peur d’aimer … l’amour étant devenu symbole de souffrance. Je devais en être atteint.

Les Américains, obsédés par le mythe du mâle, trouvent leur bandage plus important que d’aimer la personne qui les accompagne dans leurs relations sexuelles.  Cette peur de ne pas venir à temps ou de ne pas pouvoir bander était nouvelle, mais surtout très embarrassante. 

                                                       22

                                      DÉFONCÉ PAR LA FOLIE. 


À ma sortie de prison, j’étais heureux, mais brisé.  J’ai rencontré un ami avec un petit blond d’une grande beautéJ’en fis presqu’une crise de jalousie.  C’était décevant de réagir aussi bêtement, car, cet ami était un excellent poète de la libération et un ami que j’admire.


Entre deux actes de paternité, j’ai travaillé avec Pierre à la rédaction d’un nouveau recueil de poésie. 

La littérature jusqu’à ce que le Québec soit indépendant est un moyen, un outil d’information, de prise de conscience pour faire comprendre aux gens le comment et le pourquoi les fédérastes essaient de nous écraser. 

Quand l’indépendance sera faite, l’écrit aura perdu son caractère d’urgence, sa carcasse temporelle.Il deviendra rêve, création, recherche. 

Ce sera fini les sermons et il faudra vivre la vie par la racine pour toucher davantage l’universel.  Il faudra chercher plus en profondeur pour comprendre ce qu’est d’être un humain.

Ce petit livre de poésie L’amourajeux affichait mes convictions et mes peurs. 

La vie de franc-tireur a des problèmes qui lui sont propres, surtout, quand tu n’y es pas préparé.  Je voulais les exorciser en les nommant.  Je n’étais pas encore l’homme libre que je suis devenu.  Je souffrais de la morale avec laquelle on nous avait intoxiqués.  Je devrais plutôt dire avec le silence que l’on nous imposait sur tout ce qui touchait la sexualité.

On apprenait sur le tas, à partir de nos expériences parce qu’on ne pouvait pas faire confiance aux adultes qui devenaient hystériques juste à dire le mot «cul».

J’aurais aimé que quelqu’un me dise que j’ai tord de me sentir aussi inférieur parce que je suis différent, pédéraste. J’avais besoin d’être rassurer sur mon authenticité comme si un pédéraste ne pouvait pas évoluer et être un individu aussi bien que n’importe quel autre.  J’aurais voulu me sentir épaulé, mais ce n’est jamais venu.

Le bouquin fut d’abord refusé aux Herbes rouges avant d’être présenté à l’Hexagone. C’était important, surtout à l’Hexagone.  C’était pour moi être reconnu comme poète.  J’avais hâte de connaître le verdict.

L’Hexagone accepta le manuscrit.  Le temps passait sans publication.  Elle était retardée, disait-on, pour des raisons financières. Mon éditeur y ajouta ensuite ses préoccupations personnelles pour excuser le retard. Gaston Miron avait toujours une peine d’amour en sursis ou en trop. 

Le livre a été scindé.  La partie exécutée par mon frère de mots, Pierre Brisson, fut publiée alors que la mienne mourut sur les tablettes. .Avec le PQ au pouvoir, il était, disait-on, dépassé. Comme si le PQ avait réalisé l’indépendance.

J’ai bien mal pris ces refus.  Avant j’écrivais parce que on me demandait d’écrire. Je travaillais comme un fou sur mon écriture, d’autant plus qu’au début j’étais plus que pourri en français.  Je me sentais comme quelqu’un qu’on a utilisé le temps que ça faisait leur affaire. Ça n’a pas tellement changé depuis. 

Janou St-Denis avait-elle raison en disant n’avoir jamais trouvé une goutte de poésie dans mes textes.  Par contre, elle avait l’ouverture d’esprit lui permettant de me laisser m’exprimer.  Jamais Janou ne m’a refusé le micro.  La droite jubilait de rage, mais elle croyait dans ce qu’elle disait. 


Janou, c’était une authentique poète, elle.  Une grande femme de la littérature qui m’a fait beaucoup réfléchir sur ma position vis-à-vis les femmes. Je n’ai rien contre les féministes, au contraire, elles ont fait évoluer le Québec à une vitesse extraordinaire ; mais les féminounes, elles, essaient, sans même sans rendre compte, de nous faire revivre dans la merde religieuse quant à la sexualité.  Une haine et une honte maladive de son corps. Les féminounes sont les récupérées.

Je revivais mes éternels angoisses quant à mon talent littéraire.  Une fois de plus je croyais n’être qu’un imbécile qui se leurre quant à son talent.  J’avais mal à la plume.  L’imagination crevait avec le goût de crier.  Un autre espoir venait de s’écraser dans la fenêtre de la réalité.

J’ai pris une décision.  Dorénavant, j’écrirai parce que j’adore ça.  Je complèterai mes livres pour aller sur les tablettes.  Ce sera mieux ainsi.  Ce sera moins frustrant. Ça ne donne rien de se casser la tête, de travailler un an et parfois plus pour te faire dire non par tous les éditeurs.

Au Québec pour réussir, il faut être un loup et être dans le bon clan, celui qui est au pouvoir.

La plume a eu très vite raison de mes complexes d’infériorité. Je n’avais pas décidé de tout laisser tomber que déjà j’écrivais un nouveau roman L’État de Grâce.  Ce fut refusé par Jean Basile, sous prétexte qu’il faudrait trop travailler pour le rendre académiquement acceptable.

La prison avait tout de même fait son œuvre. Je pouvais maintenant constater sans paniquer que ma vraie prison ce n’était pas Bordeaux Beach, mais la société.  

Tout ce que je pense est toujours mal, car, à la base on y retrouve une perception de pédéraste. Tout ce que je fais est toujours mal aux yeux des autres. La peur d’être seul, d’avoir tort, et surtout de mal aimer m’envahissait.

Je me sentais bien solitaire devant mon juge le Québec, le système politico-judiciaire.  Je me sentais cuit comme un homard par la vie elle-même. Plus je me révoltais contre cette injustice, plus je me divisais contre moi-même. Je gueulais contre le manque de radicalisme des autres alors que j’avais peur, je paniquais. 

Dans les gestes pour me dompter, la société n’y allait pas d’une manière virtuelle.  Je me ramassais dedans ; mais j’arrivais encore à échapper à une très profonde culpabilisation. 

Quelque chose me disait qu’ils exagéraient et qu’ils étaient incapables de comprendre en dehors de leur petit nombril, de leur petite réalité.  Je sentais que ma perception de la vie vraie était de plus en plus exacte.  Elle me condamnait de moins en moins, sauf, à la solitude. 

Mes croyances l’emportaient sur tout ce que l’on inventait pour m’écraser.

J’avais peur d’irriter Patrick s’il ne connaissait pas mon attirance pour les autres garçons.  Serait-il jaloux ?  Se sentirait-il abandonné, trahi ?  On ne sait jamais ce que les jeunes se mettent dans la tête.  Ils sentent les choses différemment et plus facilement que les adultes.  C’est d’ailleurs pourquoi il est facile pour eux de nous juger avec une précision chirurgicale.    

Pour lui, j’étais un bon gars, je ne voulais pas le décevoir. C’est ainsi que la paternité s’infiltrait  tranquillement dans ma peau. 

Je suis juste quelqu’un plus lent sur le plan émotif que les autres.  J’en suis resté à définir la sexualité comme un plaisir. 

J’aurais été au ciel si j’avais vécu dans la Grèce antique, qui soit dit en passant, même si elle acceptait l’esclavage, était plus évoluée que le Québec poigné dans sa peur de la sexualité.

Je n’étais plus sûr de rien.  J’étais toujours divisé entre mon nouveau statut de paternel artificiel et ma réalité sexuelle.

Quand tu es pédéraste, tu ne peux pas le changer. Tu nais ainsi et tu meurs ainsi, du moins, quant aux désirs.  Tu ne peux qu’apprendre à le vivre comme du monde.

J’avais retrouvé mon insécurité des années 1963, de ma première sortie de prison.  Et, si les autres avaient raison ? Je serai né monstre, seulement parce que je préfère le plaisir à la chasteté.

Un sourire d’enfer 58

avril 9, 2023

Un sourire d’enfer  58

Le fédéral a toujours cherché à angliciser le Québec à petites doses.  Il force le Québec à privilégier les anglophones.  Il entraîne les immigrants vers les écoles anglaises et permet une anglicisation lente, mais constante des francophones par le biais de la radio et de la télévision.  Comme cela a été fait dans l’Ouest canadien. 

Si le Parti Québécois ne fait qu’un terme, ce sera la fin du Québec français, l’assimilation ayant déjà de bonnes racines.

Le fédéral agit en provocateur.  Il sait qu’il n’y a qu’un moyen d’empêcher à long terme l’indépendance du Québec : la guerre.  Sans un autre octobre 1970, le fédéral est fini, si les Québécois se tiennent debout et votent pour leur indépendance. 

Je ne pouvais pas faire le jeu du gouvernement libéral.  Tout ce que je dis est strictement mon opinion personnelle et je ne suis pas comme Ryan, guidé par la main de Dieu. 

Rhinocéros, j’ai déjà eu cette discussion avec un gars que je croyais correct dans la Tribune, de Sherbrooke.  « Tu peux toujours te faire avoir, sans le savoir.»
 
Suzanne aurait-elle été complice de la police ?  Impossible.  Elle n’était pas membre du Parti québécois, elle était libérale ; mais je l’aurais plutôt classée dans la go-gauche. Cette discussion avait tout pour devenir pessimiste ou un peu plus paranoïaque.

Heureusement, un événement plus important s’est produit.  J’ai été fasciné par un petit Haïtien qui devait être déporté lui aussi, sans qu’il y ait de raisons majeures.  Le fédéral n’a pas de cœur avec les immigrants francophones.  Les immigrants n’ont aucun moyen de se défendre : pas d’avocat, pas d’appel.  Un autre racket.

Ce jeune haïtien était demeuré au Québec après ses études.  Il acceptait son sort et ne voulait aucune intervention extérieure.  Si je l’aurais bien rencontré dans un petit coin, à l’abri des regards,  je vous jure que je ne lui aurais pas fait mal. Il n’y a que les imbéciles qui croient qu’une pipe peut te traumatiser. 

 
Pas de chance.  J’ai dû me contenter de l’examiner dans la douche commune, en attendant de le remplacer.  J’ai toujours été attiré par les jeunes de couleurs et les autochtones.  Ils ont les fesses fermes, super belles à regarder et sont très jeunes déjà bâtis comme des étalons.  Je les trouve très envoûtant quoique je préfère une petite bite.

Avec l’été, nous avons pu nous servir de la piscine.  J’en ai profité pour serrer un peu le petit haïtien, en jouant avec lui dans l’eau.  Ils ont la peau encore plus douce que la nôtre.  La sienne était inimaginablement intéressante à caresser, en luttant.  Par la suite, il fut plus facile de se rencontrer, car il semblait bien aimer ma présence et mes caresses.

La mode estivale était de se griller au soleil. C’est alors qu’on a inventé l’histoire des vacanciers venus se dorer la bedaine à Bordeaux Beach.  Cela neutralisait chez plusieurs la honte d’être en prison.  L’humour a une force incroyable sur le psychisme humain. J’ai rarement vu un chien s’étouffer de rire. Le pouvoir du symbolisme.

J’ai rencontré un drôle de bonhomme qui prétendait illégal d’être emprisonné pour ne pas avoir payé ses billets de circulation ou de stationnement.  Si c’était vrai, notre aile aurait été vidée d’au moins 80 % de ses effectifs.  C’est dire que le système respecte la loi quand ça fait son affaire.

Finalement, il devait dire la vérité, car il fut libéré.  C’est d’ailleurs lui qui m’a montré les articles de lois qui faisaient que mon procès avait été illégal, à cause la présence des enfants en dehors des témoignages.  Poursuivre un accusé après qu’un premier juge se soit récusé, c’est du harcèlement. 

Il ne me restait pas beaucoup de temps à faire.  Les deux mois s’étaient bien passés.  À ma surprise, j’ai été invité à rencontrer un des chefs de la mafia de Montréal qui était là à cause de la CECO.

Il m’a confié avoir été coffré non seulement parce qu’il avait refusé de reconnaître Cotroni comme parrain, mais aussi, et surtout, parce qu’il était membre actif de l’Union nationale.  Selon lui, ce serait la raison principale pour laquelle il n’aurait pas bénéficié de la même clémence que les autres. Il se disait ainsi un prisonnier politique. 

À ma connaissance, il avait été condamné à un an pour outrage au tribunal parce qu’il refusait de témoigner.  On m’a dit que dans la pègre, si tu témoignes t’es un mort en sursis.  Papa ajoutait « quand tu es avec eux, tu n’en sors que les deux pieds par devant. »

Je n’ai pas trop bien tout compris quand il affirmait que le parti libéral a toujours utilisé des moyens pas trop propres pour gagner les élections.  Il a même prétendu avoir déjà été enlevé et séquestré par les libéraux, lors d’une campagne électorale. Prisonnier politique ou non, cela ne m’enlevait pas mes préjugés sur la pègre.  Je ne pourrai jamais appuyer l’existence d’un mouvement qui utilise la violence pour gagner de l’argent.

— Nous ne sommes qu’un groupe d’homme d’affaires, disait-il.

Au fur et à mesure qu’il parlait,  je me demandais si la mafia n’est pas qu’une secte à l’intérieur du système judicaire qui opère à l’échelle mondiale.

Les incendies criminels à Montréal nous font s’interroger quant aux liens entre les grosses compagnies et le gouvernement municipal, puisque ces incendies permettent de créer des aires de stationnement, et les incendiaires ?


Pourquoi l’enquête sur les viandes avariées a-t-elle servi qu’à éliminer un concurrent francophone, à Magog ? Les autres compagnies anglophones utilisaient les mêmes moyens. mais on n’en a jamais entendu parler.

Pourquoi si la loi n’est pas un racket pour faire travailler le plus d’avocats possible, et le plus longtemps possible, la loi n’est-elle par réécrite de façon à être modernisée ?      

Selon lui, je devais accepter de me prostituer un peu, car, du côté du pouvoir, je pourrais agir plus efficacement. 

— Ce n’est pas en te battant inutilement que tu feras passer tes idées.  L’important, ce n’est pas d’avoir des idées, mais de leur faire rapporter de l’argent.

Pourquoi le hasard faisait-il que je rencontre en prison un organisateur conservateur, un ami du ministre de la Justice du Québec et deux autres prétendus prisonniers politiques ?  Ça fait beaucoup de hasards.

Est-ce qu’en étant politisé, j’attire automatiquement vers moi tout ce qui tourne autour de la politique ?

Même si Bourassa avait une chienne de moi, je ne faisais quand même pas branler le gouvernement à moi seul.

Un sourire d’enfer 57

avril 8, 2023

Un sourire d’enfer  57

En prison, les vapeurs montaient du côté de certains gardiens.  Ils parlaient de grève pour rétablir la peine de mort.  Quelle vacherie ! 

Plusieurs gardiens n’avaient pas la fièvre de voir monter des gars à la trappe, une trappe qui existait encore et qui donnait sur la cour où nous allions jouer tous les jours. 


Ces gardiens dissidents étaient ceux qu’on aimait le plus, car ils se comportaient humainement avec nous. 

Les gardiens en chaleurs, assoiffés de sang, se recrutaient surtout dans l’équipe de nuit et dans l’administration.  Dans le personnel de jour, ils étaient de toute évidence en minorité.

La peine de mort ne diminue en rien le taux des meurtres.  Elle ne règle rien.  Ce sont toujours les plus religieux qui en exigent l’application, surtout que leur religion dit que seul Dieu a droit de vie et de mort.  Ils veulent du sang pour mieux aller communier.  Ils s’identifient à la victime. Ils se croient les remplaçants du grand protecteur. 


La peine de mort est un moyen pour certains policiers de combattre la peur.  Pourquoi les banques, étant assurées, les policiers essaient-ils, lors d’un hold-up, de prendre les bandits sur le fait ?  L’argent vaut-elle plus qu’une vie humaine?  C’est au système de trouver un moyen moins dangereux de protéger le fric.

Les caméras de surveillance ont été une bonne invention en ce sens. Ça permet de verser moins de sang et d’éliminer le risque de tuer des individus.

À Bordeaux, nous avions deux prisonniers condamnés à la mort.  Chaque fois que je les rencontrais, je songeais à un passage de Genet en amour avec un condamné.

Chartrand était un gars très sympathique qui n’a jamais pu avoir justice, car, on lui refusait un nouveau procès.  Tout le monde l’aimait bien.  Toutes sortes de légendes circulaient à son sujet.  S’il avait été pendu, Bordeaux aurait été noyé des larmes des prisonniers et même celles de plusieurs gardiens.  Chartrand nous apparaissait comme le symbole parfait de l’injustice. Il voulait être exécuté, écœuré du sadisme de notre système judiciaire.


L’autre condamné à mort était américain.  Il était grand, fort, d’un regard glacial.  Il te gelait bien dur quand il te dévisageait.  L’histoire sur son sujet était à l’opposé de celle de Chartrand.  Il tuait, disait-on, de sang-froid.  Pour s’évader, il s’était déjà emparé de prisonniers pour en faire des boucliers. 


Quand il passait près de moi avec ses gardiens, je m’approchais toujours pour mieux le voir.  J’en avais la chair de poule.   Pourtant, je le respectais.  Je n’arrivais pas à concevoir que très bientôt ce serait un cadavre.


Qu’est-ce que la vie ?  Quelle différence entre un corps vivant et mort ? Pourquoi en est-il ainsi ? J’aurais voulu voir à travers lui le visage de la vie, de sa force inintelligente, brutale.  Cette « différence » qui fait qu’un individu marche plutôt que  pourrir. 

Un matin, les gardiens ont commencé leur grève de zèle.  Nous étions retenus dans la salle commune plutôt qu’en cellule.  La tension montait. Cela entraînerait-il une manifestation ?  Qu’arriverait-il ?  La violence s’insinue facilement dans de telles occasions.  Des prisonniers appelaient à la révolte.   Nous étions sur les 100,000 volts.  

Les gardiens aimés dans notre secteur sont venus faire leur tour et assurer tout le monde que nous n’aurions pas à payer pour leur action.  Ils ont presque aussitôt réussi à faire baisser la tension.  Cette journée de grève se passa bien.  Nous avons même été plus libres qu’à l’habitude. 

En prison, le sentiment de frustration est si grand qu’il ne faut presque rien pour que la situation dégénère en violence.

Un autre événement a attiré mon attention.  Un groupe de jeunes ont fait danser un vieux robineux.  À cause des applaudissements, celui-ci s’exécuta comme s’il devenait une vedette.               

Les gardiens l’ont amené dans le trou, malgré nos protestations.   Il n’avait rien fait de mal, sinon de détendre l’atmosphère. 

Un autre prisonnier cherchait à obtenir son transfert.  Il était malade dans la tête de toute évidence.  Pourquoi lui refusait-on d’aller dans une autre prison où il serait soigné ?  

La pire chose qui existe en prison est le comportement des normaux vis-à-vis ceux que l’on croit fous. Quant aux crimes sexuels, les accusés sont en danger perpétuel d’être sévèrement battus,  d’où sont-ils aujourd’hui dans une aile de protection.

Le tour de la libération de Roger était arrivé.  Il me demanda de l’accompagner seul à sa cellule, où il me fit ses aveux.

— J’ai un aveu à te faire.  Je ne suis pas professeur.  Je suis prêtre. J’ai été reconnu coupable d’avoir eu des relations sexuelles avec une petite fille, mais je suis innocent. 

Le problème ce n’est pas qu’il ait eu une aventure si elle était partagée, mais qu’on ait des lois assez folles pour ne pas faire la nuance entre une aventure consentie et jouie par les deux partenaires et une relation où il y a violence ou domination claire. 

C’est ainsi au Québec parce qu’on refuse de revoir nos notions sur la sexualité. Pour nous, tout ce qui est sexe en dehors de la procréation demeure le péché par excellence. On se fiche de ce que la science nous a appris. On préfère des lois qui reposent sur l’ignorance et la répression.  On voit la sexualité comme la répression nous l’a appris.

Il m’expliqua comment s’était déroulée la soirée et comment il a été faussement accusé. Ça fait tellement longtemps que je ne me rappelle pas si ça avait du sens.  Avec l’attitude de la société face à ces situations tout le monde a intérêt de mentir. On ne cherche pas le bien des accusés et encore moins celui des victimes. On ne veut qu’interdire toute forme de sexualité en dehors de ce que l’on a décrété normal.  Plaisir et violence sont synonymes dans la tête de ceux qui appliquent la loi.

Roger connaissait Jérôme Choquette parce que ce dernier venait de se convertir à un nouveau mouvement charismatique.   Je comprenais maintenant pourquoi nos discussions portaient surtout sur la religion.

J’étais renversé.  Roger était prêtre. Il a conclu la discussion en affirmant qu’il m’avait trouvé bien courageux de m’entendre raconter mon aventure avec les petits gars, sans peur, ni honte. Je suis pédéraste et je l’assume, car, il faut trouver une solution humaine à savoir comment vivre cet état qu’on ne choisit pas, mais qu’il faut endurer, bien malgré nous.  

Est-ce qu’un aveugle passe son temps à brailler sur son sort ? Absolument pas.  Il faut agir de la même façon. Faudrait-il être malheureux toute notre vie pour un choix qui ne nous appartient même pas ou trouver une manière de la vivre sans créer de problème ? 

C’est pourquoi j’en parle dans mes écrits. Pour qu’on y réfléchisse.  Cependant, je suis bien d’accord avec mes ex-psychiatres, c’est la société qui est un danger pour les pédérastes, car elle devient folle dès qu’il est question de sexualité. 

Nous souffrons de mauvaise éducation quand il est question de sexualité.  Nous vivons à plein tube les effets de l’histoire de la répression sexuelle. Nous sommes les victimes du fascisme qui existe en tous les humains. Le petit groupe à haïr pour se défouler.

Les prochains jours ont été beaucoup plus longs, car j’avais perdu trois amis.  Augusto ne voulait plus me parler parce que j’avais dit que les immigrants nuisaient au Québec en envoyant leurs enfants dans des écoles anglophones.  Il ne voulait rien comprendre. 

Pour les immigrants, la tentation anglophone est grande.  Cela signifie une plus grande possibilité d’emploi et un élément de plus pour favoriser leur passage ailleurs au Canada ou aux Etats-Unis, le pays qui les attire vraiment.  Ceci dit ne veut pas dire que tu es contre l’immigration.  J’étais bien peiné qu’il ne saisisse pas la nuance.  J’ai longuement discuté avec le Cid et son ami Gérard, le jeune freak de Drummondville, qui me l’avait présenté.

Gérard me demanda si, en manifestant toujours seul, je ne faisais pas, sans le vouloir, le jeu du système.  Je ne pouvais pas voir comment cela serait possible.  Je préférais agir seul justement pour ne pas impliquer personne d’autre.  Et surtout, si cela était possible pourquoi serais-je derrière les barreaux ?  Je serais plutôt payé.

Gérard a vite convenu de la justesse de mon raisonnement.  Pourtant cette question m’a trotté dans la tête pendant quelques jours.  Elle méritait d’être posée… on ne sait jamais.  J’ai la conscience très fragile de ce côté-là.  J’aurais été le plus malheureux des gars s’il avait fallu qu’il subsiste un seul doute après cet examen de conscience. 

Je ne pouvais pas me tromper, le bilinguisme ne sert qu’à protéger la minorité anglophone au Québec. 

Il permet à la majorité anglophone canadienne d’espérer qu’un jour le Québec sera aussi anglais que le Manitoba.  Il suffit de voir leurs efforts contre la loi 101 pour comprendre que c’est vrai. Quand Trudeau défend-il le fait français ? 

Pourtant, Ottawa subventionne les mouvements qui s’attaquent à la loi 101.  Comment espérer qu’un jour le Canada respecte les francophones quand tous les partis fédéraux rejettent les propositions culturelles de la Commission Pépin-Robarts ?


Un sourire d’enfer 56

avril 7, 2023

Un sourire d’enfer  56

En jouant aux cartes, parfois, je faisais ouvertement des propositions à Éric, question d’avoir un peu de plaisir. Je commençais à lui passer les doigts sur les cuisses qu’il enlevait aussitôt. Je faisais des scènes à Roger, disant qu’il m’avait enlevé Éric. Nous nous amusions bien à travers ces comédies instantanées.  Pour plusieurs,  cela était totalement la vérité. C’est ainsi que nous nous sommes mérités l’amitié de toutes les grandes et des costauds qui les protégeaient.  

Les gardes riaient bien de toutes ces paroles en l’air. L’atmosphère était très détendue. Le plus drôle, j’ai appris en dehors de la prison qu’Éric était vraiment gai.

Ma bonne conduite m’a permis d’obtenir une libération conditionnelle de trois jours afin d’aider Suzanne à déménager de façon à ce que nous soyons plus près de l’école libre. C’est avec anxiété que j’ai attendu ce moment.

Je me suis présenté au gardien avec la nouvelle que je venais d’écrire afin de la sortir ainsi sans censure si possible. Les messages contre Choquette, je les écrivais habituellement sur des papiers à l’extérieur des enveloppes de façon à ce que les gardiens puissent les lire et ne soient pas tentés d’en faire autant de mes autres textes. Une autre façon de faire de la politique. Je me suis présenté avec mon texte.

— Qu’est-ce que c’est ça ?

— Une nouvelle.

— Une nouvelle ?

— Bien oui. Il y a des romans et de des nouvelles littéraires. Les nouvelles sont, si tu veux, des petits romans très courts.

— Le gardien semblait encore plus perdu. Il estampilla le texte et je sortis sans qu’il ne lise une ligne.


Ce fut une fin de semaine invraisemblable. Le Richelieu profitait des premières chaleurs de l’été pour gazouiller dans les verts abords de la rivière. J’étais au paradis avec Suzanne et les deux petits. Une fin de semaine mémorable de bonheur.

Le dimanche, j’ai décidé, en retournant en prison, d’apporter de la cire pour un compagnon qui créait de petits pendentifs intéressants.

Je l’ai d’abord caché dans mon pantalon, mais à mon arrivée à la barrière, j’ai cru que je serais immédiatement fouillé. Certain d’être pris, j’ai enfoui la main sous ma ceinture. Les gardiens ont blanchi. Je leur ai donné les cierges. La tension a immédiatement diminué.    

Ils avaient cru sans doute que j’avais une arme.

— Pourquoi cette cire ?

— Pour sculpter.

— En as-tu beaucoup comme ça ?

Je ne comprenais rien. Je pensais qu’on avait découvert quelques chose d’irrégulier, mais quoi ? J’avais peur de compromettre Suzanne qui m’avait donné la cire.

Les officiers m’ont fait croire que je pourrais avoir plus de temps pour avoir amené cette cire. J’ai su seulement deux jours après que je n’en entendrais plus parler. Pourquoi m’avoir fait autant peur pour rien. Je venais de vieillir de deux ans en deux jours. Quand on n’est pas un bandit, on ne pense pas à tout ce qu’ils peuvent inventer.


J’ai compris beaucoup plus tard, en y réfléchissant et à la suite d’un film, qu’effectivement la cire pouvait être dangereuse, dans le sens, que certains pouvaient s’en servir pour faire des armes de poing. Je n’avais même pas effleuré cette idée. Il faisait de jolis pendentifs, c’est tout ce que j’avais vu.

Nous étions à jouer aux cartes, quand un jeune que je ne connaissais pas s’est présenté en demandant à parler à l’ancien journaliste que j’étais.

— C’est moi.

— C’est écœurant ce qui t’arrive, mais ils le paieront au centuple. On ne met jamais la conscience d’un peuple en prison.

C’était très élogieux, mais je refusais de plus en plus à me percevoir comme aussi important. Je ne voulais pas m’enfer la tête et devenir encore plus paranoïaque. J’avais déjà assez de misère à savoir si j’étais là pour des raisons de mœurs, comme ils le disaient, ou politiques.

Le jeune m’apprit qu’un Mexicain était aussi prisonnier pour des raisons politiques. Celui-ci était complètement désespéré.

Le Cid Magané (comme je l’appelais) avait été arrêté pour rien en 1970 et déporté.   Sa famille était au Québec, il est revenu dans le but de s’installer et de s’occuper de sa famille, son épouse, son garçon et sa fillette. Son histoire faisait vraiment pitié. Je n’aurais jamais cru que l’immigration fédérale s’en prenne aussi atrocement aux immigrants.

Le Cid était en prison depuis plusieurs jours pour des accusations, qu’il me garantissait en larmes, absolument fausses. Il ne savait pas quand aurait lieu son procès et pourquoi encore une fois l’immigration voulait le déporter.

Il était évident que je ne pouvais pas faire grand-chose pour lui, sauf avertir le représentant de la Justice au Parti québécois, Me Robert Burns, en qui j’avais toute confiance. Il fallait aussi alerter le seul quotidien indépendantiste, le Jour. Mais comment ? C’est ainsi que j’ai recommencé à inventer des moyens pour parvenir à expédier des lettres clandestines qui échapperaient à la censure.

Puisqu’il en était ainsi, je me suis fait apporter deux copies de Il était une fois les Cantons de l’Est que je distribuais aux prisonniers qui voulaient le lire. Tant qu’à être en prison à cause des libéraux, autant leur faire regretter leur geste. J’étais respecté et plusieurs voulaient lire mon livre. Quant à Re-jean, il se promenait aussi en prison, mais dans des circuits plus spécialisés.

Jérôme fut le premier à quitter Bordeaux Beach. Il était heureux comme un enfant.


Un sourire d’enfer 55

avril 6, 2023

Un sourire d’enfer 55

                                                  21

                                     Bordeaux Beach


À mon arrivée à Bordeaux, j’ai affirmé à ceux qui me questionnaient me considérer comme un prisonnier politique.
 
Je leur ai raconté mon histoire, même si je savais qu’en prison parler de relations sexuelles avec des mineurs, c’est t’assurer de faire du temps dur, d’autant plus que étais dans l’aile commune. 

On oublie de considérer que le système décide ce qui est majeur et mineur, comme si le temps se coupait au couteau et que tout le monde a la même notion de la capacité de conscience et de décision.

Les gars ont tout de suite été solidaires.  À leur avis, plusieurs prisonniers étaient incarcérés pour des raisons politiques camouflées derrière des raisons criminelles. Un autre individu, condamné par la CECO, disait être lui aussi un prisonnier politique. J’avais trop peur de la mafia pour me mêler de ça, mais je voulais bien savoir pourquoi il pensait ainsi.  Sept ans de journalisme, ça développe le sens de la curiosité.

Au cours des premiers jours, les gardiens étaient assez baveux, surtout l’équipe du soir. Ils n’ont absolument rien à faire de la nuit, à part écœurer des prisonniers sans défense et se plaindre de toujours être fatigués. Le matin, au réveil, tu ne pouvais absolument rien leur demander. Il fallait attendre l’équipe de jour qui, elle, n’était pas composée de policiers qui viennent se chercher un deuxième emploi, un deuxième salaire, en devenant gardien de nuit.

Les gardiens de nuit étaient plus mordus pour le rétablissement de la peine de mort. Sans peine de mort, ils ont toujours la chienne qu’en ayant abusé d’un prisonnier il s’en trouve un pour aller les descendre comme cela s’est déjà produit.

Tout a changé quand j’ai rencontré un professeur. Je suis vite devenu son ami. Il connaissait très bien le ministre de la Justice, Jérôme Choquette. Il pouvait, disait-il, le rencontrer aussi souvent et aussi vite qu’il le voulait.

Je ne lui a pas caché mon mépris non seulement de Choquette, mais aussi de Bourassa.  Roger tenta de me les faire voir sous un nouvel éclairage, mais ce ne fut pas un succès.

 
J’ai hésité à continuer d’être ami avec lui, mais Roger était très sympathique, très humain et très agréable de discussion. On n’a pas 10,000 amis en prison. Quand on en a un, c’est important de la garder. Pourquoi serais-je assez fou pour ne pas garder un ami sous prétexte qu’il connaît un ministre que je n’aime pas. Nous discutions d’ailleurs très peu de politique. Les sujets étaient tout naturellement orientés vers l’éducation et la religion.

Roger était très intéressé par ma notion de liberté en éducation.

Dans ce dernier domaine, j’étais plus conservateur que Suzanne, car je croyais encore dans une forme de discipline.

Cependant, ma tolérance était beaucoup plus profonde ou large que la plupart du monde. Ma limite était la violence ou la domination. On peut être égal aux jeunes dans nos relations avec eux, mais dans une situation de parent ou de prof, on ne peut pas échapper à la nécessité d’établir des frontières qui soient justifiées. On devient automatiquement l’AUTORITÉ.

Pourquoi telle ou telle règle est-elle le fondement de notre façon d’agir ? Est-ce que cette règle est justifiée ? Les jeunes expérimentent la vie et se fient sur notre expérience pour les aider à définir leurs propres valeurs.  Qu’on le veuille ou non, en devenant parent, on est plus leurs égaux.  Plusieurs parents s’imaginent d’ailleurs à tort être les propriétaires de leurs enfants.


Roger concevait son internement comme moi : trois mois à aider les moins instruits ; trois mois à connaître des gars souvent très charmants ; trois mois à chercher moyen de ne pas s’ennuyer.


En prison, la monotonie est écrasante. Il vient un temps où tu ne sais plus comment l’étouffer. C’est bien beau les cartes, la télévision, les poids et altères ; tu t’ennuies de ceux que tu aimes, tu trouves le temps long ; tu te sens impatient, car même pour téléphoner, tu dois obtenir la permission.


Le bruit des portes est infernal. On te garroche ta ration de cigarettes comme si tu étais un chien. On fouille ta cellule pour s’assurer que tu n’as pas deux couvertures, même si tu gèles la nuit. La prison, c’est perdre ta dignité.

Cependant, il faut dire admettre qu’à Bordeaux, c’était tout de même bien moins dur qu’en 1963 à St-Joseph de Beauce.
 
Il est possible de se faire très vite des amis et de passer quelques mois agréables. C’est ce que je me suis forcé de faire. J’ai reluqué ceux que je trouvais beaux. J’ai assisté à une soirée des AA pour connaître ce mouvement.

Le nombre de copains a vite grandi, mais nous étions trois inséparables : Roger, dont j’ai déjà parlé. Jérôme, quant à lui, était comme par hasard, un petit industriel, organisateur du parti Conservateur, incarcéré parce qu’il n’avait pas payé ses billets de circulation  Il y avait aussi Éric.

Jérôme m’a appris qu’en 1972 le parti aurait tenu une réunion spéciale à Montréal pour réagir à un candidat farfelu à Sherbrooke. De toute évidence, c’était moi, le rhinocéros. La belle époque de l’humour. J’étais flatté de l’apprendre.

Nous avons discuté de politique. Jérôme prenait très mal son incarcération. S’il avait été en prison une semaine de plus je crois qu’il serait devenu fou. Il était préoccupé par sa famille et le fait qu’il s’aventurait dans une nouvelle production dans son commerce.

Je ne lui ai pas caché ce que je pensais de la venue de la reine Élizabeth aux Olympiques : « C’est encore une provocation de Trudeau (père) pour justifier la répression. Il espère qu’elle se fasse tuer au Québec, cela permettrait à l’armée de refaire le coup d’octobre 1970. L’unité canadienne à la Trudeau ne peut pas se réaliser sans un coup militaire qui fasse disparaître les indépendantistes. Il provoque ainsi depuis toujours. Certains qui l’ont connu plus jeune m’ont raconté qu’il se rendait dans les quartiers pauvres avec son gros char pour écœurer les gens, en espérant qu’ainsi ils se réveilleraient. Trudeau déteste les Québécois.  Comme disait mon père, il a été élu parce qu’il a promis aux Anglais de nous asseoir et au lieu de nous assommer, il nous a réveillés.»

Quant à Éric, il travaillait à la gare des chemins de fer. Sa grande obsession : repérer les gais et surtout ne pas perdre un seul de leurs gestes. Pas le moindrement clignement de paupière ne lui échappait. Il était tout œil et toute ouïe. Rien ne lui échappait.

Finalement, Augusto était un jeune espagnol qui avait été arrêté pour le pot, je crois. Il parlait très peu et nous rejoignait pour jouer aux cartes. C’était mon partenaire habituel.

En prison, c’est toujours la même chose. Heureusement, ce ne sont pas toujours les mêmes prisonniers. La tôle, ça te rend forcément plus cordial, plus amical.


Nous passions l’avant-midi à marcher et discuter ou encore plus longtemps à regarder la télévision commune.

À la même époque, le canal 10 présentait une annonce dans laquelle un petit bonhomme franchissait un appartement avant de sauter et apparaître complètement nu. Les scrupuleux sont assez fous pour vêtir même les bébés, mais celle-ci leur a échappé. C’était très surprenant. Je ne sais pas pourquoi mais j’étais accroché à cette publicité.  Ce nu me rassurait intérieurement.  Peut-être qu’un jour les humains seront moins fous quand il est question de sexualité? Serait-ce que la prison nous rend encore plus vicieux ? Tant qu’à payer, autant en profiter un peu avant.

L’après-midi, je passais la plupart de mon temps à lire ou à écrire. J’ai fait une nouvelle littéraire : Dead City ; une histoire de camp de concentration pour francophones dans l’Ouest.

J’écrivais aussi des tentatives de petites fables pour nos petits. Cela leur plaisait beaucoup quoique Yanie trouvait que je dessinais mal. Ce fut toujours vrai. J’aurais voulu marier la poésie et le dessin. Ce n’était pas une découverte, Gaston Gouin le faisait bien avant moi. C’était une expérience qui m’intéressait, mais je suis encore plus tarte dans les arts que dans l’écriture.

J’ai aussi fait connaissance en prison de personnages gais comme dans les textes de Tremblay. La duchesse m’a bien plus et je l’ai refilé aux « grandes » qui vivaient dans notre aile.

Même si je trouvais le temps long, je ne réagissais pas à la prison comme en 1963 alors que je me sentais coupable de tous les crimes de la terre. Je ne me sentais plus coupable et j’étais bien moins scrupuleux. J’aurais au contraire eu un « oui » facile.

Puisque les petits n’étaient pas condamnés à crever de faim, je pouvais respirer. Je prenais mon nouveau rôle de père artificiel bien au sérieux, trop même. J’étais conservateur dans mon éducation donnée et parfois autoritaire, soit le contraire de ce que j’ai toujours prêché. Cette fois ce n’était pas de la théorie, les problèmes étaient réels.

Il n’en était pas de même pour Jérôme qui, prit de remords, courait chaque jour plus vite à la dépression nerveuse. Évidemment, il s’est converti et Dieu qui est devenu toute sa vie. Je me suis alors rendu compte qu’il s’agit d’une réaction moins individuelle et particulière que je l’aurais cru.

La prison a souvent des effets régressifs, surtout religieux, la première fois qu’on y va.

Je faisais mon temps de façon assez agréable. Ma bonne vieille paranoïa d’un rêve dans lequel je me faisais tuer juste après avoir dit que j’aurais été mieux de rester en prison n’arrivait même plus à me rendre malheureux. Ce n’était pas masochiste, mais je n’avais pas à avoir honte. La honte est la pire infamie qui s’attaque à l’estime de soi. C’est le meilleur moyen pour nous rendre esclaves des autres.

Parfois, je craignais que la prison soit le prolongement du « piège politique », s’il y en avait un. Je me reprochais de parler avec Roger et Jérôme, puis, j’envoyais promener cette peur. Même si j’aurais parlé à un infiltré de la police que pouvais-je dire de si grave, sinon leur apprendre ce qu’ils savent déjà, soit que je suis en pleine guerre avec les libéraux et le fédéral. 

Je commençais à croire que tout ça était complètement fou. Un genre de cauchemar. Pourquoi un si gros système s’occuperait-il d’un petit baveux comme moi ?  Pourquoi toutes mes bibittes ne seraient-elles pas imaginaires ? Pourquoi Gaston Gouin ne serait-il pas mort dans un vrai accident ?

Pourtant,  que la police me maudisse la raclée, qu’une auto nous rentre dedans alors qu’on voit le chauffeur qui semble le faire exprès, ça n’a rien d’une illusion. Ce sont des faits.  Mais, comme disait Suzanne, tout ça n’a pas de sens, simplement parce que je suis seulement un ti-cul.


J’étais bien avec les prisonniers. C’est ton rapport avec les autres qui fait toute la différence en prison. Si tu tombes sur un groupe qui te fait manger tes bas, le temps est éternel ; mais si les autres sont gentils, ce n’est pas pire qu’ailleurs.

J’aimais jouer aux cartes et faire de l’exercice physique. Je pouvais ainsi observer un prisonnier qui avait manifestement un goût des plus jeunes. Certains de ses petits serins m’auraient vraiment plu, mais comment avoir des relations sexuelle en prison, tu es toujours surveillé. C’est ça la prison, selon le philosophe Foucault. Ne pas réussir à se sauver du regard de l’autre. L’œil de Dieu, scrutateur et vengeur.

J’aurais bien voulu comme Jean Genêt tomber en amour avec un prisonnier. Cela était impossible.  Pourtant, plusieurs pensaient que j’étais le petit amant de Jérôme. Celui-ci était assez gros et bien bâti pour décourager tout concurrent un peu entreprenant, mais en réalité c’était de la soie.

C’est ainsi qu’une fois, Ti-Noir fut très heureux de se retrouver seul dans ma cellule. Il n’avait pas tellement élaboré son baratin. Les propositions pour que l’on se retrouve à la Baie James commençait quand Jérôme est arrivé. Ti-Noir rampait sur le plancher. C’était comme s’il essayait de « cocuer » Jérôme.  Pauvre Jérôme, il ne comprenait pas pourquoi il lui avait tant fait peur. J’ai dû lui expliquer.

Jérôme faisait semblant dans la salle publique d’être « mon sugar dady ». Tout le monde l’a cru, d’autant plus que nous étions presque toujours ensemble. Quelle farce monumentale ! Jérôme était anti-gai.


Grâce à ces farces, j’ai pu lui faire comprendre qu’il n’y a rien de méprisant ou de honteux à être gai. Nous en avons souvent discuté et il semblait avoir perdu ses préjugés quand il quitta la prison.


Un sourire d’enfer 54

avril 5, 2023

Un sourire d’enfer  54

À mon arrivée en prison, je rêvais qu’à me venger. Je n’aurais jamais cru qu’il soit possible de sentir physiquement le besoin de tuer quelqu’un. Je n’avais jamais viscéralement ressenti une telle rage. C’était sûrement parce que cette fois ça touchait nos enfants et non seulement moi. Je me sentais responsable. J’aurais voulu partir avec un complice, me rendre au bureau du juge équipé d’un vidéo, l’amener au bout d’un revolver sur la rue Ste-Catherine et le forcer à parader nu, ce vieux maudit salaud.

Je jouissais juste à penser à son sang qui me coulait entre les doigts. Il ne briserait plus d’enfants, car je crois avec certitude que ces vieux scrupuleux n’ont aucune âme et font plus de mal que je ne pourrai jamais le faire, même si je suçais tous les petits garçons de mon quartier. Comment pouvait-il agir ainsi sans tenir compte de l’existence de Patrick et de Yanie ?

J’ai eu de la difficulté à m’enlever ça de la tête, et pourtant, j’ai toujours été profondément un non violent absolu.  Mais, il y a des limites ! Il a fallu bien des jours avant de passer à autre chose que la haine et le goût de vengeance.

L’écriture m’a encore une fois sauvé. Toute cette haine a passé dans un poème, Hymne à la folie, puis dans le projet d’un livre l’État de grâce. L’écriture est souvent mieux qu’une cure.

Après ma libération, j’ai voulu faire ressortir le côté illégal de mon procès. Aucun avocat n’y a consenti. Ils disaient tous que les juges se tiennent entre eux et que celui qui prendrait en main une telle cause serait aussi bien de dire adieu à la pratique du droit.

J’ai voulu en saisir les journaux, même Mainmise a refusé, ses directeurs disant qu’ils ne voulaient pas faire détruire leurs ateliers par la police. Belle justice !

À la prison, le lendemain soir, en allant porter mon cabaret après le souper, j’ai rencontré le bonhomme qui m’avait frappé en 1963, lors de ma première incarcération.

La prison, ce sont les autres. L’atmosphère. C’est l’enfer. Ça rien avoir avec le fait d’y être bien ou pas.  Tout est dans la vie entre prisonniers. L’incertitude globale et l’impossibilité de circuler où tu veux, quand tu veux.

J’en ai assez blêmi qu’en remontant, un garde qui ne me digérait pas, me dit que j’avais l’air moins brave.

Le prisonnier m’avait reconnu de toute évidence. Il m’avait promis en 1963 de me tuer s’il me revoyait dans une prison. Je n’étais pas plus certain d’y faire que trois mois.  Allais-je y laisser ma peau?

Mon avocat a obtenu, après deux ou trois jours, la révision de ma sentence. Je suis allé aussitôt chercher mon chèque au bien-être. Je l’ai eu sans complication, car j’avais une bonne raison d’être en retard.


C’est bizarre qu’un juge ne respecte pas la loi juste pour faire ses petites leçons de morale.


Il y a deux sortes de mafias, celle qui est illégale et celle qui est légale ; mais les profits des deux vont dans la même poche de ceux qui dirigent, juste au-dessus. C’est le même principe que le système économique : seul le profit compte.    

La loi a besoin de règles avec des zones grises pour permettre au système judiciaire de faire ses profits. Il faut une zone de travail pour les avocats. Le vrai patron est celui qui détermine ce qui est bien et ce qui est mal. Cela permet de pousser au maximum l’établissement d’une pensée unique.


Pourquoi n’aie-je pas le droit de croire dans une société où la liberté sexuelle est absolue tant qu’il n’y a pas de violence ou de domination ?  Pourquoi n’aie-je pas le droit de tomber en amour avec un petit gars de 14 ans consentant ?


Les raisons d’exister des lois pour des gestes sexuels sans violence sont carrément stupides et basées sur des connaissances qui sont complètement dépassées. On sait maintenant que les raisons motivant ces lois sont de la pure ignorance.

L’école libre ne prouve-t-elle pas que l’égalité est possible entre deux personnes d’âges différents ? C’est une question de motivation et de perception et surtout d’attitude.  Ça dépend de l’image que l’on se fait de l’autorité. 

Est-ce que l’autorité peut être gentille ? Toutes ces lois sont formulées par la même clique, le même regard religieux. Les mêmes mensonges.

À mon deuxième procès, j’avais pris toutes les dispositions pour que les enfants ne souffrent pas de mon emprisonnement. 

Je me suis même fait couper les cheveux, car, en plus de devoir le faire de temps en temps pour leur propre santé, cela permet parfois d’amoindrir les préjugés du juge à ton égard. L’habit fait le moine quoiqu’on essaie de nous faire croire le contraire.

Le juge de mon rappel a refusé de changer la sentence car, disait-il, la transcription de mon procès présentait un contenu tellement grave qu’il n’osait même pas en lire les passages au procès. Quel constipé !


Dans mon premier procès, le juge posait des hypothèses pour rendre ça plus croustillant alors que les jeunes réfutaient ses dires. Je me demande bien où il allait chercher ses passages intolérables à l’oreille ?  Serait-ce que les juges ne savent pas lire ? Ou lisait-il qu’en voyant les bouts qui faisaient son affaire ? 


En fait, il voulait parler du moment où Réjean racontait comment je le tenais quand il s’assoyait sur moi. Mon avocat a fait valoir le témoignage de Réjean à l’effet qu’il n’y avait jamais eu de gestes indécents. Il a insisté sur le fait que la sentence me révoltait plutôt qu’aider à me réhabiliter. Il ajouta que dans bien d’autres causes, pour des actes beaucoup plus répréhensifs de récidives où des jeunes avaient été sucés, même enculés, ces derniers avaient eu de légères amendes et des sentences suspendues alors que je n’avais pas d’antécédent judicaires (sur le plan légal, car on avait pas le droit de faire allusion ou de sortir ce qui s’était passé précédemment quand je n’avais pas 21 ans, âge de la majorité).  Mais, ça n’avait pas d’importance pour le juge.  Il faut accepter et obéir aux lois quand ça fait notre affaire. La justice, c’est de la merde quand il s’agit de sexe.

C’est alors que j’ai commencé à croire que la seule différence était que ces messieurs n’avaient pas « manifesté parce qu’ils avaient perdu leur emploi pour avoir écrit en français». En fait, j’étais puni pour m’être tenu debout, plus que pour avoir été indécent dans leur façon de voir la vie. 

Finalement, cette affaire arrivait à point pour le système qui veut garder les Québécois endormis.

Quant à l’avocat de la Couronne, il a rappelé que la Couronne avait de fait demandé une petite sentence. Le juge, pour sa part, prétendait que sur cinq ans d’emprisonnement, trois mois, c’était une petite sentence.

— Je maintiens les trois mois de prison. Tu peux même te compter chanceux que je ne te donne pas plus de temps.

Cela confirmait ce que l’on m’avait déjà dit. Rien ne sert d’aller en appel. Les juges considèrent cela comme un affront et ils te donnent généralement plus de temps pour t’apprendre à respecter la cour. Maudite belle institution. La vraie mafia. Celle du pouvoir et de l’argent.

J’ai repris le chemin de Bordeaux, mais cette fois, je le prenais avec calme. Les enfants ne seraient pas privés de marger parce que je ne serais pas là pour aider à payer. Tout était prévu.

À Parthenais, un policier m’a fait paradé nu durant plusieurs minutes (je n’avais encore de bedaine, donc, j’étais plus regardable). Il a fallu l’intervention d’un autre policier qui lui rappela qu’on m’attendait afin de partir pour la prison. Je pouvais enfin, grâce à l’intervention de ce dernier, me rhabiller.

   Mon séjour en prison fut très agréable, mais très politisé.

Un sourire d’enfer 53

avril 4, 2023

Un sourire d’enfer  53

Le procès débuta d’abord en rapport avec les accusations de Daniel.        

Quand ce fut le temps de juger s’il savait ce qui se passait réellement. Coup de théâtre !

Daniel, ne savait plus quoi répondre, quant à savoir ce qu’il pensait du péché et de l’enfer.  Il a lancé :

« Je ne sais pas si c’est ce qui s’est passé ou si je dis ce que les policiers m’ont dit de dire.»

Le juge était furieux.  Devant ce témoignage, il affirma qu’il ne lui restait plus qu’à se retirer de ce dossier. L’avocat de la Couronne, affolé, a retiré toutes les accusations contre moi. 

Cependant, un peu plus tard, il a changé d’avis et a demandé au juge de rétablir les accusations concernant Réjean et Alain.  

Le procès fut reporté à plus tard jusqu’à ce qu’un nouveau juge soit assigné à ma cause. Un juge qui soit plus susceptible de me planter.   Il était alors dans l’ordre de choisir une date et ainsi le juge officiant.  On remettait ainsi bien des causes, en attendant d’avoir un juge favorable à sa cause.


Daniel ne se présenta pas à mon procès, sous prétexte qu’il avait été traumatisé par sa comparution. J’imagine le savon qu’il a dû subir. J’ai appris qu’il a dû être hospitalisé par la suite, souffrant d’une dépression nerveuse, probablement parce que ses parents s’étaient montrés très compréhensifs à son égard.


On tue des jeunes au nom de la morale sexuelle, par nos scrupules et on est trop stupide pour s’en rendre compte. On continue de croire en l’Église qui nous a toujours menés par le bout du nez en tout ce qui concerne le sexe.

Juste avant mon procès, le père d’un des petits m’a crié :

 » Ils ont besoin de t’enfermer, mon hostie, sinon je m’occuperai que tu y goûtes quand même. Tu ne te rendras jamais chez toi. »

J’ai eu peur d’un tel fou et j’en ai averti mon avocat.

J’ai été amené devant un vieux juge, une espèce d’écœurant qui semblait ne jamais en avoir entendu assez.  Il se complaisait dans le problème. Un vieux cochon pour qui l’histoire manquait définitivement de piquant.  Je n’ai jamais vu un être chercher autant de détails, comme nos confesseurs jadis, et espérer entendre des choses plus croustillantes.

Malheureusement pour lui,  les jeunes ne disaient pas grand-chose d’explosif. 

Quand je l’écoutais, je me demandais comment un vieux trou-du-cul de son espèce peut être appelé à juger des enfants. Il n’y connaissait vraiment rien. Je plaignais intérieurement les petits d’être aux prises avec un malade de cette espèce.  Pour lui faire plaisir,  il n’y avait jamais assez de détails sexuels. Un vieux paternaliste répressif.

Dans leur témoignage, les petits gars ont parlé que nous avions joué au jeu du silence le soir que je les avais gardés. Les plaintes ne portaient que sur cette soirée dont la date devait être précisée après le procès. Sans cette entente, le procès ne pouvait pas avoir lieu.  Pour éviter ce genre d’inconvénients et pouvoir en condamner plus, le système judiciaire a fait disparaître depuis la nécessité de la date exacte.

Les petits ont dit ignorer que je ne portais pas de sous-vêtement. Ils ont témoigné que mon exposition avait été très courte.  
 
La meilleure, ils ont affirmé avoir appris le jeu du silence d’un moniteur dans un camp de la Cour du Bien-être social.   Le vieux juge en avait les cheveux « drette » sur la tête.

Selon Réjean nous avions passé le reste de la soirée à écouter de la musique. Je n’avais pas touché,  ni incité qui que ce soit.

Réjean a aussi affirmé qu’en le tenant par la taille, les doigts entrés dans son pantalon à la hauteur des hanches, je n’avais jamais essayé d’aller plus loin, pas plus que je lui aurais fait de mauvaises propositions.

Le juge insistait, visiblement passionné, mais Réjean a maintenu ses affirmations, en lui faisant ainsi mordre de la poussière.  Le juge était visiblement, pitoyablement désappointé qu’il ne se soit pas passé autre chose. On aurait dit que le vieux salaud ne pouvait plus jouir, ce qui le contrariait clairement.

Alain, avec qui il ne s’était jamais rien passé, même pas des attouchements rapides.  » Il m’a traité de scrupuleux comme Luc. Il ne m’a rien dit d’autre. » 

Les policiers étaient furieux.  » Le maudit il va s’en sortir. », pouvais-je entendre.


                                             20


Le juge était encore plus furieux. Le vieux cochon ne se satisfaisait pas ce que qu’il entendait.  La laverie des consciences devait être plus complète. « Dites tout, je veux jouir.»

Dans mon témoignage, j’ai raconté comment je me rappelais les événements, sauf nos discussions et que Réjean s’était baissé les culottes pour s’assurer que j’en fasse autant.  Ses parents le menaçaient de le « placer « s’il était établi qu’il avait consenti à participer à ces jeux. Il faut être ignorant de ce que sont les jeunes pour réagir aussi bêtement.

Je ne voulais pas que ça lui arrive ; mais je ne voulais pas non plus faire de faux-témoignage. J’ai retenu les informations pour aider Réjean.  Puisque je ne disais pas ce que les petits prétendaient, car j’affirmais que nous avions joué au mime après avoir baissé mes culottes, j’ai passé pour un menteur. Mon avocat était en maudit, car, à son avis, seul mon témoignage pouvait me faire condamner.

Deux faits ont pourtant été carrément illégaux dans ce procès.

D’abord, le juge m’a demandé si j’avais un dossier judiciaire.

— Vagabondage. Des brosses.

Le juge demanda à la sténographe de cesser d’écrire et a insisté à redemander sa question en me rappelant que j’étais sous serment.

Pourquoi insistait-il autant ? Selon la loi, puisqu’au moment où j’avais été condamné, plus de dix ans plus tôt,  pour des délits sexuels, étant mineur, la majorité était de 21 ans, je n’avais pas de dossier judiciaire en devenant un adulte. Pourquoi était-il au courant ? La police lui avait-elle refilée, sous le couvercle, l’information voulant que mineur j’avais déjà fait trois mois de prison pour des délits sexuels avec des petits gars.

 
Cet aveu changeait toutes les perspectives, d’autant plus qu’il n’a jamais été question des petites filles qui avaient été bien présentes et très actives à d’autres moments. Mais, c’était plus facile en s’en tenant aux petits gars. C’était moi qu’on voulait épingler, la vérité n’avait aucune importance, comme c’est le cas dans les procès.

Ayant peur que le juge sorte ce dossier contre moi, je l’ai avoué. C’était illégal, mais ils sont plus forts que moi. Ils prétendent défendre la justice. Ils peuvent utiliser tous les moyens pour te mettre en cabane. Eux, ne respectent pas la loi.

Les menaces du juge n’apparaissent pas dans les transcriptions du procès. J’ai pu le vérifier plus tard. Suzanne a pu avoir celles-ci,  grâce à notre mon avocat, en faisant valoir que je voulais m’en servir pour écrire un futur livre.

Curieusement, ces transcriptions ne comportent pas non plus les plaidoyers des avocats ainsi que les réactions du juge.

Après mon procès, je me suis longuement demandé s’il est vrai que les dossiers des mineurs sont détruits comme le dit la loi ? Mon dossier était-il dans le rapport des policiers ?
 
L’avocat de la Couronne reconnut que seul avoir baissé mes culottes quelques secondes en jouant avec les enfants, pouvait être retenu contre moi. Cela devenait somme tout assez banal et il recommanda que j’aie une petite sentence.

Mon avocat, pour sa part, a soutenu que je vivais simplement quelques années avant mon temps puisque cette pratique est courante en Europe et dans bien d’autres régions du monde où le sexe n’est pas encore un crime contre l’humanité.

À la fin du procès, le juge demanda que l’on fasse venir les jeunes, mais ça s’avéra inutile,  car ils étaient déjà dans la salle, ce qui est contraire à la loi sur la délinquance juvénile et peut être puni pour deux ans d’emprisonnement.

Le vieux juge, sans se soucier de la loi, m’a servi un long sermon, tout en demandant, après avoir posé quelques questions aux enfants, à savoir s’ils avaient trouvé pénible de témoigner ; d’être attentif à la sentence pour ne jamais oublier durant toute leur vie que ces petits jeux défendus peuvent conduire à la prison.

C’est incroyable que même un juge désobéisse à la loi pour te planter devant les jeunes.


— Trois mois, a-t-il lancé. 

Je paniquais. Ce n’était pas tant à cause des trois mois de prison, mais parce les postiers entraient en grève. Comment irais-je chercher mon chèque d’assistance sociale ? Comment vivraient Suzanne, Patrick et Yanie ? Nous avions déjà toutes les misères du monde à manger à toutes les fins de mois.
J’étais convaincu de m’en sortir en ayant à payer une amende. C’était tellement niaiseux ce qui s’était passé. On ne pouvait quand même pas devenir fou parce qu’un gars avait baissé ses culottes quelques secondes. Y a des choses bien plus importantes sur terre. 

Avec trois mois, ce vieux cochon sans jugement condamnait autant Patrick et Yanie que moi à connaître des heures difficiles puisque je ne ramènerais plus mon chèque mensuel. Ce fait ne le troublait pas comme tous les scrupuleux ne se soucient pas des résultats de l’application de leur bêtise.  Ils sont trop centrés sur leur petit nombril pour essayer de comprendre les autres, et surtout supporter que d’autres aient le droit de penser autrement qu’eux. 

Pour lui, la leçon de morale était plus importance. Protection de la jeunesse, mon cul !

L’avocat de la défense m’a calmé les nerfs en disant qu’il irait en appel de la sentence et qu’entre les deux procès, je pourrais arranger les affaires pour que les petits n’aient pas trop de misère.

Un sourire d’enfer 52

avril 3, 2023

Un sourire d’enfer  52

Pour adulte seulement.

Le dimanche, les petits gars se sont chicanés. Cela arrivait souvent, car, les plus grands essayaient toujours d’imposer leurs jeux à Patrick. Il voulait cette fois que Patrick  partage leurs vols. Patrick leur a résisté, convaincu qu’il pouvait compter sur moi pour sa protection. Le vase a débordé quand Patrick a aussi refusé de partager son sac de chip.

Pour se venger de lui, nos trois beaux merles sont allés raconter à leurs parents que l’on vivait souvent nu à la maison. C’est en soi très banal, il n’y a rien de grave à être nu. On n’est pas né tout habillé.  Mais, les parents hystériques ont appelé immédiatement la police.

Patrick est entré à la maison complètement fou de peur. Il pleurait. Il criait.

« La police va venir vous chercher.»

Nous avons essayé de lui calmer les nerfs le plus vite possible.

«C’est ta faute aussi, gros Christ. Si l’autre jour, t’aurais laissé entrer Daniel et Réjean, il n’aurait pas bavassé. »

Je leur avais interdit d’entrer, car nous étions encore nus et nous ne voulions pas mettre fin à notre déjeuner. .

Il fallait à tout pris rassurer Patrick et Yanick.  Éviter que cette situation ne les traumatise. J’avais une peur affreuse. Je ne me pardonnerais jamais d’avoir rendu des enfants malheureux.

Le soir, Daniel et Réjean sont venus à ma rencontre alors que je retournais au logement chez Suzanne. Ils m’ont offert des chips, tout en confirmant que leurs parents avaient appelé la police. Ils étaient ravis que je ne sois pas fâché après eux.

Au cours de la semaine, nous avons commencé le déménagement. Le samedi, un ami venait nous donner u coup de main avec sa camionnette.

Entre temps, Suzanne avait été chargée de rencontrer un de ses amis, avocat, afin de savoir ce que nous pourrions faire pour nous tirer de l’impasse. Celui-ci aurait recommandé de plaider coupable avec explications, sous prétexte, que dans ces cas c’est le seul moyen de ne pas être roué de coups de la part de la police.

Nous étions très occupés le samedi après-midi à déménager quand les détectives sont arrivés à la maison. Nous avons été interrogés séparément.

À ma grande surprise, Suzanne était à dire aux policiers, quand je fus amené à la cuisine, que je travaillais encore pour Québec-Presse, même si je n’étais pas payé. Je me suis demandé ce que venait faire ma collaboration politique exceptionnelle dans cette affaire.  Voulaient-elles leur signifier qu’on était des gens importants ? Drôle de défense. Les policiers étaient du poste 4, réputés mener les opérations d’ordre politique ; mais nous habitions dans le quartier sous la juridiction de ce poste de police. Que fallait-il en conclure ? Suzanne voulait sûrement nous protéger en leur affirmant que je suis journaliste,

L’ambiance avait bien changé. Les jeunes étaient devenus agressifs avec nous à cause de la réaction de leurs parents. Ils sont même venus d’essouffler nos pneus alors que la camionnette était remplie à pleine capacité. C’est pour dire à quel point les parents influencent leurs enfants.  Ces derniers peuvent devenir aussi fous qu’eux à ressentir leur déséquilibre mental.
 
Suzanne rencontra les mères des petits, au cours de la semaine suivante, afin de leur expliquer la situation et si possible obtenir qu’elles retirent les plaintes. Ce fut peine perdue. Nous avons seulement appris que le père d’un des petits, reconnu comme un trouble-fête dans tous les mouvements sociopolitiques du quartier jurait d’avoir ma tête. Pourtant, il ne me connaissait même pas.

Suzanne continuait d’y voir une vulgaire affaire de mœurs. Elle avait peut-être raison. Moi, j’y faisais un rapprochement avec mes engagements politiques. Ça ne pouvait pas être encore une fois une simple coïncidence.

Les problèmes causés le samedi à la camionnette avaient dramatiquement retardé notre déménagement.

Le soir, après ses cours. Suzanne se rendait à l’ancien appartement pour faire du ménage. Elle a reçu à nouveau la visite des policiers qui apportaient deux mises en accusation.

Tout allait mal. Les enfants ne pouvaient voyager en autobus que le matin, il fallait le soir aller les chercher sur le pouce à quelque dix milles de chez nous. La fournaise ne fonctionnait pas et l’huile s’était répandue à la grandeur de la cave sur le plancher. Il fallait maintenant, en plus des problèmes de finance et de déménagement,  se rendre en cour répondre à ses accusations, les unes plus folles que les autres. 


Suzanne a été la première à subir son procès.

La déposition de Réjean était particulièrement accablante. Il prétendait que nous lui avions donné des cigarettes pour avoir des rapports sexuels avec lui. Il ajoutait que Suzanne l’avait initié à faire l’amour alors que moi, le torse nu et en culotte, je m’étais appliqué durant ce cours de «baise» à lui peser sur les fesses. Un des petits témoins y alla même du refrain selon lequel je les terrorisais avec mes gros yeux méchants.

Suzanne était complètement révoltée contre les petits alors que j’essayais toujours de les disculper sous prétexte que ce n’était pas de leur faute, mais celle de leurs parents qui étaient devenus complètement fous.


Une situation bien normale au Québec puisqu’on nous a prêchés toute notre vie que le sexe c’est le péché des péchés.


À mon avis, en principe, les enfants sont des êtres très propres que la société n’a pas encore corrompus d’où l’impossibilité que ce soit eux qui aient inventé ces histoires. Règle générale, les aveux sont contenus dans les questions des enquêteurs. Les jeunes les répètent pour leur faire plaisir et n’osent pas les contredire par la suite. Ils ont trop peur des réactions.

Comme cerise sur le gâteau, le père d’un des petits, qui ne s’occupait jamais de son garçon en d’autres occasions est venu témoigner que son fils avait été terriblement traumatisé par la nudité.  Ce doit être pour ça qu’ils voulaient tous toujours revenir.

J’étais, au contraire, convaincu que la réaction stupide des adultes ainsi que leur obligation de venir en cour, les avaient bien plus marqués. Ce ne doit pas être un cadeau pour un jeune que de voir la police venir s’intéresser à leurs petits jeux de cul et de voir les adultes explosés comme s’ils avaient tué le président du pays.

Après avoir pris la cause en délibéré, le juge a rendu un verdict de culpabilité envers Suzanne, disant que même s’il reconnaissait que de plus en plus de familles en Europe partagent notre option sexuelle et conçoivent une plus grande liberté sexuelle, la voulant même bénéfique aux enfants, il devait prendre cette position car « il fallait éviter que trop de jeunes soient « traumatisés par fascination » et courent chez tous les nudistes de leur voisinage pour en profiter eux aussi.


Il insista surtout sur le fait que nous n’avions pas à éduquer tout le quartier. Il remit sa sentence à plus tard, tout en interdisant que d’autres enfants viennent chez nous à moins que les parents soient avertis auparavant de nos conceptions sexuelles.

Pendant quelques jours, j’ai paniqué plus que jamais, car l’avocat de la Couronne nous menaçait de nous enlever Patrick et Yanie.  Non seulement notre avocat nous a rassuré qu’il ne pouvait pas en être question, mais le juge lui-même concéda qu’il est impossible de rendre des enfants malheureux sous le prétexte que des « bonnes mœurs » avaient été transgressés. Il y avait au moins une personne intelligente dans le système judiciaire.

Ce fut tout un soulagement de recevoir confirmation que la cour ne répondrait pas favorablement à cette demande fasciste. Je voyais le procureur de la Couronne comme un vieux garçon, eunuque et sans tête, pour avoir des idées aussi méprisantes de la famille et de l’ignorance du besoin des enfants de vivre avec leurs parents.

Que la sentence soit remise de semaine en semaine, de mois en mois, nous compliquait joliment la vie. Cela m’empêchait, entre autres, de pouvoir trouver un emploi stable et nous sortir des problèmes financiers qui m’insécurisaient affreusement.

Plusieurs mois plus tard, Suzanne a connu sa sentence. Puisque selon le juge, j’y avais assez goûté (j’ai été condamné à trois mois de prison) pour que ce ne soit pas la famille qui ait à payer pour cette situation, car nos enfants devaient aussi assumer une part des inconvénients. Elle fut condamnée à payer une amende de $50 que j’ai payée, car je me sentais responsable de ses malheurs.


À mon avis, si je ne les avais pas connus, cela ne serait jamais arrivé. Pire, j’avais indirectement incité Daniel et Réjean à venir le matin, car je leur avais dit qu’ils risquaient ainsi de nous trouver nus. Je doutais de mes avertissements pour les empêcher de venir.  Je le faisais, mais j’espérais le contraire. J’avais été égoïste et irresponsable. Mes petits désirs cochons l’avaient emporté sur le bon sens et le bien général. 


J’avais manqué à une responsabilité qui constitue une première différence entre la pédérastie et la paternité. La responsabilité familiale.  Je ne connaissais pas encore le mur entre le désir et la réalisation du désir.  Je commençais à m’interroger sur la répercussion de mes gestes. La vie m’apprenait qu’il y a des différences, selon les situations.


Si tu es le père, passer aux actes peut vraiment être négatif pour le jeune, car avec la morale sociale acceptée dans le milieu, le père devient alors une forme de délinquant aux yeux de son garçon.  Pédéraste, tu es un être de l’extérieur.  Tu n’es pas celui de qui on attend un exemple, mais un partenaire de jeu. Donc, pour toi, franchir le mur du passage à l’acte n’a pas le même sens, ça n’a pas la même répercussion. Le jeune te voit autrement que le père. 

Si tu es père, passer à l’acte peut être un abus significatif si le jeune est élevé dans un milieu scrupuleux alors que pour le pédéraste, le refus de franchir ce mur peut être perçu par le jeune comme un manque d’amour et de confiance. Une forme d’indifférence, de rejet.


Je n’avais rien à être fier de moi, mais personne ne peut nous enseigner comment se conduire dans de telles occasions, sinon la stupidité de la chasteté de l’Église pour les jeunes.

Je n’avais pas encore apprivoisé le contrôle de mes désirs pour protéger les autres. C’était mon seul remord. La leçon était l’érection des premiers murs endiguant ma notion de liberté absolue.

Je pensais devenir fou d’avoir ainsi créé autant de problèmes. Mais, je considérais la réaction des parents des jeunes encore plus folle.  Il n’avait pas souffert, il n’avait été que plus heureux.  Si les parents de ces jeunes avaient réagi d’une manière intelligente, les jeunes auraient oublié l’événement. Ils vivaient déjà des choses bien pires pour se faire des sous avec les bonhommes d’alentour.


J’avais trois chiffres d’accusation contre moi, trois chiffres d’accusation concernant Réjean, Daniel et Alain.

Ainsi, je les avais incités à la délinquance par ma nudité, mes propositions et mes gestes indécents.

Aujourd’hui, on essaierait de faire croire que ma démarche est un crime contre l’humanité.  La folie existe et je ne pense pas qu’elle soit dans mon camp. Les jeunes étaient beaucoup trop excités et empressés de jouer avec moi pour avoir été fortement traumatisés.

Je regrettais déjà de ne pas avoir accepté leur invitation à leur faire une fellation quand je les ai gardés ; au moins, si j’avais dit oui  je ne comparaîtrais pas pour rien, pour m’être retenu afin de donner le bon exemple.

Idiot, j’avais cru qu’il était maintenant de mon devoir de me retenir, car je croyais dans l’éducation libre et je ne voulais pas bousiller cette expérience.  Je ne voulais pas abuser de mon âge et de mon expérience et ainsi faire déraper ces moments privilégiés, tout en respectant ce en quoi je crois. 

Il va sans dire que de voir des petits gars aussi beaux, aussi assoiffés de jeux sexuels me rendaient infiniment heureux.  On naît pédéraste à vie.  La pédérastie est profondément inscrite en nous.  Est-ce que d’être tenté à l’infini constitue en soi un crime ?  Serions-nous coupables de ce que nous sommes en naissant ? Il serait hypocrite d’en nier l’existence.

Pourvoir dire que tu es pédéraste est une protection pour les jeunes et non un danger supplémentaire.

Je voulais bien en profiter, mais en même temps, je trouvais ces moments trop sacrés pour les détruire.  Les petits gars étaient exactement ce que j’ai toujours cru que sont les garçons quand ils sont libres : curieux, affectueux et fort sympathiques. 


Un sourire d’enfer 51

avril 2, 2023

Un sourire d’enfer  51

(Pour adulte seulement)

Notre vie de couple nous poussait dans le dos. Les enfants m’acceptaient de plus en plus. Par ailleurs, pour des raisons financières l’école ne pouvait pas fournir un système de transport. Yanie et Patrick devaient l’abandonner à moins que j’aille vivre avec eux près de l’école libre.

La décision de déménager pour se rapprocher de l’école fut vite prise.

Cependant, nous avions un nouveau problème : Patrick s’y opposait. Nous comprenions mal son comportement. Il m’aimait alors pourquoi cette réaction ? Après plusieurs efforts de communication, nous avons découvert le pot aux roses : Patrick croyait que si j’allais vivre avec eux, il serait obligé, lui, de vivre dans la cave de notre nouvelle demeure. Nous l’avons rassuré.

Cela nous a aussi permis d’apprendre que Patrick n’était pas toujours en sécurité quant à ses parents. Il avait trouvé très pénible que son père les abandonne et il craignait très facilement que sa mère en fasse autant. Il avait peut-être aussi été marqué du fait que sa mère, durant les événements d’octobre, avait été emprisonnée.  Son engagement pour la lutte en faveur des femmes pensait-elle,  l’avait mené là.  Pourtant, elle était libérale.

Nous nous sommes mis à la recherche d’un endroit qui rende l’école plus accessible. Nous avons dû mettre fin aux visites de Réjean et compagnie parce qu’ils auraient toujours été à la maison espérant des petites aventures. Nous voulions garder nos minutes pour nous, car nous vivions ensemble depuis si peu longtemps.

Cela n’avait rien à voir avec la possibilité que les jeunes nous causent des problèmes. Personnellement, j’étais convaincu qu’ils ne parleraient pas de notre liberté, et si ça arrivait, nous étions convaincus de pouvoir expliquer notre point de vue à leurs parents. Si, après de bonnes discussions, ils n’acceptaient pas notre façon de voir la liberté sexuelle, ils n’auraient qu’à empêcher les jeunes à revenir chez nous. Sans la permission de leurs parents, nous ne les aurions jamais plus admis.

C’était fabuleux quand ils venaient. Tout était libre, gratuit, tendre. La vie tenait dans la chaleur de nos câlins, la flamme de nos regards, le rire de nos pupilles, les vibrations de nos touchers, les ondes de nos rires.

Les jeunes s’intéressaient autant à leur corps que les femmes le font généralement. Un vrai rappel de l’importance pour un jeune de se sentir beau, d’attirer l’attention des adultes.

Puisque les jeunes ne rêvaient que de Suzanne, j’ai appris à garder à regret mes désirs pour moi. Je ne voulais pas les brusquer, même si j’espérais qu’un jour, ils auraient autant d’intérêt pour moi. C’était presqu’inscrit dans la nature puisque de façon générale les gars vont plutôt rechercher une femme. Un besoin qui les emporte vite à l’adolescence. Tous les jeunes veulent se sentir normaux.


C’était très frustrant de voir les jeunes s’exciter sexuellement devant le mot liberté et d’être privé de pouvoir en profiter véritablement. Suzanne me reprochait d’être hypocrite, car jouer me permettait de toucher aux jeunes. Je suis certain qu’ils n’avaient aucune influence néfaste sur eux, au contraire, ils aimaient les provoquer, surtout en voulant lutter.  Vu de l’extérieur, c’était différent.

Avec cette liberté, les jeunes étaient plus volubiles, plus curieux, mais aussi plus créatifs. Ils étaient plus chaleureux et plus rassurés quant à leur possibilité de tout nous raconter et de se mettre l’âme à nu.

Nous étions au ciel, nous venions de trouver une maison peu éloignée de l’école libre.

De plus, c’était un vrai miracle : je n’étais pas paranoïaque du fait que Suzanne, pour nourrir les enfants, avait travaillé pour le parti libéral.

Je comprenais ses préoccupations. Les enfants sont toujours plus importants que n’importe quelle idéologie.

Mère, seule, c’est une vie exceptionnellement difficile. Souvent le mari ne paie pas la pension alimentaire qu’il doit payer ou le bien-être refuse de continuer à verser des prestations à cause d’un emploi à temps partiel. Les fins de mois, même si je contribuais maintenant aux dépenses familiales, étaient encore extrêmement difficiles.
 
Devant toutes ces explications, je trouvais ridicule d’attacher trop d’importance aux peurs et aux idées politiques. D’autant plus que je considérais plutôt Suzanne comme une anarchiste, une féministe enragée plus qu’une vraie libérale.

Nous travaillions à la préparation du déménagement avec fébrilité. C’était merveilleux. Nous aurions une maison à nous. Et, j’aurais enfin ma famille à moi. J’étais enfin devenu comme les autres.

Un sourire d’enfer 50

avril 1, 2023

(Pour adultes seulement)

Je lisais dans la cuisine, les jeunes jouaient au strip tease ou au docteur dans leur chambre.

Je respectais le code de discipline de l’école libre : ne jamais intervenir, sinon pour des raisons de violence afin de s’assurer que personne ne soit blessé. On n’a pas tardé à proposer à ce que je sois inclus dans le cercle des jeux en cours.

— Jean n’est pas comme les autres, entendais-je. Il va vouloir jouer avec nous et nous monter sa bizoune.


J’étais bouleversé, même si en principe selon ma nature,  cela me faisait plaisir, j’hésitais. Que doit-on faire dans un tel cas ? On prêche la liberté, mais dès qu’il faut la vivre, ça prend une toute autre dimension. Ce n’était pas mon invitation, mais la leur. J’ai essayé de créer un moyen pour m’en sortir.

— Je me déculotte que si vous vous déculottez aussi.

L’ambiance d’excitation et de curiosité était refroidie, avant de disparaître complètement, mais Réjean relança, devant mes hésitations :

— Tu le fais, je le fais.

Je me sentais pris au piège. J’étais aussi curieux que lui. Je désirais lui voir autant qu’il voulait me la voir.

— Si je le fais, tu ne le feras pas. Je me suis déjà fait avoir comme ça. J’étais sûr que Réjean abandonnerait la partie.

Les autres criaient à Réjean de dire oui. Il a longuement hésité à son tour, puis il baissa ses culottes jusqu’aux genoux. Il me regardait tout gêné.

— Pis toué !


Je n’avais plus le choix : si je me dégonflais, j’étais un hypocrite, pire un menteur ; si je ne faisais pas comme lui. Je devais trouver moyen que ça n’aille pas plus loin.

Je me suis exécuté en toute vitesse. Je pouvais d’autant plus aller vite que je ne portais pas de sous-vêtement. Je n’ai rien dans le pantalon pour effrayer qui que ce soit, les jeunes sont déjà presque tous déjà aussi bien bâtis que moi. Les yeux avaient quitté Réjean et se concentraient sur moi. J’ai fait valser mon petit « boutte » en descendant mon pantalon, question de montrer qu’il n’y a rien là et j’ai remonté mes culottes en vitesse.

— Ça ne te fait rien d’être nu ?

— Pourquoi ça me ferait quelque chose ? C’est agréable. Le zizi, c’est un morceau de chair comme un autre.

— C’est péché.

— C’est de la folie. Avant tu pouvais être damné parce que tu mangeais de la viande le vendredi.  Aujourd’hui, il n’en est plus question. Pourtant, rien ne justifie ce changement.  Ce sont les curés qui ont inventé les péchés. Il n’y a rien de mal à être nu. Pourquoi serait-il péché d’admirer un corps que Dieu a pris tant de mal à créer ?

— T’aime ça jouer aux fesses ?

— Oui,  surtout quand on est beaux comme vous.

— Un bonhomme m’a dit qu’il me donnerait deux piastres si je lui faisais une fellation. Tu aimes ça, toi ?

— Je comprends j’adore ça, mais quant à moi c’est plus agréable de le faire que de se le faire faire,

— Tu me donnes deux piastres et je vais me laisser faire. L’autre fois, ce fut bien le fun.

— Je ne paye jamais. Si tu joues aux fesses, il faut que ce soit parce que tu aimes ça. C’est bien trop important pour faire cela pour de l’argent.

Je ne voulais pas passer la soirée à refuser les invitations. Même un saint peut flancher.  Cela me tentait trop pour respecter plus longtemps ce scrupule, d’autant plus que je n’ai rien contre la prostitution individuelle, en autant que cela ne t’humilie pas.

Je me suis forcé à trouver vite un moyen pour changer la conversation.

Nous avons passé le reste de la soirée à jouer à des charades.


Les petits venaient s’asseoir sur moi à tour de rôle quand ça leur disait. J’évitais de les inviter. Je profitais de l’esprit de liberté qui se répandait.  Je serais très hypocrite de dire le contraire ou d’affirmer que ça ne me plaisait pas.

Réjean est venu s’asseoir sur moi. Je me suis aperçu qu’il aurait pu être accusé au hockey de bâton trop élevé.

Réjean me regardait les yeux en feu, le sourire encore plus beau que celui de la Joconde. Il essayait en agitant les traits de son visage d’indiquer à Daniel de me regarder, ce qui déchaînait les rires chez Daniel. Alain essayait de comprendre ce qui se passait. Il ne pouvait pas nous voir, à cause d’une chaise dans son champ de vision. Réjean préférait s’asseoir sur moi plutôt que d’aller mimer à son tour comme tous les autres. Il ne voulait pas prendre la chance de perdre sa place.

Quand ce fut mon tour, je me suis rendu près du sofa où Patrick et Alain étaient assis. J’ai fait semblant de les saisir et Alain m’a écarté la main, en ajoutant de ne pas le toucher. Je n’y avais pas songé. Je l’ai regardé étonné.

— Tiens, un autre scrupuleux comme Patrick !

Patrick me regardait les yeux en feu. Il était ravi que je le replace au centre du jeu et de mes commentaires. J’ai fini mon mime et je suis retourné m’asseoir. Réjean est vite venu reprendre sa place.

Luc et Daniel voulaient bien savoir si Suzanne partageait mon ouverture d’esprit. Je leur ai dit que c’était leur problème de le découvrir, en leur soufflant une solution. . Je n’aurais jamais cru pouvoir bénéficier d’une telle ouverture d’esprit, même si je sais d’expérience que les jeunes en profitent dès qu’ils sentent qu’ils peuvent agir à leur guise. Les gestes amourajeux sont toujours consentis ou presque. Cette liberté élimine les dangers de violence.

Les jeunes espéraient maintenant voir les seins de Suzanne. Je n’ai pas découragé leur curiosité, bien au contraire. Pourquoi aurions-nous accepté de vivre le contraire de ce que l’on pensait ? Nous assumions pleinement cette éducation libre et je me comportais en véritable apôtre de ce nouvel Évangile.

Sachant que l’on dormait nus, les jeunes sont revenus souvent, le matin, dans l’espoir de nous prendre lorsque nous étions nus. Malheureusement, pour eux, l’occasion ne se présentait pas aussi souvent qu’il l’aurait souhaité. Si nous ne refusions pas de les voir vouloir vivre la liberté sexuelle, nous ne les provoquions pas. Suzanne leur a souvent demandé avec insistance de ne pas se présenter à la porte le matin et de respecter notre intimité.

Cette ouverture d’esprit amenait les jeunes à me raconter leurs expériences. Comment ils s’y prenaient pour grimper et aller voir par un petit trou les danseuses nues dans un club situé pas loin d’où ils demeuraient. Il me parlait du vieux qui leur donnait une piastre à tous les jours.

À la toilette, Réjean est venu à ma grande surprise pisser à côté de moi. Je me suis aperçu qu’il était gêné et inquiet d’avoir le pénis aussi croche. C’était son moyen de m’en parler puisqu’il savait que je n’en ferais pas un drame. C’était un problème très grave pour lui. Nous avons échangé sur le sujet,  mais comment lui permettre d’avoir un examen médical puisque normalement ça ne me regarde pas et que je ne suis pas supposé le savoir.

À mon avis, il en avait sérieusement besoin. La liberté sexuelle permet aux jeunes de parler de leur problème à ceux en qui ils ont confiance,


Un sourire d’enfer 49

mars 31, 2023

Un sourire d’enfer  49

                                                    19

                                 La vengeance des libéraux.

 
Les manifestations terminées, la vie continuait.

Ainsi, mon ami, Pierre qui connaissait mon intérêt pour Summerhill, décida de me présenter Suzanne dont les deux enfants fréquentaient une école de type Summerhill, l’école libre. L’école était située en dehors de la ville, mais Suzanne habitait Montréal.

Le charme de Suzanne résidait dans la voix, le regard et le sourire parfois triste. Elle avait une intelligence brillante et une approche séduisante de la vie et de la liberté. Ses enfants, Patrick, 10 ans, et Yanie, huit ans, fréquentaient cette école dite libre. J’étais captivé par cette approche nouvelle en éducation.

En aucun moment, il était permis d’intervenir, sinon pour empêcher la violence. Il fallait demeurer sans cesse à l’écoute des enfants pour capter tous leurs désirs, comprendre leurs besoins et s’assurer que chaque jour fournisse une nouvelle occasion aux enfants d’expérimenter leur autonomie.

Notre vie était fabuleuse. L’équivalent de n’importe quel conte de fées. La maison était toujours pleine à craquer d’enfants. Je n’avais ni les yeux, ni les oreilles assez grandes pour enregistrer toutes leurs réactions.

Si au début, je me suis tenu à distance ; à force de me rendre chez Suzanne, les enfants m’ont reçu dans leurs activités les unes plus captivantes que les autres. J’étais heureux, car je n’avais pas à combattre ma nature profonde. J’avais déjà apprivoisé la notion de consentement et je pouvais l’appliquer sans difficulté, malgré les frustrations requises parfois.

Les délatrices des gestes sexuels quant à elles prétendaient que les amourajeux prenaient leur temps pour convaincre les jeunes afin de les amener dans leur griffe en créant la confiance. Ce n’est pas connaître les jeunes que de penser qu’avec le temps ils se laisseront leurrer. Les jeunes peuvent aussi aimer ce genre d’aventures que ça plaise ou non aux adultes qui, eux, ont vu leur cerveau lavé par les prétendus péchés de la chair. Si un jeune est scrupuleux, il n’acceptera jamais de participer à un jeu sexuel.

Ce réalité doit être claire dans un cours de sexualité.  Tu aimes ou tu n’aimes pas et tu dois l’affirmer très clairement si la situation se présente.

En ville, les complexes et les frustrations d’être toujours anonyme, sans importance, sans amour, s’incrustent dans la peau des enfants sans que l’on s’en aperçoive. Les enfants sont souvent rejetés par les adultes, tenus à l’écart comme si c’étaient des lépreux.  Leur compagnie semble chez les adultes ajouter des problèmes différents et supplémentaires.
 
Chez Suzanne, ça n’existait pas. Chaque petit bout d’homme ou de femme était important. Leurs désirs étaient souvent des ordres. Ils étaient les rois.

Laissez libres, les enfants nous désorientent complètement. Ils ne sont jamais ce que nous aurions cru qu’ils sont.

Pour eux, tout est jeux, plaisirs, découvertes, rires et parfois, il faut bien l’admettre, des mesquineries, des jalousies. Les enfants qu’on prend naturellement pour des anges peuvent être d’une cruauté inouïe entre eux.

Patrick, souvent écrasé par ses petits copains, était très heureux que j’accepte de jouer avec eux. Il se sentait probablement mieux protégé, du moins, j’étais un atout dans ses cartes.

Je luttais souvent avec Patrick et ses petits copains.  Je les aimais bien et ils me le rendaient au centuple. Cela les amusait passablement à en juger les lamentations quand je refusais de lutter avec eux.


Les jeunes faisaient souvent la queue à la porte chez Suzanne dans l’espoir que j’accepte d’aller jouer avec eux. Partager le jeu des enfants, c’est leur faire le plus beau des cadeaux.


Si Patrick ne m’intéressait pas physiquement, il était trop jeune et trop petit, ses deux amis, Daniel et Réjean, me faisaient tourner le cœur à grande vitesse. Quant au troisième du groupe, Alain, il ne m’intéressait pas du tout, même je ne l’aimais pas tellement. Ce n’était pas sa légère infirmité qui me fatiguait, mais il était jaloux et hypocrite. C’était un petit frustré qui ne sortait jamais des dentelles ou des slips de sa mère.

J’essayais autant que je le pouvais de m’adapter à leur façon d’être, de voir. Je les adorais. J’aimais cette situation, car j’apprenais beaucoup sur le comportement des jeunes. Pourquoi nous fascinent-ils autant ?

Pour une fois, je n’étais pas toujours contraint d’agir contrairement à ce que je ressentais. Patrick m’intriguait plus qu’il ne m’attirait physiquement. J’étais curieux de savoir pourquoi il s’excitait autant dès qu’on s’occupait de lui. Il n’a pas fallu des mois pour que j’ouvre mon aile protectrice.


Plus le temps passait, plus j’étais souvent chez Suzanne.

Les enfants se réunissaient pour élaborer une foule de jeux auxquels j’étais très souvent invité à participer. Le jeu le plus populaire consistait à faire tenir, grâce à la salive, un bout de papier hygiénique sur l’ouverture d’un verre, d’y déposer une cenne et essayer par la suite, à tour de rôle de percer le papier avec le bout d’une cigarette allumée sans faire basculer la cenne à l’intérieur.

Parfois, les jeunes en profitaient pour fumer. Nous n’y faisions aucune objection, à condition qu’ils ne fument pas à la cachette et qu’ils ne jouent pas avec le feu sans la présence d’un adulte. C’était moins dangereux pour les incendies.

Les jeunes aimaient surtout se costumer, danser, fêter pour toutes sortes de raisons. Aussi quand j’ai eu mon chèque mensuel de BS, j’ai amené Patrick et Yanie, dans une salle de jeux, juste pour leur faire plaisir et avoir la joie de les voir ainsi goûter le plaisir. Daniel et Réjean les regardaient avec envie. Je les aimais trop pour ne pas tenter un effort supplémentaire. Ce fut une soirée délicieuse. L’électricité de leurs regards valait mille mots et autant d’argent. Je suis très vite devenu aussi jeune qu’eux. J’étais pendu à leurs gestes, ébloui, même si cela m’a coûté en jeux l’équivalent de deux paires de lunettes en peu de temps.

Je vivais avec Suzanne et les enfants une expérience surnaturelle : des adultes complices à part entière avec des enfants. Jamais je n’avais ressenti une atmosphère d’amour aussi dense.

Si les enfants sont libres, le souci de se déculotter, la curiosité de voir l’autre dans son intégralité ne tarde pas. C’était chose fréquente à l’école libre et nécessairement une prolongation à la maison ne tarda pas.


Je devais m’habituer à n’en pas faire un drame pour respecter la philosophie que l’on se faisait de l’éducation. La seule règle : le jeu ne devait jamais être initié par l’adulte. Même si on est ouvert d’esprit, notre éducation a souvent fait de nous des scrupuleux.

Dans notre éducation, on est toujours plus scrupuleux quand il s’agir de rapport avec le sexe opposé. Ce qui me prouva que même adulte, l’éducation reçue enfant nous mène encore par le bout du nez.

La nudité a quelque chose de terrifiant quand il s’agit la première fois de rompre avec les habitudes de notre culture qui valorise extrêmement l’esprit aux dépends du corps. Ce choix religieux est fait en fonction de se mériter une éternité spirituelle dont l’existence n’a jamais été prouvée.
 
L’approche sexuelle de Suzanne a été lente et plus fignolée. Nous sommes passés dans le même lit qu’après de longues discussions, plusieurs verres. De visiteurs, je suis devenu l’amant.     

Nous couchions ensemble, habituellement, quand les petits étaient endormis. Patrick et Yanie désiraient presque toujours coucher dans notre chambre, sur leurs matelas, ce qui nous compliquait un peu l’organisation de moments d’intimité.


Nos nouveaux amours étaient marqués par la tendresse, la musique, les enfants, la complicité d’esprit. Toute la vie nous entraînait comme dans un cyclone de bonheur.


Patrick était très bizarre. Il se servait de ses scrupules comme moyen d’attirer l’attention. Alors que nous nous couchions tous nus, lui, préférait garder ses sous-vêtements. Certains, voire la majorité, y verraient là un acte normal quoique ce soit la réaction d’un enfant dont la sexualité a été réprimée dans son entourage alors qu’il était tout petit.


Il accouchait des mêmes scrupules que ses camarades, même s’il vivait dans une famille très ouverte. Mais, notre cheminement acceptait ça comme un droit individuel au même titre que de ne pas aimer les épinards. Cependant, on craignait que ça cache un problème, car il agissait comme si cette honte de son corps dissimulait autre chose. Il ne se lavait pas et devenait affreusement sale.

Être scrupuleux cache presque toujours un fort complexe d’infériorité, la peur de ne pas être aussi beau que les autres. Pour éliminer ce problème « possible », car c’est son droit le plus absolu de coucher avec ou sans sous-vêtement, nous avions pris l’habitude de lui dire qu’il est beau, de jouer son jeu et de ne jamais lui parler de ses scrupules, sinon pour le taquiner.


À long terme, ça eut des effets très positifs. Il s’est senti plus valorisé, ses agissements le montraient très clairement plus francs, même s’il continuait à être scrupuleux. Il riait plus. Il s’amusait plus. Il était plus sécurisé. Donc, je faisais partie du problème.

Suzanne et moi, nous passions de longues heures à nous définir, à mieux se faire connaître l’un à l’autre. Notre drogue d’amour était certains disques que nous écoutions en faisant l’amour au même rythme, après avoir fumé un bon joint.

Suzanne avait connu des felquistes, ce dont je ne pouvais pas me vanter. Elle me les peignit tel qu’elle les avait connus à la Maison du pêcheur, en Gaspésie. Elle n’avait pas la même admiration pour eux que moi qui les vénérait tout simplement. Loin de là. Elle était étonnée de voir jusqu’à quel point je m’étais identifié au FLQ, même si je n’avais connu personnellement aucun membre de ce mouvement, encore moins une cellule. J’avais tout au plus rencontré à l’occasion Pierre Vallières, Charles Gagnon et Robert Lemieux. Ce qui n’a rien de miraculeux quand tu es journaliste.


Je lui ai raconté comment je m’étais servi de ma petite réputation pour hâter la réalisation des projets gouvernementaux dans les Vauxcouleurs (Estrie) parce que le fédéral me croyait plus dangereux que je l’étais en réalité. J’étais très fier de ces exploits.

Nous nous sommes souvent endormis sans faire l’amour, ne cessant jamais de placoter et, le matin, les petits nous tiraient du lit, ce qui nous privait de reprendre le temps perdu. On ne pouvait même pas y rêver. Toutes les situations possibles, nous arrivaient pour nous empêcher de vivre notre vie de couple.

Un soir, j’ai gardé les enfants pour permettre à Suzanne de sortir avec une amie. Cela me faisait plaisir. J’avais appris avec assez de rapidité à me faire écouter sans commander.

Pour être l’invité des enfants dans ce cénacle de confiance, j’acceptais leur façon de vivre, d’être pleinement complice dans tous leurs désirs. J’avais appris que ce n’est pas parce que tu es un grand que ton point de vue a plus d’importance que celui d’un petit. Nous devions tous être des égaux quel que soit l’âge et le sexe. Le fondement même d’une éducation libre.


Je lisais dans la cuisine, les jeunes jouaient au  « strip tease » ou  au « docteur » dans leur chambre. Je respectais le code de discipline de l’école libre : ne jamais intervenir, sinon pour empêcher la violence et ainsi s’assurer que personne ne soit blessé.

La morale sexuelle est la pire forme de domination, car elle sert à assurer l’esclavagisme individuel dans une structure sociale.

Un sourire d’enfer 48

mars 30, 2023

Un sourire d’enfer 48

Mes péripéties ne m’empêchaient pas de boire, surtout quand je participais à une soirée de poésie avec Gilbert Langevin. C’est à qui paierait le prochain verre.

Un soir, j’ai été ramassé par la police. Langevin était parti et je me suis endormi sur un banc.

Au poste, j’ai été reçu par des policiers en civil. L’un d’eux portait la barbe. Je me rappelle peu de cette rencontre, sinon que le barbu voulait savoir de qui je parlais quand je nommais Pier Elliot, dans mon carnet d’adresse (probablement celle du parlement).

— Trudeau, évidemment !

J’ai gueulé en affirmant que je rencontrais des journalistes le lendemain matin.

— Touchez-moi pour voir. Vous n’aurez pas fini d’en entendre parler.
Les policiers ne m’ont pas battu, du moins, je ne m’en rappelle pas. Ils avaient été plus brillants que la fois où ils s’en sont pris à une femme qui se disait conseiller municipal à Montréal et qui l’était effectivement.

Quand j’ai exigé d’appeler un avocat, la police me concéda ce droit. Ne sachant qui appeler, il n’y a pas de services légaux 24 heures par jour où tout détenu peut appeler, j’ai demandé le bottin téléphonique. J’en ai eu un, mais toutes les pages où il était possible d’avoir la liste des avocats avaient été arrachées auparavant.

J’ai été conduit en cellule. J’essayais de dormir sur le plancher quand un policier s’amena en criant :

— Aie ! Simoneau, cé t’y toué qui a perdu sa job pour avoir écrit en français ?

J’ai fait semblant de dormir et je ne lui ai pas répondu. J’avais déjà assez mangé de raclées à Sherbrooke, sans recommencer à Montréal. Je n’aime pas souffrir.

J’ai été transféré au poste no 1, dans une cellule où s’y trouvaient déjà quelque cinq personnes. Tout à côté, un autre individu était enfermé seul dans une cellule dont la porte donnait sur la nôtre.

Dans ma cellule, un prisonnier, de toute évidence gai, me faisait des clins d’œil, des petits sourires. Si j’avais été seul j’aurais volontiers passé au cash.

Malheureusement…

Le prisonnier seul s’est mis à gueuler en anglais.

— Tu pourrais au moins parler français, lui aie-je lancé.

L’Anglais continua avec plus d’énergie, criant contre le FLQ. Il ajouta vulgairement vouloir se faire sucer par un frog. Nous nous regardions, se demandant comment lui fermer la gueule. Je me suis approché de sa cellule et je lui ai demandé :

— En as-tu une belle toujours ?

— Va donc chier, maudit singe !

— Je te l’avais dit que tu parles français !

Les prisonniers riaient ainsi qu’un gardien qui s’était approché.

Le matin, je gueulais parce que l’on ne m’avait pas laissé mes lunettes, contrairement, aux dispositions des accords de Genève ou quelque chose du genre. J’avais appris l’existence de cette règle un peu plus tôt dans une discussion.
 
— C’est pour te protéger, de me dire un des policiers. Que t’arriverait-il, baveux comme tu es ? Que ferais-tu si tu te trouvais avec un Anglais comme cette nuit dans ta cellule ?

Je me suis présenté en Cour. Le juge a lu l’accusation et m’a demandé si je plaidais coupable ou non coupable.

— Coupable, de dire le policier qui m’accompagnait.

Quand j’ai voulu rouspéter le policier m’a poussé en me disait :

— Envoye, file, t’es libre.

J’étais tellement fou que j’ai chialé quand on m’a remis mes affaires personnelles parce qu’on avait écrit « wallet » au lieu de « portefeuille ». Je ne voulais pas quitter avant qu’on l’ait écrit en français.


J’ai décidé de poser un dernier geste patriotique en me présentant à l’ouverture des fêtes de la francophonie.


Dans l’autobus, en route pour Québec, un jeune riait de moi.

— Tu perds ton temps, seul, avec une pancarte. Tu dois être complètement malade.

En arrivant devant le parlement, les journalistes se sont précipités sur moi alors que les policiers tentaient de m’empêcher de répondre aux questions des journalistes étrangers. Grâce aux jeunes qui m’ont aidé, j’ai grimpé sur la plate-forme d’un monument devant le parlement d’où je pouvais être vu par les manifestants.


Le jeune qui m’accompagnait dans l’autobus se présenta et tira une photo de ma pancarte.

— Je vais te photographier pour avoir un souvenir. Tu dois être un gars pas mal grave. Avant que tu arrives, le cordon de policiers étaient de l’autre côté. Maintenant, ils sont rendus près d’ici.

Effectivement, les policiers s’étaient rapprochés tout près. Aucun cependant ne m’emmerda.

J’ai participé au défilé. J’étais très gêné. Je me sentais comme un petit gars espiègle. Souvent, la foule applaudissait en voyant ma pancarte. Une dame m’a crié :

— Tu peux bien avoir perdu ta job, avec les cheveux que t’as.

Et, je lui ai répondu du tac au tac : « Je n’écris pas avec mes cheveux. »

Ma visite a été remarquée puisque le journal Le Jour mentionna, en éditorial, je crois, que même en Afrique, un journal a fait mention de ma pancarte, mais Ronald était encore une entreprise anglaise.

J’ai passé le reste des fêtes avec des petits gars. L’un d’eux avait particulièrement laissé ses scrupules à la maison. Ce fut de très belles manifestations. Juste les yeux de ce petit Québécois me prouvaient que je n’avais pas travaillé pour rien. Les petits sont si beaux que tu peux risquer quelques claques sur la gueule pour te donner le droit de les aimer. Quant aux Africains, ils sont simplement fascinants. Je ne savais pas que les tamtams me rendaient si euphoriques.

Je craignais me faire descendre pendant que je manifestais. Il en fut rien. Trop de gens savaient ce qui se passait et s’inquiétaient de mes retards. Par la suite, j’ai participé au Tribunal de la femme, un groupe de femmes qui s’étaient regroupées pour juger le gouvernement libéral. Ces dernières, ayant appris que j’avais été expulsé, se sont rendues après moi au Parlement, à la Commission sur la langue, et elles se sont enchaînées aux chaises pour qu’on ne puisse pas les expulser à leur tour.
 
J’ai eu le temps de tout oublier avant que les libéraux répliquent. Je savais que j’y goûterais quand je serais moins suivi par la presse.


Ils se servirent évidemment de ma sexualité pour me planter. La sexualité est un besoin naturel réprimé par les autorités pour leurs profits.


Le plaisir est au centre du besoin sexuel.


Il est l’acceptation et la fierté de son corps. C’est essentiel à la capacité de s’aimer et d’aimer les autres.


Approcher la sexualité librement exige une pleine conscience des limites humaines et l’importance de la culture dans les rapports amoureux. Il faut aussi un profond respect de l’intelligence et de la beauté.


Une telle liberté exige l’approfondissement quasi-quotidien de ce qu’est l’Homme et le pourquoi de ses réactions. C’est une vie plus exigeante, car, elle demande d’être parfaitement à l’écoute des autres.

Un sourire d’enfer 47

mars 29, 2023

Un sourire d’enfer  47

À la Ronald, le travail allait bien.  J’avais un travail, j’étais heureux. Au début, j’ai voulu franciser les titres dans les adresses des collants pour les paquets expédiés à l’intérieur du Québec.

Averti par les patrons, j’ai cessé ces opérations.  Je voulais de l’argent pour retourner en Amérique du Sud d’où je ne pouvais pas me permettre d’être chômeur.

Tout le monde me blâmait de vouloir franciser ces communications.  On trouvait ça irraisonnable, sans possibilité d’apporter quoique ce soit.  Je rugissais de travailler en anglais au Québec, après avoir vécu comment dans l’Ouest les francophones sont assimilés. Je trouvais cela scandaleux.  Que pouvais-je faire seul contre une telle machine ?

J’ai abandonné mes expériences durant un mois environ.  Il était de plus en plus question de la loi 22, une loi qui, tout en faisant semblant de nous franciser, permettait en réalité une plus grande anglicisation du Québec. Je rageais.

Un bon matin, j’ai décidé que je n’avais pas le droit de me laisser assimiler sans rouspéter. 

En faisant mes collants postaux pour envoyer les paquets d’imprimés, j’ai commencé à réécrire » Directeur général » plutôt que « Director general ».  J’employais le français pour tout ce qui était destiné au Québec et dans le Canada, puisque le Canada est supposé être un pays bilingue.  Les paquets pour les États-Unis étaient adressés en anglais.  Je ne leur touchais pas.

Après quelques jours de cette pratique, le chef de l’expédition m’a averti que si je continuais je prendrais la porte.  C’était l’anglais ou le chômage.

Je ne pouvais pas me résigner à voir le Québec emprunter les chemins de l’assimilation.  J’ai continué comme avant.  Selon le chef de l’expédition, l’ordre de cesser d’écrire les titres en français venait du vice-président de la compagnie.

Je devais vider la question.  Je ne pouvais pas accepter une telle prostitution.

Je suis entré au bureau.  J’ai rempli toutes les formules de la régie interne en français.  J’ai traduit les Black Wash par les Monstres noirs ; Bell Canada, par Cloche Canada (selon le Devoir, je ne m’en rappelle pas.  Ça me surprendrait parce que je croyais dans le sérieux de mon opération).  C’était bien peu de chose, mais ça eu le même effet que vouloir enlever le mot « stop ». 


Le lendemain matin, le chef du département est venu me trouver pour m’annoncer mon congédiement.  J’ai demandé à voir le vice-président puisque l’ordre venait de lui.

 » Penses-y, dit mon chef de département.  Tu es bien ici.  Nous sommes satisfaits de ton travail.  Même si tu laisses ton emploi, personne ne voudra te suivre.  Rien ne sera changé.  Personne ne saura pourquoi tu as été congédié.

J’ai insisté pour voir le vice-président et c’est à contrecœur que j’ai été conduit au bureau du chef du personnel plutôt qu’au bureau du vice-président. 

Je me suis installé à son bureau.  Je lui ai fait part de mon point de vue.  J’ai sorti une pomme ou une tomate apportée pour dîner.  Je l’ai soigneusement coupée durant que nous discutions. 

— Veux-tu me faire peur avec ton couteau ?

— Non, mais je suis heureux que vous vous rappeliez qu’un gars a déjà fait sauté trois des vôtres.

— Ce sont des menaces ?

— Je suis seul et non violent, mais si les travailleurs dans les compagnies continuent à travailler dans une autre langue, à devoir toujours se contenter des emplois subalternes, vous pourriez venir qu’à faire face à des gars qui, eux, seront violents.

En moussant la loi 22, vous vous préparez un maudit bon carnage.  Ce n’est pas quand vos usines seront occupées ou qu’on vous fera sauter qu’il sera temps de commencer à réfléchir.

— Je ne parle pas avec les terroristes.

— Je ne suis pas un terroriste.  Je vous avertis simplement que si vous ne changez pas de direction, ça va aller mal au Québec. (Ce que je croyais et ressentais).

La discussion devenait impossible.  S’il m’avait écouté religieusement quand je lui ai expliqué ce que signifiait pour moi la francisation des entreprises, il goûtait un peu moins mes avertissements.  Je les croyais pourtant justifier : le mépris n’aura qu’un temps. Les Québécois ne se laisseront pas toujours faire.

J’avais l’air fin avec mes  » jamais plus je ne toucherai à la politique ». 

Encore chômeur, cassé comme un clou, en pleine guerre sainte pour le français au Québec. J’avais réussi à me remettre dans la merde.

Il ne faut pas croire que cette décision m’a valu bien des heures de gloire.  Je me suis fait dire le plus honnêtement du monde que je n’étais qu’un  » one man show », que je me prenais pour un autre.  


Ce fut un peu l’histoire de ma vie.  On dirait qu’il faudrait que je me méprise parce que je suis différent des autres. 


La campagne pour la francisation à la Ronald a été similaire à bien des égards émotifs à ma campagne Rhinocéros. 

Je ne voulais pas comme à l’époque entendre parler des héros et encore moins me prendre pour un cas de bande dessinée.  En même temps, je ne pouvais pas admettre d’être indifférent à l’avenir du peuple auquel j’appartenais.

C’est la crotte au cul que le jeudi je me suis présenté devant l’usine avec une pancarte « Congédié pour avoir écrit en français à Montréal ». Mon arrivée n’a pas tardé à bouleverser les habitudes du coin. 

Durant tout l’après-midi, deux travailleurs ont surveillé ce qui m’arrivait.  D’autres auraient voulu que le syndicat s’en mêle, mais c’était une perte de temps : je n’avais pas encore ma permanence.   

Il a fallu du temps pour que survienne deux autos de police.

— Ton nom et ton adresse.

—   Jean Simoneau. 3911 Berri.  Je ne vous dirai rien d’autre comme m’en autorise la loi et si vous m’arrêtez, je porterai plainte pour arrestation illégale.

— Minute papillon !

Un des policiers est alors allé discuter avec un autre.  Ils ont communiqué avec leurs supérieurs avant de me revenir.

— Tu connais la loi.  Tu peux rester.

Ils se sont installés ensuite en auto à chaque bout de la rue.  C’était la première fois de ma vie que la police me protégeait, tout en me surveillant.  Ça faisait nouveau et surtout très bizarre.  L’atmosphère était quand même tendue dans ma petite tête.  Je marchais les fesses serrées, mais avec fierté.

Depuis Sherbrooke, dès que la température montait, j’avais la certitude de me faire tuer.  Les sueurs étaient d’autant plus de mise que le hasard a voulu qu’il se produise deux accidents de la circulation à proximité. 

Quand les patrons ont quitté l’usine, à la fin de la journée, ils étaient protégés par des hommes à manteaux longs.  Mon message avait bien passé.  Ils avaient peur de moi ou, du moins, ce que je représentais comme présage à leur loi sur le français. 

En descendant chez moi, un bonhomme m’a accosté pour m’offrir du travail beaucoup plus payant, si je perdais ma pancarte.  J’aurais dû accepter mais j’étais engagé dans la lutte patriotique.  Un chevalier abandonne-t-il son épée devant son ennemi ?

À cette époque, je n’avais pas seulement peur de la police qui pouvait comme aux États-Unis ou en Amérique du Sud commencer à éliminer les opposants au régime.  Mon expérience à Sherbrooke me faisait craindre la pègre et la police locale au service des libéraux.  Je craignais les attentats venant d’elles qu’on passait sur le dos du FLQ. Ouvrage partagé avec la GRC.

Je voulais continuer, mais je ne voulais pas agir seul.  J’avais trop peur.   » À deux, si on me descend, j’aurai un témoin. »  Personne n’était intéressé. C’était à désespérer, puis un miracle.

Mireille Despard, la petite amie du poète Gilbert Langevin, a décidé de m’accompagner, lors de ma prochaine manifestation, soit à la fête du Canada, le premier juillet, Place du Canada, à Montréal.  

Mireille était une bonne indépendantiste qui n’avait pas peur de ses convictions.  Elle trouvait l’expérience particulièrement intéressante.  Ça valait le dérangement, disait-elle.


Tel que convenu, je suis parti avec ma pancarte pour rejoindre Mireille devant l’édifice, près de la Place du Canada.  Puisque je n’arrive jamais à me retrouver à Montréal, j’ai passé seul dans une foule de quelque 800 personnes qui assistaient à un défilé de mode pour fêter le Canada.

J’ai retrouvé Mirelle, plus peureux que jamais. Je divaguais en grande. » J’étais pour aller à Barnston, même si craignais me faire tuer « . La peur de me faire tuer est un vieux traumatisme depuis mon emprisonnement en 1963. Le temps n’était pas aux rêves, aux cauchemars, mais à l’action.

Mireille souriait. Elle participait à cette manif, curieuse de connaître les réactions. Étonnée que personne ne nous prenne à parti. J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour Mireille. Elle se promenait avec sa pancarte  » Le Québec aux Québécois. Le Canada aux Canadians », comme si de rien n’était alors que j’étais fou de peur.

Mireille présageait-elle le côté culturel des recommandations de la commission Pépin-Robarts, affirmant la spécificité québécoise ? Une première couverture journalistique fut faite par le quotidien Le Jour. L’affaire prenait de l’ampleur.

J’ai participé à une seconde manifestation. Il pleuvait et faisait tellement tempête que nous ne pouvions plus avancer dans la rue avec nos pancartes. Je me suis mis à l’abri et un journaliste du Journal de Montréal a croqué à nouveau cet évènement. Je ne voulais pas être vedette, je me fichais que l’on ne sache pas qui j’étais, mais je voulais que les gens comprennent ce qui se passe au Québec. Les Québécois sont de plus en plus étrangers chez eux et on les force à s’assimiler à l’anglais.

J’étais décidé de crever, s’il le fallait, pour que ça change.

Que pouvais-je faire de plus, sinon me présenter devant le parlement de Québec où on étudiait la loi 22.

J’ai ajouté un deuxième message à la pancarte. J’y ai dessiné un petit revolver symbolisant toutes mes lettres échangées avec le gouvernement à cette époque. On pouvait lire sur un bord de ma pancarte le message habituel ; mais de l’autre côté avec le petit revolver, on lisait : La 22 sur le 22.  Le message initial devait être la 22 sur le 22 ou la 222, selon la chanson de Pauline Julien, la Croqueuse de 222.  Je dessine très mal. Je ne suis pas parvenu à tout écrire. C’est ainsi que mon message a pris une toute autre dimension dans la tête de certains ministres du gouvernement Bourassa. Quand je rencontrais un ministre, je tournais toujours la pancarte du côté de la 22. Cela semblait plus de circonstance.

— As-tu vu, disaient certains ministres énervés. Ils ne pouvaient rien faire. Je me promenais seul et quand il pleuvait les surveillants au parlement me craignaient si peu qu’ils me permettaient d’attendre le soleil à l’intérieur. Lorsque je suis arrivé, un des surveillant étaient venus me demander :

— Est-ce que beaucoup d’autres de ta gang viendront ?

— Je ne sais pas. Pour l’instant, je suis seul à avoir perdu ma job pour avoir écrit en français.


L’après-midi, j’ai rencontré deux beaux petits gars. J’en ai profité pour faire de l’œil au plus vieux et lui chanter un peu la pomme. Comme dans la campagne Rhino, cet événement me permit de prendre mon action moins au tragique et de donner ainsi un meilleur rendement.

Les journalistes ne le prenaient pas de cette façon. Certains ont écrit que pour un gars qui venait de perdre son emploi, j’étais pas mal souriant. Ceux-ci ne savaient pas que j’avais déjà pleuré parce que j’avais perdu mon emploi. Avec le temps, ça devient presque une habitude, même si ça fait toujours mal. À chaque fois, tu te demandes, si ce n’est pas toi qui es tout de travers. Tu doutes de tes compétences et de ta lucidité.

Mes manifestations visaient à faire comprendre qu’au Québec, il est possible d’être congédié pour avoir utilisé la langue de la majorité. Quelle injustice sociale voulez-vous plus criante ?

À la fin de la journée, le ministre du Travail, Jean Cournoyer, est sorti seul du parlement et s’est dirigé droit vers moi.

— As-tu porté plainte au Ministère ?

–Évidemment !

— Que t’a-t-on répondu ?

— Rien, comme d’habitude.

J’ai décidé de me présenter en Commission parlementaire, même si j’avais la conviction que je ne serais jamais écouté.

Mon sourire m’ouvrait toutes les portes.

J’ai laissé ma pancarte à l’entrée et je me suis rendu là où les députés délibéraient sur la langue.

Dans la salle d’audience, j’ai sorti de la sacoche que j’avais gardée, une pancarte miniature exprimant mes revendications. À la demande de Bourassa, un policier est venu me l’enlever.

J’avais apporté une petite tablette pour écrire et crayon feutre rouge. J’ai refait la pancarte à des dimensions misérables. J’ai levé le papier au bout de mes bras en direction des députés. La police est revenue, même si Bourassa était parti. L’ordre était venu cette fois de Dracula Cloutier.

J’ai recommencé, mais quand le policier s’est présenté pour m’exhorter de cesser ou de partir, j’ai choisi la porte. Curieusement, le policier s’excusa de devoir appliquer la loi. Il est interdit de manifester à l’intérieur du Parlement. Je n’en revenais pas : la police du parlement avait la réputation d’amener les belligérants dans les toilettes pour leur faire comprendre à coups de poing de ne pas penser de telle ou telle façon. Pourquoi un officier s’excusait-il de m’expulser?

J’avais réussi. Mon texte était entre les mains des députés et des journalistes. J’y posais des questions quant à la mort de Laporte et la crise d’octobre. J’affirmais que la loi 22 était un moyen hypocrite d’imposer dans les faits le bilinguisme, en faisant semblant de vouloir tout franciser.

J’y voyais un moyen de provoquer une guerre civile qui justifierait une nouvelle intervention de l’armée. Cela permettait d’écraser encore plus les indépendantistes sous le couvert de la sécurité nationale. Comment recommencer le coup de 1970 à moins de créer un mouvement de masse pour le justifier. Je ne sais pas ce qu’en ont pensé les ministres, mais le Conseil des ministres ordonna une enquête sur mon cas.

L’animateur de CKVL, M. Mathias Rioux, me demandait sur les ondes de la radio de faire confiance à son ami le ministre du travail, M. Cournoyer. Pourtant, M. Rioux ne m’a pas aidé à faire savoir aux gens que la Ronald Federated Graphics avaient refusé de répondre à l’enquête du gouvernement, comme le l’a prouvé un employé du ministère du Travail.

J’ai continué de boire, le soir. C’est le meilleur moyen d’oublier la peur.

C’est difficile de faire autrement quand tu sens que personne ne t’appuie réellement. J’étais peut-être trop paranoïaque pour poursuivre seul à de telles manifestations. Pourtant, je m’amusais en le faisant. Ce devait être autre chose. Je me prenais peut-être trop au sérieux.


Je devais continuer même si tout le monde riait de moi. L’affaire du couteau était survenue après que je fusse irrévocablement congédié. Je n’avais rien à perdre et rien à me reprocher. C’était un moyen pour attirer l’attention et un peu, mon entêtement à vouloir passer pour un grand révolutionnaire.


Je me rappelle une de nos discussions avec le grand poète Vannier qui me disait qu’il était, un grand révolutionnaire. Il venait de publier  » La fée des étoiles » et une photo du clitoris de sa blonde. Je lui avais dit :  » Y a rien de révolutionnaire là-dedans puisque tout le monde va jouir à le regarder.  Si tu veux faire la révolution parle de chose que les gens détestent. Parle comme moi de pédérastie. »


Je me croyais un vrai révolutionnaire, comme je me suis cru capable d’être un jour un bon écrivain.

J’étais certain de la véracité de ce que je disais. L’assimilation, je l’avais vécue. Je savais de quoi je parlais. La défaite du NPD, je l’avais ressentie avant même qu’elle arrive. Pourquoi n’aurais-je pas raison quant à la loi 22 et ses intentions ?

Faute d’avoir justice au Québec, je me suis tourné vers le Parlement d’Ottawa où j’ai réussi à montrer ma pancarte à Trudeau quand il a quitté le parlement, le midi. J’étais près de sa voiture. Il ne pouvait absolument pas ne pas m’avoir vu.

L’après-midi, il donnait une conférence de presse. Je l’ai attendu plus d’une heure devant la salle de presse quand arriva un véritable groupe de guêpes. C’était Trudeau et sa meute de journalistes. Il était si mal gardé que j’ai pu m’installer juste derrière lui pour l’escorter jusqu’à la salle des conférences. Il ne m’a pas dit un mot. C’était mieux ainsi. Les journalistes ne se sont pas occupés de ma présence. J’étais un francophone et ma pancarte était écrite seulement en français. Perdre son emploi au Québec aurait été grave s’il s’était agi d’un anglophone qui aurait perdu son emploi pour avoir écrit en anglais. J’aurais pu lui casser ma pancarte sur la tête, mais ça n’aurait rien apporté de positif. Je me serais tout au plus dé frustré. J’aurais été jugé et proclamé malade mental.
 À la fin de la conférence, Trudeau devait retourner au parlement en automobile. À sa sortie, il y avait une très belle femme qui l’attendait. J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’une autre pâmée de la trudeaumanie, plus belle et plus jeune que celles que nous montrait la télévision habituellement.
 
Malgré les exhortations des policiers et de cette femme, Trudeau a décidé de se rendre à pied au parlement avec Marguerite. Eh oui, c’était son épouse. Si Trudeau et Marguerite étaient très calmes, les policiers eux étaient très nerveux

Les agents de la GRC essayaient dorénavant d’empêcher ma pancarte de pouvoir être prise par les photographes. En route, dans les escaliers, un photographe a trébuché alors qu’il marchait à reculons. Trudeau l’a aidé à se relever. Les policiers m’ont oublié et j’ai pu ainsi faire photographier ma pancarte pendant que Trudeau lui tendait la main. La photo reprise par l’agence de presse fut envoyée aux journaux. J’avais réussi ma mission : j’avais passé le message à la grandeur du Canada, mais…

Dans les journaux, les éditeurs assoiffés de noirceur ne voulaient pas montrer le message.  Ils pouvaient noircir la pancarte et rendre presqu’impossible la capacité de lire ce qui s’y trouvait. Peut-être une question de focus aussi ?

Je ne savais pas quoi penser de Trudeau. Il avait définitivement recherché un tel événement. Pourquoi ? J’avais une nouvelle peur. Les libéraux avec la GRC ou la pègre (ou les deux, car ils travaillent parfois ensemble) organiseraient-ils un attentat contre la Ronald ?  J’y serais certes le premier soupçonné. Je pourrais bien être comme certains felquistes condamnés pour des crimes qu’ils n’ont jamais commis. Pierre Paul Geoffroi est l’exemple le plus plausible. Était-ce un scénario vraiment aussi fou ?

Le soir même ou dans les jours qui suivirent, la GRC découvrait une bombe qu’elle avait probablement déposée elle-même, près de son bureau, à Ottawa. Drôle de hasard !


Pendant la crise de la loi 22, l’agent Robert Samson de la GRC sautait en allant porter une autre bombe chez Steinberg. Presque personne ne savait qu’il y avait un conflit syndical chez Steinberg, mais tout le monde connaissait le projet de loi 22. Pourquoi essayait-on de minimiser l’importance de l’agent Samson, en prétendant que c’était une espèce de fou qui aime les petites filles ?

Fallait-il d’autres preuves que la violence au Québec est souvent l’acte de la GRC comme l’ont démontré par après les Commissions d’enquête Keable et Macdonald portant sur le terrorisme et les agissements de la police fédérale ?

Est-ce que les communiqués reliant le FLQ à Cuba étaient tous des inventions de la GRC pour prétendre que le FLQ était un mouvement communiste ? Est-ce que la go-gauche, surtout dirigée par les Anglophones de la gauche de Montréal, étaient responsables de ces textes ? Y a-t-il un rapport stratégique entre les affirmations de Trudeau aux Etats-Unis, les communiqués de ces dites cellules et vouloir faire croire que le Québec est le second Cuba du Nord ? Jusqu’où la CIA avait-elle les coudées franches ? Le FLQ marxiste aurait-il été inventé pour donner plus de crédibilité à Trudeau aux États-Unis ? Voulait-on ainsi, connaissant le peur maladive des communistes chez les Américains, faire  cautionner le besoin d’écraser le Québec ? Être francophones en plus d’être communistes, ça fait bien plus peur.

J’ai écrit à Keith Spicer, Commissaire aux langues. Ce fut évidemment sans succès. Spicer ne protège que les Anglais. Il suffit de lire sa chronique dans La Presse pour en avoir la preuve.  Le Protecteur des droits linguistiques des Canadiens ne m’a même répondu, encore moins soutenu dans ma lutte.

Il ne restait qu’une possibilité faire appel aux Nations Unies. C’est ce que j’ai fait. J’ai exprimé l’avis que les Nations Unies pourraient enquêter sur ce qui se passait au Québec en s’intéressant au cas des felquistes qui étaient privés des droits fondamentaux garantis par les pays signataires de la Charte des droits de l’homme. Je n’ai pas été écouté davantage. Je me suis rendu à la Ligue des droits de l’homme. Je n’ai pas plus été écouté. Serait-ce que l’on ne me prenait pas au sérieux ? Même la ligue avait perdu la langue.

Les droits individuels, ça existe, mais pas pour Simoneau et autres pédérastes. C’est un francophone, un radical, une espèce de fou.

Les libéraux étaient-ils infiltrés partout par la pègre et la GRC ? Pourquoi ce mariage Trudeau et go-gauche ? Mariage qui est encore plus plausible depuis l’élection du Parti Québécois. Les libéraux sont liés avec la go-gauche surtout dans les dossiers du logement, de la libération des femmes, l’assistance sociale, dans les syndicats, particulièrement dans les hôpitaux et les CLSC. C’est quasi invraisemblable, mais c’est pourtant une réalité.              
 
L’extrême gauche combat avec l’extrême droite de Ryan contre le gouvernement péquiste. Ce gouvernement est nationaliste donc un ennemi des deux autres formations.


Mon père l’a compris bien avant moi. Je ne voulais pas le croire parce que j’avais une foi inébranlable dans les syndicats

Un sourire d’enfer 46

mars 28, 2023

 Un sourire d’enfer 46

Ces discussions avaient au moins l’intérêt de permettre une bonne brosse.

Un soir, je buvais avec Gilbert Langevin, un extraordinaire poète.  J’étais dans un état d’ébriété pas mal avancé quand le garçon de la taverne a refusé de nous servir d’autres bières.  Fort de mon expérience dans l’Ouest et pour prouver que je n’en inventais pas, je suis allé chercher un petit couteau de cuisine pour forcer la commande.
 
Le garçon de table n’a pas eu peur, mais il a pris ça bien au sérieux.  Je me suis ramassé vite comme un éclair sur le trottoir. 

Mon pauvre Langevin, en bon camarade, en pleine solidarité, a commencé à vouloir expliquer mon comportement et demander ma réintégration.  Il est sorti si vite qu’il est arrivé le front sur le trottoir.  Nous avons été réintégrés quelques semaines plus tard alors que le patron de la place nous a expliqué que c’était une mesure pour « me » protéger.

 » Quelqu’un aurait pu te prendre au sérieux et t’abattre pour nous. Il n’y a pas que des poètes à la taverne Chérier.

J’avais gravé quelques manies de voyage dans mon appareil mémoire.  Ainsi, quand j’étais nerveux, je me croyais toujours plein de puces.  À l’hôpital, les médecins m’ont expliqué que j’avais probablement été traumatisé par les puces quand j’en ai eu dans l’Ouest.  À chaque fois, que les nerfs me prenaient, les puces réapparaissaient.  Elles n’avaient rien de réel, mais ça piquait en «joliboire».

Je buvais du café comme un défoncé, ce qui me rendait encore plus nerveux.  Je devenais un véritable accélérateur, plus fanatique, plus peureux, plus violent en pensées et surtout en paroles. 

La bière me ramenait les nerfs, mais dès que je dépassais trois bouteilles, elle me rendait complètement fou.  Je devenais paranoïaque à cent pourcent et plus.  C’est encore pareil, mais aujourd’hui, (en 1978) c’est le vin. 

C’est mon petit côté voyou, révolté.  

Un sourire d’enfer 45

mars 27, 2023

Un sourire d’enfer 45

Le Québec fut d’abord le premier panneau de signalisation en français. 

Un grand espace et un petit gars qui s’amusait sur le bord de la route, le ventre au vent… Un signe divin ?  J’étais surexcité d’être de retour au Québec.  Le pays me semblait plus beau que jamais. 


Mon année dans l’Ouest m’avait fait oublier que les petits Québécois sont terriblement beaux.  Je n’en finissais plus de les découvrir aussi attachants.  Ils rient plus qu’ailleurs au Canada et aux États-Unis.  Ils sont moins froids et plus latins.  Ils sont plus attachants, voilà tout. Ils sont vivants.

Les petits me sont apparus encore plus beaux à Sherbrooke.  C’était comme redécouvrir le paradis terrestre.  Je visitais le festival des Cantons quand j’ai rencontré Michaël, un jeune que je connaissais déjà ainsi que sa famille. 

Je l’ai accompagné dans les rues. Le coeur me dansait comme une soucoupe volante. Il m’amena rencontrer un de ses petits amis qui s’amusait dans une tente.  Il sculptait de la glaise.  Je suis parti pour un voyage au pays des séraphins quand il a fait une tête d’éléphant. La trompe était, à ne pas s’y tromper, un pénis.  Il s’amusait, sachant que j’avais compris, en me tirant des regards moqueurs.  Il riait des yeux et modelait des trompes de toutes les longueurs et toutes les grosseurs qui ne laissaient aucun doute. Les éléphants étaient un symbole.

J’étais hypnotisé par sa beauté et son audace.  Comment y résister ? Je suis immédiatement tombé dans une de mes petites manies. Je tremblais comme feuille au vent. Un ouragan bourdonnait dans mes veines.  Nous sommes partis tous les trois dans les rues. 


Si la vie est une expérience cosmique dont le corps est le vaisseau spatial, le sien valait bien un voyage dans la Voie lactée. J’en oubliais l’enfer, car le ciel l’emporte toujours contre les flammes. La peur est une descente aux enfers, elle grossit davantage à chaque marche en descendant.

Nous sommes arrêtés regarder un jeu.  Alain était debout, collé à moi. Soudain, un de ses amis est apparu.  Alain a craint d’avoir été vu dans son offrande. 

J’ai compris son désarroi à sa façon de s’écarter de moi, aux regards successifs qu’il a roulé des yeux de moi à son ami.  Le sang afflua dans ses joues comme un tsunami. Je sentais que tout basculait. Il pensait qu’il venait d’être pris au piège.

Après quelques minutes de discussion, je lui ai demandé si nous allions changer d’endroit.

— Je ne vais plus avec toi, tu n’es qu’un maudit fifi.

— Qu’est-ce qui te prend ? demanda son nouveau camarade.

C’était trop tard.  Alain ne pouvait plus expliquer sa réaction qui visait à prouver qu’il n’était pas consentant, qu’il ne voulait pas être identifié à un fifi.  Comment répliquer sans le mettre encore plus dans un mauvais drap ?  J’ai manqué de présence d’esprit.  Je n’avais plus qu’à partir tandis qu’Alain jouait à la nouvelle victime.  Une victime de la joie.

J’étais jaune.  Ma soucoupe volante venait de s’aplatir sur un tabou, une peur, une folie d’adultes.  Je sentais les engrenages me tourner dans l’estomac.  La brume coupait les yeux qui m’entouraient et venaient de perdre leurs sourires.  Tout était zone grise.  Les rites étaient devenus des grincements suraigus.  Mon essence sanguinaire s’était congelée.  Seul le coeur me battait aux tempes des «tilts» de trop de jouissance qui se métamorphosaient en fosses dans le cimetière de mes sentiments.  J’avais les nerfs comme des serpentins devenus soudainement trop petits dans mon corps. 
 
Michaël et Alain se racontèrent probablement l’incident. Ils répétèrent les faits et gestes à l’une de leurs mères. Celle-ci qui me connaissait très bien brula instantanément toutes les lettres et les et les nouvelles littéraires que je lui avais fait parvenir.  Deux à trois mois de travail.  


Son Henry Miller québécois venait de l’offenser, il ne vivait pas seulement des lettres de l’alphabet.

Ma littérature amourajeuse m’avait déjà valu d’autres moments de frustration semblable.  Le curé de la paroisse avait déjà organisé une véritable campagne auprès de ma mère pour me convertir.  Incapable de me faire changer d’avis, le curé m’a affirmé qu’il me livrerait personnellement la lutte si jamais une copie de l’Homo-vicièr forçait les frontières de sa paroisse.
 
— Trop de gens aimeraient ça, de dire le curé.

J’ai quitté Sherbrooke.  Il pleuvait dans mon âme des barbelés. Entre les échos de mes doigts qui refusaient d’oublier Alain, l’humiliation se faufilait et dressait des dents de cobra.

Allais-je être mordu ?


À Barnston, la réception fut émouvante.  Tout était le plaisir des retrouvailles. 

J’ai été particulièrement heureux de découvrir que mon père se portait bien.  Un poids de moins sur ma petite conscience.  Cependant, il avait terriblement vieilli. Papa était plus nationaliste que jamais.

— Il est urgent, dit-il, de se débarrasser de Bourassa.  Il nous endette trop.  Les libéraux semblent avoir décidé de nous ruiner pour que l’on ne puisse plus s’en sortir si le PQ prend le pouvoir.  On sera assez endetté qu’on ne pourra plus envisager l’indépendance.

J’étais complètement d’accord avec lui.  Leur stratégie semblait bien de nous écraser économiquement à jamais.  Nous forcer à croire que l’on a absolument besoin du fédéral pour s’en sortir. Nous mettre à genoux par l’économie.

Stupidement, je gardais mes distances.  Je ne cherchais pas autant à parler avec mon père qu’avec ma mère.  Pourtant, il aimait bien discuter avec moi.  J’aurais bien voulu me corriger à temps de ce restant de révolte qui n’avait plus raison d’exister.  J’aurais voulu lui dire combien je l’admirais, mais à chaque fois, j’étais porté à prouver que jamais je n’abandonnerai la lutte pour la libération de la pédérastie.  Était-ce de la méchanceté ou de la mesquinerie ?  J’aurais bien voulu lui dire une fois  » je t’aime », mais c’était difficile de le dire à un homme, même si c’était ton père.

J’étais parti pour Montréal, le matin, plus non violent que jamais.  Je ne voulais même plus tuer une mouche par respect de la vie.  Je remerciais Dieu pour tant de beauté et je méditais sur le besoin que chaque homme soit le serviteur de l’humanité.  Le talent est un don, plus nous en avons, plus nous devons le partager avec ceux qui en ont moins.  J’ai parfois de ces élans qui font de moi un curé manqué.  J’en profitais puisque le dimanche les « rides » sont plus difficiles à avoir.
Puis, j’ai fini par être embarqué par un prêtre.

— Tu crois en Dieu ? , me demanda le prêtre.

— Certainement, mais pas dans l’Église.

— Tu n’as pas encore rencontré Jésus puisque tu ne dirais pas ça.

— C’est un point de vue.

— Tu vas à la messe ?

— Non. Je suis chrétien, mais je n’admets pas une Église qui s’engraisse sur le dos des pauvres.  Je ne pardonne pas à des évêques de bénir des fusils.  Les guerres, ça paye l’Église, comme tous ceux qui vivent de cette économie de guerre. Elle ne peut pas faire autrement, c’est une multinationale.  Elle pense à ses profits.

L’Église catholique pouvait difficilement condamner le régime militaire brésilien qui massacre le bas clergé.  Les Jésuites participaient à la Brascan qui, grâce à l’électricité, maintenait la dictature. 

Qu’attend-on pour dénoncer le capitalisme aussi fortement que le marxisme?  Ce serait moins payant, n’est-ce pas ?  Quand les pauvres se battent contre les riches, l’Église crie aux marxistes.  Elle garde le pouvoir de son côté.  On oublie de dire que si le marxisme a prise dans ces pays, c’est justement parce qu’ils sont opprimés par les peuples riches et chrétiens. Il n’y a que les marxistes qui osent combattre autrement que par la prière. 

Si l’Église était du côté des pauvres, elle ferait éclater la vérité dans les pays riches.  Elle forcerait, grâce à ses fidèles riches, les multinationales à agir de façon plus humaine.  Elle exigerait des gouvernements riches qu’ils cessent de soutenir les dictatures où les peuples sont opprimés, grâce à leur aide.  Elle ne fait rien de ça.  Elle lutte plutôt pour sa richesse, son pouvoir.

Quand l’Église cessera d’être complice des superpuissances, elle n’aura plus à tenir des conciles et dénoncer Marx. 

Les hommes comprendront qu’elle est une voie de libération. L’Église se fera l’apôtre de la Vérité.  

Quand tu crèves de faim, tu te fiches que ton Libérateur s’appelle Lénine, Marx ou Jésus.  Quand tu crèves de faim, le paradis après la mort est la solution.  Tu veux mourir, car t’espères que ce sera mieux ailleurs.  Pourtant, nous n’avons qu’une seule vie à vivre.  Qu’une expérience du genre.

Que l’on cesse d’exploiter l’homme par l’homme et l’impérialisme ne pourra plus exister.  Que l’on combatte la violence et l’économie ne pourra plus se fonder sur la guerre.  C’est ça la révolution chrétienne.  L’Église l’a trahi depuis longtemps.  Elle aura à payer pour le sang des enfants dont elle permet la mort.  

Il n’y a pas que l’argent et le pouvoir dans l’Évangile, il y a aussi l’Amour.  Jésus nous oblige à vivre heureux, en harmonie avec le Cosmos : « Soyez parfaits comme mon Père céleste est parfait.  »  Comment vivre l’Évangile de l’Amour quand tu demeures immobile, sans faire un geste pour sauver tes enfants condamnés à mourir de faim ? 

— Tu n’es pas un bon chrétien.  Tu juges ton prochain.

— Jésus a aussi combattu les voleurs du Temple.  

—   Tu n’es qu’un sale petit orgueilleux. Un prétentieux.

Les vapeurs négatives montaient trop vite.  Pour mettre fin à cette guerre verbale, je me suis tu.  J’ai médité.  J’aurais voulu projeter de meilleures ondes.  Pourquoi, m’étais-je ainsi défoulé ?  En sortant, le curé a ajouté :

— Tu n’es qu’un baveux.  J’espère que tu auras ce que tu mérites. 

Encore un bel exemple de charité chrétienne.  Je suis reparti tout bouleversé.  Avais-je manqué à la charité ? 


Je me suis installé à Montréal chez Gaétan Dostie. Au cours des premiers mois j’ai, grâce à Gilbert Langevin et son amie Mireille Despard, fait connaissance avec le milieu littéraire.  Que de discussions nous avons tenues sur la littérature.  J’ai toujours été impressionné par ces génies du verbe.  Avec eux, j’apprends plus dans dix minutes qu’avec d’autres en dix ans.

Pour plusieurs j’étais le Jean Genêt du Québec.
J’ai donc dû lire Jean Genêt pour comprendre la comparaison.  Elle est très mince. Lui, au moins, il a du talent.

Je me replantais dans le jardin du Québec.  J’étais un arbre bien perdu qui ne savait plus exactement quoi faire pour participer au combat de la libération du Québec.  Un paranoïaque facile à briser, grâce à sa pédérastie.  Le « des- soufflé ». Je ne voulais plus faire de politique, mais j’en gardais le gigotons. J’étais devenu encore plus peureux.  Je n’avais plus de héros national à imiter. J’étais devenu le Don Quichotte de la désespérance.

J’ai écrit aux magistrats du BC (British Colombia) que je paierais mon amende lorsque les policiers qui m’avaient frappé parce que j’étais francophone seraient inculpés pour assaut.  Manger une raclée par la police quand tu te fais arrêter, c’est fréquent.  On veut t’apprendre que le Canada est anglais. 

La Commission de police du BC m’a demandé de comparaître. Je n’avais pas d’argent pour payer, encore moins pour me rendre à Vancouver.   Si la GRC m’amène à Vancouver, qu’est-ce qui me garantit que je n’en reviendrai pas en pièces détachées ?  J’y voyais bien plus un piège qu’une tentative de me donner justice.  Je gueulais tièdement comme bien de nos révolutionnaires de taverne.   

J’ai préparé un dossier sur l’assimilation dans l’Ouest francophone, dossier que Le Jour a perdu.  Quant à Québec-presse, je lui ai remis si tard qu’il n’a pu publier qu’un article avant sa fermeture. 

Le Jour refusait de m’engager comme journaliste.  Certains prétendaient que c’était à cause de ma pédérastie. D’autres pensaient, que j’étais trop radical.  Un germe de trouble partout où je passe.  J’ai cru que la vérité était toute autre : on me prenait pour un farfelu ou pour un «bum».  Ainsi, j’étais un petit révolutionnaire sans envergure.

Comment expliquer la disparition de mon dossier prouvant que le bilinguisme ne sert qu’à angliciser le Québec ? Quel est leur intérêt ?  L’indépendance du Québec traîne-t-elle en longueur parce que la période de préparation est payante autant pour l’establishment gouvernemental que l’establishment révolutionnaire ?

Je comprenais que le PQ ou du moins le journal qui le représentait, même s’il se disait indépendant, ne pouvait pas m’engager.  Il aurait été mauvais pour eux de m’utiliser à cause de ma réputation de pédéraste. Finalement, j’ai été retenu comme chroniqueur littéraire, à temps partiel. J’écrivais un peu au moins.

Il ne me restait plus qu’à voyager pour ne pas nuire à la cause. Mais, il faut bien vivre. J’ai accepté un emploi dans une imprimerie au département d’expédition à la Ronald Federated Graphic, à Montréal.

Le soir, j’allais boire.  La boisson m’a toujours tué, car elle entretient mon complexe d’infériorité.  Quand je me crois inférieur, je bois pour l’oublier.


Dans le milieu littéraire, les gens ne me voyaient pas comme un étrangleur de petits gars, tout simplement parce qu’ils me connaissaient assez bien pour savoir que dans ma philosophie, le consentement est essentiel.  On ne peut pas avoir un sexe gai, si on n’est heureux de partager les plaisirs.


Le sexe sans plaisir, ce n’est plus du sexe.

On arrivait difficilement à comprendre que les jeunes garçons s’y prêtent avec autant de complaisance.  Cependant, on en était témoin et on savait que les jeunes étaient très heureux avec moi.     

Le sexe est une partie intégrante de la réalité humaine, ce que les religions ont toujours essayé de nier. Et, qu’on le veuille ou non, c’est un élément de plaisir. Peut-on aller au ciel en s’amusant autant qu’en se sacrifiant ?

— Toi, ce n’est pas pareil, me disait-on. On te voit vivre, tu le dis franchement.  On sait que tu n’es pas un danger pour eux, mais tu dois comprendre qu’ils ne sont pas tous comme toi.

— Mais, c’est à vous aussi de comprendre qu’en refusant de décriminaliser la sexualité, non seulement vous faites l’affaire de la pègre, mais vous créez les tueurs d’enfants. La frustration conduit à la violence.

Ce n’est pas la sexualité qu’il faut défendre, mais la violence dans la sexualité.  C’est un point de vue aussi important pour les femmes que pour les enfants.  C’est pourtant simple à comprendre. 


Vous forcez les pédophiles à devenir fous.  Ils sont pris entre leur besoin normal de leur orientation sexuelle, car, c’est leur nature, et leur peur de la prison ou d’être dénoncés, ce qui revient au même. 


Ils savent qu’en prison, ils seront battus et ils auront à subir pour le reste de leur vie le mépris public, la raclée.  Le chantage sera ouvert à tous les jeunes qu’ils ont connus pendant le reste de leur vie, car il suffit pour eux de dire que ça est arrivé entre eux pour que tu sois un homme mort. La parole du jeune vaut autant que la tienne. Il peut mentir, c’est lui qu’on croira, car c’est lui qui est proclamé victime.  Et, souvent la police leur dit ce qu’il leur faut dire.


La peur, ça conduit à la folie et la folie conduit à la violence.  Est-ce qu’un parent hystérique qui veut venger son fils est moins malade que le pédophile ? Il ne fait pas montre de plus de jugement et de tempérance ?  C’est loin d’être certain, car ça dépend de ce qui s’est passé. Il devrait y avoir une différence entre des jeux sexuels sans violence et un viol.

C’est comme l’urgence d’apprendre aux hommes que le mariage ne les rend pas propriétaire de leur épouse. Une extrême jalousie hétéro dégénère en une maladie mentale.  Il suffit de pousser la paranoïa.  Un problème d’identité qu’il soit sexuel ou autre ne peut que créer des déséquilibres de la personnalité.  La honte et la haine qui entourent la pédophilie peuvent les rendre violents. C’est le facteur qui m’a incité à écrire sur le sujet. Empêcher la violence, la prévenir.

Il ne faut pas empêcher les jeunes de connaître les plaisirs sexuels parce que notre société est trop scrupuleuse pour admettre que la sexualité est une grande chose.  Quelle est à base de la liberté de conscience, du libre arbitre. 

Si on est libre on n’a pas que le droit de non, on a aussi le droit de dire oui.  Quel est l’humanisme manifesté dans la condamnation d’une fille qui tombe enceinte ? En quoi est-ce chrétien de juger et condamner un pédophile ?

Les catholiques pleurent sur l’avortement avec raison.  C’est affreux.  Mais, ils oublient que s’il y a des avortements c’est que l’on est assez peu humain pour admettre l’erreur de jugement et de protéger la mère et son enfant.  Un bébé ça ne se fait pas seul, mais souvent le père disparaît.  L’intolérance est une raison valable pour vouloir se faire avorter. 


Tu ne combats pas l’avortement en stagnant sur un plan de stricte morale, mais en humanisant la société, en revalorisant la naissance, en offrant une forme de vie valable à la fille-mère pour qu’elle ne songe pas à se débarrasser de son problème.  L’enfant est un cadeau de dieu si on est croyant.

Percevoir la sexualité comme quelque chose de sale, c’est de la folie pure.  C’est comme dire : je suis croyant, mais je pense que Dieu s’est trompé. 


Les religions rendent tout le monde fou quand il s’agit de sexualité.  L’Église ne vit que pour la combattre, une obsession générer par la frustration de ses curés.  La vie est plus importante que les considérations morales nées de religions de frustrés. Vous remarquerez que les chefs, eux, ne se privent de rien.

Il faut cesser d’envisager la sexualité en hypocrite et prendre les moyens pour lui redonner un sens intelligent.  Il faut minimiser au maximum la possibilité de faire naître des drames, voir des mortalités, pour une morale qui n’en vaut pas la peine.  Personne ne meurt asséché à la suite d’une masturbation ou d’une fellation.  Personne ne fond si tu es nu et qu’on te regarde.  Le sexe est moins important que la vie.  Et, de nombreux adolescents se tuent à cause de notre morale de «poignés».         

Vaut-il mieux être scrupuleux et répressif que de vivre enfin dans une société de tolérance et de non-violence ?

L’exemple nous vient de Jésus lui-même qui a défendu Marie -Madeleine.  Ses apôtres pêchaient nus.  Ses disciples étaient nus aussi au jardin des Oliviers. C’est écrit en toute lettre dans l’Évangile selon Jean. Pourquoi aujourd’hui le nudisme serait devenu mal ?  Serait-ce que Jésus n’était pas aussi fou que son Église ?  

J’ai l’impression que les Initiés comme Jésus étaient trop intelligents pour les curés qui devaient aveuglément appliquer les lois promulguées par les dirigeants religieux.  Les scrupuleux sont fous, car, ils nient notre réalité d’humain. La beauté de notre corps et la richesse de celui-ci.

En me battant pour légaliser la pédérastie, j’étais encore plus un prophète qui crie dans le désert. Moi, je n’ai pas l’argent du système pour faire croire n’importe quoi qui rend les relations sexuelles encore plus honteuses, sales, mal.


Un sourire d’enfer 44

mars 26, 2023

Un sourire d’enfer  44

                                                  18

Je voulais surtout retourner au Québec parce que je m’ennuyais comme un fou du français.  Je voulais crever en français. Vigneault et Pauline Julien, dans la tête.

Le matin, j’ai rencontré un voleur des années 1930 qui me raconta comment dans le temps, les voleurs se sauvaient à la course, en passant à travers les appartements. C’était très drôle et plus que vivant.  Je l’ai écouté plus de deux heures.  L’après-midi, je suis allé porter mon article au Soleil et j’ai commencé le bal. 

J’étais tellement saoul que je ne me rappelais plus où se situait ma chambre d’hôtel.  J’étais perdu.  Je me suis rendu à un premier hôtel dans l’intention de m’informer.  La porte était sous verrou et le jeune surveillant ne semblait pas m’entendre, surtout que je gueulais en français.  Il ne comprenait rien et avait peur.  Il est parti téléphoner, j’imagine, à la police.  Réalisant que je me trompais de langue, j’ai crié un peu plus fort en anglais, tout en frappant plus durement du pied le bas de la porte.

— Je ne veux pas te voler, imbécile, je veux des informations.

À mon grand étonnement, la porte vitrée a volé en éclats.

J’étais pris de panique.  Ce n’était pas le temps de me faire arrêter, je partais le lendemain pour Montréal.  Fort des histoires du matin, je me suis sauvé en courant, tout en essayant d’enlever mon manteau pour ne pas avoir le même signalement, comme on me l’avait si bien raconté.  Cependant, je ne pouvais pas passer dans les mêmes appartements, il était trop tard dans la nuit. 

Je ne sais pas comment j’ai fait, mais dans ma griserie, je suis retourné juste devant l’hôtel où j’ai essayé de prendre un taxi pour continuer, mais la police n’avait plus qu’à me cueillir. Ce qui ne tarda pas. 

J’étais accompagné d’un autochtone dans le panier à salade.  Les flics allaient vite exprès, tournant le plus carrément possible, d’où étions-nous comme des balles de ping-pong à l’intérieur du panier à salade. 

Les autochtones subissent encore plus de répression que les francophones.
  Même si nos journaux n’en parlent jamais, ceux-ci ont même organisé une révolte armée au BC et en Ontario.  Des routes ont été occupées et des attentats se sont succédé, principalement au gazoduc Canada-USA.

À notre arrivée, les flics commencèrent leurs interrogations.

— Pardon, je ne comprends pas l’anglais.

C’était baveux de ma part, car je connais très bien l’anglais.  Il a fallu rien de plus pour recevoir un solide coup de coude à la poitrine et un maudit bon coup de pied sur les orteils.  Leur festin était commencé.

— You have to learn that Canada is an English country!

Heureusement qu’ils ont trouvé mon passeport, car je n’aurais pu un membre intact.  Ainsi c’était vrai, la police de Vancouver mérite un trophée pour son racisme. 

Un policier complètement fou s’est mis à gueuler qu’il trouverait un beau petit coin, ayant rêvé toute sa vie de tuer un « pea soup ». 

J’étais convaincu que s’il trouvait une cellule libre, j’en mangerais une maudite.  J’avais même décidé de me défendre si ça arrivait. 

Il a suffi de faire semblant de ne pas comprendre l’anglais pour que le racisme de la police de Vancouver éclate.  Elle a su profiter de l’occasion pour se défouler.  Les flics ont tellement de trucs pour te maudire une raclée sans laisser de marques que tu n’as qu’un moyen de te protéger : joindre la pègre.  Le système judicaire est la pierre angulaire de la mafia. Heureusement, je n’étais pas seul.  On ne pouvait pas me tuer.

L’autochtone me regardait étonné, le sourire complice aux lèvres.  Les autochtones admirent ceux qui font preuve de bravoure ou du moins ce qui lui ressemble.   Les autochtones sont encore une race fière. 


J’ai continué de résister en essayant de brouiller mes empreintes.  Je retirais d’un coup, le doigt avant la fin. Cela m’a valu plusieurs coups supplémentaires.

Heureusement, il n’y avait plus de place hormis dans une salle commune.  J’y fus placé pour y passer la nuit.

Le lendemain matin, je suis passé devant le juge.  Il a remis le procès aussitôt parce que même si je plaidais coupable, je refusais de parler anglais.  Il fallait donc se trouver un interprète. 

Les francophones disaient que la pire chose que tu peux faire dans le BC, c’est de demander un interprète : tu passes assez souvent en Cour avant d’avoir ta sentence que c’est pire que de plaider coupable.  Mon instinct de journaliste voulait savoir si c’était vrai.

J’ai été libéré, mais la police a refusé de me remettre mes souliers, disant que c’était une de leurs preuves contre moi.  J’ai blagué à ce sujet au point d’obtenir la sympathie du juge. Il a fait appeler au secrétariat pour traduire mes demandes.  Je répétais une seule chose en Cour : Where are my shoes ?

— J’ai appris le français au Québec.  Pourtant, j’ai de la difficulté à comprendre ce qu’il dit.  Il parle trop vite, dit le juge.

Le juge avait appris le français dans les Vauxcouleurs.  J’aurais bien aimé parler avec lui, mais je n’avais aucune confiance en ce juge comme tous les autres d’ailleurs.  Ce sont presque tous des hypocrites, des marionnettes du système et parfois même de purs débiles. Mais, il était très sympathique.

Avec les sandales à acheter, ce que m’avait coûté ma brosse ; je ne pouvais plus me payer une chambre.  Je suis retourné dans une auberge de jeunesse, située en dehors de Vancouver. 

À ma deuxième comparution, autre juge, mon procès a encore été retardé.  J’ai baragouiné une défense en disant ne pas avoir les sous nécessaires pour rester plus longtemps au BC.  J’étais décidé à plaider coupable. 

En remettant encore la cause, l’avocat de la Couronne a souligné que le seul témoin ne voulait plus venir témoigner contre moi.  Le juge a demandé que l’on fasse des efforts pour convaincre le témoin à venir donner sa version des faits.  

Pour me punir de vouloir utiliser le français, le juge a retardé le procès d’une semaine supposément à cause de la non-disponibilité de l’interprète.  Ça confirmait ce que les francophones disaient, mais je n’avais plus à coeur de rapporter l’expérience dans le Soleil, je voulais partir le plus vite possible pour le Québec. 

J’étais en Christ, non seulement les flics étaient racistes, mais le je juge aussi.  Je suis donc sorti en levant le poing et en chantant :
 
Prenez un verre
buvez-en deux
à la santé des amoureux.
Et, merde à la reine d’Angleterre
qui nous a déclaré la guerre.

Ce n’était pas très brave. Je ne chantais pas trop fort et personne ne comprenait le français d’une manière ou d’une autre.  J’ai filé alors qu’on me regardait comme une chose étrange.  Ils auraient certes voulu, j’imagine, comprendre ma chanson, mais c’étaient des unilingues anglais.

La visite du ministre de la Justice du Québec, à Vancouver, Jérôme Choquette, m’a fait sortir ma plume.

Il affirmait ne plus avoir peur du FLQ au point de ne plus porter d’arme.  J’ai aussitôt écrit que si Choquette ne portait plus d’arme, c’était plutôt parce qu’il n’avait plus à avoir peur de la mafia.   Je rappelais aussi qu’il fut interdit que l’on se serve des mesures de guerre contre la mafia.  La mafia, étant devenue l’allier naturelle du parti libéral, il était évident que Choquette n’avait plus aucune raison de porter une arme pour se protéger de la pègre puisqu’ils étaient des frères siamois.


La pègre avait d’ailleurs offert au gouvernement de trouver Pierre Laporte, moyennant une récompense.  Qu’est devenue cette entente ?  Qui a tué Laporte puisque Paul Rose n’était pas là, même s’il a été condamné pour ce meurtre.  

La pègre ou la police, même famille, poches différentes, mais siamoises. 

J’ajouterais aujourd’hui : est-ce l’attente pour ouvrir le coffre de l’arrière de la voiture où le FLQ avait déposé Laporte vivant qui l’aurait tué ? 

Il serait-il mort au bout de son sang parce que Jean Chrétien ne voulait pas, que l’on ouvre immédiatement le coffre, sous prétexte d’avoir peur qu’on ait déposé une bombe dans l’auto.   Est-il vrai que Laporte avait été amené à cet endroit précis parce qu’il y avait un hôpital militaire qui pouvait le soigner ?  Le FLQ était assez infiltré pour que le gouvernement soit informé à la minute près de la condition de Cross et Laporte. 


La version officielle du meurtre de Laporte permettait d’accuser les souverainistes d’être des assassins et les libéraux ne se gênaient pas pour utiliser cette fronde. 

Le journal a aussitôt publié le texte.  Probablement parce que dans l’Ouest tout ce qui se disait sur le FLQ était bon vendeur.  

Les élections fédérales s’en venaient.  Je devais choisir entre garder mon billet ou me présenter aux élections comme Rhinocéros, à Vancouver.  


Je me serais alors proclamer en conférence de presse :  » The Queen of Canada », habillé en travesti. 

Ce titre éminemment gai aurait fait bondir tous les conservateurs anglais.  De nombreux Québécois au BC avaient décidé de fournir à ma caisse électorale ; mais voulais-je encore vivre une aventure politique ?


La semaine s’écoula à respirer la grandeur des Rocheuses.  J’avais décidé d’entrer au Québec et je le ferais. 

À Vancouver, je n’avais plus un sou.  J’étais allé pisser au terminus quand je fus « accosté » par un petit vieux.  En réponse à ses questions, je lui ai dit que je n’étais pas de la ville, que je n’avais plus d’argent, donc que je ne pouvais pas aller coucher à l’hôtel et que je n’avais pas mangé depuis la veille.
— Je vais t’amener au restaurant et nous prendrons une chambre d’hôtel ensemble.  Ne t’imagine rien de mal. Nous prendrons deux lits.

Je savais juste à voir l’intensité de la façon dont il me regardait pour savoir ce qu’il voulait.  J’ai toujours aimé jouer au scrupuleux, ça force l’autre à avoir plus d’imagination pour réaliser ses désirs.  C’est plus intéressant.  

Être une putain trop facile, ça n’a pas de charme.  C’est pourquoi, dans la Grèce antique, le jeune se devait de manifester son intérêt pour le vieux de son choix, mais le savoir-vivre exigeait qu’il résiste un certain temps pour ne pas être identifié à un gars trop facile.  Je devais avoir une gêne qui me venait directement de cette époque.  Par contre, je dois avouer que d’être le gars gêné n’est pas un jeu, je le suis vraiment. 

Je me suis rendu au restaurant, puis à l’hôtel.  J’étais convaincu que les petits jeux sexuels en compensation ne dureraient pas longtemps, car le vieux avait déjà 78 ans.

La conversation fut très rapide.

— Tu ne prends pas ta douche ?
— J’ai toute la soirée devant moi.
— Tu te sentiras mieux.

C’était vrai, j’avais hâte de me laver, mais je ne voulais pas trop le montrer. Je suis déménagé à la douche.  L’eau n’avait pas commencé à couler que le vieux nu fit irruption.

— Comme t’es beau !

— Vous devez être complètement aveugle. Il s’installa près de la douche et attendit, tout ne me mangeant des yeux.

— Viens, ne perdons pas te temps.  Je vais t’essuyer.

— Je suis capable seul.

Je l’ai finalement laissé faire. C’était pour lui un moyen inoffensif et agréable de me toucher. Je n’en suis pas mort.  Bien au contraire, ce fut très agréable.  Il avait beaucoup de doigté et c’était évident que pour lui j’étais très précieux.

Je n’étais pas couché que le vieux me rejoignit dans mon lit.  Pour un petit vieux, il n’en finissait plus de me caresser, de me manger.  J’ai rarement vu un homme avoir un tel appétit.  

Non satisfait, après me l’avoir fait essayer, il s’assoya près de mon lit et se servit de son vibro-masseur pour s’exciter davantage pendant qu’il me regardait nu sur le lit.  Je n’ai pas trouvé ce que peut nous procurer de plus de plaisir un bout de métal, sauf le chatouillement différent à celui du bout de la langue.  Il a passé la nuit près de mon lit à se masser avec son vibrateur, les yeux fixés sur moi.    

De retour en cour, le lendemain matin, j’ai écopé d’une amende.   Pour les Anglais, c’était un signe d’une double victoire.  Mais pour moi, ça ne voulait rien dire.  Trudeau venait de déclencher des élections.  Je n’avais aucun rapport avec cet événement, sinon que j’étais un symbole de plus pour prouver la défaite des francophones dans leurs têtes de racistes.   

J’ai à nouveau fait rire l’auditoire en réclamant mes souliers.  La police a dû me les rendre. 

L’interprète m’empêcha de parler anglais disant que si je le faisais j’aurais droit à une sentence de mépris de Cour, ayant refusé de parler anglais alors que je le pouvais.  Pourtant, à maintes reprises, il ne traduisait pas tout ce que je lui disais ou il traduisait ce que je disais tout de travers.  Il était bien le bras droit de la police.  Il cherchait à savoir ce que j’allais faire.

— Je publierai partout que la police m’a frappé. 

Il me paya le repas, ce qui justifiait une meilleure interrogation.

— T’es un radical ?

— Si ne pas accepter la société dans sa merde actuelle est être radical, j’en suis un pour sûr.

— T’es communiste ?

— Non, je suis anarchiste

Pour moi, anarchiste voulait seulement dire : refuser l’autorité. C’est ce que je me croyais depuis que Pierre avait fait une caricature de moi, disant  » Je suis contre tout », ayant les doigts sur le pénis d’un jeune à côté de moi. Une belle caricature! Aussi, l’anarchie, c’était Léo Ferré.

— Tu n’as pas d’argent pour manger en descendant.

— Non.

— Attends-moi ici.

Pendant que l’interprète allait me chercher 20$ pour manger en descendant à Montréal, j’écrivais des lettres pour les journaux et le ministère de la Justice. 

— Tu devrais oublier ces incidents.  Nous ne sommes pas si méchants, grâce à la Salvation Army, tu pourras manger.

— Merci, mais je ne suis pas à acheter.

— J’espère qu’au moins tu retourneras les 20$ à la Salvation pour qu’ils aident encore des gars comme toi.  Avant d’envoyer tes lettres, penses-y comme il faut. Quand on se prend pour un révolutionnaire, à tes yeux, tous les bons gestes deviennent des tentatives de récupération.

L’après-midi, je jetais mes lettres à la poste et je prenais place dans l’autobus.  Rien d’intéressant ne s’y déroula, sauf qu’un jeune Indien adorable trouvait aussi hilarantes que moi les photos de son magazine américain dans lesquelles le pape, Nixon et Élizabeth II étaient nus.

Un sourire d’enfer 43

mars 25, 2023

Un sourire d’enfer  43

Comment faire pour que la majorité non-raciste ne se fasse pas entraîner dans un conflit raciste ?  La presse anglaise est trop raciste pour être démocratique.  Comment parvenir à passer le message ? 

J’étais convaincu qu’une population hors-Québec bien informée ne se prêtera pas à un massacre inutile, mais comment établir ce dialogue si les journaux anglophones déforment tout ?

À Vancouver, j’ai retrouvé Jimmy.  Contrairement à mes craintes, tout s’était bien passé en prison.  Même si des capsules de drogue avaient été retrouvées sur lui, aucune plainte n’avait été déposée à cet égard.  Lors de son arrestation, les policiers avaient trouvé en sa possession le « jack nife » que sa sœur lui avait fait parvenir comme cadeau, lors de son retour d’un voyage en Algérie.  Les policiers ne parvenant pas à faire sortir la lame du couteau, mon fou Jimmy, complètement gelé, leur a donné une leçon sur le maniement qu’ils n’ont pas du tout apprécié. 

Jimmy me raconta son histoire, tout en me soulignant que l’interprète français semblait travailler pour la police, car parfois, il déformait totalement ce qu’il disait en français.

J’ai passé une semaine à attendre le chèque de l’assistance sociale.  Certains mettaient en doute ce qui m’était arrivé à Dawson Creek affirmant que j’étais toujours seul quand il se passait quelque chose sortant de l’ordinaire.  Pour eux, je n’étais qu’un fabulateur.


Le premier soir au restaurant, nous avons été fouillés par la police : les cheveux longs, ça ne plaît pas à ces super-mâles.  J’étais presque mort de peur, croyant être recherché en rapport à mes agissements à Dawson Creek.  Comment pouvais-je être brave à Dawson et peureux en groupe à Vancouver ? 

— Tu fais toujours tes bons coups quand on n’est pas là. Que personne ne peut en témoigner !

En réalité, j’étais aussi peureux à une place qu’à l’autre.  Seul, je panique plus vite pour ma peau, — on est toujours prêt à mourir jusqu’à ce que ce soit vrai ou du moins qu’on le croit — mais j’ai moins peur seul parce que personne ne peut écoper à cause de moi. C’est une peur personnelle, donc, moins grande que celle d’être responsable du bien ou du mal des autres.

Je dois dompter des lions avec mes épines.  C’est comme la rose de St-Exupéry.  C’est comme si je me sentais devenir un officier responsable de la troisième guerre mondiale, celle où le prolétariat se soulèvera universellement contre tous les impérialistes et les dictateurs, où la population aura décidé que le monde actuel ne vaut plus la peine d’être vécu, où les gens penseront que tant qu’à crever de l’esprit, il vaut mieux crever au complet. 

La guerre sainte sera sans dieu.  Une guerre pour la survie individuelle.  Un après 1929 moderne.  La guerre sera la recherche de son morceau de pain.

En groupe, je me sens responsable des autres, je ne fais pas confiance à ma discrétion.  J’ai peur de les vendre par accident, d’où je me terre pour ne pas attirer l’attention.  Je ne me fais pas confiance, c’est tout.  

Plus jeune, je me détestais parce que j’étais pédéraste.   Je ne me pardonnais pas d’être un aussi grand pécheur.  Il a fallu bien du temps pour que je m’apprécie.

Aujourd’hui, je m’apprécie peut-être trop.  Mais, au moins, j’ai compris que j’ai peut-être raison de croire que la majorité des gens sont malades quand ils pensent à la sexualité.  On nous écrase dès l’enfance.  On fait de nous des paranoïaques.  On s’imagine qu’un chatouillement dans le bas du ventre quand tu viens, c’est pire qu’une crise d’épilepsie comme chez les ignorants.
 
J’ai recommencé à écrire dans les journaux de gauche ainsi que le journal des freaks.  J’ai présenté un article sur le droit de l’individu lors des perquisitions ainsi que des articles en faveur de la légalisation de la marijuana.

Mon argumentation était simple : le trafic du pot permet l’écoulement de produits de mauvaises qualités, voire dangereux.  Auparavant, au contraire, on pouvait récolter notre propre consommation personnelle et ainsi n’avoir rien à craindre.

Les principaux bénéficiaires de la loi sont la petite pègre et les policiers qui fournissent sur le marché noir les produits saisis auparavant.  Il faut que les jeunes vivant aujourd’hui de la vente de cannabis puissent honnêtement gagner leur vie en écoulant des produits de qualité. 


Je ne me penchais pas encore sur la mainmise quasi complète des marchés par la mafia internationale.  Cette mainmise serait souhaitée par les gouvernements, car, les expériences auraient prouvé qu’il est possible de contrôler les jeunes par la drogue d’où leur prolifération. 

La renaissance religieuse, grâce à la drogue, est en soi la plus grande preuve de l’intérêt du système à voir les jeunes se droguer avec les produits de leur choix ? Contrôler la masse.

Nous nous sommes contentés de rêver de phallus : Pépé était trop vieux pour ne pas être un brin conservateur.  Retour à Vancouver.

J’ai écrit mon dernier article pour le Soleil et j’ai acheté mon billet de retour à Montréal par autobus. J’étais déjà un peu plus bourgeois.  Je ne voulais plus de problèmes. 

J’avais décidé de retourner à l’école et de devenir un jour un grand écrivain.  Puisque pour avoir droit à ce titre, il faut savoir bien écrire et ne rien dire d’original, je devais réapprendre ma grammaire.  Les éditeurs ne savent pas encore que les correcteurs sont engagés pour corriger. 

Ainsi, la poésie fout le camp avec le reste de la littérature, car, ce qui compte maintenant c’est d’expérimenter des structures de phrases.   Que ça emmerde tout le monde ou pas.  La forme écrase le fond. 

La poésie en se raffinant est devenue scrupuleuse, frileuse et peureuse car elle cherche à dissimuler ce que l’on ressent.  Il faut s’attendre à ce que la littérature meurt de sa belle mort puisqu’on l’aura vidé de toute sa substance et, comme l’avait dit Marx, elle est devenue ascétique.  L’art est bourgeois quand il est à droite. 

Comme disait Janou St-Denis : Tuer la poésie, c’est assassiner la race humaine.  Et parfois ce sont les poètes eux-mêmes qui tuent la poésie en voulant s’imposer comme dieux de la censure.   

Un sourire d’enfer 42

mars 24, 2023

Un sourire d’enfer 42

Si je m’étais écouté, je me serais volontiers rendu en Alaska.  On dit que c’est très beau.  


De retour à l’école, j’ai appris avoir perdu mon compagnon de chambre. Une décision bien curieuse en si peu de temps. 

Le soir, je me suis rendu à la piscine. Burney est venu me rejoindre.  Il voulait savoir d’où venait le pot vendu à l’école.  Puisque je fumais, j’avais les cheveux en parachute, je devais le savoir.   Et, il espérait que je le lui dise.

Au restaurant, trois jeunes mangeaient et buvaient bruyamment.  L’un d’eux était le principal « pusher » de l’école.  Nous nous sommes assis avec eux et j’ai profité d’une tentative de blague sur la marijuana pour passer le message.

— Je crois qu’au cours de cuisine, les autres ont raison.  Ils pensent que Burney travaille pour la police.  Depuis que je suis arrivé, il me questionne sans cesse sur la drogue.  Ou peut-être notre vieux Burney a-t-il l’intention de commencer à fumer ?

Burney fulminait.  Rouge de colère, il me dit laconiquement.

— Ne recommence jamais ça, je te tuerai.

J’ai joué l’imbécile et je suis entré avec lui à l’école.

Tout se déroula presque normalement durant une semaine.  Presque, car, depuis mon arrivée le professeur de cuisine du département me tombait sur le dos à la moindre occasion.  N’ayant plus de petite Indienne à massacrer, j’étais devenu, le «frog», la cible toute rêvée.  Le petit français devait manger de la merde.

Burney ne me réveilla pas un matin pour me punir de ne pas avoir coopéré à son enquête.  Le professeur en profita aussitôt pour m’expulser.  J’avais le feu au cul.

— Ce n’est pas de ma faute, si je n’ai aucun « fucking » cadran. 

Le professeur s’exclama comme si je venais de le tuer.  Je venais d’être vulgaire en ayant employé ce mot anglais qui fait mourir toutes les âmes anglaises conservatrices.  C’est une expression qu’on entend dans tous les bars ou toutes les tavernes du Canada, à tous les soirs. 

J’ai décidé de défier son ordre.  Je me suis habillé quand même et je me suis mis à l’ouvrage.  Je coupais des légumes quand j’ai été invité au bureau de l’assistant- principal de l’école.  Je m’y suis rendu, le couteau à la ceinture.  Le professeur du département me regardait avec haine.


L’assistant-principal confirma mon renvoi.  Je ne m’intéressais pas assez aux cours et j’avais, disait-il, une mauvaise influence sociale.  Je sentais la moutarde me monter au nez.

J’ai regardé mes deux interlocuteurs.  Je me suis approché du professeur en charge du département et j’ai sorti l’immense couteau à ma ceinture.  J’ai commencé à l’engueuler sur son racisme de façon à ce que les étudiants m’entendent très bien de l’autre côté de la fenêtre.  Je pianotais mes syllabes avec le bout du couteau, en direction du professeur.

— Je vais sortir de l’école.  C’est vous le boss, mais ça ne veut pas dire que ça finira là.  On se reverra.  Vous allez apprendre que le racisme, ça se tourne souvent contre nous. Je ne suis peut-être pas fort, mais je ne me laisse pas manger la laine sur le dos.

— Si vous êtes intéressé à nos cours, vous arriveriez à temps.

— Ce n’est tout de même pas de ma faute si je n’ai pas l’argent pour acheter immédiatement un cadran et que Burney ne m’a pas réveillé tel qu’il l’avait promis.  Si je n’étais pas intéressé à ces études, je serais demeuré plus longtemps à Vancouver.  J’avais la permission.  Pourquoi me serais-je fait geler sur le bord de la route, si je ne veux pas suivre cet enseignement ?  J’ai besoin de ce métier pour voyager.  Pour moi, c’est important.

— Nous ne pouvons pas vous réintégrer au cours.  Vous avez été indiscipliné et vous avez employé un langage vulgaire

— Si vous étiez mis à la porte pour des raisons aussi stupides n’emploieriez-vous pas le même langage ?  À part cet incident, vous n’avez aucun dossier de discipline contre moi.  La réalité, c’est que vous n’êtes qu’un maudit fasciste.  Même si nous sommes des adultes, vous nous traitez comme des enfants.  L’école a une politique du moyen âge.  Même en prison, si vous ne faites pas votre lit le matin, on ne vous enlève pas vos couvertures durant deux jours comme ici.  Qu’est-ce que ça donne votre socialisme, si ça fait de nous des robots, des soldats.  La discipline excessive, ça rend bête.  Tout ce qui est militaire, je l’ai de travers dans le c. 

 — Il ne peut pas être fasciste, de dire le principal adjoint, il a fait la guerre aux Allemands.

— Il aurait été mieux de ne pas y aller, cela en a fait un maudit raciste. 

— Il faut respecter les règlements.

— Vous devriez comprendre qu’on ne traite pas des adultes comme des enfants.  Vous devriez connaître les principes de Summerhill, cela fait partie de la culture.  Puis, vos règlements, faites-en ce que vous voudrez.  Je ne suis ici pour diriger une rébellion.  Ce que je veux, c’est poursuivre mes cours sans problème.

Le directeur du département et mon professeur blanchissaient à chaque coup de couteau donné sur le bureau alors que je les regardais intensément.   Plus le temps passait, plus je gueulais, plus je frappais fort avec le couteau, plus il était pointé en direction de la poitrine de celui que je dénonçais.

— Pourquoi t’accepterions-nous ?  Tu n’apportes rien à la communauté.

— C’est votre point de vue.  Je suis déjà socialement impliqué.  J’ai déjà effectué des démarches pour réorganiser une émission de radio pour les francophones. Un programme pour améliorer la compréhension du milieu francophone par les autres.  Ce n’est pas assez ?

Rien ne pourrait être fait pour changer la conclusion de ce débat.

À la demande de l’adjoint au principal, je suis retourné dans ma chambre.  Il prenait mon cas en délibéré.

Les étudiants en cuisine me manifestaient beaucoup de sympathie puisque non seulement j’avais revendiqué mes droits, mais j’avais aussi dénoncé l’état répressif qui prévalait dans cette école.

À ma surprise, le principal m’a fait demandé, insistant pour que je me rende à son bureau sans couteau.

— C’est la première fois qu’un de mes chefs de département est menacé par un élève avec un couteau, me dit-il dès mon arrivée. 

Nous avons rediscuté calmement de ma situation.  Il a admis qu’à bien des égards, j’avais dû subir depuis mon arrivée des humiliations qui n’étaient sûrement pas étrangères à mon statut de francophone.  Il reconnut la parenté de ce traitement avec celui infligé à la petite Indienne.


À la fin, celui-ci me fit part de sa décision de me ré accepter aux cours, à condition qu’il n’y ait jamais plus de plaintes contre moi.  Il me prêta un cadran en badinant sur les règlements.

J’ai bien aimé ce directeur parce qu’il était objectif.  Il a su reconnaître les manquements de part et d’autre et s’en tenir à un degré de discussion fort intéressant et civilisé.  Plutôt que de chercher à me casser, il m’a appris que cette école servait aussi en grande partie à la réhabilitation des prisonniers juvéniles d’où il ne pouvait pas me laisser faire tout ce que je voulais.  Il a fait appel à mon sens de responsabilité, car il avait senti que j’avais beaucoup d’impact sur les autres étudiants.  Je ne savais pas que cette école en était une de réhabilitation.

Le soir, je suis retourné à la piscine.  J’étais heureux.  Je tenais vraiment à ces cours et j’adorais Dawson Creek à cause de ses petits Indiens. 


C’était une situation affreuse, car j’avais dû menacer quelqu’un, même si je ne l’aurais jamais touché, pour enfin être écouté, pour obtenir un minimum de respect et de justice.  Ce n’était pas moi qui l’avais cherché, je défendais mes droits et ma peau.


J’apprenais que devant le racisme, il n’y a qu’un moyen : être le plus fort. Je songeai à la situation politique du Québec. C’est exactement la même chose.

Ce n’est pas pour rien que le Canada prépare l’occupation armée du Québec.  Le fédéral espère en refusant de négocier la souveraineté-association pousser le Québec à un affrontement militaire.  Il est persuadé qu’il écrasera facilement, avec son armée, toute forme de rébellion.  Voilà pourquoi le Québec doit organiser maintenant sa propre armée.  Il ne faut pas que se répète l’histoire de Louis Riel et de 1837.  Il faut prévenir pour être certain que tout se déroulera pacifiquement. 

Pour le fédéral, il sera bientôt, et plus que jamais, dans son intérêt que le FLQ, renaisse.  Si ça devait être le cas et que ce ne soit pas organisé par les fédérastes, le FLQ devrait être assez fort pour que les États-Unis et la Russie forcent le Canada à négocier pour éviter que le conflit dégénère chez eux.  Il faut forcer le Canada à essayer de trouver une solution pacifique. 


Le danger de la violence vient du Canada et non du Québec.  Le Canada doit comprendre que la souveraineté-association est le seul compromis acceptable entre la séparation et le statut quo ou ses équivalents.  Un Québec indépendant pourrait être son meilleur allié, car il serait dans leur intérêt commun d’améliorer la vie de leurs citoyens.

La question est fondamentale et claire : les Québécois sont-ils disposés à vivre dans un pays qui ne les respecte pas ?  Les Anglophones du Québec veulent-ils vivre avec les francophones d’égal à égal dans un Québec francophone, mais respectueux de ses minorités ?

Durant la nuit, j’en vins à une toute autre conclusion : la direction avait décidé de gagner du temps, car sur le plan public, l’école avait plus tort que moi.  C’était un congédiement différé pour mieux l’excuser. 

Même si le chef de département a eu peur, cela ne l’empêchera pas, un peu plus tard, de m’embarquer encore sur le dos.  Je me sentais déjà un gars fini.  Il ne me restait plus qu’à m’en sortir honorablement.  Je voulais montrer au petit ami du chef de département ce qu’est un  » Funny Looking Queer  » et lui faire savoir une fois pour longtemps que le FLQ n’est pas un sigle dont on se moque.

Je me suis préparé un plan à exécuter le lendemain midi, alors que presque tous les étudiants seront à la cafétéria.

J’ai profité de la pause-café pour faire comprendre aux autres étudiants que je ne croyais pas que je puisse rester, même si j’avais gagné la première bataille, grâce à mon jeu de couteau.

À l’heure prévue, je me suis rendu à l’arrière, aux toilettes, pour y laisser mes vêtements de rechange et mettre les vêtements qu’on avait pour cuisiner.  Puis, je me suis rendu à la cuisine à l’avant et je suis sorti nu comme un ver de terre.


Je me suis faufilé dans la cafétéria qui était alors pleine à craquer jusqu’à ma case de vestiaire située à l’arrière-cuisine.  L’émotion fut plus forte que prévue. 

Pour la première fois, «streaker» me servait à contester une situation.  Les bonnes femmes criaient comme si elles assistaient à un meurtre. Ce fut tout un spectacle.  Pour les Anglais, c’était le sommet de la révolte.  Les Anglais sont encore pires que les Québécois dans leur peur du sexe.  De vrais bons chrétiens.  Je me suis rhabillé avec mon linge ordinaire à mon vestiaire et je me suis dirigé vers ma chambre où mes bagages m’attendaient. 

À l’extérieur, un groupe de gardiens du campus me cherchaient. Quand ils m’aperçurent j’étais déjà habillé.

— Have you seen that dem french man ?

— Non je ne l’ai pas vu, et vous ?

— We should blow your fucking head !

Aucun d’eux pourtant ne s’approcha de moi.  Je me suis rendu dans ma chambre.  J’entendais partout un tapage inusité.  Trois gars vinrent en délégation me demander ce que je voulais qu’ils fassent.

— Ordonne et on défait le camp au complet.  Certains ont déjà commencé.

Je pouvais prendre la tête d’une révolte qui aurait pu être grave.  Les jeunes voulaient tout démolir.  Je leur ai expliqué que j’avais posé ce geste en désespoir de cause : il me semblait impossible d’obtenir un traitement juste, mais je n’avais pas l’intention de les diriger.

J’avais plutôt hâte de déguerpir avant que les flics ne reçoivent une plainte.  Je suis retourné sur le bord du chemin, là, où est ma vie, car, je ne suis accepté nulle part ailleurs.


J’ai d’abord été embarqué par un cultivateur. Il avait l’air d’un Indien.  C’était un bonhomme bizarrement attachant.  Il me regardait avec des yeux fascinants à la fois ironiques et sympathiques.  Des yeux en sourires comme j’en avais vus qu’une fois, soit quand j’ai rencontré le Dr Jacques Ferron. Il en était le portrait parfait. 

Il rigola quand je lui racontai mon aventure, mais il m’a fait réaliser que j’aurais bien pu passer quelques années en prison.  Le bonhomme aurait bien pu crever de peur.   J’en avais des frissons dans le dos.  J’avais été trop niaiseux pour y penser. Ce cultivateur essaya de me faire réaliser que tous les habitants du BC ne sont pas des racistes, bien au contraire.

Le second bon samaritain m’a parlé longuement des possibilités de gagner facilement sa vie au Canada.  Je lui ai expliqué que cela était vrai à la condition que tu penses comme tout le monde et que tu acceptes leur maudite discipline dont te couper les cheveux. 

Il fut intrigué par la fermeté de mes convictions voulant qu’il n’y a qu’un avenir pour le Québec : la séparation.  Selon lui le Canada était un bien trop beau pays pour le briser.

— Bien des gens parlent du beau pays qu’ils n’ont jamais visité.

— Ce n’est pas mon cas. Je l’ai parcouru d’un bout à l’autre.

— Comment avez-vous aimé Montréal ?

— Je ne me suis rendu qu’à Toronto.

— C’est bien ça, vous n’avez vu que le Canada.

Nous nous sommes regardés avant d’éclater de rire.  Sans le vouloir, il venait de me donner raison.  Il parlait comme les cartes géographiques ou climatiques vendues par les grandes compagnies opposées à la séparation du Québec, cartes sur lesquelles le Québec n’existe déjà plus.

— Le Canada, c’est payant pour les multinationales qui ont ainsi des subventions en double.  De la province et du fédéral.  Pour les gens, la population, tant de l’Ouest que du Québec, c’est un luxe qui entretient la haine.

Il s’est arrêté en cours de route pour me payer une bière.  Mon amour pour le peuple augmentait.  Se pourrait-il que le racisme existe que chez les dirigeants?  Je souhaitais encore que le sort Québec-Canada se règle sans violence.


Un sourire d’enfer 41

mars 23, 2023

Un sourire d’enfer 41

À Vancouver, la bière coulait toujours à flot. J’ai su où il me serait possible de trouver le repaire des copains de Jimmy.  Ce n’était pas facile d’y accéder puisqu’il s’agissait d’une espèce de petite pègre de la marijuana. Je ne pouvais me rendre les rencontrer que le lendemain soir. J’y serais attendu.

À la fin de la soirée, je suis entré à la maison avec un jeune d’une vingtaine d’années.  Il connaissait ma pédérastie, car il nous avait écoutés en discuter.  Nancy, quant à elle, était partie avec un des gars. 

Nous avions abandonné notre discussion pour nous amuser davantage.  Cela a permis à Nancy d’apprendre que même un amourajeux  peut-être très agréable à rencontrer,  même pour une fille. 

En s’acceptant mutuellement pour ce que l’on est vraiment, les frustrations disparaissent et les rapports humains prennent une toute autre dimension. L’amitié est toujours au rendez-vous quand on rit ensemble.

Le lendemain matin, le jeune homme est venu me trouver dans mon lit.  C’était sa première expérience.  Il en avait rêvé toute la nuit.  J’ai dû deviner ce qu’il voulait parce qu’il n’osait pas me le dire.  À force de vivre avec les jeunes, tu viens que tu as des antennes.  Il a tourné autour du pot jusqu’à ce que je lui dise qu’il me plaisait et que j’aborde la question de front. C’est étonnant comme ces jeunes ont du pouvoir quand il s’agit de sexe.

Le lendemain comme convenu, je suis entré en contact avec l’autre groupe de Québécois.  J’étais déjà presqu’une légende : c’est rare qu’un pédéraste ou amourajeux le dise ouvertement.   La répression est telle que l’on a honte d’avouer ce penchant sexuel.

Un des jeunes me plaisait particulièrement, mais il ne voulait rien savoir.  Il avait pourtant le tour d’agacer quelqu’un.  Il me confia aller souvent boire chez son concierge, car celui-ci lui tournait après plus assidûment qu’un inspecteur de police en filature.

Pour tuer le temps, nous avons fumé et regardé la BD, Les échos de la savane, dont le sens de l’humour nous plaisait énormément.

— Voilà des mois que j’aimerais voir quelqu’un mourir de peur.  Nous allons refumer et nous rendre à la représentation du film L’exorcisme.

D’accord, mais pour ne pas nous ennuyer, nous essaierons d’imaginer une situation plus épeurante. 

Nous voilà tous les deux au cinéma, crampés de rire, grâce à la marijuana, tandis que les gens autour de nous vive dans l’épouvante totale.  Certains s’enragent même de notre absence de peur et de nous entendre rire.  C’est ainsi que j’ai songé à la même position d’un bonhomme gelé qui aurait lui une once de pot sur lui et qui ne peut s’empêcher de rire en écoutant un film d’horreur alors qu’il se sent traqué par trois flics des narcotiques qui essaient de le repérer dans le cinéma. Il ne peut pas s’empêcher de rire, malgré sa peur. 

Nous sommes retournés à l’appartement plus joyeux que jamais.  Nous avons à nouveau fumé.  Je m’amusais comme un fou.  Nous sommes allés prendre une bière chez le concierge qui me manifesta aussitôt une antipathie qui ne laissait aucun doute.  Il était déjà jaloux de moi. Les aventures pédérastes sont tellement rares que la jalousie est encore plus présente chez eux que chez les hétéros ou les gais.

Le soir, je me suis enfin rendu dans le groupe des nouveaux amis de Jimmy.  Eux, ne me connaissaient pas. 


À la maison, la table était garnie de pot.  On travaillait à le mettre en sacs après l’avoir haché.  Évidemment, on ne pouvait pas me faire confiance plus qu’il ne faut.  J’étais nouveau, même si on me savait invité.  C’était déjà un miracle que je sois là.

J’ai fumé à n’être plus qu’un nuage.  Je me suis couché pour mieux jouir de la musique.  Les filles défilèrent dans ma chambre.  Elles en étaient fatigantes.  Tel qu’entendu, le lendemain matin, je devais rencontrer leur grand patron. 


Le matin, c’était presque la panique dans l’appartement.  On me regardait de travers.  Pour eux, je ne pouvais être qu’un flic puisque dans la nuit, je m’étais intéressé à aucune.  Les questions fusaient de plus en plus pressantes, mais on n’osait pas aborder le sujet avec moi.

Nancy est apparue dans la porte d’une des chambres.  En m’apercevant, elle n’a pas pu se retenir et s’est mise à rire comme une folle.  Je n’y comprenais rien.

— Pépé !  Ce n’est pas un flic, c’est Pépé (elle m’avait ainsi surnommé). C’est pour ça que vous avez toutes mangé de la poussière.  Il est aux gars.

Le voile était déchiré.   Nous avons ri, bu et fumé ensemble.  À l’étranger, tu te tiens avec les tiens, comme une bande de loups.

Nancy m’excitait de plus en plus. Stone, je suis autant hétéro que quiconque. Un petit pervers polymorphe.  Mes cauchemars d’adolescent sont bien loin derrière. Gelé, je n’ai pas peur d’être découpé en morceaux comme nous le disait l’Allo Police.  Mes peurs de ne pas bander n’existe plus. Le plaisir l’emportait.

Malheureusement, son cavalier arriva. Il était très beau, ce qui compensait pour le désagrément. Il s’est joint à nous.  Finalement, j’ai pu rencontrer le grand boss du gang.  Rien n’avait été fait pour sortir Jimmy du trou.  On craignait que la police repère le groupe si quelqu’un agissait en sa faveur.  Quelle bravoure!  J’avais le feu.  Pauvre Jimmy ! 

Après quelques démarches téléphoniques auprès de la police, j’ai appris que Jimmy devait être libéré sous peu.  Je ne pouvais pas aller le voir.  J’étais descendu de Dawson Creek, de l’autre bout du BC, pour rien. 

Je me suis rendu au club retrouver mes nouveaux amis, ayant décidé de retourner le plus tôt possible dans le grand nord, à la porte du Yukon. Je ne voulais pas perdre trop de cours.  J’aimais étudier la cuisine et je voulais avoir le plus tôt possible un métier qui me permette de travailler partout où je me rendrais. Cela me permettrait de voyager plus facilement, sans danger, car, je pourrais le faire en autobus. 

Sur le pouce, le soir, j’ai dû m’arrêter à une auberge de jeunesse. 

Il y avait là un bonhomme extrêmement laid.  Il me mangeait sans arrêt des yeux.  Habituellement, j’aime me sentir reluqué, c’est mon petit côté guidoune.  Ça compense pour mes complexes , selon lesquels je suis trop laid pour attirer qui que ce soit.  Lui, ça ne me plaisait vraiment pas. Il était encore plus laid que moi.

J’avais beau penser que de se laisser tripoter, c’est parfois rendre service à un individu, en lui permettant de déjouer ses scrupules.  Un peu de plaisir lui donne l’occasion de laisser un peu de côté sa nature de martyr ; mais je ne me sentais pas particulièrement attiré par ce sacrifice. Je ne voyais pas en compétition avec La vraie nature de Bernadette, un film de Gilles Carl.

À la fin de la soirée, il m’invita à coucher avec lui dans la tente indienne. On manquait de place dans la maison.  J’y voyais déjà nager l’anguille, même s’il n’y avait pas de roche.  Par contre, je le trouvais tellement triste que je ne pouvais pas lui refuser ce privilège.  En plus, ce n’était peut-être pas pour pouvoir m’enfourcher.  Il y avait beaucoup de belles filles et c’était peut-être une façon de tirer d’embarras les responsables de l’auberge qui ne savaient pas comment répartir les endroits pour dormir. 


Les filles sont toujours un problème quand il s’agit de se coucher. J’avoue que j’en avais un peu peur. 

La gêne est souvent la cause la plus importante de frustrations sexuelles, tout comme l’impression d’être laid, indésiré ou trop vieux pour plaire.  À force d’être frustré, tu deviens plus malin, mais aussi potentiellement plus violent.

Dans la tente, celui-ci se coucha dans son sac à quelques pieds de moi.  Il fit immédiatement semblant de dormir.  Je l’avais mal jugé.  Je me suis endormi jusqu’aux petites heures du matin.  Je me suis réveillé parce que j’avais froid et je l’entendis sangloter en répétant :  » No, I want do it  » 

 » Dis-moi pas qu’il veut me caresser et qu’il n’en a pas le courage « , pensais-je. Il faisait vraiment pitié. Était-il vraiment scrupuleux ou rêvait-il ?  Je ne savais plus quoi penser.  Une seule chose était certaine, j’avais froid pour dix. 

J’avais depuis quelques années une perception quasi missionnaire en ce qui a trait à la sexualité avec les vieux ou les laids.  J’ai la certitude que la violence vient plus souvent qu’autrement des frustrations sexuelles.  Aussi, je me suis presque créé un devoir de conscience d’être disponible à quiconque exprime une frustration que je peux soulager.  Je le fais gratuitement, en me disant que vieux,  je serai bien content si un jour un jeune pense ainsi.  J’ai souvent choisi le plus laid entre deux personnes qui me faisaient de l’œil, en pensant qu’il doit avoir moins souvent l’occasion de vivre une telle expérience.  Un geste qui lui sera profitable. 


 » Nous avons qu’une vie à vivre pourquoi la vivre dans la souffrance ?  C’est ma façon de combattre la violence et la misère.  Si je pouvais faire plus je le ferais. 


Fort de cet esprit de solidarité humaine et voulant cesser de geler le plus vite possible ; je me suis tassé contre mon compagnon.  Je l’entendais avaler sa salive.  « Quoiqu’il en pense, aie-je pensé, au moins je n’aurai plus froid ».

J’en étais venu à souhaiter qu’il se décide s’il avait un problème de conscience.  Il a fallu peu de temps avant que je sente une main à la recherche d’un endroit par où pénétrer dans mon sac de couchage.  J’ai facilité l’opération et devenez le reste. 

Ce bonhomme-là était devenu absolument heureux.  Jamais je n’avais vu quelqu’un en profiter avec autant d’intensité et de joie.  Il devait être affreusement frustré pour en profiter ainsi.  Je suis persuadé que personne n’aurait pu lui rendre un plus grand service.  Il était rayonnant, même beau dans son sourire.  Cela l’avait tellement excité qu’il en pleurait, même s’il avait de la difficulté à éjaculer.  J’étais fier de moi, promu dans ma vocation de «soulageur d’âmes en détresse».  Pourquoi ceux que les scrupules n’étouffent pas, comme moi, ne se prêteraient-ils pas aux besoins de certains autres plus frustrés ? 

Au-delà des tabous !  Le besoin sexuel dans notre société est lié à la répression.  Je suis convaincu que les crises diminueraient de 50% si la société acceptait une approche sexuelle, basée sur la liberté, la compréhension de ce besoin naturel.  Cependant, il faudrait du même coup être beaucoup plus sévère face à la violence et démythifier la sexualité. 

Par expérience personnelle, je sais que si tu as fréquemment des relations sexuelles, tu perds tes obsessions.  Celles-ci deviennent de moins en moins importantes, moins nécessaires.  La qualité des relations avec les autres s’en trouve améliorer d’autant.  L’autre n’est plus qu’un objet de désir, mais de découverte, une merveille à connaître. Je trouvais parfois même que j’avais trop de sexe.  Ce n’est pas tout que d’avoir du sexe, il faut que cette relation comble aussi les besoins affectifs.

Le matin, après la vaisselle, j’ai remercié tout le monde sauf mon partenaire de nuit.

— Tu ne me dis pas bonjour comme tout le monde ?

— Non, non.  Je voulais te le dire dehors.

— Je te remercie du fond du coeur.  Tu es bien gentil de m’avoir non seulement deviné, mais m’avoir laissé me défrustrer un peu.

Mon bonhomme était au ciel.  Pour un mystique, il était impossible de d’espérer mieux. J’étais finalement fier de moi d’avoir rendu un autre gars temporairement heureux.

J’ai fumé et je suis parti à pied sur le bord de la route, gouttant aux merveilleuses Rocheuses, tout en faisant de l’autostop. Comme elles avaient été longues à découvrir leur beauté. 

C’était un dimanche, et le dimanche sur le pouce c’est souvent pénible.  Je m’en fichais j’avais les deux yeux en pleine prière de remerciements pour une vue aussi belle.  Comment ne pas parler avec Dieu devant d’aussi beaux paysages ?

Un bonhomme s’arrêta et me fit embarquer.

— Tu peux rendre hommage au Seigneur que je me sois récemment converti.  Si je n’avais pas rencontré Jésus, je ne t’aurais jamais embarqué.

— Curieux !  J’ai toujours cru que Jésus ne veut pas que l’on se vante d’être charitable.

J’étais un peu furieux.  Je déteste être embarqué par quelqu’un pour y subir un sermon.  J’aime mieux me faire silencieux devant ces monologues stupides.  Vivre son christianisme, en se vantant, c’est de l’hypocrisie. J’ai vite trouvé une raison pour débarquer.


J’ai été repêché par une fille qui craignait être violée, tout en le désirant.  Elle m’a ainsi entretenu longuement sur les cours de défense qu’elle avait prise au cas où quelqu’un voudrait s’en prendre à sa virginité qu’elle avait certainement perdue il y a bien longtemps.  

Me voyant examiner les montagnes, écouter la musique, sans chercher à parler, elle a compris que j’étais bien trop gelé pour être dangereux. 


L’atmosphère s’améliora tellement qu’avant de me débarquer elle me proposa que nous prenions une chambre ensemble.  Si j’avais eu de l’argent, cela aurait été un plaisir, car elle avait de jolis petits nichons, Valentine !

Bizarre, plus j’avais des petits gars, plus je m’intéressais aux femmes. Le jardin du voisin est toujours plus beau, j’imagine. 

Je ne comprenais pas mon attraction pour les garçons et je voulais comprendre pourquoi je suis ainsi.

J’ai été embarqué à nouveau par un groupe de jeunes et comme ça arrive souvent sur le pouce, j’ai refumé avec mes bons samaritains.  Ceux-ci se rendaient à Prince George. 

Sur le bord de la route, la nuit était tombée, je me suis mis à craindre d’être devenu possédé du diable.  Pendant la projection d’Exorciste les apparitions du diable étaient plus vite que l’oeil.  D’ailleurs, la Cour les a faites enlever, c’était une façon de nous violer l’esprit.   Cela était d’autant plus effrayant qu’elles ressemblaient comme deux gouttes d’eau au bonhomme avec qui j’avais passé la nuit.

Mon obsession était : « Tu as couché avec le diable.  Tu ne peux échapper à ton destin qu’en te jetant devant une auto.  C’est le pot, pensais-je. Gelé, je suis paranoïaque.  Je dois résister. Il faut que je rendre en ville.  Je coucherai en prison.  Je ne peux pas y aller, les bœufs m’attendent pour me casser les jambes». 


À chaque voiture, je n’avais qu’un espoir : résister jusqu’à ce que l’effet se dissipe.  Résister. Résister. »

Un camionneur m’a pris à bord de son vaisseau.  J’ai voyagé avec lui jusqu’à ce qu’il s’arrête à un hôtel pour la nuit.  Je gelais comme un dingue en petite blouse au pied des montagnes aux neiges éternelles. 

La Colombie-Britannique (BC) est une province canadienne extraordinaire.  Les montagnes au Nord ont un tout autre charme que les Rocheuses près de Vancouver. 


Si je m’étais écouté, je me serais volontiers rendu en Alaska.  On dit que c’est très beau.  

Un sourire d’enfer 40

mars 22, 2023

Un sourire d’enfer  40

Quand nous devions recevoir notre chèque, ce fut toute une déception.  La grève de la poste paralysait tous les services.  Comment survivre ?  C’était déjà un miracle d’avoir tenu jusque-là.  Cet événement m’a cependant permis de voir comment les autorités me saisissaient :

— Tu n’as qu’à téléphoner à ton chum et lui demander de régler la grève plus vite.    

 — Quel chum ?

— Le premier ministre du Canada, ton ami Trudeau, voyons !

J’oubliais facilement cette vision bien particulière des gens de l’Ouest.  À leur avis, Pierre-E. Trudeau était le seul vrai et unique chef du FLQ.  C’est une bien bizarre idée. Trudeau a beau être devenu un conservateur libéral, il demeure un leader antinationaliste québécois.  La nomination du dernier gouverneur général le démontre bien. 

Les libéraux sont prêts à se liguer avec la go-gauche et l’extrême droite dirigée par Claude Ryan pour battre l’indépendance du Québec.

Certains anglophones sont tellement racistes qu’ils n’arrivent pas à comprendre que Trudeau a vendu le Québec pour un plat de lentilles depuis belle lurette 

Pour eux, il suffit que Trudeau porte un nom français pour le haïr.  C’était d’un ridicule absolu.  Trudeau est haï par les nationalistes québécois, donc, ce n’est sûrement pas le chef de file nationaliste québécois. 

J’avoue que bien des Québécois se sont un jour demandé si Trudeau ne s’est pas fait élire pour écœurer les Québécois et ainsi les aider à prendre conscience de leurs contradictions et accéder plus vite à l’indépendance. 

C’était l’avis des anglophones d’où ceux-ci le détestaient autant.  Trudeau pour un Anglais, c’est le suprême affront.  C’est le francophone au pouvoir, le francophone qui réussit, là où échouent tous les anglophones.  C’est humiliant pour un groupe ethnique qui se croit supérieur.  Plus les années passent, plus c’est évident.

Cette vie joyeuse m’a permis de rêver de faire renaître l’émission radiophonique francophone, qui éblouissait les ondes à Dawson Creek. 

J’ai donc rencontré un groupe de francophones pour discuter de l’assimilation et essayer de comprendre comment elle se fait et comment s’y opposer. 

Le principal problème des francophones de l’Ouest : ils doivent payer pour étudier dans leur langue.  Le Québec est la seule province à fournir un réseau d’écoles bilingues, un réseau où souvent les anglophones ont même plus d’avantages que la majorité francophone.  
 
Pour suivre des cours universitaires, les jeunes de l’Ouest doivent s’expatrier.  Pourquoi? Pour revenir dans un pays qui, d’une autre langue et d’une autre culture, refuse leurs diplômes et leur compétence. 

Parce que tu es un francophone, tu es perpétuellement un immigrant dans ton propre pays, le Canada.  Tu es consacré par ta culture à être un « inférieur ».  Les bonnes jobs, ce sont les Anglais qui les ont.  C’est l’essentiel du problème.  Le bilinguisme sert à cacher cette réalité.

Pour faire croire dans le bilinguisme, il faut bien lâcher des miettes: dans les hebdos, parfois à la radio. 

En refusant la culture québécoise et en ne présentant que du western, les jeunes sont sans cesse en état culturel de minoritaires.  Comment ne pas avoir honte d’une culture aussi maigre ?  Comment s’intéresser au problème en rejetant le Québec, la voix française en Amérique ? La France a d’autres problèmes.  Sur le plan social, elle est même cent ans en arrière du Québec. C’est un pays figé.  Plutôt que de passer pour des arriérés les petits francophones s’anglicisent.  

Avec le bilinguisme, il ne reste plus au fédéral que d’attendre que s’éteignent les francophones de l’Ouest et que le bilinguisme au Québec mine assez la francité pour qu’il passe aussi au broyeur de l’assimilation.
  Tout devient clair.

Ce n’est pas pour rien que la radio francophone présente autant de succès américains et anglais dans le domaine de la musique.  L’assimilation passe par le chemin de l’oreille, de l’âme.  Il faut amener l’individu à choisir l’anglais pour améliorer son standard social, sa fierté.  Les communications ont pour objet d’angliciser le Québec à long terme.

Je voulais organiser une émission pour faire renaître chez les jeunes francophones la fierté de leur culture, une culture bien supérieure à tout ce qui existe en terre du Canada anglais. 

Si le chef du département cherchait tous les moyens et toutes les raisons pour me tomber dessus, la chaleur des jeunes compensait bien.

Burney, pour sa part, me collait de plus en plus comme une mouche.  Je lui ai raconté les plaisirs de la vie de candidat Rhinocéros alors qu’en échange, il me raconta sa candidature dans un parti d’extrême-droite.  J’étais de plus en plus certain qu’il était indicateur de la GRC. 


Je ne lui ai pas caché mon amourajoie.  Je l’ai même invité à m’accompagner à la piscine pour rencontrer mes petits amis.  Il jouissait déjà de sa capacité à me faire prendre sur le fait. 

Malheureusement pour lui, dès que j’ai mis les orteils à l’eau, une dizaine de jeunes me sautaient dessus, aux rires de leurs parents qui nous observaient.  La décence scrupuleuse est une paranoïa religieuse, une forme de schizophrénie, un délire entretenu depuis l’enfance qui nous répète que nous sommes pécheurs.  On entretient ainsi la peur de la mort, l’ultime punition étant l’enfer.  Le jugement est même double : particulier et général. 

Ces jeux avec les petits Indiens me rendaient le plus heureux des humains.  Ils n’ont pas du tout plu à Burney qui a quitté la piscine ouvertement en colère.  Ces fous de la victimologie quand ils se rendent compte qu’ils se trompent préfèrent ne rien voir, ne rien écouter, conserver leur idée que ces pauvres enfants souffrent quand ils jouissent.

Tout allait pour le mieux quand j’ai reçu une lettre voulant que Jimmy et tout son groupe d’amis soient en prison.  J’étais seul à parler anglais, aussi j’ai cru de mon devoir d’ami de me rendre à Vancouver.  Être en prison, à plus de 5,000 milles de chez toi, dans un pays étranger et une langue étrangère, ce doit être affreux.  Au nom de l’amitié, je ne pouvais pas rester égoïstement à Dawson Creek. Je suis descendu sur le pouce le plus vite possible à Vancouver.


Je n’avais pas d’endroit où me rendre à Vancouver.  Je ne voulais pas coucher encore une fois sur le plancher d’un terrain de stationnement de peur de rattraper des poux. 

Je me suis dirigé vers un club fréquenté par des Québécois.  Comme prévu, j’y ai rencontré des amis de Jimmy qui, eux, n’étaient pas en tôle.  Ceux-ci étaient tout particulièrement excités par l’arrivée d’une belle fille de seize ans environ, venue du Québec. Nancy, après avoir absorbé quelques comprimés de drogue, était partie sur le pouce.  Un voyage sans but, ni itinéraire. 

J’ai discuté près d’une heure avec les copains, sans attacher d’importance à la nouvelle venue, sans manifester mon intérêt pour elle.  Cette indifférence a eu raison de sa curiosité.  Pourtant, je l’avais observée depuis son arrivée.  Je la trouvais fort belle.

— Tu n’as pas l’air d’aimer les femmes ?

— Je n’ai rien contre les femmes, ce sont des êtres humains. Elles ne m’intéressent tout simplement pas.  J’aime les gars.

 — C’est contre-nature…

— Ce doit être pour cette raison qu’il existe des gars comme moi depuis le début de l’humanité.  En Grèce comme à Rome, le sommet de l’amour a toujours été la passion de l’adulte pour son privilégié.  Un homme comprend mieux un autre homme.  Ce sont les institutions économiques qui ont inventé la nécessité d’être un couple hétéro. 

Dans notre société, on force les jeunes à devenir hétérosexuels.  Si tu n’obéis pas à ce moule, tu es la risée de tout le monde.  Vers dix ans, tes parents te pointent du doigt si tu n’as pas une petite blonde. 

Pourtant, avec la surpopulation, les sociétés devront finir par admettre que l’orientation sexuelle est en grande partie culturelle et que l’homosexualité est la solution la plus respectable et la plus naturelle contre la surpopulation.  Les gens vont se lasser des guerres pour dépeupler et équilibrer les marchés.  Les peuples n’ont plus autant besoin de soldats et l’homme mérite plus que d’être une fonction sociale ou guerrière.

 — Il n’y aura plus d’enfants ?
 
— Il y en aura toujours, mais l’amour ne sera plus intimement lié à la procréation.  Quand ces distinctions naturelles seront faites, il importera peu que la passion éclose entre gens de sexes différents ou du même sexe. L’amour est au-delà de la couchette. Le plaisir est une chose, l’amour en est une autre.

Les enfants ne seront plus considérés comme un symbole de réussite.  Les adultes s’en occuperont par amour.  Ce ne seront plus leur simple projection pour rêver s’immortaliser.  

Combien d’hommes se marient pour échapper à l’opinion des autres ?  Combien d’hétéros ne connaissaient rien aux femmes, les méprisent même, en faisant semblant d’être normaux alors qu’ils se seraient mieux réalisés en tant qu’être humain s’ils avaient été seul ou avec un autre homme ?  Il est urgent que l’on recommence à reconsidérer la femme comme un être humain, non plus comme un simple rôle social.  Celle qui donne des enfants. 

J’ai de la difficulté à comprendre les femmes.  Je leur reproche leur masochisme, leur jalousie, leur obsession sexuelle, leur hystérie religieuse, leur hypocrisie pour dominer en se servant de leur capacité de pleurer pour te rendre coupable.  Il suffit pour une femme de pleurer pour faire ramper n’importe qui.  Elles crient contre leur état d’inférieures et pourtant elles se proclament toujours victimes.

Généralement, les femmes bénéficient d’une multitude de privilèges, dans nos lois civiles surtout, mais elles prétendent encore qu’elles sont exploitées.  Elles blâment les mâles pour leur faible salaire alors qu’elles sont contre les syndicats. Donc, elles encouragent les patrons à les exploiter.  Elles n’ont qu’à se syndicaliser comme les hommes.  Les femmes devront apprendre à accepter une critique constructive et cesser de se comporter toujours comme si elle était un être inférieur.  Elles ont un pouvoir qu’elles ne font que commencer à exercer.  

Les adultes refusent d’admettre que les jeunes ont une sexualité depuis leur naissance. Les jeunes se sentent.  Ils bandent et jouissent, même s’ils n’éjaculent pas encore. 

Les jeunes ont une approche plus saine de la sexualité que la majorité des adultes qui ont été élevés dans la croyance que le sexe est un péché en dehors de la procréation.  Ils ne voient pas le plaisir, la jouissance, comme un péché, mais comme une expérience de son propre développement. 

L’amitié est une toute autre chose, mais l’un n’empêche pas l’autre. Tu peux être ami avec quelqu’un sans qu’il y ait du sexe. Comme disait Freud, il y a le côté génital et la tendresse, les sentiments.

Des jeunes ont déjà voulu se sauver de leur famille avec moi.  N’aurait-il pas été mieux avec moi ? Peut-être, mais ça ne se fait pas.  La famille est la base de notre société.  On pourrait dès la préadolescence avoir le droit de vivre indépendant, mais c’est bien plus hypothétique que réaliste.  Quel jeune pourrait assurer sa survie ? 

J’en ai aussi empêché quelques-uns de se suicider.  J’admets cependant que le rôle que je joue avec eux est très important.  Si je représente l’autorité et que je me permets de les inciter au sexe, je peux effectivement les briser.  La situation crée les règles de vie.

Il y a une très grande responsabilité quand on est amourajeux.  Il faut savoir vraiment écouter l’autre pour être certain que nos gestes ne les brisent pas, mais au contraire, les aident à se développer, à se connaître plus profondément.  Mon contact avec eux en est surtout  un de pur amour. Cet amour est partagé.

Un sourire d’enfer 39

mars 21, 2023

Un sourire d’enfer 39

Quand un peuple a besoin de deux saints pour dormir, c’est une question inquiétante.


En Colombie britannique, le BC, une bonne partie de la population craignait une invasion américaine si le parti au pouvoir réalisait son programme.  Toute personne renseignée le moindrement connaissait la volonté américaine par le biais de la CIA de mettre fin à l’expérience socialiste au Canada. 

Cette opération était connue sous le vocable :  » Opération Étoile du Nord « .  À mon avis, cette peur était non justifiée quoique l’intervention américaine à travers les journaux et les associations patronales fût évidente.

On aurait dit que le NPD avait le tour de se mettre tout le monde à dos en n’étant pas assez radical.  Les industries qu’il étatisait étaient toujours en faillite ou presque.  Plutôt que de changer la direction, la firme reprenait vie avec les mêmes administrateurs, mais sous un autre nom.  Les gens interprétaient cela comme du patronage et une mauvaise capacité de gestion. 

Avec le temps, les gauchistes ont fini par trouver le NPD aussi pire que le Crédit Social, de droite.  D’ailleurs, souvent le Crédit social avait des politiques plus socialistes que le NPD.  Plusieurs ont abandonné la lutte.  Pour les travailleurs, un parti ou un autre, ça ne changeait rien.  Les grèves étaient recommencées de plus bel.

Les jeunes espéraient une libération de la marijuana et la légalisation des plages de nudistes.  Ce fut un rêve vite abandonné.  Les autorités ont essayé d’interdire le nudisme pour des motifs hypocrites.  À Vancouver, on invoquait le danger des bancs de sable.  Sur l’île, on prétendait que le nudisme nuisait au tourisme.   Les vieux ont toujours paniqué avec la sexualité partout au Canada.

La jeunesse qui espérait un renouveau n’a pas pardonné un tel recul du gouvernement.  Pour les jeunes et les travailleurs, plus il y avait de changements, plus c’était pareil. 

Sur le pouce, les plus vieux parlaient souvent de l’inflation, du problème de l’habitation à Vancouver.   Pour eux, il s’agissait de la même situation qu’en 1929.

 » Nous crevions de faim.  Tout était rationné et pourtant un peu partout dans les hangars, la nourriture pourrissait à la tonne.  Les grandes compagnies faisaient la pluie et le beau temps, mais aussi de bien meilleurs profits. 

Partout, les gens étaient insatisfaits, mais ils ne voyaient pas comment s’en sortir, car, les USA apparaissaient dans le portrait.   » Il faudrait aller plus loin », disait-on, mais… La peur les a étouffés.

Le socialisme en Colombie britannique me déplaisait.  Tout n’était qu’économique comme si les hommes étaient des robots.  Exactement, comme cela se passe dans les syndicats du Québec.  Le membre n’est qu’une cotisation. 

J’ai écrit une lettre ouverte dénonçant la situation que le journal titra :  » Are BC workers money monkeys ? » 

Je ne voulais pas m’embarquer davantage dans le débat.  Je n’étais pas chez moi au Canada.  De plus, je n’ai rien contre le socialisme, bien au contraire.  C’est une réponse très intelligente à nos problèmes. 

Par contre, comme toutes les idéologies, la réponse communiste considère encore l’homme comme un membre à exploiter par le parti.  Entre le capitalisme et le communisme, à cause du manque de respect de l’individu, je préfère le capitalisme, mais un capitalisme profondément modifié, un capitalisme beaucoup plus socialiste. 

J’ai été choisi au Centre de la main-d’œuvre pour suivre un cours de cuisine, à Dawson Creek.  C’était encore plus au nord, dans le BC, à la porte du Yukon.  Cela m’enchantait.  Je découvrais ainsi un nouvel aspect des magnifiques montagnes de cette province canadienne.

Malheur de malheur, dans mon dernier voyage à Vancouver, ayant dû coucher dans un terrain de stationnement couvert pour échapper aux pluies, j’avais attrapé des poux.  C’est la pire chose qui puisse arriver à quelqu’un avant de se rendre à une nouvelle école.  J’étais effrayé à l’idée d’en avoir encore et de les passer à mes compagnons.  J’ai travaillé une semaine à les faire disparaître. J’avais de la difficulté à dormir à cause de la peur de ne pas arriver à me départir assez vite des grattements qu’ils provoquent.  J’ai plus honte des poux que du sexe.

À mon arrivée à l’école, j’étais fasciné.  Non seulement, j’ai pris une douche avec les plus jeunes et les plus beaux étudiants ; mais je partageais la chambre avec celui qui me plaisait le plus.  Un magnifique petit bonhomme de seize ou dix-sept ans.  Très intelligent. 

Celui-ci trouvait comique et dangereuse les caricatures que je faisais parvenir à notre Boubou national, premier ministre du Québec.  Cependant, je n’ai pas écrit la lettre ouverte dénonçant la Société Générale de Financement du Québec, comme le voulait Jimmy.  Celui-ci prétendait que la SGF servait à un groupe de libéraux pour créer des industries que le gouvernement rachetait, dès que le déficit devenait trop pesant.  Un système de patronage scandaleux !  Mais, je n’avais pas de preuves et j’étais loin de la politique québécoise.

Le premier avant-midi fut sans incident.  Le midi, nous nous présentions les uns aux autres.  Si mon intérêt porta immédiatement sur une magnifique Indienne, pour la majorité des autres étudiants, j’étais la curiosité parce que je venais du Québec.

Évidemment, les questions ne tardèrent pas à fuser sur mon pays.

— Es-tu en faveur du Parti Québécois ?

— Il n’est pas assez radical, mais il présente un compromis acceptable, en autant qu’il ne finisse pas aussi conservateur que le NPD. 

 — T’es donc pour le FLQ ?

— Fais attention à ce que tu dis ici, nous pensons que Burney est un indicateur de la police RCMP (GRC).

Il faut dire que la GRC a toujours placé des indicateurs dans les milieux étudiants.  Cela avait même été dénoncé à l’université Bishop, à Lennoxville, une université où ni le FLQ, ni la go-gauche n’ont encore mis le gouvernement en danger.  Après cela, le Canada fait croire qu’il respecte la liberté de penser. 

Quant à Burney, il se prétendait un curé d’une paroisse d’Alberta, le maire d’une petite municipalité.  Cette présomption que Burney était de la GRC a augmenté quand celui-ci refusa de répondre à nos questions. 

La solidarité entre jeunes dépasse souvent les frontières artificielles des pays, ces espèces de jouets politiques des aînés.  À cet âge, tu n’as encore de placement à défendre et tu te sens plus humain.

Tout allait pour le mieux.  Je m’entendais à merveille avec tout le monde. Je vivais avec des petits gars charmants et une petite Indienne venait émerveiller mes regards.  Elle était vraiment très belle.


À la fin de l’après-midi, le chef du département est venu me trouver.

— Tu ne sais encore comment te raser ?

— Je ne peux pas.  Je n’ai pas de rasoir et je n’ai pas encore été payé.  Je ne peux pas en acheter un maintenant, je n’ai pas un sou.  Je le ferai dès que je le pourrai.

— Si tu ne t’es pas rasé demain, ne reviens pas. 

J’étais bien malheureux. Je voulais absolument suivre ce cours et je serais congédié parce que je n’ai pas assez d’argent pour m’acheter un rasoir.  Une affaire archi-stupide.

Un des jeunes qui m’appelait « Gros Jambon » m’invita à souper chez lui.  Ce jeune me fournit aussi le rasoir tant espéré.

Ce soir-là, nous avons longuement discuté de politique. J’ai essayé tant j’ai pu d’atténuer le mythe du Québécois raciste et violent.   J’ai essayé de lui faire comprendre qu’à mon avis le FLQ a toujours été une arme défensive contre les fédérastes. C’est comme le coup de poing que tu donnes à force de te faire écœurer. Pour te défendre.

J’ai poursuivi mes études dans un état de quasi-pauvreté, car j’ai réussi à obtenir une petite avance et m’acheter un rasoir.  J’avais une excellente relation avec tous les étudiants, sauf un, qui détestait les francophones et qui inventait toutes sortes de bêtises pour me provoquer.  Ainsi, un jour pour m’écœurer, a-t-il traduit le sigle FLQ par Funny looking Queer ou Drôle de tapette.  Cet étudiant ne jouissait pas d’une grande popularité auprès des autres, mais cette blague était bien rie. 

La ségrégation a commencé à se faire sentir plus fortement sur l’Indienne qui, exaspérée, à quitter les cours.   

En dehors des cours, je me rendais à la bibliothèque ou à la piscine où j’avais une foule de petits amis Indiens.  Je vivais le parfait bonheur.  Personne ne m’emmerdait, je ne pouvais pas demander mieux.  Seul, l’argent manquait, c’est l’histoire de ma vie comme bien d’autres.

UN SOURIRE EN ENFER 38

mars 20, 2023

Un sourire d’enfer  38

Les proposés au travail m’ont formellement défendu de travailler dans les mines: un gars de ta trempe intellectuelle n’a pas le droit de se polluer le cerveau dans un travail aussi servile. Belle invention !  Je ne pouvais rien faire.  C’était comme au Québec : je ne peux pas être journaliste, je suis trop radical.  Je peux travailler dans une usine, mais je n’ai pas assez d’expérience, on ne m’embauche pas.  Je ne peux pas travailler au gouvernement, j’ai un dossier judiciaire et je ne peux pas travailler dans les associations qui me plairaient, je suis amourajeux.  Et, je suis assez fou pour le dire afin de protéger tout le monde.

Évidemment, je suis aux yeux des autres, un paresseux ou un « voyou ».  Je suis sur le bien-être social et ça me révolte.  Je veux travailler. Baptême !  Vouloir travailler, ce n’est pas en demander tant que ça.


Je pourrais physiquement faire autre chose qu’écrire.  Mais quoi ? 

J’avais parfois envie de faire comme un gars de la construction à Prince George : entrer avec un bâton de baseball et menacer tout le monde de leur casser les deux jambes, si je ne trouvais pas un emploi.  Quand tu t’ennuies, ou t’apprends à rire ou tu te révoltes. 

Au début, je riais, j’étais avec un groupe pour qui le rire est aussi important que le boire.  Seul, j’ai commencé à trouver ça moins drôle. J’ai même fait application aux emplois réservés aux femmes.  Ils m’ont refusé évidemment parce que je suis un homme.  Dans un monde libre, il ne devrait pas y avoir de différence entre le fait d’être un homme ou une femme.  Évidemment, on me regardait de travers. 

Pourtant, personne n’a jamais été capable de me prouver que je ne peux pas être une aussi bonne secrétaire ou gardienne d’enfant qu’une femme.  Elles veulent bien des emplois masculins.   J’aurais été moins manipulable qu’une femme ?  J’aurais cherché à faire augmenter les salaires ? Les femmes sont toujours moins bien payées.   Bizarre que les femmes aient plus peur des pédérastes que des machos.  Ce sont pourtant les machos hétéros qui les battent.  C’est vrai que j’aurais eu l’air bête sur les genoux du patron. Un trou dans le fond de mon jean. 

Il ne me restait plus qu’à rire, boire, chanter et voyager.  Vivre mon adolescence. Je suis retourné à Vancouver.

Mes relations avec le journal francophone le Soleil ont fait renaître une vieille passion : le journalisme.   (Ce livre a été écrit en 1978).  C’est ainsi que j’ai pu constater que si la population du BC n’est pas raciste, il n’en est pas du tout de même pour les fonctionnaires. 

L’intérêt pour l’information me replongea nette, drette, frette, sec, en politique.  On ne peut pas se sortir de la politique : même la qualité de l’air que l’on respire est politique.

À Prince George, j’ai appris que les francophones ne peuvent pas bénéficier du service français de radio et télévision à cause de la présence d’une base militaire canado-américaine qui refuse une langue étrangère dans son environnement.

À Terrasse, les gens se plaignaient que les services sociaux du fédéral donnaient des cours de personnalité qui excluent toute remise en question de la société.   Le fédéral acceptait une francisation désincarnée.  Ces cours étaient de vrais services de propagande au service de l’unité nationale.  Dans ces cours, tout ce que l’on apprenait est : le Canada est bon puisqu’il vous offre ses cours. 

Le fédéral a toujours eu un besoin maniaque de se faire valoir, car il sait qu’il vit aux dépends des provinces.  Il a les revenus, mais ce sont les provinces qui ont les dépenses.   C’est une des différences essentielles entre une fédération et une confédération.


Après quelques articles, j’ai dû constater les limites du journal.

Le journal vivait en grande partie avec des abonnements anglophones et gouvernementaux, car le Ministère de l’éducation du BC s’en servait pour l’enseignement du français dans les écoles.   Les autres moyens de survivance provenaient d’Ottawa qui favorisait la culture venant de France, moins subversive pour l’unité nationale que la culture du Québec. 

Les subventions étaient surtout accordées aux organismes regroupés autour des curés.  Et, dans l’histoire du Canada, comme ailleurs, le haut clergé a toujours été du côté du plus fort. 

J’ai temporairement été tenté par ce messianisme du journaliste engagé voué à plus ou moins brève échéance à la faillite. 

Le Soleil ne devait rien dire d’important ou crever ; mais j’avais enfin grâce à ce journal, l’opportunité d’avoir un emploi. 

Le directeur du journal m’a dit avoir communiqué avec la direction de la Tribune qui aurait dit : « Simoneau. C’est un ultra-radical.  Si vous le maîtrisez, vous avez le meilleur journaliste qui soit ; mais s’il vous échappe, vos problèmes commencent.»

J’étais extrêmement fier de cette appréciation de mes ex-patrons, si vraiment le Soleil a communiqué avec eux.  Le constat était très juste à mon avis. 

J’ai beaucoup de difficulté à me calmer les nerfs et comprendre qu’on ne vit pas dans une société sans défaut.   Je suis beaucoup plus frileux sur l’honnêteté, la justice sociale que sur la chasteté.

J’ai quitté le Nord du BC pour participer à une entrevue à Vancouver.  Faute de fonds, j’ai dû coucher dehors.  Journaliste, je perdrais à nouveau ma liberté.  J’ai vite ravisé mes positions.  Pourquoi encore me sacrifier pour une cause perdue?  Plutôt que le dire aussi franchement, j’ai posé des conditions quant à la liberté d’expression si peu réalistes que moi-même si j’avais été patron j’aurais refusé.  J’exigeais d’y débattre la liberté sexuelle, de faire la guerre au racisme de la police de Vancouver, d’écrire tout ce que l’on me déclarait, même les appels aux armes.  Je ne voulais pas être un journaliste-diplomate, mais écrire la vérité toute nue. 

Le journal ne pouvait pas accepter un tel point de mire, c’était se condamner à disparaître. C’est une réalité pour laquelle j’ai toujours eu des problèmes de compréhension.  Pourquoi l’honnêteté est-elle impossible dans nos institutions d’information surtout politiques ? C’est pourtant simple, les journaux ne survivraient pas sans octrois.

Le Soleil ne pouvait même pas dénoncer les fonctionnaires du ministère de la Main-d’œuvre qui répondaient à l’association provinciale regroupant plus de 100,000 francophones :  » Si vous n’êtes pas contents, vous n’avez qu’à déménager au Québec. »

Une autre preuve que le bilinguisme en dehors du Québec a toujours servi de paravent, de mensonge aux politiques linguistiques de Trudeau. 


Le Québec a toujours eu une âme de missionnaire.   Tant qu’il fut possible de faire croire que les programmes pour les francophones sont réellement aptes à assurer la survie du français, l’unité canadienne était consacrée. 

C’est pourquoi le fédéral a artificiellement maintenu la francophonie dans l’Ouest.  Il a ainsi enlevé le monopole de la francophonie au Québec et il pouvait jouir en même temps des avantages d’être dans le Commonwealth britannique.

Même les francophones n’aidaient pas le journal, lequel était pourtant un outil essentiel de survie.  À Maillardville, la seule école française, établie grâce aux dons des lecteurs du Devoir, était devenue anglophone.   

Les journaux anglais commençaient à combattre la loi 22 parce qu’elle prétendait faire du français la seule langue officielle au Québec.  

Pas un journal anglophone n’acceptait de présenter les Québécois sous leur vrai visage.  Défendre le droit du français au Québec, c’était selon eux être raciste.

Malgré nos écrits pour démontrer les preuves à l’appui que la minorité anglophone au Québec est mieux traitée que toutes les minorités partout au Canada, aucune lettre ne fut publiée en ce sens.  Même les journaux socialistes et freak refusaient de sortir la vérité.  La solidarité coast to coast existait seulement quand ça faisait leur affaire : pour avoir des votes.  

Le NPD était aussi raciste que les conservateurs et les libéraux, mais un peu plus hypocrite. 

Pour le gouvernement provincial, le moyen inventé pour accélérer l’assimilation, tout en se blanchissant les doigts, était de ne rien faire, d’attendre.  Beaucoup de gauchistes à Vancouver se demandaient pourquoi le Canada serait français-anglais et non chinois-anglais, cette minorité étant plus importante en nombre au BC que les francophones.


Mes visites à Vancouver étaient marquées de plus en plus par des brosses à n’en plus finir.  

Jimmy m’avait laissé tomber. Il avait fait connaissance avec un gars qui lui payait des gueuletons dans des restaurants étrangers et il forniquait avec un groupe de jeunes spécialisés dans la vente de marijuana.  Jimmy essayait des drogues fortes, plus souvent qu’à son tour.  Qu’y pouvais-je ?  Je n’étais tout même pas son père.  Plus je lui faisais voir les dangers de la drogue, plus il en mettait pour m’épater, croyant ainsi me faire peur.

J’ai profité dans l’après-midi de ma carte de membre de l’YMCA de Sherbrooke pour me baigner dans les magnifiques piscines de l’YMCA de Vancouver. 

Plusieurs personnes, des familles entières s’y baignaient nues.  On était loin de la stupidité des Québécois face à la sexualité.  Pas de paranoïa et le respect du corps comme quelque chose de très grand et non comme un péché ambulant.

J’ai rencontré un dirigeant syndical qui m’a expliqué que tout n’allait pas pour le mieux dans la province.  Les syndicats étaient très déçus des politiques du NPD, particulièrement dans le domaine du travail.  Les syndicats ne voulaient pas se taire, mais dès qu’ils ouvraient la bouche pour critiquer ; les journaux, propriétés d’américains anti socialistes étalaient en page une et de la façon la plus voyante possible toutes les critiques les plus virulentes.  Tout était noirci, amplifié. 

Les syndiqués considérant le gouvernement trop conservateur, poussaient de plus en plus les dirigeants vers la contestation.  Ainsi, le gouvernement était la cible des progressistes et des conservateurs.

C’est exactement ce qui se passe au Québec avec la manipulation des syndicats par la go-gauche.

La go-gauche se fiche éperdument de l’Indépendance du Québec. 

Le marxisme a toujours méprisé les minorités.  Pour elle, il n’y a qu’une lutte : abolir le système capitaliste. 

La go-gauche profite surtout des libéraux fédéraux, car, elle mine petit à petit la crédibilité du Parti Québécois qui, bourgeois ou pas, est le seul instrument pour obtenir pacifiquement l’indépendance du Québec.

En oubliant ses propres folies, la go-gauche pousse les conflits de façon à les rendre insolubles.  Plus ça va mal, plus la révolution sera vite faite.  Elle oublie que la majorité a toujours choisi plus de conservatisme dans ces situations. 

Au lendemain de la Brinks, une fraude intellectuelle sans précédent, la majorité des gens auraient élus n’importe quel niaiseux à la tête du Québec. 

Cela fait l’affaire des anglophones qui refusent un Québec français. 

Les mouvements socialistes actuels au Québec sont dominés par des anglophones qui rejettent souvent l’indépendance comme notre solution. 

La go-gauche au Québec joue ainsi en faveur de ceux qui s’opposent à la francisation.  Ces mouvements emmerdent assez les gens qu’ils accélèrent un retour au conservatisme, mouvement concentré autour de Claude Ryan, qui aimerait prendre le pouvoir en faisant renaître le vieil épouvantail de l’époque duplessiste : peur du communisme et dès lors de voir disparaître les crucifix des écoles. La faiblesse du Québec est son émotivité.

Les Québécois même si plusieurs ne pratiquent plus sont encore très sensibles aux cordes religieuses.  Et, cet attachement tient à son éducation sexuelle, car c’est le moteur de notre personnalité.

Le Québec se suicidera-t-il pour sauver les intérêts de l’Église au Québec ? 

Un sourire d’enfer 37

mars 19, 2023

Un sourire d’enfer  37

Je vivais mes meilleurs moments sur le pouce.  Je goûtais de plus en plus la beauté des Rocheuses.  J’aimais me sentir dans ce décor grandiose, si petit dans un si grand panorama.  L’air pur jouait aussi un rôle important.  Le ciel sent certainement bon.

Souvent le pot me permettait une perception plus poreuse des décors, une pénétration plus intime des vibrations.  Le pot est un produit assez extraordinaire.  Ceux qui sont contre n’y ont jamais goûté.  Quiconque a fait l’amour une fois « stone » sait que rien ne peut égaler cette sensation de bien-être particulièrement quand tu éjacules. 

Le pot n’a pas le même effet pour tout le monde. Il ne fait qu’amplifier ta personnalité, la qualité de tes sens. 

Quant à moi, il me rend plus contemplatif et parfois plus peureux, plus paranoïaque.  Je suis en même temps plus niaiseux et plus drôle.   Stone, parfois, je sens que je n’ai pas de culture.  Je m’en veux d’être aussi vide, si peu intelligent.  Je n’ai pas d’argent et je n’y tiens pas.  Je suis heureux d’être ainsi, de me contenter de peu.         

J’admire.  Je bois la vie.  Je suis fasciné.  Parfois, c’est un trait de caractère déplaisant parce que je me sens souvent inférieur aux autres. J’avoue ne pas savoir ce qu’est de se sentir aimé.

Je n’ai pas toujours besoin de pot pour être stone.  Mes élans intérieurs suffisent à me rendre très religieux et heureux de connaître Dieu. Pour un gars qui ne croit pas dans les religions, ce n’est pas si mal.

J’ai souvent failli me faire tuer parce qu’en méditation je passais sur des feux rouges que j’avais vus verts.  Je vois ce que je veux.  J’oubliais le volant alors que je conduisais une auto ; je m’apercevais que l’autobus était plein sans avoir vu personne entrer.  Je pleurais parce que je me sentais subjuguer par une trop grande beauté.  Je suis toujours stone devant un petit gars. Je ne peux pas dissimuler mes sentiments.  Je m’excite ou encore, comme me disait Frédéric : «Toi, c’est facile de savoir si un petit gars te plaît, tu bandes des yeux.»    

Jamais un sens n’aura été aussi important pour moi que la vue.  La vue, c’est un moyen de connaître, d’apprécier, de jouir.   Je suis amourajeux juste à cause mes yeux.  Je ressens une jouissance foudroyante quand le visage d’un petit gars me plaît.  Je cherche aussitôt à voir si son corps est en harmonie avec son visage.  Je veux savoir s’il est aussi beau de partout.  Si tout est bien balancé.  Si sa peau a une aussi grande duveté.  Quelle est sa réaction quand il jouit.  Quel est son caractère. J’aime les petits intellectuellement curieux et éveillés. Il me pousse dans mon besoin de connaissance aux derniers retranchements. La jouissance intellectuelle est encore meilleure que la jouissance physique.

Aimer, c’est comme contempler une peinture qui nous éblouit ; c’est être aveuglé et découvrir l’objet contemplé du bout des doigts.  C’est chercher à le connaître, chercher dans sa voix, s’il est timide ou vaniteux, actif ou passif. C’est vouloir percer son langage non verbal. Le connaître à travers sa démarche physique.
 

La contemplation, c’est quasiment un don.  C’est jouir par la beauté, l’harmonie, les vibrations.  Le langage sensuel.  Faire le vide pour tout recevoir, tout goûter d’eux.  La lumière est un pas dans l’infini.  Un regard à l’échelle des atomes.  Une sensation de la fluidité des choses, même des roches.  Le sourire est un éclair de joie.  Un voyage dans l’anti-pesanteur.  C’est vivre plus vite que la lumière.  Un clin d’oeil à l’énergie cosmique.

J’ai bien aimé le BC, mais Pauline Julien me manquait.  Je voulais entendre du français.

Je me suis présenté au journal francophone  » Le Soleil », à Vancouver.  Après diverses rencontres, il fut entendu que j’écrirais de temps en temps des articles sur la communauté francophone.  Rien de difficile, un petit réajustement temporaire de circuit dans ma vie. 

À cette époque, j’ai rencontré un groupe de Québécois.  Le plus jovial venait du Lac Saint-Jean.  Obélix était un gars de Sherbrooke., On l’appelait ainsi parce qu’il ressemblait à celui de la bande dessinée et avait une obsession parallèle : il aurait toujours voulu claquer un Anglais plutôt qu’un Romain. Nous avons essayé de tuer l’ennui que l’on nomme ça « bum » ou pas.   On avait du plaisir, même si c’était souvent complètement fou.

Un après-midi, nous nous sommes mis en cagoule, question de savoir comment réagiraient les gens.  À la bibliothèque de Vancouver, pas un geste.  Les gens nous regardaient et retournaient aussi vite à leur lecture.   Ils n’avaient même pas la curiosité de savoir ce que faisaient des cagoulards à cet endroit.   Les Anglophones sont de vrais morts ambulants.  Je n’ai jamais rencontré, sauf en province, en France, après 11 heures le soir, de gens aussi peu vivants.

Fort de cette expérience, nous nous sommes rendus dans un chic hôtel de Vancouver où nous nous sommes prosternés devant quelques mots de français.  Un Québécois qui y séjournait est venu s’informer à savoir ce qui se passait.  Nous lui avons expliqué que nous voulions créer une nouvelle secte religieuse, car c’est le meilleur moyen pour devenir riche le plus rapidement et avoir le maximum d’occasions de faire l’amour, tout en l’interdisant aux autres pour ne pas avoir de concurrents.

Devant le peu d’intérêt de la population, nous sommes repartis pour visiter cette fois, un centre de vente d’objets précieux. Nous n’avions même pas songé dans notre délire au danger que la police interprète mal notre présence et nous tire dessus.  Cela aurait pu arriver.  Quels cons !  Aucun de nous n’avait de mauvaises intentions, nous voulions rire et connaître la réaction des gens.  Il n’y en a pas eu. Heureusement, pas de policiers non plus.   

Vancouver, c’était la mort.  Nous sommes partis pour le Nord à la recherche de nouvelles sensations.  Nous avons bien ri ensemble.

Dans les auberges de jeunesse, il était souvent possible d’y voir pendre une photo de la reine Elisabeth II.  Nous avions trouvé dans un magazine une caricature de sorcière qui ressemblait beaucoup à la souveraine du Canada.  La nuit nous subtilisions la photo d’Élizabeth par cette caricature.  Quand les Anglais s’en apercevaient, c’était le remue-ménage. Pire qu’un hold-up dans lequel toute la population de toute la ville aurait été tuée.  Un tel fanatisme pour la reine nous faisait bien rire.  Comment des gens peuvent-ils être aussi arriérés ?  

Si vous voulez pousser l’Ouest au séparatisme, le Québec n’a qu’à s’afficher carrément contre la souveraine et demander qu’elle soit retirée de nos institutions.   Toucher à l’image de la souveraine, c’était plus grave que le rapace violant la vierge, dans Les fées ont soif, de Denise Boucher. 

Nous n’avions rien contre la reine elle-même. Ce serait même une personne assez gentille.  Juste pour la beauté du prince André, j’apprendrais à marcher sur des œufs.  Cependant, ce culte des vieux Anglais est la marque de leur conservatisme et l’affirmation de leur prétendue supériorité. 

Malgré mes efforts, il m’était impossible d’obtenir un emploi.

Un sourire d’enfer 36

mars 18, 2023

Un sourire d’enfer  36

Avec les religions, rien n’est bon ici-bas, tout est fonction de l’autre bord, de l’après mort.  Et pourtant, personne ne sait ce qui se passe de l’autre bord.  Il n’y a peut-être rien.  C’est aussi possible que le jugement dernier, même plus plausible.

Scientifiquement, il semble invraisemblable qu’il puisse y avoir conscience après la mort.  Comment pourrait-on ressentir notre réalité si nous n’avons pas un corps pour nous transmettre nos perceptions ?  On ne fait que commencer à comprendre la conscience, une force reliée directement à la vie et rendue possible grâce à notre corps. Pas de corps, pas de cerveau, pas de conscience. 

La conscience est un système de comparaisons entre les éléments perçus par notre corps.  La mémoire nous permet de comparer notre savoir.

Par instinct, on s’accroche à la vie.  Mais toutes ces interprétations ne sont que de la spéculation.  Une seule chose est certaine : chaque individu devra mourir et la vie continuera sans nous.  Qu’est-ce que la vie ?  Des forces qui s’épuisent, se transforment ?  Puisque c’est un cycle, reviendrons-nous ?  Continuerons-nous à avoir une conscience, même si elle doit être différente ?  Avons-nous vraiment une âme ?  Qu’est-elle ?

La morale a été inventée en fonction de la vie pour la mort. Elle doit avoir la capacité d’annihiler la peur, de maintenir l’ordre. 

Les religions sont de vastes fraudes intellectuelles et émotives auxquelles la jeunesse ne peut pas échapper, n’ayant aucune alternative à présenter. On ne réfléchit sur la mort, qu’au moment où elle commence à nous appeler. On découvre la vie à travers les années.

Notre philosophie de la vie est toujours pensée d’avance et très souvent instinctive.   Les religions, elles, sont négatives, car plutôt que de porter sur la vie, elles cherchent à dominer en exploitant notre instabilité, à imposer leur point de vue comme si personne ne pouvait avoir raison en pensant autrement.  Comme si un curé était déjà ressuscité et qu’il avait confirmé leurs hypothèses. 

Depuis des millénaires, malgré les découvertes de la science, rien n’a jamais été remis en question dans ce domaine qui guide pourtant notre quotidien.  N’est-il pas temps que l’on commence à s’y ré intéresser ?  La religion est un mensonge. 

Si le Christ est Dieu, c’est qu’il a ressuscité

Est-ce qu’un homme peut faire autant qu’un Dieu ?  La religion est une interprétation, une incantation, comme chez les païens des siècles derniers, pour subjuguer la mort, d’où à chaque fois que ces valeurs sont remises en question, il y a un retour vers le conservatisme : la peur nous gèle dans notre passé, dans une pseudo-sécurité en appartenant à la majorité.   Freud ne nous a-t-il pas appris que la régression est un mécanisme de défense ?

Cela n’enlève rien à la valeur du Christ.  Sa force et sa philosophie sont axées sur l’amour et la tolérance.  Les livres saints sont des livres de réflexion. La Bible et la Charia nous offrent le contraire des valeurs de notre société actuelle.  Elles prônent la vengeance et la haine.  C’est pourquoi le christianisme est novateur.  Il prêche la tolérance.

Jésus fut le chef d’une rébellion qui mérite encore toute notre admiration, car, son mouvement a renversé l’empire romain.  Sans sa tolérance, son appel au bonheur, le christianisme ne vaut rien de plus que les religions païennes d’où il a tiré son inspiration spirituelle. 

Il est même moins intéressant à certains égards.  Il est en net recul par rapport à certains éléments de la philosophie de la Grèce antique. 

Il faut avoir au moins l’humilité de reconnaître que devant la mort et le sens de la vie nous sommes encore des ignorants.  Les curés sont aussi ignares autant que les autres, puisqu’en aucun temps aucun d’eux n’est revenu de l’autre bord pour nous dire ce qui s’y passe.

Les journées se ressemblaient toutes, sauf quand je me rendais à Prince George. 

J’y retrouve ma seule raison de vivre : l’amourajoie. 

Le soir, je me rends à la piscine ou dans les toilettes du terminus, car j’y rencontre souvent un petit Indien de quatorze ou quinze ans, qui fait tout pour m’aiguiser.  Ou encore, je partage la chambre avec des petits gars de passage. Ils m’arrivent comme sur un plateau. On dirait que le directeur connait mes goûts et m’envoie les jeunes qui se présentent.
 
J’ai vécu ainsi une aventure d’une semaine avec un jeune albertain d’au moins seize ans.  Francophone, il avait été assimilé à cent pourcent.   Il ne savait plus un mot de français.  Nous partagions la même chambre, aussi n’avais-je pas hésité à lui tenir la conversation, glissant à quelques reprises ma fascination pour sa beauté. 

Il était très scrupuleux, très attentif à tout ce que les autres pensaient de lui.  Quand il s’est déshabillé, il semblait mal à l’aise comme s’il aurait pu être vu par toute la ville.

— Sois sans crainte, les fenêtres sont trop hautes.  Personne ne peut te voir ici.

— T’en es sûr ?

J’écrivais une lettre dans laquelle j’exprimais mon vif désir pour ce petit blondin et le désappointement de demeurer sur ma faim.  Plus je le regardais, plus je le trouvais beau.  Je ne pouvais pas m’empêcher de le toucher.  Comment faire?  Je discutais avec lui, tout en le mangeant des yeux. 

Un moment donné, j’ai vaguement eu l’impression qu’il venait de comprendre mon intérêt.  Non seulement il me tenait compagnie, mais il se mit à poser. 

C’est invraisemblable !  Combien de jeunes se trouvent laids et sont étonnés que quelqu’un puisse, au contraire, en être fasciné.  Dans ce cas, les jeunes trouvent beaucoup d’avantages à connaître l’amourajoie.  Ils se sentent enfin revalorisés, voulus, aimés, adorés quand ils rencontrent un véritable amourajeux.

Seul un beau jeune homme comme lui me permet de connaître cet état d’esprit.  C’est une espèce d’ensorcellement, d’envoûtement, une dégustation de l’âme dont la faim ne s’épuise jamais.  Au lieu d’être coupable d’être amourajeux, je ressentais davantage le privilège relié à cette déformation de l’attrait sexuel.  Une raison de remercier Dieu.  L’amourajoie est une félicité indescriptible, le langage d’âme à âme.  Une complicité. Un échange d’énergies vitales.  Elle enveloppe la pédérastie qui elle est plus génitale.

Cette aventure passionnée avait des effets très positifs sur lui.   En ma compagnie, il semblait moins gêné, plus capable de converser avec les autres, plus sûr de lui et plus fier de son corps.  Sans qu’il n’en dise mot, je le savais auparavant un petit complexé.  Il ne passait plus d’heures seul à se tourner les pouces et à brasser du noir.  Depuis notre aventure, il nous accompagnait au restaurant, prenait part aux discussions.

Quand je l’ai quitté ce n’était plus le même petit gars.  Il ne m’attachait plus d’importance. Il cherchait ailleurs pour savoir s’il pourrait revivre avec un autre ce qu’il venait de découvrir. Et, ça semblait très bon.  Il avait enfin saisi le vrai sens de la vie : chercher le bonheur.   Notre société ne nous apprend à nous mépriser si on a le malheur d’avoir la libido un peu forte.

Dans la Colombie britannique, les gens étaient généralement très gentils.  C’était un charme d’y faire du pouce.  Les vieux étaient particulièrement attachants. 

L’un d’eux a déjà fait 200 milles de plus parce qu’il aimait discuter avec moi.  Il prétendait être un ami du premier ministre du BC.    Tout y est passé : l’éducation, la révolution, les problèmes du Québec, etc. 

À la fin de la journée, il me laissa sur le bord de la route puisqu’il devait se trouver un endroit où passer la nuit.  La pluie commence à tomber.  Le vieux revient presque aussitôt parce qu’il ne veut pas que j’aie de la misère.  Nous discutons à nouveau jusqu’à minuit et le lendemain, il fait un cent milles de plus pour nous donner le temps de finir nos argumentations.  

Quand il m’a laissé, nous étions devenus de bons amis.  Il m’a souhaité la meilleure chance possible et en me regardant du coin de l’oeil, il me dit :    » Pas trop de FLQ ! »

Je n’avais à aucun moment parlé de violence.  Peut-être m’avait-il perçu autrement que je le croyais. Ce vieux était formidable.  Il a abandonné une haute situation pour s’acheter une ferme, vivre une dernière idylle avec sa maîtresse d’école et voyager.  Il était bien plus jeune, malgré son âge, que bien des jeunes que je connais.

J’étais aussi très fasciné par les clochards.  J’apprenais beaucoup de choses d’eux, même si plusieurs après quelques paragraphes se mettent à déparler.  Comment peuvent-ils vivre dans un tel état de mendicité ?  D’où tiraient-ils leur courage ?  Souvent ce sont des gens qui ont eu une fortune ou de belles situations.  Ce sont toujours des gens qui n’ont pas su surmonter leur difficulté.  Ils ont décroché lors d’une trop grande épreuve qui les a marqués à jamais.  Ils sont beaucoup plus à plaindre qu’à blâmer. 

J’y voyais ma vocation.  Un ami qui a fait ma carte du ciel m’a prédit que je mourrais dans la mendicité la plus absolue… il suffit d’une crise économique pour que sa prédiction se réalise, car je vis seulement avec ma pension de vieillesse.   

Je me retrouvais en eux.  Comme eux, j’étais banni.  Politiquement catapulqué, socialement scandalisant. 


Comment échapper à ce destin ?  Je ne voulais plus endurer les jugements des supposés gens de bien.  Je me voyais déjà un clochard.  J’aime boire.  Je suis un raté par excellence.  Trop honnête pour être journaliste, trop vieux pour changer de métier, trop radical et politisé pour avoir un emploi stable. 

Comme Samson, je tenais à mes cheveux et à ma langue.  Vivre sans passions, sans amourajoie, autant crever.

Je ne pouvais pas avoir d’autre avenir que d’échouer.  Après être exclus des journaux, je serai oublié dans la mer littéraire. On trouvera bien une raison pour m’empêcher de publier. 

J’irai mourir dans une chambre de Bagota, poignardé par un inconnu.  Je mourrai en l’embrassant ou en le suçant, en pleine éjaculation.  Ce jour-là, le soleil sera heureux.  Il aura récupérer quelques rayons perdus dans ma carcasse.  Le seul moyen de bien mourir, c’est de bien vivre. 

L’éternité est à l’image du moment de ta mort d’où faut-il bien vivre chaque instant pour ne pas être surpris au moment où tu es malheureux, car tu le serais à jamais, si éternité il y a.


Un sourire d’enfer 35

mars 17, 2023

Un sourire d’enfer  35

Le lendemain matin, Jimmy était gravement malade.  Il faisait une fièvre de cheval.  J’ai demandé au responsable que Jimmy reste au lit jusqu’à ce qu’il soit passablement rétabli.  Ce fut refusé.  Toute la charité chrétienne ressortait avec son vrai visage.

Nous nous sommes rendus à l’hôpital où nous où nous avons bénéficié du service de l’assurance-santé du Québec à l’étranger.  C’est quand même assez extraordinaire.  Le médecin nous a fait savoir que les voyageurs attrapent facilement cette maladie en se rendant au Mexique.  C’est la vengeance des Dieux contre les Blancs qui ont presque exterminé tout le monde au nom de leur foi et de l’or.

J’ai ensuite attrapé la même maladie.  Une fièvre à te faire fondre, accompagnée par de soudains maux de ventre et une envie de chier immédiate.  C’était plutôt déplaisant.

À San Francisco, le premier soir, je m’installe chez les Krishna.  J’ai cru mourir en rampant dans les escaliers vers les toilettes.  

Je suis dans le quartier noir.  J’aime bien la ville, quoique je la trouve trop violente.  Partout, tu sens une grande tension.  C’est la visite des parcs.  La parade du Jour de l’an chinois, le jour de ma fête. 

Je recommence à vivre un peu plus libre.  Je demande à un noir ma direction, il me renvoie à un blanc quand je lui dis que chez nous le racisme n’existe pas. Il est étonné. Peut-il exister un pays où les Blancs ne sont pas racistes ? 

Nous discutons et je continue avec toutes les informations nécessaires.  Il vient d’apprendre l’existence du Québec, un pays dont il rêve déjà.

Avant de partir, je me rends à la gare avec Jimmy.  Je décide de passer la prochaine et dernière soirée en m’offrant un service d’accueil gai.  Jimmy ne veut rien savoir, il est hétéro.  Nous nous chicanons, car il ne veut pas qu’on se sépare, mais nous décidons de respecter, comme convenu, notre autonomie individuelle.  

Le soir, j’aboutis dans les draps d’un directeur de journal qui n’en revient pas d’être enfin couché avec un Québécois, car, nous avons une sur-réputation.

C’est ensuite le retour à Vancouver.  Je retrouve Jimmy qui m’explique avoir couché avec un noir.  Je suis épaté.  Jimmy est bourré de poignons.  Est-ce vrai ou encore une de ces inventions ? Une chose certaine, ça payé.

J’avais appris beaucoup quant à la solidarité internationale. 

Je croyais possible une intervention politique des pays riches comme le Québec en faveur des pays sous-développés.  Je m’étais trompé. 

D’abord parce que les gouvernements riches protègent toujours les multinationales.  Dans les pays faibles, la syndicalisation n’a pas encore assez de force pour que soit créé mondialement une échelle minimale des salaires et de conditions de travail. 

Presque tous les pays pauvres sont soumis à des exploiteurs bourgeois ou une dictature.  Les seules interventions possibles sont une meilleure circulation de l’information internationale ; l’organisation à l’échelle planétaire du boycottage des produits des multinationales qui ne respectent pas les peuples. 

Il faut forcer les pays riches à ne pouvoir aider les pays pauvres qu’en versant directement des allocations familiales pour garantir que l’aide se rende vraiment au peuple.  C’est le seul moyen de s’assurer que les argents ne sont pas toujours récupérés par une petite clique.  

Chose certaine, le communisme est pour de nombreux peuples le seul moyen de s’en tirer sur un plan économique, mais ils sont malheureusement les esclaves du communisme idéologique, qui n’a aucun respect pour l’individu. La liberté n’est pas au rendez-vous.

Quant au capitalisme, s’il veut survivre, il n’a qu’un moyen de combattre efficacement le communisme : fournir une qualité de vie qui ne sera jamais atteinte par le communisme.  Le capitalisme doit aussi dompter ses multinationales pour qu’elles apprennent que la vie humaine est plus importante que les profits. 

Quant à la domination armée, il semble évident qu’elle ne sera bientôt plus possible à une échelle planétaire.

C’était de bien grandes considérations pour des personnes aussi peu importantes que moi et Jimmy.  

Les dix mois suivants ont été presque sans histoire.  Je travaillais quasi quotidiennement à la rédaction d’un nouveau roman : La fin d’un état.

De temps en temps, j’écrivais des lettres ouvertes ou je faisais parvenir au Québec des découpures importantes de journaux politiques.  Parfois, j’envoyais des découpures de MAD au gouvernement du Québec.  Question de rappeler mon existence à Bourassa et de remettre mon petit grain de sel dans le combat.

J’étais tombé dans le piège de la monotonie.  Non seulement les journées se ressemblaient, mais leur platitude compétitionait avec les gouttes d’eau, car, il pleut tout le temps, à Vancouver.

À Vancouver, l’hiver, c’est de la pluie, de la pluie et de la pluie.  La pluie, c’est suicidaire. 

Les jours de soleil nous passions des heures à examiner les pigeons se fasciner avant de copuler ou les chauve-souris étendre les ailes, au Stanley Park.

Je me tenais avec les Québécois.  Nous discutions du pays sous toutes ses coutures.  Jamais je ne me suis autant ennuyé de la culture du Québec.

Les discussions étaient souvent plus détendues. 

Plusieurs jeunes Américains étaient convaincus que la fin du monde était pour bientôt.  Cela correspond bien à leur peur du Péril jaune, du péril communiste, du péril économique, du péril d’être descendu en faisant du pouce, des périls de toutes sortes, inventés par le système pour conserver de bonnes raisons de maintenir un arsenal de premier ordre, tout en laissant poiroter ceux qui n’ont pas la chance d’être riches.

Presque tous les jeunes Américains attendaient un messie.  J’avais fait la connaissance de ce phénomène en Europe, en 1972.  Plusieurs jeunes étaient convaincus de la renaissance prochaine du Christ.   

Cela peut plaire aux curés, mais c’est plus un danger qu’un élan vers la sagesse.  Espérer un messie, c’est exprimer le désespoir qu’engendre notre civilisation. 

Pire, le désespoir d’y jamais voir une solution à moins d’une intervention extérieure, au-delà des forces humaines.

La religion avait pris des proportions inquiétantes.  Ces nouveaux disciples du scrupule, les puritains modernes, étaient radicaux comme les Blancs à leur arrivée en Amérique.  Ceux-ci tuaient au nom du Dieu de l’Amour. Hors de la foi en Jésus pas de salut ! 

C’était à l’inverse, d’un noir que j’ai rencontré à San Francisco, il s’exerçait à tous les jours en vue du grand jour où les Noirs balanceraient les Blancs dans l’éternité.

Tous ces jeunes étaient désespérés, perdus, le disant de différentes façons. 

Le désespoir, c’est de cesser de croire dans la société et encore pire, en l’Homme.  C’est la solitude, l’échec de sa sensibilité.

Pour tenir conversation et mieux connaître ces jeunes, j’ai aussi raconté mes rêves à caractère religieux.  Deux les excitaient particulièrement.  Le premier se résumait comme suit :

 » Je descendais l’escalier avec un autre garçon.  Soudain, des bruits à l’étage supérieur.  Nous comprenons tout d’un coup.  Nous sommes les deux seuls survivants de l’humanité.  Nous courons sachant très bien qu’il faut assurer la survie de la race humaine alors que l’on veut attenter à nos vies.  Comment procréer, il n’y a plus de femmes. Nous réfléchissons.  Des images s’accélèrent dans ma tête. En cinq minutes, je visualise et ressens l’histoire de l’humanité.  Plus cette vision s’accélère, plus je suis impressionné, plus je me sens heureux.  À la fin de cette vision, je comprends le principe de la création du monde.  Dieu a créé le monde en se masturbant.  Je ressens une douleur dans la nuque et je m’effondre. »

Le second rêve était beaucoup plus messianique :

 » Je suis soudainement englouti dans une tempête.  Le vent.  La pluie.  La grêle.  Un tremblement de terre.  Le mont Orford, devant moi, se dé souffle comme un ballon libéré de son air.  Je suis près d’un poteau et d’une auto.  Les éclairs surgissent de partout.  Je suis touché.  Je sens l’électricité me mordre et se propager dans tout mon corps. Un autre éclair frappe un buisson devant moi.  Il brûle, mais ne se consume pas.  Je comprends tout à coup la fascination exercée par ce phénomène.  C’est le Dieu de la Bible.  Enragé, je lui reproche les guerres et la violence.  Soudain, je ressens à l’intérieur de moi, la réponse.  Je revis la création et l’évolution du monde.  J’admets mon orgueil.  Chaque étape de la vie défile devant moi avec ses changements.  Je suis émerveillé par la Sagesse de Dieu. Je me lève et je perçois de l’extérieur un prophète aux cheveux et barbe totalement blancs.  Il est comme Moïse, il va avec son bâton.  C’est moi. « 

À cause de ces rêves, je pouvais difficilement reprocher aux jeunes de s’aventurer dans les sentiers émotifs vilement exploités par les gouvernements.  J’en connaissais leur force d’attraction.  J’ai toujours été très profondément religieux, même si j’écris contre les religions.

Cette fièvre religieuse chez les jeunes laisse présager beaucoup plus de violence, de folie que d’amour.  C’est le lien entre le désespoir et la révolte.  Les balbutiements de la négation de la foi par la foi, car cet élan de conscience, de mysticisme, ce cri de culpabilité entraîne impitoyablement une autre révélation encore plus dure à prendre : la corruption de toutes les religions.

La religion servait anciennement de code criminel, civil et moral.  Les prêtres veillaient à maintenir le ciment de l’autorité, autorité qu’ils partageaient avec grands bénéfices.   Ils étaient les guides, les médecins, les juges.  C’étaient eux, en vertu du pouvoir religieux, qui conféraient la divinité au pouvoir civil, au roi. 

Les prêtres se sont petit à petit enfermés dans leur caste, continuant à régir et à interpréter la vie, selon leurs visions et les connaissances de leur temps.  Ils ont essayé d’imposer leur chasteté pour des raisons militaires et économiques.  On croyait qu’un soldat sans relation sexuelle était plus enragé, donc, plus efficace.  La femme était reléguée au second rang.  Elle était la mère.  Tout leur enseignement a dévié, ne servant plus à explorer, mais à dominer. 

Leurs recherches, étant inscrites comme vérité avant même de connaître les résultats, ont donné lieu à des règles morales et sont devenues les grands réservoirs d’hystéries et de névroses.

Peu d’intelligence peut sortir des religions, car, elles rejettent la réalité : le corps et la matière.  Tout le reste découle de cette folie.  La peur de la mort en est le summum et l’aboutissement de cette erreur de point de vue. 

La religion se nourrit de la peur, engendre l’hypocrisie et la violence, car, en partant elle nie notre réalité, la valeur de notre existence.  


Un sourire d’enfer 34

mars 16, 2023

Un sourire d’enfer  34

Dans quel enfer nous étions-nous embarqués ?   Nous regrettions tous les deux de nous être rendus aussi loin, dans un milieu aussi hostile.  Seul un miracle pouvait nous y faire rester.

En me promenant, j’ai remarqué le sourire d’un petit cireur de souliers.  J’étais pâmé, conquis, comme les petits Mexicains sont beaux !  Ils sont même plus beaux que les fleurs.  Plus attirant que les pentes de la Sierra.  Ils éclatent comme des comètes entre les eaux sur les bords de la plage du Pacifique.

Je lui ai donné des sous pour mieux ressentir mon effusion de joie à contempler autant de beauté.   Quelques minutes plus tard, il est arrivé avec un petit compagnon encore plus beau.  Mais, plutôt que de sourire, celui-ci me montra un poignard. Ça annonçait bien.

Nous avons parcouru le pays en autobus à toute vitesse.  Ce peuple me fascinait.  J’aurais couru dans les montagnes où sans l’image de la Madone, tu respires pour la dernière fois.  J’étais aussi étonné de l’aridité du sol.  De la pauvreté des petites villes, mais aussi par leur beauté, leur  originalité.   Hasard?  Des dames et leurs petites filles tentaient de nous faire la conversation.  

Dans les terminus, alors qu’on nous demandait le double du prix quand on voulait acheter des produits, des gens du pays intervenaient pour les faire descendre.  Pour  eux, nous n’étions pas des Américains.

À notre arrivée à Mexico, deux jeunes Mexicains nous ont servi de guides.  L’un d’eux était de toute beauté.  Le plus vieux avait déjà saisi mes attraits, car à un moment donné, il m’a fait remarquer que son petit compagnon avait un très joli derrière. Quoi de plus clair ?  Nous nous sommes installés dans un hôtel de la rue des Enfants perdus. J’ai été surpris du degré de pollution à Mexico.  Je croyais que les pays que l’on disait pauvres avaient au moins échappé au cancer de l’automobile.  

Nous nous sommes rendus aux pyramides.  Sur la pyramide du Soleil, j’ai fait des incantations.  Les pyramides expliquent bien comment la religion a toujours joué un rôle politique.  Lorsque les Indiens avaient assez de prisonniers, ils devaient être offerts au Soleil.  Le peuple était rassemblé.  Il y avait une fête et l’on fumait des drogues légères.  Les prisonniers étaient alors montés sur le sommet de la pyramide pour y être sacrifiés.  Les Mexicains nient l’existence de ces sacrifices humains.

Les premières marches se montent facilement.  Plus tu montes, plus l’escalier est étroit et plus la pyramide est difficile à escalader.  Quand tu redescends, tu dois te tenir pour ne pas piquer du nez.  Cela permettait aux prêtres de prouver que près du Soleil, personne ne peut demeurer debout.  C’est grâce à ces pyramides que les religieux avaient autant de pouvoir. Les marches étaient telles que, souvent en descendant, des prêtres tombaient en bas et se tuaient.

Lors de notre retour des pyramides à Mexico, nous avons rencontré un blanc qui prétendait venir d’Australie et qui voulait assurer notre protection.  Il nous disait trop jeunes pour voyager seul.  Ce fut le seul personnage qui, je crois, en a voulu à nos portefeuilles.

Nous parcourions des distances effarantes en autobus.  Jimmy ne voulait plus se rendre dans les forêts, il voulait à peine sortir de la chambre d’hôtel.  Il expliquait sa peur sous le prétexte de ne pas parler la langue du pays.  À cause de cela, je n’ai presque rien vu du Mexique, du moins, à mon goût.  J’y ai trouvé des jeunes extrêmement sympathiques.  Le Mexique est dix fois plus vivant que l’Ouest canadien. 

Un midi, je me suis garroché à l’eau pour suivre un petit gars et j’ai découvert que l’eau du Pacifique est chaude, à Puerto Vallarta.         

J’étais tellement heureux, j’ai oublié d’enlever la ceinture dans laquelle je gardais tous mes papiers d’identité et mes chèques de voyage.

J’étais fasciné par les petits qui se baignaient nus et un des leurs qui portaient une belle petite culotte par laquelle je pouvais me rendre témoin à savoir que les petits Mexicains ne sont pas circoncis, ce qui ajoute à leur charme.  J’ai suivi ce garçon.  Il me regardait, me souriait.  Je l’adorais davantage.  Il me conduisit directement à sa famille.  J’ai pu y boire de la téquila et manger des huîtres que les adultes allaient directement pêcher à la mer.  Tout ce que je savais dire en espagnol de manière à me faire comprendre : « je n’ai plus d’argent.  Je ne suis pas Américain. Je suis français du Québec. Vive la révolution ! » Ce fut un après-midi extraordinaire.  Je me sentais comme un touriste plus que bienvenu. Pratiquement un frère en visite.

Le retour obligatoire m’a enlevé la joie de pousser plus loin ma curiosité quant aux usages de ce peuple.  Voyager, ce n’est pas toujours aussi simple que ça parait.  J’ai dû faire des milliers de milles sans rien voir de particulier.  Ce fut presque le cas pour le reste du voyage.

J’ai, dans la mesure où j’ai pu m’en faire une idée, trouvé le peuple mexicain extraordinairement vivant et beau.  Il est vrai qu’à cette époque, en voyage, je n’avais d’yeux que pour les petits gars.  Chez les Mexicains, je n’étais pas un gros cochon, un monstre, mais un gars très sympathique.  Je suis certain que les parents avaient très bien compris mon centre d’intérêt, car, ils invitaient les jeunes à se tenir avec moi.  Je me sentais un ami qui essaye de parler espagnol et qui manifestement aime les petits gars.  Un voyageur mexicain, m’a ensuite appris qu’au Mexique aimer les enfants, c’est rendre le plus grand hommage possible aux habitants, car, les enfants, c’est leur fierté.  On n’est loin de la paranoïa québécoise qui voit des prédateurs sexuels partout, comme si on sautait automatiquement sur tous les jeunes que l’on rencontre. 

Une seule chose m’a royalement déplu : la saleté des toilettes publiques. C’était carrément dégueulasse.

Retour à Los Angelès.  Nous décidons d’entrer dans les terres pour y dénicher un travail et pouvoir retourner au Mexique et si possible, en Amérique du Sud, dès qu’on aura assez d’argent. 

Par contre, la chicane est de plus en plus vive entre moi et Jimmy.  Je lui pardonnais mal sa peur maladive des Mexicains alors qu’il avait toujours joué au brave, à l’exploiteur en herbe.

Le travail est rare et la rémunération est très faible.   Nous nous sommes embarqués dans un bateau qui prenait l’eau : travailler en voyageant.  C’est plus facile à dire qu’à faire.  Les Chicanos sont surexploités, c’est connu de tout le monde.  Et, nous sommes avec eux à chercher le même soutien économique.

Dans une petite ville, le soir, nous décidons d’aller coucher dans un Jesus Save.  Nos finances sont trop basses pour se payer une chambre.

Nous avons dû attendre plus d’une heure avant d’entrer dans le Jesus Save, à San Francisco.  Les dirigeants nous mangeaient au nez un succulent repas. 

Pour avoir droit à la nourriture, il fallait nécessairement assister au sermon.  Nous attendions impatiemment.  

À l’église, un gros bonhomme me sourit à pleines dents.  Il vint s’asseoir près de moi.  Après le sermon, il commence à me tâter les mains, me priant de me rendre avec lui à la confession.  Je n’étais pas d’humeur à me laisser charrier dans leur folie religieuse.  

À la salle à manger, nous avons droit à un petit bouillon de poulet, probablement extrait de ceux que nous les avions vu manger par les dirigeants. 

Un des responsables s’installa devant moi et commença à me sermonner.  

«J’aurais dû aller à la confession.  Je suis trop jeune pour voyager.  Mon pays a besoin de toutes nos énergies.  Je devrais cesser de voyager et me faire couper les cheveux.», me disait-il.   Je l’ai laissé aller jusqu’à ce qu’il me tape trop sur les nerfs. 

— Je voudrais, Monsieur, que vous me fichiez la paix.  Je ne suis pas Américain et je ne veux rien savoir de religions subventionnées par la CIA.

— Tu ne crois pas à la Bible ?

— La Bible est un bien beau livre.  C’est l’histoire de la résistance, de la délivrance d’un peuple.  Le peuple Juif. Ce sont les enseignements que les chefs tiraient des événements et qu’ils expliquaient dans des fables.  Vous le savez comme moi.   

— Vous ne croyez pas en Jésus ?

— Écoutez !  Je sais que votre mission est subventionnée par la CIA.  C’est un moyen d’essayer de récupérer les jeunes qui une fois écrasés dans leur misère essaient d’y échapper, en faisant semblant, le pire en y croyant parfois, que Jésus vint les sauver.

Quand t’as rien à manger, tu peux croire n’importe quoi pour bouffer.  Vous savez, comme moi, que la religion est une institution carrément politique. 

On en a inventé de toutes les sortes pour diviser les hommes, car les guerres, c’est ce qui paye le plus.  Les gens sont simplement trop bêtes pour se rendre compte que l’ensemble de l’humanité est dans la misère pour engraisser les trafiquants d’armes, les producteurs d’idéologies, de peurs et de tabous.

Les vieux m’écoutaient, malgré mon mauvais anglais.  Le curé rougit.  Il ne sait plus trop quoi dire.  Il ne s’attendait pas à se faire répondre ainsi.

Aux États-Unis, plusieurs sectes religieuses ont été formées par la CIA.  Elles devaient essayer de récupérer les jeunes drogués.  C’est pourquoi les voyageurs devaient assister à des séances religieuses pour avoir droit de manger. 

D’autres ont été une réponse à la répression.  Les mouvements de gauche devant la persécution, l’assassinat par centaines de Black Panthers, ont essayé de se sauver en s’impliquant dans une nouvelle forme de révolution sociale : la Bible.  Ce livre est un des meilleurs exemples de communisme.

Certains ont conservé cette illusion, plusieurs ont pris cette recherche au sérieux.

Les plus affectés par la persécution de la police américaine ont démesurément poussé leur paranoïa.  Sous cet angle, le suicide de Guyane de plus de 900 personnes se comprend plus facilement.  Il sert à discréditer les sectes.  Leur rôle ayant échappé à la police.

D’autre part, un peu partout des gens avides de profits vite acquis ont sauté sur la religion, le moyen par excellence d’exploiter la naïveté humaine, surtout les pauvres.

Le curé m’a laissé tranquille.  Nous devions attendre avant de pouvoir nous coucher. 

Un des responsables nous a avertis qu’il fallait obligatoirement prendre une douche pour avoir un lit. 

Tout m’a paru bien normal jusqu’à ce que je m’aperçoive de l’intérêt du gardien quand je me suis déshabillé.  J’ai dès lors compris l’intérêt spirituel des dirigeants qui passaient par un regard qui valait bien mieux qu’une confession.

Si le surveillant avait pu me faire fondre la queue du regard, j’en aurais pu depuis longtemps.  Je n’ai jamais autant fasciné quelqu’un.  Ça flattait mon égo, mais en même temps, j’étais vexé à cause de l’hypocrisie. 

Je savais qu’en Californie être gai est chose courante.  Pourquoi ne pas le dire carrément plutôt que de trouver mille artifices pour te faire descendre le pantalon? C’est tellement mieux quand on est tous d’accord.  

Je demeure malgré tout un gars profondément prude.

Un sourire d’enfer 33

mars 15, 2023

Un sourire d’enfer  33 Grâce au responsable de l’Hostel, j’ai trouvé un emploi à la piste de ski.  C’était surtout de la pelle, mais le travail ne m’a jamais fait peur.  Nous avons aménagé la piste.  Jimmy fut ajouté à l’équipe de travail.Notre patron immédiat était d’abord un homme charmant avec une moustache blanche comme la neige. Il faisait montre de beaucoup de gentillesse, particulièrement à mon égard.  Il aimait me faire raconter le Québec et rêver de voyages.  Grâce à lui, j’ai pu dès que la piste fut prête, recevoir les jeunes et les moins jeunes au haut de la piste pour les aider à débarquer du monte-pente.  Je devais arrêter cet appareil dès que je croyais qu’il y avait un danger, maître de la sécurité.  J’étais heureux, je chantais, je dansais. Je donnais des chips aux enfants en passant.  Les jeunes et leurs parents me le rendaient bien. Pour Jimmy, la vie était moins facile.  Son grand patron était une espèce de raciste, un Anglais qui avait quitté le Québec avec octobre 1970.  Il lui donnait toujours les pires corvées.  Un après-midi, après une tempête, il fit courir Jimmy devant son Bombardier pour qu’il écarte les «T» plus vite.  Plus Jimmy courait, plus le patron faisait grimper la vitesse.  Je n’en revenais pas.  Je n’avais jamais voulu croire Jimmy quand il me parlait de discrimination.  Je le pensais plutôt trop paresseux.  Jimmy était à bout de souffle, près du Bombardier.  » J’aurais voulu avoir un revolver et le tirer », de dire Jimmy.   Notre amitié m’attira les mêmes ennuis.  Plus question de travailler avec mon moustachu que j’avais surnommé Papa.  Il le regrettait bien, mais il ne voulait pas perdre son emploi, car il était moins élevé dans l’échelle hiérarchique du patronat, par rapport à celui qui s’occupait de Jimmy.  J’ai été muté à la pelle, puis, à laver les toilettes.  Je m’en fichais, c’était de l’argent pour notre voyage au Mexique.  Le grand patron a doublé d’ardeur.  Il cherchait par tous les moyens à m’humilier, même si j’étais moins bien servi que Jimmy quant à ce qu’il fallait endurer.  Peut-être était-ce aussi parce que Jimmy en plus d’être francophone ressemblait comme deux gouttes d’eau à un autochtone. Les jeunes manquaient leur Alouette.  Après leurs démarches en ma faveur, j’ai été réinstallé dans mes fonctions en haut de la piste.  Cette fois le grand patron se mit dans la tête que j’arrête à la main… tous les «T» à leur arrivée.  J’ai obéi.  Ce n’était pas assez dangereux, il exigea que je les arrête plus loin.  J’ai refusé, je risquais à chaque fois d’être blessé.  Pour m’assurer que je lui obéisse, il a nommé son petit favori pour m’observer.  Peu de temps après, j’avais un nouveau patron.  Le jeune riait de nous faire exécuter toutes les sales besognes.  À tout moment, il nous lançait des bêtises parce que nous étions francophones. J’ai écrit une lettre de protestation au conseil municipal de la ville.  Le lendemain, le jeune y allait plus fort que jamais.  Je me suis emporté et en anglais je lui ai dit : « Tu es jeune.  T’es très beau.  Tu es en bonne santé.  Si tu veux le rester, fiche le camp tout de suite, sinon je te casse les deux jambes.  » Le jeune s’est mis à rire de son frog.  Je n’ai pas perdu une seconde et je suis parti après lui, la pelle dans les airs, prêts à lui faire avaler ses sarcasmes.  Il a eu peur en maudit.  Il s’est rendu pleurnicher à son cher grand patron.  Ce dernier n’en revenait pas, non seulement je maintenais mes menaces, mais je l’informais d’avoir déposé une plainte au conseil municipal ; plainte que j’avais aussi fait parvenir au journal local.                                ———–Entre temps, la semaine suivante, j’ai reçu une lettre qui m’a profondément bouleversé.  Jeff Brown et son épouse, d’Edmonton, m’annonçaient avoir perdu leur emploi.  J’étais consterné.  Je me sentais coupable, car si je n’étais pas passé à Edmonton, cela ne serait jamais arrivé.  Mme Brown avait décidé de publier intégralement ma lettre ouverte dénonçant la francophonie de l’Ouest comme artificielle et bénéficiant qu’à une petite bourgeoisie, appuyée principalement sur le clergé.    Même si Mme Brown travaillait depuis neuf mois au Franco-Albertain, qu’elle était bien correcte avant, elle avait accepté de publier ma lettre, ce qui la rendait incompétente.   Quelle liberté d’expression !  Son mari qui travaillait à la station de radio a démissionné pour appuyer son épouse.  Il a lu entièrement sa lettre de démission sur les ondes. Ce sentiment de culpabilité m’était presque inconnu.  Je me rappelai qu’un attaché de presse de la John’s Manville avait perdu son emploi pour avoir été franc avec moi alors que j’étais journaliste.  Il m’avait donné des informations qu’il ne devait pas livrées. La liberté de presse existe seulement pour les patrons. Mon ami Jean en avait profité pour me discréditer à la CSN, comme si j’en avais été responsable. J’ai protesté dans les journaux tant de l’Ouest que du Québec, contre ce congédiement dégueulasse, mais personne n’en a parlé. J’ai écrit au Secrétariat d’État et au bureau de M. Spicer, ça n’a rien donné.  Je commençais à apprendre pourquoi au Canada les deux peuples fondateurs n’ont jamais su se comprendre.  Les francophones bourgeois censurent tout ce qui ne leur convient pas comme le faisait l’Église quand il était question de sexe.          ————————– Après discussions, nous avons décidé de quitter l’emploi à Prince George, malgré nos démarches pour nous faire respecter ; nous ne voulions pas nous occuper de politique.  Notre but était d’avoir des sous pour voyager. Avant de partir, nous avons appris qu’il y avait eu sabotage à la Baie James.  La nouvelle a eu l’éclat d’un retour en force du FLQ.  Je ne sais pas si la nouvelle a été aussi fracassante quand il a été prouvé que le principal accusé était libéral.  Le sabotage de la Baie James a-t-il été pensé dans les officines du parti libéral pour faire croire qu’il s’agissait de l’œuvre de péquistes, seul groupe officiellement opposé au projet, car il préférait le nucléaire ?     À Vancouver, nous nous sommes installés dans un nouvel hostel du gouvernement.  Au cours de ces journées, j’ai pu constater que le bilinguisme n’existe à toute fin pratique qu’à l’été.  Ainsi, les jeunes pensent vivre dans un vrai pays bilingue. Certains travaux temporaires étaient permis sans nous enlever le droit de recevoir le bien-être.  Les francophones étaient toujours les derniers servis. Nous avons contesté cette situation, ce qui nous a valu d’être menacé d’expulsion.  Fort heureusement, j’ai passé une journée seul à l’auberge ce qui a permis au dirigeant de mieux me connaître.  J’ai appris à mieux tirer mes épingles du jeu, en sachant dorénavant qu’il était gai et que je lui avais tombé dans l’œil.   Quelques jours plus tard, je travaillais avec Jimmy dans une espèce de marché de fourrures.  Notre patron était un Juif de Montréal.  Il parlait français et il était extrêmement gentil avec nous.  Il nous expliqua tout ce que nous voulions savoir, ce qui le paya bien d’ailleurs.  Nous devancions ainsi les expertises pour lui indiquer les plus belles peaux, ce qui lui permettait de précéder tous les autres acheteurs. En voyageant sans argent, tu apprends à être moins puritain.  Mes petites tendances à l’alcoolisme avaient trouvé moyen d’être assouvies, sans que nous ayons à travailler ou se servir de ce que nous avions amassé.  Nous quêtions le premier 0.25$ nécessaire à payer la première chope de bière et nous nous rendions dans une taverne gaie.   Nous nous faisions ensuite payer la traite pour le reste de la journée et de la soirée.  Ça ne manquait jamais.  Les propositions étaient très nombreuses.  Nous étions bien accueillis et bien aimés.  Il m’est arrivé deux fois de tomber sur des racistes.  Chaque fois, la conclusion était la même. Je m’emportais. Un petit exemple. J’ai été racolé aux pissotières du terminus par un bonhomme d’une cinquantaine d’années.  Il m’amena chez lui dans un magnifique appartement surplombant Vancouver.  Le bonhomme me fit boire et nous avons commencé à nous caresser sur le tapis du salon.  Le bonhomme voulait que j’aille avec lui partager un plus petit logement dont j’aurais évidemment payé une partie des dépenses.  Nous avons bu et le bonhomme m’a à nouveau sucé. Jeune, tu fais vite le plein.   Nous avons continué de boire.   À un moment donné quand je bois trop, je pette les plombs.  Il s’est mis à parler contre les francophones.  Nous étions malpropres, mal élevés, sans élégance. Savait-il que j’en étais un ?  À cette époque, je parlais anglais sans trop d’accents. Je lui ai fait savoir.  Il sembla très surpris, mais trop orgueilleux, il a continué à gueuler contre les miens, tout en me disant bien évidemment très différent.  Il comparaît les francophones à des maringouins, sans âme, ni tête. Je me lève, je me dirige vers lui.  Je devais avoir l’air de ce que je ressentais.              — Qu’est-ce que t’as ? — Je savais que je ne ferais rien, car je ne suis pas violent ; mais je voulais qu’il réalise, en ayant un peu peur, la stupidité de ce qu’il disait. — Je vais te tuer.  Je suis aussi bien de le faire tout de suite.  Je ne peux pas être accusé, je suis un insecte irresponsable. Le pauvre s’est mis à blanchir.  Il m’a invité à continuer à boire avec lui disant que nous ferions à nouveau l’amour.  Il m’a raconté avoir été danseur, tout en me donnant une démonstration.  Puis, il m’a invité au restaurant où il a profité de ne plus être seul avec moi pour filer à l’anglaise.  Dommage, il me plaisait vraiment au début.  Maudite boisson!  Maudit racisme ! Non seulement, j’étais moins puritain quant à me laisser payer la bière, J’avais l’entrejambe en offre permanente. Je ne demandais jamais un sou, c’est contre ma vision de la sexualité ; mais j’acceptais de profiter du bien-être que ça me procurait.      Quant au bien-être, payé par le gouvernement, on poussait même la légalité au pied du mur.  — Il en coûte 500 millions $ par année au Québec pour être citoyen du Canada, n’est-il pas normal et juste que nous en profitions un peu ?   Après avoir reçu le bien-être social, nous prenions, Jimmy et moi, notre billet d’autobus pour la Californie. Jimmy avait l’intention d’aller vivre dans les tribus primitives. J’en faisais presque dans mes culottes, juste à y penser.  Pour moi, le Mexique signifiait encore plus de petits gars, en autant que le portefeuille s’ouvre facilement et fraternellement. C’était la réputation de ce pays. San Francisco.  Un arrêt d’une heure ou deux. Los Angelès, nous choisissons un hôtel à prix modique.  Je suis ravi.  Quelques pensionnaires ont tourné de l’oeil en m’apercevant.  Ce sont tous des vieux. J’aurais voulu rencontrer un ami californien, tiré de mon enfance et que j’ai toujours appelé mon oncle Rosaire.  Il demeurait à Barnston, quand j’étais petit.  Il m’a fait don d’une paire de jumelles parce que jeune j’adorais regarder les étoiles.  Je lui vouais encore, malgré les années, une vénération surprenante. Ces jumelles m’avaient permis de regarder la constellation des Pléiades, d’où je croyais être issu. Je me rappellerai toujours de lui comme d’un homme souriant et tendre.  Quand j’aurais pu le voir, je n’avais pas son adresse ; plus tard, je n’avais plus d’argent pour m’y rendre.  Maintenant, c’est trop tard, il est mort.  On dirait que la vie a sa petite destinée. On ne rencontre que ceux que l’on doit rencontrer. ——————————— À Los Angelès, j’ai appris que mon père était très sérieusement malade.  Même si j’avais voulu, je n’aurais pas eu les fonds pour retourner assez vite, si le pire était survenu.  J’ai alors regretté d’être parti.  Étais-je une des raisons de sa maladie ? J’étais responsable de la souffrance de mes parents avec ma maudite amourajoie. Je lui ai écrit une lettre dont l’essentiel portait sur le fait qu’un jour, si je parvenais à lui faire honneur, ce serait grâce à ce qui l’avait tant fait souffrir : mon amourajoie. L’inquiétude et les remords m’ont fait comprendre une fois de plus comment il est important d’aimer ses parents quand ils sont toujours vivants. C’est dans l’anxiété la plus complète que j’ai appris qu’il se portait mieux. San Diego.  Tous les journaux étaient de vrais romans d’espionnage. Il avait tous une histoire d’infiltration communiste.  C’était une vraie maladie mentale.  Une semence de guerre civile.  Il fallait bien justifier les envies de Nixon d’entrer en guerre avec la Russie, de quoi rendre furieux, car les guerres sèment la mort.  Entre Los Angelès et San Diego, nous avons visité Disneyland, un autre rêve de mon enfance avec ses personnages et ses sciences fiction.  J’étais un mordu des émissions, surtout scientifiques, de Disney.  J’ai eu droit à deux petites prises de bec. J’ai discuté avec un universitaire qui a été insulté d’apprendre qu’il est impossible de voyager en bateau entre le Québec et la Californie. — Si vous êtes aussi forts en d’autres sciences qu’en géographie, je comprends que vous vivez dans un monde à l’envers où la haine est plus adulée que l’Amour. Dans le deuxième cas, il s’agissait d’un soldat.  Il affichait ses médailles victorieusement remportées dans des escarmouches au Vietnam, fier comme s’il était un gamin de quatre ans.  Aussi, a-t-il cru à l’effondrement prochain des États-Unis quand je lui ai dit ce que je pensais : — Chez nous, pour avoir des médailles nous n’avons pas besoin d’aller tuer tout le monde.  Nous les cueillons dans les boîtes de Crake Jack.Mes valeurs ont changé avec l’âge; mais je suis toujours contre la guerre. San Diego est une ville splendide à cause de son jardin.  Elle fait cependant mieux ressortir le contraste avec Tijuana, la ville frontière du Mexique.  Comment peut-on passer d’un tel luxe à une telle misère dans un instant ?  Nous nous n’étions jamais doutés d’une telle misère, d’une pauvreté aussi grande.  On aurait dit qu’à Tijuana, tout était pour tomber en lambeaux.  Les hommes nous regardaient comme des ennemis.  Ils étaient tous les uns plus gros que les autres ou plutôt plus terrifiants.  Jimmy, malgré ses protestations, a dû payer deux fois son repas.  Une peur qui lui collera à la peau tout au long de notre voyage au Mexique.

Un sourire d’enfer 32

mars 14, 2023

Un sourire d’enfer   32

De soldat de la révolution, je passais à l’espion.  Je me renseignais du mieux que je pouvais.

De temps en temps, j’allais travailler pour que l’on puisse s’acheter des cigarettes ou se payer une bonne bière.  Je voyais là l’occasion rêvée à travers ces voyages de découvrir ce qui est mieux que chez nous.  Mieux informés, un jour, au Québec, nous vivrons ces améliorations sociales.  Aider le Québec fut une de mes obsessions permanentes. Je vis pour l’indépendance du Québec. 

Gérald trouva un emploi de mécanicien.  Il s’est installé seul dans un appartement. Avec lui, la vie était de plus en plus intenable.  Il était jaloux de mes relations avec Jimmy.  Il me voulait exclusivement. 

C’était la première fois que je vivais une telle situation.  J’étais plutôt attentif à ce que j’apprenais. 

Comment pouvais-je me ramasser avec un bonhomme jaloux alors que j’ai toujours fui les femmes, à cause de leur jalousie et leur maudite manie de vouloir te posséder à elle seule comme si t’étais un meuble de la maison, incapable de vivre ta propre vie ?  Une forme de possession que l’on appelle la vie de couple.  Une vie automatiquement versée dans la jalousie parce que les humains n’ont pas encore réussi à contrôler leur vie sentimentale.

Un midi, à l’hostel du gouvernement, un anglophone se mit à crier contre les maudits « french man ».  Nous n’avons rien dit quand soudain, un vrai bélier mécanique indien saisit l’Anglais par le collet.  Il voulait le forcer à s’excuser.

À son avis, nous, les francophones avons été là avant les Anglais et nous étions moins racistes qu’eux.   » Dans tout français, disait-il, il y a du sang indien. » C’est bizarre que plus tard, Jean Fergusson, à Val-d’Or, m’accordera le statut de métis dans son association.

Entre moi et les Indiens, ça cliquait toujours.  Les Indiens me reluquaient, je leur souriais.   On aurait dit qu’ils ressentaient les sentiments que j’avais pour eux.  Une telle communication est possible seulement quand tu enseignes.  J’avais pour eux un grand respect et une tentation formidable de visiter nos « différences ».  J’aurais donné la lune pour une expérience sexuelle avec un petit Indien. 

J’étais aussi révolté du sort qu’on leur faisait.  Règle générale, les Indiens ne couchent pas dans la même bâtisse que nous, dans des lits soyeux et propres, mais sur le plancher, dans un autre édifice.  Le racisme n’existait pas qu’envers les Indiens.  Gérald ne pouvait même pas parler français avec ses confrères de travail francophones, dans les quinze minutes de détente, sous peine de congédiement.

Edmonton avait un journal francophone et une station de radio française. Le vrai sens du bilinguisme à la Trudeau prenait tout son relief.  Ces instruments d’information, subventionnés par Ottawa, refusait tout ce qui était québécois. Rien n’était bon si ça ne venait pas de la France.

Je reprochais aux journaux francophones de ne pas jouer un rôle positif, non seulement pour une meilleure compréhension du Québec, mais aussi afin d’éliminer bien des préjugés tels : les gouvernements francophones sont automatiquement de la mafia.  C’était probablement vrai dans le temps du roman de Roch Carrier, de De l’amour dans la ferraille, mais ce n’est plus aussi vrai aujourd’hui, depuis le passage de René Lévesque.
 
Je reprochais à la radio francophone de ne pas faire connaître la vraie culture québécoise, une culture hautement d’avant-garde et très humaine.   Il n’y avait que du western à la radio, musique bien minoritaire au Québec, pour nous représenter. 

Les argents versés par Ottawa aux associations francophones servaient au culte religieux, à l’organisation de soirées sociales et de bingos.  Les activités étaient superficielles et devaient évincer toute forme de contestation. Pour eux, Paris était bien plus important que le Québec.

Le bilinguisme était un mythe pour permettre l’anglicisation du Québec, la seule province qui prenait Trudeau au sérieux.

Une petite ville francophone près d’Edmonton venait d’être noyée dans l’élément anglophone et les moyens économiques de la minorité ne parvenaient plus à faire rêver d’une autonomie quelconque.

Au journal, il fut clairement établi que les francophones de l’Ouest préféraient des relations culturelles avec Paris parce que c’est meilleur pour l’unité canadienne. 

Le patron du journal m’a dit, après avoir souligné que le Franco-Albertain avait remporté la médaille du meilleur hebdomadaire canadiens :  » À Montréal, au terminus ou dans les lieux publics, vous n’avez même pas de musique et de chansons québécoises.  Vous n’avez rien à nous montrer. »

Il ne pouvait pas être plus clair : Trudeau maintient folkloriquement la francophonie pour duper les Québécois avec sa politique du bilinguisme, qui ne réussit même pas à stopper l’anglicisation des francophones hors-Québec.

J’ai écrit une lettre ouverte dénonçant cette situation malheureuse et hypocrite.  Le journal l’a publié intégralement.  

J’ai aussi participé à une émission de radio où j’ai affirmé que la crise du pétrole est artificielle et n’existe que pour justifier une augmentation des profits pour les exploiteurs.  Cela a eu l’effet d’une bombe. 

Les deux animateurs de la radio, M. et Mme Jeff Brown ont perdu leur emploi parce qu’ils m’avaient laissé parler sur les ondes de cette station de radio.  Un bel exemple de liberté d’expression.

Mes relations avec Gérald avaient empiré.  Non seulement il exigeait mon exclusivité comme une femme, mais il me menaçait.  Il était assez gros pour me faire labourer le plancher sur une bonne distance.  Cela ne m’empêchait pas de me moquer de lui; car, non seulement, je devais être son petit serin soumis, mais je devais, comme lui, me convertir.  J’ai le fanatisme religieux en horreur.  Il voulait faire un saint avec le diable.

Gérald laissa son emploi et se mit à lire la vie du petit Dominique Savio.  Un petit saint d’une très grande beauté que j’aurais bien aimé soigner.  Il avait décidé de me sauver beau gré, mal gré.  Il voulait me mettre au pas.

Gérald est arrivé un soir dans le dortoir rouge de colère.  Après un long sermon, c’est à coups de taloches qu’il a voulu me faire comprendre le sens de la charité chrétienne.  Cela n’a pas tellement réussi, j’ai décidé que je quitterais Edmonton, seul, s’il le fallait, mais sans lui.  Finie la pensée de couple.  Encore plus la pensée religieuse rétrograde.

Je n’ai jamais regretté ma décision, mais je me suis inquiété.  Était-il dans la misère?  M’en voulait-il ?  Dans le fond, je l’aimais bien, mais j’avais peur de lui.  Après les gifles, ce serait quoi ? 

Jimmy quant à lui attendait fiévreusement son admission et son affectation dans l’armée.

Son rêve s’est estompé le jour où on lui demanda s’il accepterait, connaissant la langue française d’être affecté à l’escouade spéciale.  C’est quoi, cette affaire-là? Après quelques recherches, nous avons appris que l’armée se livrait à des manœuvres d’entraînement dans le but d’envahir le Québec.  Les bras nous sont tombés … l’armée préparait l’occupation militaire du Québec.

Ma dépolitisation venait d’en prendre une claque.  Jimmy, n’ayant rien d’un traitre, il décida que nous allions poursuivre notre route ensemble,
 
Gérald devait se rendre à l’évidence.  C’était fini entre nous. Il nous a annoncé son désir de nous quitter, car ayant reçu une lettre de sa mère, il devait se rendre à New York.  Gérald voulait être du grand pèlerinage à Bayside, New York, où prétendait-on la Vierge Marie apparaissait et devait venir nous livrer un dernier message avant la fin du monde. 

Selon ces dernières révélations, la fin du monde devait être l’écrasement de la comète Kouhoutek, comète qui devait bientôt apparaître dans le firmament.

Est-ce que la terreur annoncée ne serait pas un essai en haute altitude d’une nouvelle bombe atomique ?   Pourquoi la Vierge Marie voulait-elle se rapprocher de Wall Street ?

Gérald avait vraiment peur des foudres du Seigneur.  Sa violence était un geste de frustré qui voulait absolument mon salut.  Aussi fou que ce soit, c’était une violence d’amour. Il m’aimait trop pour me voir crever entre les mains du diable.  C’est ainsi que naît le fanatisme.

J’ai constaté plus que jamais que la force de l’Église est la peur de la mort.  C’est sa force sur les individus.  Personne ne veut admettre le non-sens de la vie.

Freud a-t-il raison d’affirmer que la foi est une forme plus ou moins avancée de schizophrénie ?   La réponse semblait évidente. 

Je comprenais mieux qu’en 1963, après plusieurs années de révolte religieuse, pourquoi je m’étais si totalement converti durant mes trois premiers mois de prison.  Je reprenais ma révolte, là, où je l’avais laissé avant d’être enfermé, donc pour me détruire intérieurement.   La foi devant une peur qui nous submerge apparaît comme un acte régressif et salutaire.  Nous nous cramponnons à ce qui constituait notre sécurité quand nous étions enfants. Voilà pourquoi l’Église tient si ardemment à l’enseignement de la religion aux enfants.  Celui-ci devient une empreinte primaire, un guide inconscient pour le reste de notre vie, plus l’enseignement aura frappé notre imaginaire et notre sensibilité plus nous en serons esclaves. C’est une espèce de lavage de cerveau par l’émotif ou la peur. 

La chasteté est contre-nature : l’annihilation d’un besoin, d’un instinct inscrit à l’intérieur même de tout être humain pour assurer la survie de l’espèce humaine.
 
Les curés essaient de protéger leur phobie pour se justifier, se faciliter la tâche.   Voilà pourquoi ils sacralisent leur état, tout en donnant fonction de péché à la chair, pour ne pas être tenté par les femmes.  La chair est leur ennemi, car on pense que le corps nous éloigne de Dieu, un être jaloux qui n’accepte pas qu’on lui préfère quelqu’un d’autre.

L’Église a souvent dirigé et dicté sa morale à partir de malades mentaux.   Comment associer l’infaillibilité du pape quand on songe aux Borgia ?  À l’amour chrétien, durant les croisades et l’Inquisition ?  St-Thomas d’Aquin, le Père de la doctrine sociale chrétienne n’enseignait-il pas que les femmes n’ont pas d’âme ?

La religion est-elle en soi une maladie mentale ou un mécanisme de défense si elle était utilisée à bonne dose ?  Serait-ce un bouclier contre l’hystérie ?  Quand on écoute les féminounes on serait porté à croire le contraire. 

Les femmes sont généralement plus émotives que les hommes, et forcément plus religieuses.  La foi est irrationnelle.  Quant à moi, la religion est un beau rêve d’enfant : une terre sur laquelle s’aiment tous les humains… rien de plus. 

En ce sens, seulement, je crois que le Christ est le sauveur des hommes.  Et, à ce titre, qu’il est l’idéal à atteindre.  C’est mieux que Mahomet qui était un guerrier.  Que Jésus ait couché avec Marie-Madeleine ou Saint Jean pour faire l’amour, ça n’a pas d’importance.  Qui était le petit soldat au Jardin des Oliviers qui dormait nu ?  Que Jésus ait été le chef pacifique d’un groupe de rebelles contre Rome ce n’est pas ce qui fut le plus important.  L’important, c’est son message : Aimez-vous les uns, les autres, pour l’amour de Dieu « .  Les balises d’un paradis terrestre. 

Tout comme l’admiration est le premier pas vers l’amour, la fascination est la pierre angulaire de l’amourajoie, pédérastie.  La religion est un rêve collectif.   Aujourd’hui, les Églises et les sectes religieuses sont des moyens d’exploiter les plus naïfs.  Il suffit de connaître leur richesse pour en avoir la preuve.

Nous nous sommes installés, Jimmy et moi, à Prince George, Colombie Britannique, à l’hostel du gouvernement.  C’était toujours la même chanson, nous grattions les fonds de l’étagère française de la bibliothèque.  Je n’avais jamais autant lu d’auteurs québécois.


Un sourire d’enfer 31

mars 13, 2023

Un sourire d’enfer  31

Je ne rêvais pas comme les autres, aux mêmes choses, je m’intéressais surtout à la justice sociale, à la violence dans le monde, à l’immoralité de ceux qui nous prêchaient, mais qui nous disaient de faire le contraire de ce qu’ils prêchaient.  Tout ça, simplement pour oublier ou compenser le fait que j’étais amourajeux.  D’ailleurs, tous les scrupuleux et scrupuleuses sont habituellement des gens qui combattent le vice pour échapper à leur profonde perversité. 

L’incompréhension de mon amourajoie me rendait très malheureux.  La réaction de mes parents me peinait énormément, même si je croyais comprendre.  J’acceptais comme normal leur condamnation. Et, si on les en blâmait, je les défendais.

Moi et mon père, on a convenu d’une solution au cours d’une brosse. Il m’avait dit, les larmes aux yeux :

 » Si tu es pour toucher les jeunes d’ici ; j’aime autant que tu ne viennes pas nous voir. » 

Et, j’ai décidé pour ne pas leur faire cette peine de partir et ne pas revenir. Je suis parti pour un petit bout de temps.

Nous nous respections trop profondément pour rester sur ces positions. Il n’y avait que ma pédérastie qui clochait dans ma vie.  À mon avis, mon père ne pouvait pas me comprendre parce qu’il aimait les femmes. 

Mon père aurait même dit à une de mes sœurs :

       » Si au moins, il était homosexuel (le mot gai n’avait pas encore été inventé), mais aimer les enfants… »

Dans le fond, il était comme les autres à qui les curés ont essayé de refiler leur mystique de haine du plaisir et de la chair.  Il croyait qu’aimer voir et sentir les jeunes découvrir la jouissance, c’est les profaner.  Comme si ceux-ci ne ressentaient pas de la complicité dans ces relations.  On refuse de voir la réalité, le mal ne peut pas être un plaisir.  La morale sexuelle est une idiotie.  Elle est le fruit de la peur de la communication des maladies chez les bourgeois.   Elle est devenue avec le temps une obsession de classe sociale. 

Je comprenais ce que mes parents pouvaient ressentir.  Je pouvais peut-être être tellement perverti que je n’arrivais pu à voir le mal où il est. 

Pourquoi le sexe est-il mal ? Je ne voyais rien qui pouvait le justifier. 

De retrouver mon père fut très salutaire. Contrairement, à bien d’autres, je n’ai jamais détesté mes parents.  Ils agissaient comme c’était normal d’agir, avec l’ignorance que l’on avait de la sexualité à cette époque. 

Quand je suis parti, j’aimais encore plus mon père et je ne pouvais même pas imaginer que mes parents ne m’aimaient pas.  Ils n’aimaient pas ma pédérastie, mais ils savaient que j’étais aussi quelque chose d’autre.  Ils n’étaient pas bornés. J’ai toujours été très fier de mes parents.  J’aurais voulu faire quelque chose pour leur témoigner, mais je ne savais pas quoi. 

Ma relation avec Dieu était toute aussi houleuse, car je ne comprenais pas pourquoi il m’avait créé ainsi.  C’était dégueulasse de sa part, mais encore là, je voyais ça comme une épreuve à surmonter.

J’avais la certitude que mes parents et moi, nous nous comprenions, nous nous aimions, malgré nos différences de point de vue.  Pour eux, le sexe était mal ; pour moi, le sexe est la preuve la plus profonde de la grandeur du Créateur, s’il y en a eu un.

Je devais apprendre à transcender mes désirs de nature physique avec les jeunes et de ce fait m’investir davantage dans l’amélioration de la vie de tous. 

Si W. Reich m’avait connu, je crois qu’il se serait servi de moi pour faire comprendre le besoin de se pardonner d’être ce que l’on est.  Il faut vieillir avant de comprendre la stupidité de la perception de la sexualité de nos sociétés. 

On refuse de comprendre l’évolution parce qu’avec les dernières découvertes, on s’aperçoit du ridicule de l’approche que l’on a de la sexualité.  Le diable avait pris la place des hormones.  Il est temps qu’on s’aperçoive que nos interprétations sont le fruit d’une imagination pas mal perturbée.

La fraternité et la tendresse entre mon père et moi ne s’étaient jamais exprimées avec autant d’éloquence.  Je savais qu’il était malade, mais je ne le croyais pas aussi atteint.  Je ne serais jamais parti.  

Nous avons filé dès que nous avons reçu notre bien-être social.

Notre première visite fut pour Darryl, à Winnipeg. Il est venu me rencontrer à l’auto, devant chez lui, où nous avons pris quelques photos.  Elles ont été malheureusement égarées par hasard dans la poste.  Darryl n’a pas voulu me suivre, comme je le savais déjà. Il y a toute une différence entre ce que l’on dit pour épater la galerie et la réalité. 

Gérald lui a raconté mes menaces de le kidnapper, s’il ne voulait pas venir.  Darryl s’est contenté de rire. Il me connaissait assez pour savoir que je ne lui imposerais jamais rien, surtout ce qu’il ne voudrait pas.  Gérald jouait tellement au protecteur qu’on se demandait si on devait en rire.  Il avait même songé avertir la police.  Darryl m’a informé qu’il voulait joindre l’armée.
 
 — Pas contre les Québécois ? lui demanda un Gérald taquin, car on savait que des escouades spéciales d’intervention militaire se pratiquaient dans l’Ouest canadien pour intervenir si le Québec se déclarait indépendant.

 — Ça jamais, de rétorquer Darryl.

Le petit se promenait en bedaine comme pour me rappeler sa beauté, une beauté qui m’envoûtait. 

À cette époque, on ne songeait même pas au mariage gai. Je me fichais qu’il soit de langue ou de race différente.  L’amourajoie est une forme de fascination qui déborde toutes ces limites idiotes.  Un humain, c’est un humain, un être sacré. Chaque être a son « diapason », sa tonalité, son énergie, sa force de communication.

J’ai vu dans ses yeux, la façon qu’il me regardait, qu’il me considérait comme un véritable ami.  Quand il a répliqué à Gérald, j’ai compris qu’il n’était pas gai, mais qu’il me respectait profondément.  J’avais réussi à lui laisser une bonne impression des Québécois, malgré ma pédérastie. 

En Saskatchewan, nos portefeuilles étaient déjà crevés.  Nous avons obtenu l’aide gouvernementale.  À cette époque, l’Ouest canadien était alors plus à gauche et plus généreux que le Québec quant à son aide sociale.   Cela nous a permis de continuer notre chemin.  

À Saskatoon, nous avons dû nous rendre à un comptoir familial.  Puisque nous étions partis pour le soleil du Mexique, nous n’avions pas prévu les rigueurs de l’hiver avant de descendre dans le Sud.  J’ai reçu un manteau que, cinq ans plus tard, je porte encore avec fierté. 

L’absence des petits gars, une réminiscence de mon passage angélique au paradis, et l’insécurité d’être ainsi à la merci de l’aventure a modifié complètement mes rapports avec Gérald.

Gelé comme un bœuf, Gérald tombait amoureux de moi, même s’il reconnaissait le caractère compensatoire de la situation.   J’étais trop aux aguets de nouvelles aventures à découvrir pour comprendre ce qu’il ressentait.  J’étais sa sécurité. 

La tension était trop grande quand nous sommes arrivés à Edmonton.  Faute de place, j’ai dû aller coucher dans une auberge de jeunesse « un hostel du gouvernement », comme on disait, assez crasseuse.  

Quelques jours après, j’avais des rougeurs aux bras et aux mains.  Je croyais que je m’étais empoisonné, cela ne faisait aucun doute.  J’ai aussitôt couru pour une consultation médicale.  Le diagnostic fut une surprise, une honte comme je n’en avais jamais eu : j’étais bourré de puces.  Lavages. Rires. Gêne. L’enfer.

Nous étions installés dans un hostel du gouvernement, un endroit où l’on est nourri, logé, jusqu’à ce qu’on trouve un emploi.  Jimmy et moi ne faisions pas de grands efforts.  Nous passions nos journées à lire des livres québécois à la bibliothèque municipale. 

J’en profitais aussi pour écrire.  Deux nouvelles littéraires furent expédiées à Hélène, à Sherbrooke, pour qu’elle me les garde.  J’écrivais aussi mes impressions à Gaétan Dostie et je lui envoyais les découpures d’articles de journaux que je croyais intéressants. 

Au moins mon exil servait à faire savoir aux Québécois ce qui se passe réellement dans l’Ouest, les politiciens ayant toujours un double langage : un pour les francophones, l’autre, pour les anglophones. 

Un sourire d’enfer 30

mars 12, 2023

Un sourire d’enfer  30

Cette fois, avant de partir, j’ai passé la dernière soirée avec mon père.  Je l’ai vu pleurer pour une des premières fois parce qu’il s’inquiétait pour moi.

Cette fois, j’ai passé la dernière soirée avec mon père.  J’étais gelé comme une balle.  Les dernières animosités étaient tombées entre nous.  Il m’avait pardonné ma pédérastie, mon amourajoie. 

J’étais moins révolté contre la sorte de monde de sa génération et les générations précédentes qui nous ont légué une perception vraiment débile de la sexualité. 

Je l’ai senti très près de moi.  Au fond, nous nous sommes toujours aimés. Mes reproches quant à sa froideur n’étaient plus justifiés.  Mon père ne combattait jamais en meute, peut-être a-t-il été trop souvent trahi dans sa confiance aux autres pour croire dans la fidélité des autres ?  

Papa a toujours connu beaucoup de difficultés pour survivre financièrement.  Il aidait trop de gens. 

D’abord, il s’est fait avoir par la Thérèsa, une mine d’or dans le nord de l’Ontario.  Puis, pour que les enfants ne souffrent pas dans les périodes difficiles, il faisait d’énormes crédits à bien des paroissiens en difficulté.  Nous avions le magasin général.

Politiquement, il était fasciné par le nationalisme de Daniel Johnson, père.  Jamais il n’a été récompensé d’une manière ou d’une autre pour ses services.  Quasi ruiné, il n’y avait pratiquement que la vente de la bière à l’épicerie pour lui permettre de s’en sortir.  À deux reprises, aux deux référendums, le curé est monté en chair et a fait battre l’abolition de la prohibition.  À cause de ces échecs, mon père a dû s’exiler pour nous faire vivre.  Il s’est aussi fait haïr parce qu’il voulait la construction d’une école centrale à Barnston.  Les écoles ce n’était pas à la mode dans le temps. Ce fut une très dure lutte, mais la première école centrale en milieu rurale fut construite à Barnston.

Toute sa vie, il l’a vécue pour nous, ses enfants.  Il l’a vécue aussi à aider les cultivateurs de par chez nous à survivre et s’enrichir.  Tout ce qu’il a récolté : en 1978, une année après sa mort, les gens ont refusé de changer le nom de l’école St-Luc de Barnston pour l’école Émile-Simoneau. La paroisse porte pourtant déjà le nom de St-Luc.  Cette demande a engendré toute une série de jalousies et de gestes hypocrites. 

D’abord, les commissaires de Coaticook ont rejeté la demande, car, elle avait été publiée dans le journal du coin.  Ils avaient peur puisque je suis un gars très politisé.  Ils ne voulaient pas créer de précédent.  Il fut entendu qu’un sondage serait tenu le 3 novembre.  Il fut devancé sans avertissement.  Les articles expliquant ma demande ont ainsi été publiés après le sondage.  Les gens ont préféré garder le nom de saint Luc comme si ce saint avait besoin de ça pour dormir.  Une telle mesquinerie m’a révolté.  La Commission scolaire et le Comité de parents de l’école ont agi malhonnêtement.  La Tribune a publié un article le 4 novembre, confondant ce sondage et les élections municipales. 

Pendant qu’on refusait le changement de nom à Barnston; à Sherbrooke, on élevait un monument à un ennemi francophone, Sir Alexander Galt.  Il faut être un bandit pour être un héros québécois.  C’est un peuple incapable de sortir des jupons des curés.  Une race infériorisée et sans identité.  Un peuple aussi masochiste mérite presque de disparaître.   Cela dépasse ma pensée ; mais il faut parfois se vider le coeur.

Je reprochais à mon père de trop encaisser et d’être trop à droite.  Il n’acceptait pas tout ce qui venait des syndicats.  Comment pouvait-il accepter le si peu de gratitude des gens qu’il avait aidés ?  Comment pouvait-il continuer à croire dans une Église qui l’obligea à bûcher toute sa vie à cause de sa tartufferie, de sa morale maladive?  Comment pouvait-il être fier du monde qu’il nous a construit ?  En fait, je lui reprochais de ne pas être aussi révolté que moi, ce qui d’une manière me condamnait.  Il était plus sage que moi. Il savait que ça ne donnait rien.  On est juste responsable de créer sa propre vie.

La nausée devant les libéraux nous était commune Si quelques années plus tôt, j’avais choisi d’appuyer les libéraux pour être en contradiction avec lui, maintenant qu’on en avait chassé René Lévesque, la politique nous réunissait moi et mon père plus que jamais. 

Il savait ce que je ressentais et il me reprochait à son tour d’être comme lui en politique : à la recherche de trop d’intégrité.  Par exemple : je n’en ai jamais voulu à mes patrons à la Tribune, ils faisaient leur travail.  Je comprends combien je devais être un paquet de problèmes, moi et ma maudite politique.  Le journalisme d’enquête n’existait pas encore. Que j’aimerais faire ce travail !

Quant à mon amour pour les petits gars, mon père n’y comprenait rien.               

 » Comment un gars aussi intelligent que toi, peut-il être pédéraste ? ». 

Ma mère, elle, me disait que je serais mieux mort plutôt que de répandre mon vice et ainsi me permettre d’être sauvé.  Personne à cette époque ne pouvait croire que ce soit vraiment notre nature.  Si on était si méchant, c’est qu’on était la réincarnation de quelque chose de mauvais.  Ces croyances stupides étaient la vérité absolue. 

Ma mère n’était pas mauvaise, au contraire, c’était une femme merveilleuse.  Elle était comme toutes les femmes de son époque au Québec, trop religieuse.  Même si les femmes sont dénigrées par la Bible, la Bible a raison.  Elles n’ont pas changé depuis, au contraire, elles remplacent l’Église dans sa lutte pour la chasteté.

Grâce à la bêtise religieuse, jouer au docteur, c’était le mal d’entre tous les maux, même si c’était pour plusieurs le jeu le plus amusant. C’était pire que d’assassiner. Il suffisait à un jeune de dire que l’adulte tué avait peut-être voulu l’agresser sexuellement pour qu’on lui pardonne son crime et qu’il devienne presque un héros. Un martyr comme les saintes nitouches qui préfèrent mourir à succomber au plaisir. 

L’éducation des femmes fait que le sexe est pour elle encore plus important que la vie. Nous sommes une société rendue débile par la chasteté. 

Il y avait même un groupe de folles qui se battaient pour interdire la vente des Playboys, car un enfant pouvait mettre la main dessus.  C’était, d’ailleurs, le rêve normal de tous les jeunes garçons de plus de dix ans, sauf ceux qui se déniaisaient plus vieux, faute d’en avoir entendu parler avant. 

La censure était présente partout.  Ces folles pensaient qu’elles protégeaient la société.  Elles n’avaient certainement pas lu grand-chose pour être aussi arriérées.  Ça n’a pas évolué depuis au Québec, ça même empiré partout dans le monde, toujours à cause des religions.

Aujourd’hui, pour ces mêmes folles, on crée des services de police spéciaux pour combattre la pornographie enfantine pendant que les jeunes se font défoncer le cerveau par les drogues ou attrapent des maladies vénériennes, car il ne faut surtout pas parler de sexe.  

Nos jeunes deviennent fous, mais au moins ils sont chastes à cause la drogue et de la violence dans les jeux vidéo, mais ils sont chastes.   Ces maniaques de la chasteté capotent même quand il est question de filles en brassières sur les calendriers ou à la télévision. 

Dans ce temps-là, les féministes n’avaient pas encore inventé le mot pédophile — et atteint l’irrationnelle peur du sexe des féminounes.  Être pédéraste, c’était comme si j’avais attrapé la peste ou si le diable commençait à me dévorer tout cru.

Mon père était tellement hétéro qu’il ne pouvait certainement pas comprendre mon obsession.  Moi non, plus d’ailleurs.  Je ne sais pas comment elles sont devenues aussi importantes dans mes intérêts ou même le sens profond de ce besoin, mais il était de plus en plus envahissant.

Ma pédérastie, c’était d’abord l’émerveillement face à la beauté d’un petit gars.  J’aurais passé ma vie à regarder des photos de petits gars, tant je les trouvais beaux.  Puis, avec le temps, j’ai commencé à me demander si nus ils étaient tous aussi élégants ou encore plus beaux. J’étais habité par le goût de découvrir toutes les races et toutes les nations.  Quelle différence peut-il bien exister entre un petit Québécois et un Inuit?  Pourquoi chacun est-il si différent, tout en étant si identique, était devenu la question de ma vie.

Je ne m’intéressais plus qu’à la beauté de mes petits camarades de Barnston et de Coaticook, mon interrogation était devenue planétaire, même universelle, car je m’interrogeais même à savoir ce qu’un petit gars extra-terrestre aurait l’air. 

Plus j’en apprenais sur la sexualité, plus j’étais ébahi par la grandeur de ce phénomène. Comment un petit liquide qui te fait jouir autant peut-il être responsable d’une naissance? Comment la vie pouvait-elle se transmettre ainsi ?  Par quel miracle le sperme est-il secrété en chacun, sans même qu’on sache la recette ? N’est-ce pas la chose la plus fabuleuse ?  C’est meilleur qu’un miracle.

La pédérastie était une forme d’émerveillement, d’envoûtement qui naissait avec la présence du semblable.  La présence d’un autre que j’aimais.  C’était comme naître dans une autre dimension où le bonheur de l’autre devenait ma principale préoccupation.

Si selon les lois de la nature, le pareil éloigne ; dans mon cas, c’était le contraire.  J’étais soudé à mon propre sexe. Je recherchais la vitalité et surtout la beauté dans l’énergie d’un petit gars, mais surtout son intelligence et sa gaité.  

Les filles, c’étaient au contraire, la vanité, le scrupule, surtout la jalousie, les problèmes, mais il fallait les endurer pour être normal aux yeux des autres.  Par contre, j’adorais mes sœurs et mes cousines, car il y avait une sorte de communication qui s’établissait entre nous qui était différente. 

La danse et la poésie étaient rattachées aux filles avec lesquels je correspondais.  Elle m’envoûtait intellectuellement.

Pourquoi les filles ne m’attiraient-elles pas physiquement ? Je n’arrivais simplement pas à savoir de quoi leur parler.   Tout ce que l’on nous présentait comme le plaisir des plaisirs, embrasser par exemple, ne m’excitait pas du tout.  Au contraire, «frencher» me semblait assez dégueulasse.

Cette perception normale avant l’adolescence, d’un monde exclusivement de gars lors de la période de latence, a simplement continué quand je suis devenu adulte plutôt que de prendre la direction habituelle, hétérosexuelle. 


Changement temporaire.

mars 10, 2023

Adieu

J’ai appris hier que mon ami Jacques sera opéré prochainement. Nous vivons ensemble depuis plus de 10ans.  Pour l’assister dans cette épreuve, je cesserai temporairement, je l’espère, de publier des textes quotidiennement.  

Je commenterai la vie, de temps en temps, du haut de mes 80 ans.  La retraite absolue est pour plus tard.  Le moment est encore non déterminé.  L’âge oblige à des changements imprévus. 

Merci de m’avoir été fidèle et je souhaite que les scrupuleuses et scrupuleux de ce monde réalisent la bêtise de leur morale asséchée.  Ils sont une source de violence qu’un jour il faudra combattre avec autant d’acharnement qu’ils combattent la liberté sexuelle.

Un sourire d’enfer 29

mars 9, 2023

Un sourire d’enfer   29

Mon voyage dans l’Ouest, ce fut Darryl.  Darryl.  Une rencontre fortuite.  Une surprise. Un cadeau de Dieu.  Un arc-en-ciel dans ma vie.  Darryl, comme tous les autres que j’ai aimés était le symbole parfait de mon idéal de vie.  Ma vie n’aurait pas eu de sens sans cette profonde fascination, cet envoûtement pour leur beauté.  Ce besoin d’eux est aussi vital qu’une source d’eau fraîche dans le désert.  Ce n’est pas qu’un attrait sexuel, quoique ce le soit aussi. 

Une nuit dans le lit, près l’un de l’autre, suffit à apprécier Dieu et sa création. 


L’amourajoie est un échange de vitalité, presqu’une adoration de la vie à travers leurs jeux, leur beauté.  L’amourajoie, c’est vivre intérieurement en petit gars, malgré l’âge adulte.  C’est un échange émotif.  L’osmose de l’adoration avec la beauté. Une vibration sur une même harmonie.  

Darryl savait fort bien qu’il me fascinait beaucoup trop pour que je puisse être le moindrement dangereux.  Je me suis ruiné pour qu’il ne gèle pas la nuit

À mon retour, j’ai été consterné d’apprendre qu’après la censure à La Tribune et à L’R du Q, je faisais face à une nouvelle forme de «tais-toi».

Il était une fois dans les Cantons de l’Est
 n’avait pas été distribué.  Le responsable de la distribution, toujours mon bon ami Jean, avait décidé que le livre n’était pas assez intellectuel, trop contre-culture pour plaire à la population.  Pourtant, ce livre a été exposé au salon du livre de Paris pour son originalité et comme pamphlet de contre-culture politique d’avant-garde. Il s’est vendu comme des pains chauds.

J’avais le feu au cul.  Ni le Parti Québécois, ni la CSN n’étaient intéressés à en faire la promotion.  Pour les péquistes, je ne prônais pas assez clairement l’indépendance, mais ce n’était pas le but du livre.  Quant à la CSN, je ne l’ai jamais su. En fait, avec le temps, je m’aperçois que je rêvais beaucoup plus de la révolution que de l’indépendance. 


L’indépendance, c’est le moyen, le chemin à suivre pour permettre la révolution, c’est-à-dire changer les choses en profondeur.

À mon sens si,  avec un tel livre, les gens ne savaient pas trouver la solution, c’est qu’ils étaient trop masochistes pour s’ouvrir les yeux et méritaient leur sort.   Tu ne peux quand même pas les aider, malgré eux.  Si les gens sont trop bêtes pour comprendre qu’Ottawa écrase toujours et depuis toujours les Québécois, que veux-tu faire ? Rien de plus sourd qu’un sourd qui ne veut rien entendre. 

À Sherbrooke, déjà ma popularité s’était estompée.  Presque plus personne ne savait qui j’étais.
 
Dans les milieux militants, les dirigeants me trouvaient trop radical, trop « show off ».  Je n’étais pas mieux accepté.  J’étais haï à mort par les libéraux et repoussé comme un lépreux par les indépendantistes. 

C’était ma récompense de m’être battu, malgré ma peur peut-être paranoïaque (comme si une peur maladive est moins épeurante) de me faire battre ou descendre à tout bout de champ. C’était déjà arrivé ailleurs, donc, ça pouvait se répéter.

Je me demandais pourquoi autant de froideur à mon égard.  J’aurais peut-être même été plus considéré si j’avais été un agent de la Gendarmerie Royale. On aurait eu au moins une raison de m’écarter. 

Cela mettait fin à une grande ambition.  Comme tout le monde, j’avais rêvé à la postérité.  Je trouvais mon message tellement essentiel et clair qu’il m’apparaissait absurde de susciter autant d’indifférence. 

L’essentiel, le message avait été publié à 5,000 copies et la vente se faisait extrêmement bien, partout, où le livre était disponible. 

Quant aux critiques, elles étaient excellentes. On encensait Il était une fois les Cantons de l’Est dans bien des journaux.

Une jeune fille du journal « Contact« , duquel j’avais pourtant été écarté, m’a touché en écrivant : « Il est allé au bout de ce qu’il lui était possible de faire.  Il ne nous reste qu’à en faire autant.»  J’ai bien apprécié ce geste de reconnaissance.
 
J’ai difficilement avalé ces moments d’indifférence à cause de mon orgueil démesuré.  Une telle indifférence permettait au moins d’éliminer mes peurs. 

Quant à la gloire, quand tu n’es pas mort, ça ne donne pas grand-chose.  Pire la gloire, c’est un paquet d’emmerdements.  C’est ne plus avoir de vie privée, ne plus pouvoir créer.  Tu dois répondre à la demande et non plus vivre selon ton rythme.  La gloire, c’est la misère.  Je l’apprenais lentement, mais sûrement. 

Il suffisait d’examiner la jalousie qui existe entre les artistes et les auteurs pour  vouloir se passer de la gloire.  Elle a pourtant  des avantages : plus besoin de t’inquiéter pour faire accepter tes textes, des droits d’auteur, etc.  

Mon français était mauvais et en regardant les autres, je me sentais un bien piètre écrivain.  Que veux-tu ?  La réalité, c’est la réalité.  Fuck la gloire !   


À Sherbrooke, j’ai à nouveau rencontré Gérald, le béret blanc, pédéraste ou amourajeux, selon le choix.  Il y avait au moins une personne sincèrement heureuse de me revoir.

À ma consternation, Gérald s’était passagèrement converti.  Persuadé d’être responsable de ma damnation, il avait brûlé toutes les revues pornographiques que je lui avais achetées et laissées à mon départ. Une valeur de plus de 100$. Il avait été l’intermédiaire des achats et se sentait responsable. Pourquoi faut-il toujours brûler ce qui nous semble sale ?  Une « relance » d’Inquisition ? Pourquoi les autres doivent-ils toujours décider ce qui est bien ou mal pour moi ?
 
Nous avons vite recommencé à faire la noce.  Il m’écoutait religieusement raconter mes aventures de voyage et vanter la beauté de Darryl.

Les libéraux ont déclenché des élections.

Ma participation fut très modeste.  J’étais persuadé que le vent de droite identifié dans l’Ouest canadien soufflerait aussi au Québec.

Je n’avais plus le feu sacré d’antan.

Les peintres de Vauxcouleurs avaient organisé une exposition pas mal politisée pour un centre d’achats.  Réginald Dupuis y participait et m’invita à la visiter.  J’étais fier de nos artistes.

Nous sommes repartis prendre une bière et discuter un peu.  Aucun incident. Beaucoup de satisfaction.

À notre grande surprise, une rumeur commença à circuler à l’effet que j’étais été mêlé au vol mystérieux de ces peintures.  Nous n’y comprenions rien. Une autre tentative libérale de me faire passer pour un petit bandit.

Un peu plus tard, l’enquête policière a éclairci les faits.  La police a retrouvé les peintures dans un local du parti libéral.  C’était toute une leçon à recevoir quant à l’honnêteté des libéraux.  Étaient pris qui voulaient prendre. Mais, ça n’avait plus d’importance, les élections étaient passées et cette rumeur me rendait inapte à agir pendant la campagne électorale.  

Quant aux résultats des élections, ils ne m’ont pas surpris. Presque tous les comtés étaient passés au parti libéral.

La visite surprise des chars d’assaut dans la Vieille Capitale et tous les shows libéraux avaient encore une fois roulé la bonne foi des Québécois. 

Au moins, le Parti Québécois devenait l’Opposition officielle.  Ainsi, il prendrait le pouvoir la prochaine fois puisque les libéraux ne pourront pas voler les élections aussi facilement.  Dans certains comtés, le vol était manifeste.  Les libéraux avaient emporté les élections par 100 ou 500 voix.  J’ai rencontré un bonhomme qui me raconta avoir voté 17 fois à $20 chaque fois contre René Lévesque.

Je ne pouvais pas changer les résultats des élections.  Le monde aime se faire fourrer.  Plus Trudeau botte le cul des francophones, plus il reçoit un appui inconditionnel.  Plus Bourassa mentait et plus ses libéraux empochaient, plus les gens votaient pour eux.

Il a suffi à Claude Ryan de mêler la religion à la politique pour faire une entrée fracassante.  Pendant que Ryan dénonçait le patronage par ses voix parlementaires, je me suis laissé dire que dans le ministère de l’Agriculture, un sous-ministre libéral gardait sous clé, pendant deux mois, les chèques  d’allocation des cultivateurs pour les travaux de drainage dans les comtés qui avaient trop voté en faveur du Parti Québécois.  Il espérait ainsi que les agriculteurs rejetteraient encore plus le Parti Québécois.  

Pendant que ses amis sortaient le prétendu scandale du divorce de René Lévesque, Ryan se pavanait avec sa famille pour mieux faire ressortir ses qualités chrétiennes.  L’hypocrisie, ça paye, surtout en politique.  Ça pogne.  Les gens aiment se faire charrier par de tels artifices.


J’ai été parfois surpris des pensées de Gérald.  

Béret blanc, d’une secte religieuse fanatique, il était pourtant comme moi contre les Big boss.  Selon lui, le Vatican a trahi le christianisme depuis belle lurette.

Politiquement, nous étions évidemment à l’opposée : sa politique combat le communisme en faveur du capitalisme alors que je considère essentiel d’éliminer toutes formes d’impérialisme et de dictature, bénévole ou pas, de gauche autant que de droite.  Le capitalisme est aussi impérialiste, dictatorial et sûrement aussi corrompu que le communisme.  Les deux régimes sont aussi sanguinaires l’un que l’autre. Tout ce qui compte c’est le pouvoir et le profit.

Nous ne parlions que très rarement de nos options religieuses ou politiques, la beauté des jeunes  avait trop d’importance pour être salie par ces mesquineries.

Gérald était béret blanc à cause de sa famille.  Il identifiait Gilberte-Côté Mercier à sa mère.  C’était touchant de l’entendre parler de la douceur, de la compréhension de Madame Mercier.  Il avait pour elle une très profonde admiration : c’était la martyre, celle qui a sacrifié sa richesse à sa foi. 

Quant à moi, c’était une névrosée, une frustrée sexuelle.  Gérald refusait d’admettre que les bérets blancs sont aussi riches que les autres sectes religieuses. Par contre, si je considérais leur approche de la sexualité comme parfaitement débile, j’admirais leur solidarité.  Une solidarité digne d’un peuple libre et adulte. 

Mes récits de voyage aidant, Gérald sentait jaillir en lui l’appel des grandes étendues.  Le bruit de la liberté, le goût amourajeux qui en avait assez d’être écrasé.  Gérald voulait fuir la maison paternelle en grimpant dans ses 34 ans. 

Malgré nos âges, nous étions tous les deux, devant la grande route, la grande aventure, deux préadolescents qui voulaient être libres.  Nous rêvions tous les deux aux fesses de Darryl, même si chacun de nous condamnait la sodomie. 

Le flo, c’est l’harmonie, la beauté comme le modèle d’un peintre ou d’un sculpteur.  Un moyen de rendre positive une obsession du pénis, obsession stupide qui ne disparaîtra qu’avec la mort.   Nous étions des préadolescents qui ne se sentaient pas assez aimés chez eux. 

Le voyage, c’était une symphonie.  Les petits constructeurs de châteaux sur la plage de Vancouver.  Les deux autres qui étaient venus me provoquer pour que je m’amuse avec eux dans le sable.  C’était leur rire, leur peau bronzée, la main qui cherche l’attention. La surprise du moment où celle-ci se découvre.  Les feux qui allumaient alors les yeux du furtif qui réagissait comme s’il ne savait pas que c’était nécessairement pour arriver.  C’était la sensation de l’espace, de l’air à perte de narines. La fluidité des verts dans la forêt, près de Long Beach, sur l’île de Vancouver.  L’éléphant d’un artiste, en Saskatchewan, sur le toit d’une école.  Une impression folle à se rendre malade de vouloir vivre. 

Ma fièvre se propageait.  Darryl valait plus que nos saouleries, nos recherches, toujours infructueuses et dont le seul avantage était de nous épater mutuellement.  Nous nous étions contentés de peu assez longtemps, il nous fallait prendre cette liberté coûte que coûte. 

— Nous nous rendrons à Winnipeg et nous inviterons Darryl à nous suivre.  Si ces parents s’objectent, je le kidnapperai.  Si tu voyais comme il est beau. Il vaut bien quelques problèmes.   

Autres paroles en l’air, entre deux bières.  On a toujours l’art de se vanter parce qu’on a besoin de se croire un objet qui n’est pas inutile. 

La vague a atteint un nouveau paroxysme en rencontrant Jimmy, un gars connu à Vancouver et que le souffle du voyage poussait de Montréal à Sherbrooke.

Jimmy était en rupture de ban avec sa famille. Ses parents étaient dirigeants d’une petite industrie québécoise.  Comme tous ceux qui ont de l’argent, ils ne comprenaient pas que dans la vie ; il n’y a qu’une chose qui importe : aimé et être aimé, se sentir bien dans sa peau. La vie est une suite d’expériences.

Jimmy n’avait encore connu aucune expérience sexuelle et il avait été entendu que ce ne serait pas moi qui l’initierais.  On se parlait franchement entre ceux qui faisaient du pouce.  Nous, on ne se racontait pas de mensonges.  Une loi de la vérité ou de la survie.  Même s’il était trop vieux pour correspondre à mes désirs, le défi que représentait son impuissance sexuelle étant fort alléchant.  Que décidera-t-il quand il saura ce qu’est le plaisir ?  Le sexe se marie souvent avec les sentiments que l’on ressent l’un pour l’autre.  C’est encore plus vrai chez un amourajeux.

Je me sentais un peu comme une «guidoune dans ses chaleurs» qui est encore membre assidu des Enfants de Marie.  Je ne voulais plus faire de politique, tout en m’engageant un peu. Je voulais travailler, mais pas trop.  Je n’avais pas d’emploi et aucune chance d’en trouver : je n’avais pas de métier, j’étais trop vieux ou trop dangereux ayant été journaliste trop longtemps.  J’avais les cheveux trop longs ou je ne voulais pas être bilingue par fanatisme. Je voulais repartir en voyage, mais je ne voulais pas passer pour un lâche.  Les braves s’attaquent au système plutôt que fuir.

La fièvre a fait sauter toutes les barrières.  Nous partirions tous les trois pour l’Amérique du Sud.  Gérald a laissé son travail ; Jimmy, ses études. Nous avons décidé de mettre nos chèques de bien-être en commun et de partir avec l’auto de Gérald. 

La vraie révolution est celle qui ne croit pas dans le système, qui croit en rien pour chercher la vérité et qui rejette toutes formes de soumission aux règles débiles qui ont été créées pour mieux exploiter chaque individu.


Un sourire d’enfer 28

mars 8, 2023

Un sourire d’enfer  28

Chez mon nouvel ami, à Edmonton, j’ai reparlé politique pour la première fois depuis départ.  Un séparatiste en terre canadienne, cela a de quoi attirer l’attention.  

Un groupe de jeunes avaient décidé de me passer un savon et mieux me faire apprécier les beautés « canadians ».  Ils m’ont amené prendre une bière pour me persuader de mon péché contre ce beau et grand pays qu’est le Canada. Mais, aucun n’avait encore visité ce beau et grand pays. J’aurais été plus intéressé à courir les jeux forains avec les jeunes, mais j’étais invité et je devais me prêter au jeu.

La soirée ne s’est pas déroulée comme ils l’avaient prévue : après quelques heures de discussion je les avais persuadé que l’indépendance n’était pas bonne que pour le Québec, mais souhaitable et réalisable pour l’Ouest canadien également.

Nous avons passé le reste de la nuit à courir les stripteases et à boire.

Le retour au Québec s’amorçait.  Je voyais le Canada très différemment.  J’étais surpris que la majorité des gens loin d’être racistes fût très sympathique. Ils étaient malheureusement mal informés et influencés par leurs journaux, monopolisés en grande partie entre les mains de propriétaires américains.

Je n’étais plus certain d’avoir raison en étant séparatiste. Je ne les voyais plus comme nos ennemis.  D’autant plus que les artistes francophones rencontrés étaient exceptionnellement sympathiques.  Même les écrivains anglophones se plaignaient de la concentration culturelle à Toronto, d’où les artistes des Prairies crèvent de faim.  Par contre, on ne me cacha pas que le public de l’Ouest est encore plus conservateur qu’au Québec.

Pour survivre, je suis arrêté au Manitoba travailler au journal La Liberté.

Pour la première fois, j’ai été confronté au vrai sort des francophones hors-Québec.  L’assimilation se faisait à un rythme effarant.  St-Boniface n’était plus une ville française, mais un quartier de Winnipeg. 

Pourquoi dans toutes les auberges de jeunesse, les responsables étaient-ils presque toujours bilingues ?  Comment cette situation pouvait-elle être compatible avec la réalité?

J’ai travaillé à un seul reportage : la francisation dans la fonction publique.  Il m’a suffi de cet exemple pour comprendre à jamais que le bilinguisme à Trudeau, c’est du tape-à-l’œil.   Malgré leur bonne volonté ou le goût d’augmenter leur salaire, certains anglophones, après avoir buché comme des fous pour apprendre le français, le perdent vite, faute de ne pas pouvoir le pratiquer.

Il faut aussi comprendre la population francophone.  Pour se faire servir en français, il faut faire venir le fonctionnaire qui connait le français.  Ça prend beaucoup de temps avant que leurs confrères les trouvent. On fait payer ainsi le coût du bilinguisme. 

Les gens sont fatigués de devoir ainsi attendre pour être servis dans leur langue.  Ils savent aussi que de parler français c’est de s’assurer de ne pas avoir d’avancement ou du moins ça le rend terriblement difficile.  Ils finissent par lâcher.  C’est moins d’efforts.

J’étais aussi révolté du fait que l’Église catholique venait de mener une campagne contre le seul ministre francophone du Manitoba, à cause de son appartenance au Nouveau Parti Démocratique (NPD).  Il fallait combattre le socialisme aux dépends des francophones.  Partout dans l’Ouest, on pouvait voir un virage à droite. 

Le christianisme servait à faire oublier que le les capitalistes et les communistes font crever des millions de gens pour conserver leur suprématie monétaire.  Une belle vacherie qui montre le jeu des religions en politique !   Pour se déculpabiliser, il suffit de se dire chrétien, continuer de regarder en silence ces systèmes tuer pour garder le pouvoir et faire de l’argent.  Pourvu que le sang paie, l’Église ferme les yeux. 

Cette nouvelle vague était facile à comprendre : le Vatican aimerait bien élargir son empire en Amérique du Nord, d’où l’œcuménisme, alors que la CIA veut faire sauter la Russie. 

Pour arriver à leurs fins les deux se sont réunis dans une nouvelle croisade : les mouvements charismatiques.  Les pro-américains, comme Ryan, sont poussés au pouvoir.  Il faut sauver l’homme du communisme et permettre l’exploitation capitaliste.

Avec mes nouveaux avoirs financiers, j’ai décidé de faire un pèlerinage à un héros francophones de l’Ouest : Louis Riel.

Je me suis rendu à Batoche.  J’ai été conduit aux lieux historiques par des Indiens qui s’efforçaient de me dire quelques mots en français.  J’ai visité la classe où Riel a enseigné.  À ma surprise, j’ai découvert mes initiales «JS» sur un des bancs de cette école.  Cela m’a bouleversé.

De retour sur la route, j’ai été embarqué par une dame qui voyageait en compagnie de deux parents.  Son chauffeur était un militaire.  Cette dame se disait la cousine de la reine Élizabeth.  Je n’en croyais rien au début, mais j’ai dû convenir que c’était possible.  Celle-ci parlait un peu le français et voulait que je lui apprenne quelques mots.

— Votre cousine n’est pas très gentille.  Je faisais du pouce près de Toronto et elle m’a passé au nez sans s’arrêter, dis-je, en riant. Elle me dit qu’Élisabeth n’est pas toujours souriante.

La dame m’a questionné sur la vie politique du Canada. Le militaire essayait à chaque fois de faire valoir le beau côté des choses alors qu’au contraire, je tentais de lui faire comprendre l’injustice du racisme anglo-saxon.  La dame me parla de l’homosexualité de Trudeau qui, selon le soldat, avait cessé d’être le sujet de discussions des gens du pays depuis son mariage. Je ne pouvais pas en parler, car je n’ai jamais couché avec Trudeau.
Je ne sais pas ce qu’elle a pensé de mes opinions, mais pour elle, j’étais définitivement un petit nègre blanc d’Amérique fort sympathique.

Je me suis arrêté dans une auberge de jeunesse dans le nord de l’Ontario.  Pour la deuxième fois, il était évident que l’on avait essayé de m’écraser. Alors que je pouçais, une auto m’a foncé dessus. Les Indiens étaient alors en guerre contre les Blancs, dans ce coin du pays.  Sur le pouce, il est difficile de faire savoir au chauffeur que t’es québécois, car, les Indiens respectent les francophones.    

Tous les humains sont égaux et on s’en aperçoit très vite.  Il fonçait sur un Blanc avec les cheveux longs. À cause des luttes raciales en cours, cela était très compréhensible.  Je n’en ai gardé aucune animosité. Je n’étais pas visé comme individu, mais comme Blanc.

C’était la deuxième fois que ça se produisait. C’était arrivé une autre fois dans l’Ouest.  Un camion s’est tassé sur moi alors qu’une pipe dépassait à l’arrière.  Celle-ci m’a heurté la main.  Il n’y avait rien de surprenant dans ce comportement. 

Dans l’Ouest et aux États-Unis particulièrement, il était fréquent que des voyageurs seuls mangent une raclée ou soient tirés à bout portant par des gens dont le conservatisme rend cinglé.  Rien n’est plus stupide et borné qu’un individu qui juge les autres. 

À l’auberge de jeunesse, une jeune fille me proposa de l’accompagner jusqu’au Québec.  Cela ne m’intéressait pas particulièrement. J’ai donc refilé l’invitation à un jeune chanteur qui semblait aimer mieux la présence des femmes que moi.  Il les aimait assez (avec ses mains, j’imagine) que je l’ai aperçu un peu plus loin sur le bord du chemin.  Les femmes aiment rencontrer des gars qui ne pensent pas qu’au sexe.  C’est d’ailleurs ce qui les rend intéressantes. 

Quant à moi, j’ai entrepris le voyage en compagnie d’un petit bonhomme de 15 ans environ. Il venait visiter le Québec.  On n’est pas tous paralysé de peur d’être abordé sexuellement…on laisse ça aux femmes. 

Nous avons eu toutes les misères à nous trouver une «ride».  Nous sommes arrivés à Thunder Bay, morts de fatigue. 

Malgré nos efforts, pas moyen de dénicher l’auberge de jeunesse.  Si les informations fournies étaient claires pour elle, celles-ci ne l’étaient pas pour nous.  C’était un vrai casse-tête.  Découragés, enragés, nous avons décidé de coucher dans le champ, si dans les dix minutes nous n’avions pas découvert un gîte. 

À ma stupéfaction, le jeune lançait des roches, avec succès, dans les feux de circulation.  J’étais trop conforme au respect de la propriété privée et publique pour accepter sans rouspéter un tel comportement.  C’était la fatigue, aie-je pensé pour l’excuser.

Quelques secondes plus tard, une auto-patrouille fit son apparition.

Papiers !  Papia !, comme dit Léo Ferré, dans une de ces chansons.

La police a pris beaucoup de temps à vérifier mon identification.  Il y avait, selon elle, un autre Jean Simoneau qui, lors de son passage avant moi, avait la malencontreuse habitude de faire des hold-up.

À ma surprise, la police embarqua le jeune, me laissant pour seule explication qu’ils avaient eu une dépêche de Vancouver les informant de la fuite de mon compagnon.  Il était recherché à la demande de ses parents.

C’était la première fois que j’en entendais parler.  J’avais chaud.  Je me voyais déjà arrêté pour détournement de mineur.  Comment pouvais-je prouver que je n’en savais rien ?  J’hésitais.  Peut-être le jeune leur dira-t-il que nous venons à peine de nous rencontrer ?  Crevé de fatigue devais-je trouver l’auberge ou fuir avant que la police revienne encore m’emmerder. ?  De toute façon, je ne pouvais rien faire pour lui.  Quand tu as les cheveux longs, t’es coupable automatiquement.  C’est encore pire si tu es trop jeune.

Mort de peur, j’ai décidé de continuer ma route.  Un camion m’a embarqué et j’ai fait quelque 200 milles avant de m’arrêter.  J’étais peiné d’avoir été obligé d’abandonner un aussi beau petit protégé.

J’ai passé la journée étendu sur le bord du chemin pendant qu’un nommé Trudeau faisait du pouce avec moi.  Je ne me rappelle pas son prénom. Il m’a bien fait rire, en me racontant tous les tours joués à la police, en disant simplement qu’il était de la famille du premier ministre Trudeau. 

Il n’avait que Trudeau comme nom répercutant.  Rien à voir avec le célèbre Pierre, même qu’il était séparatiste à 110%.

 » Je suis sûr de frapper », lui aie-je dit, car il fallait bien expliquer mon comportement bizarre, soit de me coucher sur le bord de la route.  Aussi bien dire adieu à toutes les chances qui pouvaient se présenter.

La faim a commencé à nous jouer dans les tripes.  Je m’étais acheté un macaroni Kraft, sans songer qu’il pourrait y avoir des problèmes pour le faire cuire. Pas très brillant. J’ai cherché autant comme autant à découvrir un endroit assez charitable pour nous donner l’eau nécessaire et nous le laisser cuire.  Inutile.

À la fin de l’après -midi, nous nous en allions à l’auberge de jeunesse quand nous avons aperçu deux personnes travaillant à réparer une petite Volsk, bourrée de marchandises.

— Allons les aider, aie-je proposé.

Trudeau refusa sous prétexte que nous aurions jamais la chance d’embarquer dans un char aussi bourré de victuailles et que nous devrions, au contraire, voir à nous percher pour la nuit.  J’ai insisté pour qu’on les aide, non pour s’attirer leurs faveurs, mais par pure amabilité entre voyageurs. 

Nous avons travaillé plus d’une heure.  Trudeau était en beau joual vert.  Le soir venait et nous avions passé la journée sur le bord de la route pour rien.  Nous n’avions même pas été capables de dénicher un endroit où faire cuire nos nouilles.  Je commençais aussi à être révolté. « L’Ontario est le paradis des racistes. », dis-je., mais dans le fonds c’était à moi d’être assez intelligent pour acheter quelque chose qui ne nous place pas à la merci des autres. Je me fiais sur les auberges pour obtenir les produits pour le faire cuire.

À l’auberge de jeunesse, les dirigeants refusèrent à leur tour de nous laisser préparer notre petit repas.  Ils riaient de nous.  J’avais le feu au cul.

— On défait la baraque, criais-je à Trudeau, en m’emparant d’un bon gourdin.

Le jeune anglais qui nous répondait a pris peur.  Il nous a demandé de patienter un peu.  Songeant probablement à ses os plus qu’à notre misère, il nous revint avec quelques sandwichs pour nous aider à patienter jusqu’au repas.

Nous étions à notre sieste quand les voyageurs que nous avions aidés réapparurent.  Ils avaient tout rangé et libéré le siège arrière.  Ce fut un tour jusqu’à Toronto, plusieurs centaines de milles plus loin.  Ces jeunes étaient des amis d’Angela Davis, ce qui ne fut pas sans provoquer mon admiration.

J’étais ravi de les écouter m’apprendre dans quel sens les jeunes américains bougeaient.  Je me sentais devenu citoyen du monde.  Ça me rappelait tout ce que j’avais vécu avec Darryl.  L’amour est une fiction même dans la mémoire. Elle est encore plus belle que la réalité.

Le reste du voyage s’est déroulé sans incident.  Tout était beau, intéressant.

Les frontières entre les jeunes, c’est une aberration.  Ça n’existe pas. Les problèmes sont les mêmes partout : l’abus de pouvoir, l’impérialisme, la violence.  Les vrais responsables sont toujours intouchables. 

La crise canadienne est imaginée aux États-Unis et pour les intérêts des multinationales américaines.  Ils ont les moyens de s’installer et les politiciens vont chercher dans les poches des contribuables l’argent qui manque. 

Un sourire d’enfer 27

mars 7, 2023

Un sourire d’enfer  27

Le soir, j’ai trouvé une auberge de jeunesse et j’ai cherché à me refaire des forces. Pratiquement fauché, les auberges de jeunesse ou du gouvernement m’ont permis de m’en sortir.  Je n’avais qu’à voyager de 200 à 300 milles par jour.  Ce fut toujours facile, sauf, une fois en Ontario.  Un bonhomme m’avait attendu pour m’amener avec lui. Il a passé droit à la route indiquée pour que je débarque et m’a demandé 12 milles plus loin où je devais coucher.  J’ai été trop cave pour comprendre l’invitation et j’ai dû marcher les 12 milles pour souper et dormir.

Ce n’était pas que j’étais scrupuleux, mais parfois je n’y pensais même pas.

Les scrupuleux manquent d’ouverture d’esprit, ce sont des paranoïaques qui s’imaginent que leur petit zizi est source de tous les maux s’il est partagé. S’ils ouvraient leur braguette, ils découvriraient que ce petit morceau de chair ne peut que nous révéler bien des plaisirs.

Bien des auberges acceptaient que l’on fasse le ménage comme mode de paiement.  Le moins qu’on puisse dire : dans l’Ouest les auberges de jeunesse sont mieux organisées pour les jeunes que dans l’Est.  Au Québec, elles coûtent beaucoup plus cher et si tu n’as pas d’argent tu couches dehors.  Dans l’Ouest, de nombreuses auberges se font rembourser les repas que nous ne pouvons pas payer par le gouvernement local ou fédéral.

À Vancouver, j’ai volé pour la première et seule fois.  J’avais des timbres et je n’avais pas de carte postale. Après de longs moments d’hésitation, j’ai décidé d’employer ce seul moyen à ma disposition.  Pour quelqu’un qui a le vol en horreur, c’est un événement très important.  Pas à cause des sous, mais le danger de prendre ce mauvais pli.  C’est une solution peut-être plus dangereuse, mais définitivement plus facile. Avec un mauvais pli : t’es mal pris, tu voles pour t’en sortir.

À Vancouver, j’ai voulu visiter une amie que j’avais quelque fois rencontrée au Québec. J’étais fier de mon exploit et je voulais lui faire partager.  Je fus surpris d’y apprendre son absence et son mari me donna 10$.  J’étais ravi de visiter l’île. 

Je compris plus tard que cette générosité imprévue était seulement un moyen de se débarrasser de moi.   À mon retour de l’île, il a prétendu que mon amie était partie pour longtemps, ce qui m’a déplu ; car, celui qui m’en reparla, en visite chez ce monsieur, mentait trop mal pour que je ne m’en aperçoive pas.  Monsieur n’aimait pas mes cheveux longs… il aurait pu me le dire tout de suite.  

La femme avec qui j’avais fait le voyage avec l’ex- soldat habitait Nanaimo.  Je me suis rendu prendre un café chez elle.  Elle m’indiqua les endroits intéressants à visiter sur l’île dont un sentier de huit milles dans les bois du Pacifique.

J’ai trouvé cette île si belle qu’elle a renforcé par mille mon goût du voyage.  J’étais fasciné par les fleurs de la petite ville.  Plus tard, dans le sentier «Rain Forest  Trail», j’avais l’impression de m’être trompé de planète.  Le vert était si tendre, il avait l’air plus vivant.  J’étais fasciné. La beauté de la nature est certainement une des expressions employées par Dieu pour nous le faire découvrir.  Dieu est une extase. Une explosion de beauté intérieure, ressentie comme un parfum qui nous habite soudainement, de l’intérieur.

N’ayant plus d’argent, je devais retourner à Vancouver, car, les auberges sur l’île nous nourrissaient très mal.  Je n’avais pas assez d’argent pour visiter un parc de fleurs et j’en étais bien peiné.  Fauché, on ne peut pas tout voir.

Je pouçais, près de Victoria, quand un bonhomme chauve m’offrit de faire un bout de chemin. J’ai vite compris son intérêt à le voir essayer de m’effleurer la cuisse du bout des doigts quand il changeait de vitesse.


Il me fit voir de nouveaux paysages, puis, m’offrit de visiter le secteur des millionnaires.  Il s’arrêtait devant les plus belles maisons et m’expliquait l’originalité de chacune, tout en essayant, en se penchant sur moi, de me tâter un peu.  Certain que je ne prendrais pas le mors aux dents, car, je trouvais ça plutôt comique de le voir se donner tout ce mal, il m’entraîna dans une de ces maisons qu’il habitait.  Le reste est facile à deviner.
 

Il vint me reconduire, tout en me donnant les sous nécessaires pour me permettre de visiter le jardin que je souhaitais tant voir.  Malheureusement, si le jardin était splendide, à mon avis, il manquait l’aspect sauvage qui m’avait tant plu à Nanaimo.


De retour à Vancouver, j’ai été amené à une plage publique naturiste, derrière l’université, dans les bancs de sable.  Ce fut pour moi, toute une révélation.  Nu, les rapports avec les gens semblent plus faciles, plus vrais.  Tu en viens même à oublier ta nudité et celle des autres.  Les cochons sont ceux qui se baladent habillés, les yeux plus grands que la panse pour ne rien manquer.

J’ai longuement joué avec deux petits gars dans un trou d’eau qu’ils avaient aménagé en lac, l’eau de l’océan étant trop froide pour s’y baigner à l’aise.  C’était merveilleux !  Leurs rires se perdaient dans le chant des vagues.  Nous construisions un château.  Leur mère nous souriait entre deux regards.  Quelle image ! 

Je me rappellerai toujours : en gros plan un magnifique petit bonhomme de onze ans environ, nu, riant comme le petit prince à son étoile ; la mer à perte de vue qui caquasse pire qu’une vieille pie, le soleil qui te brûle comme un coq sur une brochette, et devant, comme toile de fond, comme si les vagues en surgissaient, une montagne blanche avec ses neiges éternelles.  Si Dieu a créé mieux, il l’a gardé pour lui.

J’ai passé tellement de temps dans ce décor, j’en suis reparti brûlé par le soleil     (mon vitiligo aujourd’hui), la peau rose comme une truite saumonées, et, marchant comme un pingouin, tant j’avais les cuisses brûlées à l’intérieur.  Je m’étais endormi.

Au cours de ce voyage, je revivais une valeur qui m’a toujours paru essentielle dans le développement humain : la solidarité.

J’attachais beaucoup d’importance aux rencontres des voyageurs comme moi.  Ce sont des jeunes qui cherchent non seulement souvent à découvrir des paysages, mais à comprendre la vie.  Je croyais plus que jamais dans cette nouvelle génération.  J’ai été d’autant plus scandalisé le jour où dans une auberge un jeune en vola un autre. Comment peut-on se voler entre pauvres ?

Tous les soirs où l’occasion se présentait, je me rendais avec un jeune d’Edmonton assister à un coucher de soleil sur le Pacifique.  La merveille de ces couleurs nous éblouissait presque autant que le silence et la méditation.  Ce nouveau camarade m’invita à lui rendre visite chez lui à Edmonton.  

Le retour était déjà amorcé. Je suis embarqué avec un jeune Américain qui possédait un camion fortement équipé pour le voyage. Celui-ci était d’une gentillesse à te faire rêver de la Californie.

Dans les Rocheuses, à Banff, son camion est tombé en panne.  Le jeune américain nous a offert de poursuivre notre chemin afin d’éviter les retards.  La majorité des jeunes ont gagné le bord de la route.  Nous n’étions plus que deux avec lui. Nous voulions l’aider puisqu’il avait eu l’amabilité de nous amener. 

L’Américain n’en revenait pas. Il nous dit n’avoir jamais connu un tel geste dans toute sa vie.  Nous l’avons assisté jusqu’à ce que son problème soit réglé et que sa route ne concorde plus avec la nôtre.  J’ai fait seul le voyage de Calgary à Edmonton. 

Les Rocheuses m’ont paru de plus en plus belles dans ce deuxième voyage dans les montagnes, car, je ne cherchais plus la surprise, la hauteur, mais à mieux profiter de la vue générale.

1950

mars 6, 2023

Les féministes nous ramènent aux années 1950 alors qu’on nous faisait croire que le sexe est un péché. Le Québec recule.

1950

mars 6, 2023

Les féministes nous ramènent aux années 1950 alors qu’on nous faisait croire que le sexe est un péché. Le Québec recule.

Un sourire d’enfer 26

mars 6, 2023

Un sourire d’enfer   26À Montréal, j’ai passé la première soirée dans un club gai.  Au Lincoln, les jeunes sont rares.  Tu es plus facilement remarqué par les plus âgés, car il n’y a pas de compétition.  J’avais choisi cet endroit, car, je gardais un mauvais souvenir des autres clubs, où même si les jeunes y étaient rarissimes, on ne m’apercevait même pas. Je sortais ordinairement de ces clubs encore plus frustrés.   J’avais l’impression que ces gars sont tellement à la recherche d’une queue à dévorer qu’ils ne pouvaient pas tenir compte du fait que l’on soit beau ou non, ce qui est tout à fait le contraire du désir chez les amourajeux. Ordinairement, je ne poignais pas, mais cette fois, je me suis trouvé un endroit où aller coucher sans frais.  La dernière année à Sherbrooke, la scrupuleuse, m’avait permis de connaître quelques belles expériences avec des plus vieux que moi et de cesser de m’imaginer, comme mon éducation le prétendait, que j’allais automatiquement, en allant avec un partenaire plus âgé, être coupé en petits morceaux. Les nouvelles à caractère sexuel servent à faire peur aux enfants et parfois chez nous, on lisait Allo Police, ce qui me rendait méfiant envers tous les étrangers. C’est à partir de cette expérience que j’ai toujours trouvé profondément paranoïaque les annonces demandant aux enfants de toujours avoir peur des étrangers. Une vraie maladie ! Le lendemain matin, j’étais sur le bord de la route pour Toronto.  C’était à la fois épeurant et extraordinairement excitant.  Comment survivre avec si peu d’argent ?  Une des pires peurs de mon adolescence : j’étais convaincu que je n’arriverais jamais à m’en tirer dans la vie, car en plus d’être « faiblesse », je ne savais rien faire de mes dix doigts. J’étais devenu journaliste par accident. Seul, c’est un vrai charme de voyager sur le pouce.  Les gens ont rarement peur de toi et tu te sens vite en terrain ami avec ceux qui t’embarquent.  C’est ainsi que dès le premier soir, j’ai couché dans une auberge de jeunesse à Toronto. J’ai particulièrement aimé cette soirée puisqu’un magnifique petit bonhomme d’environ 15 ans est venu prendre sa douche avec moi.  J’aurais bien vécu le reste de ma vie à Toronto, mais mes avoirs ne me le permettaient pas et, de toute façon, ce premier petit compagnon de rêve prenait le lendemain une autre route que la mienne.  Le dimanche, j’ai visité un peu la ville.  J’ai commencé à chercher les indications quant à la route à suivre pour continuer mon voyage.  Ce n’est pas facile quand tu es en terrain étranger. Le lendemain, j’ai connu mon premier incident.  J’étais allé chercher de l’eau dans un garage et m’informer à savoir quelles routes prendre.  Tout allait bien, quand près de la clôture, j’ai aperçu un immense chien qui me courait après.  J’ai grimpé le plus vite possible et j’ai échappé de justesse aux crocs du chien, mais pas aux barbelés. J’étais étonné qu’un bonhomme qui m’avait paru si gentil envoie ensuite son chien après moi.  Quel raciste !  Je me suis retrouvé sur une autoroute où un cortège de motos est passé à toute allure.  Un des pilotes a ralenti pour m’engueuler.  Je me suis cru dans un endroit défendu.  J’ai vite appris que mes craintes étaient fondées. Je fus embarqué par un groupe de jeunes qui, m’ont appris, que ces motos étaient l’escorte de la reine en visite dans le coin. C’était à mourir de rire : je venais de faire du pouce à la reine d’Angleterre.  À Sault-Ste-Marie, j’ai rencontré un jeune garçon de 14 ans environ, blond, beau comme un dieu.  Il se rendait sur le pouce à Winnipeg.  Il était là avec deux autres jeunes de son âge. Quel cadeau du bon dieu ! Nous avons fait du pouce ensemble toute la journée sans succès.  Le soir, à l’auberge de jeunesse, nous avons couché tous les quatre ensembles. Je n’aurais jamais cru que mon petit blond exigerait de changer de place avec les autres afin d’être encore plus collé à moi. Une chance inouïe ! Et, la vie est si courte qu’il ne faut pas la manquer. Ça valait mieux que le bonhomme venu me conduire à un ou deux milles en dehors de la ville, m’examinant sans cesse entre les deux jambes, à un point tel que je n’avais plus à me demander ce qu’il cherchait.  Par contre, le bonhomme avait trop peur pour s’aventurer plus loin et je ne me suis pas offert.  Il m’a donc laissé choir. Sur le bord du chemin, j’avais cru ce soir-là devoir marcher les quatre autres milles, mais heureusement, les dirigeants de l’auberge avaient eu le génie d’organiser un système de vannes qui paradaient les parages afin de récupérer ceux qui n’avaient pas eu de chance et qui était restés sur le bord de la route.   Il est souvent difficile de décoller à Sault-Ste-Marie et c’est encore pire si tu restes pris à Wawa, endroit légendaire.  Certains y sont demeurés assez longtemps qu’un pouceux a même eu le temps d’y rencontrer sa pouceuse et de la marier sur place.   À ma surprise, le lendemain matin, les jeunes avaient décidé de se séparer et de laisser le jeune blond poursuivre la route avec moi.  Ce que j’ai accepté sans rouspéter, bien évidemment.  Cela permettrait à ses compagnons d’avoir plus de chance sur le bord de la route.   C’était plus que je ne pouvais en espérer. Mes palpitations cardiaques ont augmenté du même coup.  La liberté a un charme que je n’avais jamais même soupçonné. J’étais déjà follement amoureux.  Darryl était superbe.  Il avait un sourire aussi éclatant que le soleil qui nous rôtissait sur le bord de la route. C’était plus que je pouvais espérer de la vie.  Nous avons été chanceux et nous avons réussi à faire quelque deux cents milles dans l’arrière d’une camionnette.  Mais, le soir, nous étions mal pris.  Il était impensable d’avoir une nouvelle «ride» et la température était à la fois trop humide et trop froide pour que nous couchions dehors.  L’idée que mon petit privilégié puisse avoir des embêtements me fit vite délasser les cordons de ma bourse, quitte à avoir plus de problèmes plus tard.  Nous nous sommes installés dans une chambre d’hôtel à Marathon. Avant de me coucher, j’ai pris une douche avec Darryl.  Jamais je n’avais été aussi séduit par la beauté des rondeurs des fesses d’un petit bonhomme comme lui. J’étais là, comme un imbécile, sans dire un mot, à le contempler se laver.  J’avais plein les yeux de la Grèce antique.  Comment est-il possible d’être aussi beau ?  L’amourajoie est envahie par la beauté des garçons.  C’est son moteur principal. Un amourajeux jouit juste à voir un garçon qui lui plaît. Partager ses jeux, ses rires, c’est un voyage divin. Malheureusement, j’étais encore trop scrupuleux pour en profiter sans remords.  J’ai avoué à Darryl que je suis amourajeux.  J’avais honte d’être aussi profondément charmé.  Le petit n’a pas été long à comprendre qu’il pouvait tirer parti de la situation : qu’est-ce que de se laisser embrasser pour s’assurer un maximum de confort et de sécurité ?  Darryl me regardait comme une bête rare.  Comme Daniel, il ne semblait pas comprendre pourquoi j’étais soudainement aussi scrupuleux.  Il devait rire intérieurement de moi et se demander comme il est possible d’être aussi stupide.  Le scrupule est une forme d’attardement émotif, une peur de la beauté de l’autre ou son incapacité à régir ses désirs. J’étais fou de lui, disponible à ses moindres désirs, même à ne plus le retoucher, s’il le voulait, ce qu’il ne tarda pas à comprendre et à me demander. Winnipeg vint trop vite.  Cet ange n’avait été qu’un espoir.  Si Darryl avait été le Canada anglais, je l’aurais vite accepté.  J’aurais eu une brèche en plein coeur de mon nationalisme. Darryl savait comme tous les petits gars qui ont du flair, comment instinctivement me mener par le bout du nez afin d’obtenir tout ce qu’il désirait.  J’étais le portefeuille ; un moyen d’échapper à la misère.  Darryl était mon bonheur.  Le pont de réconciliation politique.  Un pont que la nature a elle-même rendue infranchissable puisque nous devions bientôt nous quitter.  Nous sommes deux solitudes. Darryl avait bien compris qu’il ne devait pas, pour maintenir mes extases, être une proie trop facile.  Il avait droit à sa liberté. Malgré mes scrupules, j’ai vécu des moments inoubliables avec lui.  Il avait une vitalité extraordinaire.  Un regard de renard.  Les paysages se baignaient en lui. Il était un miroir magique. Winnipeg.  Sur le bord de la route, seul, je n’avais plus qu’un dollar en poche.  J’hésitais.  Devrais-je retourner au Québec ou poursuivre mon chemin ?   J’étais désespéré.  Il me fallait choisir. Crever de faim au Québec ou dans l’Ouest canadien ?  Quelle différence ? J’ai décidé de continuer et de ne pas abandonner par lâcheté. J’ai rencontré un bonhomme qui avait fait du pouce longtemps et qui me livra quelques secrets. À son avis, le seul moyen de voyager heureux, c’est comme dans la vie, de toujours se contenter des occasions qui se présentent, de toujours voir la vie de façon très positive.  Il prétendait que si tu es ouvert à la chance, celle-ci ne peut pas faire autrement que de te sourire.  Une vraie cure d’optimisme. Ce n’était pas loin de ma philosophie de vie, car, que je le veuille ou non, j’ai été marqué par la religion et ma foi dans la Divine Providence était inébranlable.  Rien ne pouvait m’arriver sans avoir une leçon à en tirer.   C’est bien beau à entendre ; mais c’est plus difficile à vivre, surtout sous un soleil qui te rôtit, l’estomac vide.  Un dollar pour survivre, à plus de 2,000 milles de chez toi, sans métier. Mais, j’y croyais. La récompense n’a pas tardé.  Quelques heures plus tard, un ex-soldat me prit à bord de son auto afin d’avoir quelqu’un à qui parler.  Quelque 200 milles plus loin, une femme fut ajoutée à l’équipage.  Je devenais un membre inutile.  Évidemment, les deux décidèrent de passer la nuit à l’hôtel.  — Nous te reprendrons demain, si tu n’as pas eu de chance avant. J’ai profité de l’occasion pour assister à un coucher du soleil dans les Prairies.  Ces spectacles sont supposés être les plus beaux de la terre.  J’en ai effectivement eu plein la vue, mais un coucher de soleil sur le lac St-Jean est aussi un spectacle hallucinant.  Découragé, je me suis blotti près de l’automobile abandonnée devant l’hôtel. Que veux-tu en voyage, il y a quatre genres de personnes qui t’embarquent : a) pour te rendre service, c’est un voyage silencieux b) pour tenir la conversation c) un gai à la recherche d’un jeune abandonné sur le bord de la route d) un hétéro ou une femme qui ont déjà fait du pouce et qui sont curieux de savoir ce que tu as dans le ventre ; car l’auto-stop est une école extrêmement riche. Si j’avais le coeur gros, j’ai commencé à ressentir l’appel de la route.  Aucune vie, aucun moment n’est comparable à celui qui marque le départ d’un long voyage sur le pouce.  C’est la grande aventure.  Tout est possible et plus souvent qu’autrement, la vie est très agréable.  Ça ne donne rien de s’apitoyer sur son sort. Il s’établit une communion entre le pouceux (auto-stoppeur) et la terre qu’il foule.   D’une part, tu as peur, t’es grugé d’insécurité, et d’autre part, la liberté te pénètre dans les cheveux et les narines comme une naissance ressortie dans chaque pore de ton corps.  Quant aux yeux, il est inutile de dire qu’ils font la fête sans avoir le temps de se reposer. Dès le lendemain, Vancouver est apparu avec le Pacifique.  La traversée pour Nanaimo m’a encore plus séduit que les Rocheuses.  J’avais tellement aperçu les Rocheuses sur des photos superbes qu’à première vue, elles étaient décevantes.  Les Madeleine sont encore plus belles. Elles sont imprévisibles.  Elles te précipitent dans le fleuve.

Un sourire d’enfer 25

mars 5, 2023

Un sourire d’enfer  25

La vie était alors assez intéressante.  Je rencontrais Lynn, qui continuait à venir me voir à la cachette.  Je lisais beaucoup.  Le soir, quand les moyens nous le permettaient, nous sortions participer à un jam ou encore prendre un verre quelque part à Sherbrooke.

Mes discussions avec Pierre, comme avec tout le monde d’ailleurs, se gâtaient avec le nombre de verres.  Faire un livre en quelques mois, c’est pénible, à cause de la concentration demandée.  Aussi avec le temps, entre deux Léo Ferré, les voix s’élevaient.  Pierre n’était pas encore habitué à mes crises de paranoïa.  Je n’en parlais à personne, de peur de faire rire de moi.

À chaque fois que je me mettais à la dactylo, j’avais la certitude de recevoir une balle dans le cabochon.  Je croyais braver la mort pour le triomphe de la Vérité.  Rien de moins.  Du vrai théâtre antique dans lequel j’avais hâte de finir de jouer.  Cette peur resurgissait avec le bruit des frappes de la dactylo, peut-être parce que je me mettais à écrire après quelques bons joints.

J’étais tout à fait changé quand je fumais.  Je trippais plus fort.  Je parlais de moins en moins.  Je divaguais mentalement.  Pierre était persuadé que gelé, j’étais parfaitement schizophrène.  Il s’amusait à se moquer de moi.

Une seule personne, un visiteur, a compris ce qui se passait.  Il avait appris dans le lit à mieux me connaître.  Stone, je m’amusais trop pour vouloir me défendre si je me sentais attaqué. Tout était bizarre, drôle.  Je visualisais parfois jusqu’à trois degré de réalité, en même temps.

Quand j’étais saoul, c’était le contraire, Pierre se ramassait avec des engueulades à n’en plus finir.  Il ne comprenait pas les raisons de mes colères.  Quant à Francine, elle ne manquait pas une occasion de me rappeler mon manifeste de la non-violence, même verbale. C’était mon testament écrit à un moment où j’étais certain de me faire descendre parce que j’entrais un peu trop dans le nez de l’establishment. Il faut vraiment se prendre pour un autre pour en arriver à croire ça.

Par contre, la plupart du temps, nous vivions des moments fort chaleureux et heureux… à jeun. 

Depuis plusieurs mois, je connaissais un béret blanc (un groupe religieux fanatique) amourajeux comme moi.  Il me fit vite partager ses goûts pour les revues pornographiques américaines.  Nous partions souvent ensemble à la chasse autant à la bière ainsi qu’aux aventures.  C’était la folie au pluriel : La chanson de Diane Dufresne multipliée par dix. 

Le pauvre «stock up» fut aussi amené à goûter au pot.  Sa réaction fut très étrange.  Il se mit à faire des signes de croix, croyant que nous étions des diables, avant de se précipiter à l’hôpital, certain que nous avions tenté de l’empoisonner. C’est ce qui arrive quand tu ne peux pas comprendre le changement de réalité que t’apporte la drogue.

Le fait de se sentir étrange t’apparaît comme le début de ton agonie jusqu’à ce que la musique te fasse péter les plombs de joie. C’était mon cas.
 
Malgré ces moments, la poésie reprenait place dans ma vie et notre travail avançait à grande vitesse.

Gérald, mon ami béret blanc, me rendait de plus en plus souvent visite.  Nous partions ensemble à la recherche des moments d’admiration.  La beauté nous propulsait dans des cieux de plus en plus beaux. 

Malheureusement, nous finissions saouls la plupart du temps, faute de candidats à vanter les beautés au-delà des paroles et de l’imagination. Les amourajeux passent presque toute leur vie à se rappeler la rare fois où ils furent séduits et en amour par-dessus la tête. 

Une vie de peur qui se pare de la beauté pour ne pas voir la méchanceté humaine, celle de ceux qui prétendent défendre les jeunes.

Lors d’une de ces excursions, un matin de printemps, j’ai vu le soleil comme un nuage vital s’incruster partout, même dans la pierre. 

Nous avions assez bu et fumé pour halluciner.  J’étais près de l’auto et j’arrêtais les petits gars en vantant leur beauté.  Les flos repartaient le sourire aux lèvres et bombant le torse.

J’ai essayé de décrire cette vision extraordinaire des éléments de la nature dans un poème que j’ai inclus dans mon livre Il était une fois les Cantons de l’Est.

La fiesta ne peut pas durer éternellement.

Un fonctionnaire décida, sous le faux prétexte que j’allais encore en classe, de me faire perdre mes allocations du bien-être.  Toutes mes tentatives pour faire valoir mes droits et ressortir la vérité furent inutiles.

Il ne me restait que l’exil pour survivre.

Je ne pouvais plus retourner au journalisme.  J’étais devenu trop paranoïaque et je n’avais pas assez d’argent pour me permettre de chercher un emploi.

Malgré mes dettes, je suis parti en voyage.

Je me disais : «Le système m’a mis à la porte, je rembourserai le système quand il m’aura rendu un emploi que j’aime et qui paie autant qu’à l’époque où j’étais journaliste.  En attendant, vous n’aurez pas une crisse de cenne !» 

                Partie 2


                                
L’EXIL

Chu tanné d’être préadolescent
me faire piéger, espionner, humilier.
J’en ai assez de passer pour un bum
je ne veux rien casser
je veux sacrer le camp
je veux tout aimer
voir le désert, nager dans la mer,
caresser un petit gars
ressusciter encore plus jeune
sentir dans chaque fibre de mon corps
un concerto d’hallucinations
de lunes-nombrils, de visages-soleils
je veux mourir en terre inculte
être enterré sous un érable
être un printemps en plein hiver.

Je n’avais plus qu’un espoir : vivre comme tout le monde. J’ai quitté Sherbrooke avec 35$ en poche.  Il est difficile de survivre bien des années avec une telle somme.


Un sourire d’enfer 24

mars 4, 2023

Un sourire d’enfer  24

À la parution de Il était une fois dans les Cantons de l’Est ou Lettres ouvertes aux gens de par chez nous, le journal n’a jamais osé maintenir ses menaces, sachant très bien que je pouvais prouver tout ce que j’avançais. 

Le directeur du cégep s’est contenté de me dire : La liberté, c’est bien beau ; mais on ne peut pas tout dire « .   La saisie du journal L’R du Q tenait d’une raison politique évidente.  L’administration du cégep a confirmé s’y être opposé du fait qu’il n’était pas question du parti libéral.

Elle visait aussi les articles touchant la liberté sexuelle, le droit à la masturbation et l’hypocrisie innée du christianisme à partir des textes du psychiatre W. Reich, Révolution sexuelle.

La saisie de ce journal a aussi permis à un péquiste de m’attaquer en tant que pédéraste (amourajeux) dans la Tribune.  Selon lui, j’exigeais que tout le monde partage mes options sexuelles ce qui n’a jamais été vrai.   Comme moyen de me dépéquiser, tu ne peux pas trouver mieux !  Un autre bonhomme publia même une conversation privée.  À qui se fier ?  Quand t’arrives à griller un peu le cul du système, il met tous les moyens à sa disposition pour te détruire le plus irréversiblement possible.

                                              15
Ma candidature rhinocéros dans Sherbrooke a été organisée très vite.  Je ne pouvais rien faire sur le plan politique.  Les gens croyaient encore trop dans les partis traditionnels pour comprendre qu’ils se faisaient avoir autant par les conservateurs que les libéraux.  Le peuple est encore plus naïf que moi.

Je payais de ma poche pour défendre pour défendre les intérêts des Vauxcouleurs puisque toutes les campagnes de financement s’étaient soldées par un échec.  On veut que les choses changent, mais on ne veut pas en payer le prix. Quand certains travaillent pour la révolution, on les accuse d’être trop radicaux. .

À court terme, c’était la seule action possible pour faire comprendre aux gens que le fédéral travaille toujours pour les intérêts de l’Ontario.  Les élections fédérales sont une bouffonnerie, car tout ce qui compte pour les fédérastes c’est d’avoir des votes pour garder le pouvoir.  Pas de pouvoir, sans le Québec.  Voter, c’était choisir le parti politique qui nous exploitera pendant les quatre prochaines années.

À moyen terme, il était évident que cela aurait pour effet de me faire perdre ma crédibilité puisque les gens ne comprenaient pas tout le sérieux d’annuler leurs votes.  On croyait plutôt que pour être rhinocéros, il fallait être des ignares.  On ne savait pas que j’étais à l’origine de presque tous les plans de développement économique dont il avait été question auparavant. 

À ma surprise, si La Tribune ne cherchait qu’à m’ignorer, le Sherbrooke Daily record m’accorda un article de première page.  J’ai aussi accepté de participer à un débat entre tous les candidats au cégep de Sherbrooke. 

Ma figuration ne fut pas tellement éblouissante, car je me prenais encore trop au sérieux, même si j’essayais de jouer le jeu.  Je fumais avec ma pseudo-secrétaire quelques joints bien roulés (c’était du vrai pot).  Mon déguisement pour donner le ton à cette grande mascarade fut plus apprécié.

Je portais la culotte courte pour signifier le retour à l’enfance, une immense rose à la boutonnière comme Trudeau, des lunettes noires pour avoir la même perspective que les députés d’Ottawa et une grosse montre déréglée pour être à l’heure des fédérastes.

J’ai débuté mon exposé sur le français en affirmant que contrairement à mes adversaires je ne promettrais pas de « peanuts » ou des bonbons, mais que je les donnais.  Je lançais immédiatement des bonbons dans la salle.

M. Irénée Pelletier, candidat libéral, promettait une zone spéciale (un projet que j’avais inventé quand j’étais journaliste).  Je savais que ce projet demeurerait sans suite.  Ayant travaillé sur ce dossier, je me rappelais que le ministre de l’expansion économique, Jean Marchand, avait refusé une telle proposition un mois ou deux auparavant.

C’est pour ridiculiser cette promesse que j’ai promis de faire de l’Estrie, le grenier de la culture du pot en Amérique.

Les supporteurs des partis traditionnels étaient en maudit.  J’ai dû quitter la salle sous escorte alors que certains me conseillaient de prendre la place à Paris d’un felquiste qui venait d’entrer au Québec.

Cette première expérience était psychologiquement difficile à prendre.  J’étais bien conscient que la majorité des gens comprenaient rien à mon attitude et me prenait pour un fou.

Il n’était pas question d’abandonner, il fallait foncer et mon organisation était fort restreinte.

Jean avait honte de ma performance.  Il ne voulait absolument pas être identifié à ce show, même s’il avait accepté d’être mon représentant officiel.

Quant à Pierre, mon attaché de presse, il travaillait de jour et il pouvait s’occuper de la campagne qu’à temps partiel.  Celui-ci fut quand même d’un grand support et à l’origine de bien des idées de campagne.  La jeunesse a plus d’imagination, car, elle se prend moins au sérieux.

Les étudiants aimaient le show rhinocéros.  Aussi, j’ai été invité à participer à deux autres débats : l’un a Bishop, l’autre, à l’université de Sherbrooke.

À ce troisième débat, j’ai décidé de m’attaquer au caractère conservateur des Vauxcouleurs et à l’esprit de masochisme religieux dominant chez nous.

J’ai fait mon entrée déguisé en évêque.  Je promettais des taudis, d’administrer péchés et sacrifices, de déménager l’université dans les locaux de Household Finance, sur la rue Wellington.

 » Vous allez y aller au ciel. »

De plus, j’avais installé un poster du petit René Simard, devant la place du candidat libéral, M. Irénée Pelletier, et je me plaisais à dire que » le petit René était beaucoup plus jolie qu’Irénée ».

C’était la foire générale.  J’ai même retrouvé le plaisir du théâtre comme quand j’étais enfant et que je faisais le petit Herman dans une pièce de théâtre.  Herman remettait une pomme à la Vierge que jouait Doriane Laperle.  Nous avions tellement de plaisir que je m’en rappelle encore. 

Pendant ce temps, les libéraux me dénonçaient comme felquiste et homosexuel.

Cette fois, j’avais le goût du théâtre.  Je me découvrais des talents dont je ne me rappelais plus.  C’était la foire.  À chaque fois qu’un candidat mentait ou exagérait, je me mettais les pieds sur la table, ou je fumais à noyer tous les candidats ou toutes sortes de farces, amenant les gens à éclater de rire à la face du menteur.

Que de choses aie-je inventé pour tourner les adversaires au ridicule, même le strip- tease pour échapper au rouge de l’habit d’évêque que je portais.  Et pourtant, souvent, mes bêtises étaient encore moins savoureuses que les énoncés de mes sérieux adversaires. J’ai adoré cette expérience.  Elle m’a permis de tuer ma tendance à me prendre un peu trop pour le messie de L’Estrie.

                                                    16

Si le candidat conservateur de Sherbrooke avait choisi de ne plus se présenter à ses face-à-face, il n’en était pas de même des libéraux.

J’avais été averti que le garçon de table du PUP, un bar que je fréquentais presque quotidiennement était libéral et qu’il m’aimait de moins en moins la face.  Je n’ai pas pris cela au sérieux.  Rien n’appuyait un tel ressentiment.  Je lui donnais toujours de bons pourboires et il me semblait sympathique.

Un vendredi soir, un paraplégique s’approcha de moi.  Le garçon de table, un nommé Gaston, vint lui dire de retourner à sa table et de me ficher la paix.  Le pauvre handicapé n’avait pas encore eu le temps de s’expliquer et dire ce qu’il voulait, selon son droit,  parler avec son futur Président de la République, que Gaston lui sautait dessus.

J’ai aussitôt protesté.

 » Laisse-le tranquille, c’est un infirme. »

Je n’ai pas fait un geste, les coups s’abattaient déjà sur moi.  J’ai été envoyé au plancher où un petit groupe de jeunes sont venus me frapper à coups de pied, en affirmant :
 » Tiens, mon maudit fifi ! »

Était-ce parce que dans la soirée contradictoire à l’université de Sherbrooke, j’avais mis le poster de René Simard, encore enfant, pour dire au candidat libéral qu’il était beaucoup moins joli que lui ?  Les fanatiques prennent tout au sérieux.

Ce fut le seul incident violent de cette campagne. 

J’ai obtenu plus de votes que prévus. 911. Juste un peu moins que Raoul Duguay, en Abitibi.

Le soir des élections, je me suis rendu à la télévision pour des entrevues, lesquelles ont été enregistrées, mais jamais diffusées. C’est un peu normal, car je riais de la réputation de felquistes que l’on me prêtait.   » Imaginez-vous 911 poseurs de bombes dans une petite ville comme Sherbrooke. », dis-je.

Une telle initiative de ma part ne pouvait pas être laissée sans représailles.  Pour les fanatiques, je ridiculisais le système.  

Pourtant, un peu plus tard, quand je faisais du pouce entre Montréal et Sherbrooke, j’ai été ramassé par nul autre que M. Irénée Pelletier, le candidat libéral, qui me dit avoir eu beaucoup de plaisir à m’avoir comme adversaire.  Il était très sympathique, mais ses organisateurs l’avaient été moins.  Le fanatisme en politique ou en religion est une véritable maladie mentale.  Pas étonnant que nous ayons des guerres.

Quand de tels événements se produisent, tu deviens nécessairement plus radical.  C’est comme ça que le système devient de plus en plus pourri.   Et, c’est pour ça que j’étais de plus en plus paranoïaque. J’avais en plus mon amourajoie à porter, un autre danger encore pire, car n’importe qui peut te faire coffrer…juste pour se venger ou te faire chanter.

Je me savais très vulnérable, mais je devais avoir un peu de cette maladie mentale qu’on nomme fanatisme pour continuer la lutte.

J’ai abandonné mes études au Cégep pour me conformer aux normes du bien-être puisque mon temps d’assurance-chômage était écoulé.  Je voulais aussi me consacrer exclusivement à la rédaction de mon deuxième livre sur les Vaucouleurs. Il était une fois dans les Cantons de l’Est.

Un sourire d’en fer 23

mars 3, 2023

Un sourire d’enfer 23

                                               14

Ma participation à la vie politique était restreinte. Je ne voulais plus rien savoir.  J’écrivais parce que je me faisais pousser dans le dos.  La démarche du  » péquiste bon curé » qui voulait que j’abandonne mes amours illicites et les outrages de Jean étaient les claques de trop.

Se faire combattre par les libéraux, c’est compréhensif ; mais que des amis en fassent autant, c’était impardonnable.  

Je comprenais que pour beaucoup être amourajeux, boys lover ou pédéraste, c’était inacceptable, une maladie mentale affreuse.  Je ne respectais pas leurs lois.  Je savais qu’on mentait quand on en parlait, car rien ne se passe comme on le prétend dans ces relations amoureuses. 

Il n’y a jamais de violence, mais énormément de plaisirs partagés.  C’était selon notre sainte société un vice impardonnable. 

Tu ne peux pas prêcher la libération, en acceptant d’être aussi quotidiennement offensé, dénigré.  Pour eux, j’étais seulement un vieux maudit  cochon.  Pour moi, c’était une société d’arriérés qui s’est fait emplir par ses curés.

C’est beau être masochiste, mais pas au point de mettre ta vie en danger, imaginairement ou autrement, pour aider une région et être méprisé par ceux que tu aides.  C’est de la folie. 


Quand ceux pour et avec qui tu combats décident de te prouver que tu n’es qu’un malade mental, l’enthousiasme s’envole assez vite. 


Avec le temps, j’en suis venu à me demander si cela ne faisait pas aussi parti des plans des libéraux.  C’était d’une certaine manière la prolongation de la politique de la Tribune de Sherbrooke : me forcer sur tous les plans à aller trop loin afin de perdre toute forme de crédibilité.  C’était du moins ce que j’imaginais.

J’étais bien d’accord avec un ami qui disait qu’en quittant la Tribune, j’avais en quelque sorte été désarmé.  Le journal était ma seule force, mon arme de révolution.   À son avis, ma plume contre les fédérastes était plus importante que dix mitrailleuses.  Maintenant, je n’avais rien ou presque.

Je n’avais plus d’instrument pour sensibiliser les gens, sinon un mensuel, dont le champ de rayonnement était très restreint et la publication de livres, encore plus restreinte.  Or, la publication des livres, ça prend tellement de temps que t’arrive en retard plus souvent qu’autrement dans l’actualité.

Les libéraux avaient réussi à me bâillonner.  La tâche s’est poursuivie avec L’R du Q, le journal étudiant du CÉGEP de Sherbrooke. 

J’avais écrit de nombreux articles pour ce journal dont un sur la liberté sexuelle.  

Un soir, Jean me fit part de son intention d’y joindre un article dans le mien sur la liberté de presse, la liberté en général.  Il devait rencontrer la jeune fille qui avait pondu l’article afin d’avoir sa permission de le fondre au mien. 

Quant à moi, je n’avais pas d’objection en autant que tout le monde soit d’accord.  J’admirais le courage et l’ouverture d’esprit de cette jeune fille que je ne connaissais pas.   Une seule fois, j’ai songé à demander à Jean ce qu’il était advenu de ses démarches ; mais la mise en page ne me regardait pas. 

Jean était le directeur et nous vivions à couteaux tirés à cause de mon amourajoie.  J’ai opté pour lui faire confiance et ne pas lui donner l’impression de vouloir tout régenter dans le journal.

Nous avons travaillé à sa préparation, dans les termes convenus J’écrivais et Jean s’occupait du montage et de la mise en page.

Ma vie amoureuse était quelque peu en souffrance.  Quelle folie que d’être prêt à endurer le martyr pour proclamer ce que je crois être la VÉRITÉ.  Une folie qui m’a hanté toute ma vie et qui est plus déterminée que jamais puisque depuis j’ai appris l’histoire de la répression sexuelle, un  moyen de dominer chaque individu. Je ne m’en veux plus, j’en veux au système de nous mentir et de nous écraser.

 
Ma guerre avec Jean dégénéra.  Je ne croyais pas que cet interdit reposait sur des motifs intelligents.

Cependant, j’étais bien conscient qu’il peut y avoir des gens dangereux pour les jeunes.  Je les classais surtout comme psychopathes plutôt que pédérastes. Quel danger peut-on représenter quand on tombe en amour avec quelqu’un? Pourquoi parler de vice ? Quand tu aimes quelqu’un, tu travailles à son épanouissement.  Est-on la seule société à défendre les rapports intergénérationnels ? Y a-t-il des endroits sur terre où ces relations ne sont pas vues comme mauvaises ? Pourquoi ces peuples seraient plus stupides que nous qui condamnons tout ce qui n’est pas conforme aux règles établies ?  La rage des scrupuleux mènent au suicide de ses victimes. Moi, je fais jouir, le système conduit les jeunes trop émancipés au suicide.

J’ai décidé de déménager.  Puisque je m’entendais bien avec Pierre, nous avons pris un appartement ensemble. 

Tout le temps était consacré à la rédaction d’un nouveau livre sur les Vauxcouleurs (Il était une fois les Cantons de l’est, deuxième version) puisque la première formule avait été refusée.  Cela était d’autant plus intéressant que Pierre avait décidé d’aménager avec une fille à la fois belle et intelligente. 

Ce n’est pas parce que je suis amourajeux que je doive être complètement indifférent aux femmes.  Elles ont aussi beaucoup à nous apporter sur le plan de la création. 

Le projet ne pouvait que réussir : nous venions de vivre, Pierre et moi, une expérience enrichissante : la campagne rhinocéros à Sherbrooke.  

J’avais terminé les articles pour L’R du Q et obtenu en récompense, de publier une annonce de l’Homo-vicièr, mon premier roman, quand il fut décidé que je serais candidat rhinocéros dans Sherbrooke.

Cette décision a été prise après quelques joints au cours d’une soirée fort agréable.  Le lendemain, je faisais de nouveaux textes pour L’R du Q. Je me suis immédiatement présenté chez le président des élections, verser mon dépôt, soit 200$ que j’avais économisés avec mon assurance-chômage.

Notre premier pépin fut la saisie de L’R du Q.  Cette manigance a été réussie, grâce à un groupe d’amis de la jeune fille qui contresignait l’article sur la liberté sexuelle.  Elle prétendait que cette situation l’attaquait dans sa réputation.  Ces imbéciles avaient déjà consulté un avocat comme, si informé de la situation, il n’était pas possible de trouver une solution. 

Ces faux révolutionnaires ont réussi à faire saisir le journal par l’administration du cégep.  

Les étudiants du cégep ont avaient été appelés à trancher le débat  en assemblée.  Je reconnaissais parfaitement que cet article publié, sans le consentement de la jeune fille, si c’était le cas, était une grossière erreur ; mais par solidarité pour Jean, j’ai défendu notre position sans expliquer que je n’avais rien à faire dans cette transaction.  Du début à la fin, Jean était responsable de cette situation et des négociations.  Nous avait-il induits en erreur ? 

Il prétendait que cette fille avait accepté que l’on distribue quand même le journal (puisqu’il était déjà imprimé, mais son nom devait être biffé auparavant). Ça me semblait un compromis très raisonnable quand on m’en fit part.

En réalité, je n’ai jamais transigé ni de près ni de loin le problème, car toute l’autorité avait été remise aux mains de Jean.  Il m’informait de la situation.  Je lui faisais simplement confiance. 

Cela a permis à certains de m’accuser de manquer d’impartialité et d’honnêteté comme journaliste.  Certains m’ont même accusé de me servir du journal pour des raisons personnelles alors que je n’avais rien à dire dans le montage et la distribution.  Mon seul engagement fut de donner mes articles à Pierre et Jean qui étaient responsables de L’R du Q.  J’étais juste un étudiant prolifique parce que je venais de quitter la Tribune.  J’avais de l’expérience en journalisme.

À la suite de multiples interventions, nous nous sommes tous mis d’accord à distribuer quand même le journal, en ayant soin de rayer auparavant la signature de la jeune fille.  Malheureusement, le journal était déjà imprimé. L’administration du cégep a eu vent de l’entente qui était sur le point d’intervenir.  Elle exigea que les copies soient brûlées. C’est devant des cendres que nous nous sommes retrouvés.  Quel respect des étudiants.  La censure ne venait plus de la jeune fille, mais de l’administration du cégep.

Ce geste anti-démocratique nous a finalement servi puisque nous nous en sommes plaints dans tous les journaux du Québec.  Nous avons organisé une contre-offensive, soit un concours pour désigner le média d’information régional le plus pourri au Québec.  La Tribune de Sherbrooke a remporté le prix haut la main.

Le plus comique, le comité d’administration basait sa décision sur le désir de la Tribune de nous poursuivre en justice si le journal était publié.


Un sourire d’enfer 22

mars 2, 2023

Un sourire d’enfer  22

Je n’ai pas à demander à qui que ce soit à devenir amourajeux. 

Qu’on l’admette ou non, l’orientation sexuelle est d’abord et avant tout, un phénomène génétique. 

Les scientifiques ont pu découvrir les changements qui surviennent à partir d’une dizaine de gênes, contrairement à ce que l’on pensait auparavant, soit que l’homosexualité était causée par un seul changement, toujours au même gêne. 

Donc, il peut même y avoir plus d’une modification génétique qui explique  les différences de comportement de chacun.

L’environnement  sert ensuite à développer ta personnalité à partir de cette réalité. La réaction sera différente selon que tu vives dans une société scrupuleuse ou une société tolérante. 

Aujourd’hui, on sait que les sentiments sont créés par les émissions d’hormones. Qui peut se dire vraiment libre ? Qui est assez pur pour pouvoir juger le comportement des autres ?

Si les gens se mêlaient de leur affaire, tout irait mieux.  La seule chose en sexualité qui est inacceptable est la violence et la domination.

Les scrupules sont des violences qui ont été semées par la religion catholique puisque le biais religieux modifie la réalité en faveur de ses élucubrations.

On est ce qu’on est et on doit apprendre à vivre avec ou s’auto flageller toute sa vie et se prendre pour une victime.

Quant à moi, j’ai décidé d’essayer de trouver comment vivre cette réalité inacceptable pour tous , en créant une forme d’éthique de vie sexuelle qui soit acceptable et surtout non pas un danger, mais un plaisir.

Je voulais simplement être accepté et respecté comme n’importe qui, pour ce que je suis.  Je me posais déjà la limite la plus raisonnable, soit celle d’être assez honnête pour accepter le droit de me dire non.  Je ne pensais pas qu’à mon nombril.  Je m’interrogeais très souvent à savoir si cela pouvait vraiment nuire aux jeunes.  Je m’interrogeais, autant que le font bien des gens, quant à mon comportement et ses effets. Je vivais mon amourajoie en m’assurant que je ne nuisais pas à ceux que j’aimais.

Toutes ces bonnes âmes chrétiennes exigent la prison pour te faire comprendre la charité chrétienne.  Ce sont des hypocrites qui nous prêchent le christianisme et qui n’ont rien compris de la compassion. « Tu ne jugeras pas », les féminounes ne connaissent pas ça. 

On a qu’à écouter l’Église prêcher pour comprendre que le progrès n’est pas sa première priorité.  Les religions veulent toutes nous garder prisonniers de leur imaginaire passé, de leur morale de constipés.

Mon amourajoie m’amenait à prendre conscience que l’économie de notre système autant que celle du système communiste repose sur la nécessité d’avoir des guerres.  Or, l’amourajoie implique d’éliminer la violence sur le globe terrestre pour diminuer la mort des enfants.  Forcer un enfant à travailler en bas âge au lieu d’aller à l’école ou pire à être un enfant soldat, c’est mille fois plus condamnable qu’une pipe ou une caresse.

Pour satisfaire le standard de vie économique occidental, il faudrait remplacer la violence physique faites à des millions d’êtres humains par un amour volontairement gai, qui soit apte tout autant que la violence à garantir un jour un mur contre la surpopulation.

Comment un système qui pousse tant d’enfants à la mort peut-il m’accuser de leur nuire en les faisant jouir ? Comment un tel système sans âme peut-il prétendre défendre les jeunes en leur imposant l’ascétisme sexuel ?  Pourquoi emprisonner ceux qui ne partagent pas cette morale ? A-t-on le droit d’aimer jouir?  Une fellation n’a jamais blessé qui que ce soit.  Mais, le système trouve ça pire que de frauder la population de centaines de millions de dollars ou d’abuser violemment des vieux qu’on garde.

Être caressé sexuellement n’a jamais détruit psychiquement une personne, à moins, qu’elle soit élevée dans un monde de scrupuleux, ce qui peut créer une distorsion entre ce qu’elle a besoin de vivre physiquement et ce que la morale exige.  Il y a plus de gens mentalement malades parce qu’ils ne peuvent pas vivre leur sexualité qu’il y en a parmi ceux qui la vivent en plein épanouissement. 

Il est invraisemblable d’être emprisonné pour ce plaisir alors que ces juges moralistes acceptent de créer une bombe à neutrons.  Quels hypocrites !  Pour les fanatiques, la chasteté est plus importante que d’échapper à la misère.  Elle est même plus importante que la vie.  Il faut être profondément malade pour le croire. 

J’en voulais, que ce soit charitable ou non, aux libéraux parce qu’ils sont les pires vipères, qui n’hésitent pas à mentir pour conserver le pouvoir et ses profits.  Ils sont aussi menteurs que le pape.  Ce sont des requins pour qui le bien du peuple se confond à celui de leur portefeuille.  Ils sont prostitués au pouvoir.  Pour eux, l’argent a plus de valeur que leur âme. 

J’étais de plus en plus fanatique.  Possiblement aussi, de moins en moins équilibré. La pression était trop forte pour mes petites capacités.  Amourajoie et politique mélangées, c’est plus qu’explosif, car ça te rend de plus en plus paranoïaque.  Tous les autres semblent te juger et tu te sens attaqué par tout le monde. 

La réalité n’a rien pour te prouver que nos institutions ne sont pas strictement des moyens d’exploitation et de domination.  Rendre une personne coupable, c’est la rendre vulnérable.


Avec mes petites idées révolutionnaires, j’avais un champ d’action beaucoup trop large pour mes faibles épaules et surtout mon système émotif.  Étant pisseux de nature, j’avais tendance à devenir plus paranoïaque.  Je paniquais facilement et, pour cette raison, il était impérieux que je laisse la politique de côté.

À ma sortie du journal, j’étais non seulement peiné et révolté ; mais j’étais tout aussi content.  Enfin, je pourrais mettre un frein au fanatisme que l’on cultivait en moi, en essayant de faire de moi une petite vedette révolutionnaire.  Une image que je ne méritais pas.

Pour survivre, car, tout est mené par les finances, j’ai dû d’abord prouver au comité de révision de l’assurance-chômage que j’avais abandonné mon métier pour rester honnête.  Le témoignage surprise du syndicat me fit avoir justice.  Cette fois, les libéraux ne m’ont pas eu, même s’ils s’y préparaient.  Je pouvais revivre.

N’ayant plus à m’occuper de politique, je pouvais enfin être strictement  amourajeux.  Ma réalité ne mettait personne en danger. La frustration avait multiplié mes besoins sexuels. 

J’ai commencé à me rincer l’oeil,  à voir un peu de beauté dans la vie, tout en travaillant au deuxième numéro de L’R du Q, le journal étudiant du CEGEP de Sherbrooke.

Lynn est devenu dans ma tête l’image du monde désiré.  J’ai écrit des poèmes pour lui.  Un journal gai a publié un poème pour marquer mes amours que j’avais intitulé La Lynnofrançoisie. Je voulais marquer ce qui me semblait essentiel de retenir de ces rencontres : le mariage de deux âmes peut créer une seule personnalité, le besoin de se faire plaisir réciproquement.  


Jean, un jeune révolutionnaire qui habitait chez moi, croyait que j’étais un dégénéré, mais aussi un petit génie en politique.  Il ne me cachait pas ce qu’il pensait. 

J’écrivais pour L’R du Q ainsi qu’un livre que l’on m’avait demandé aux Éditions Québécoises.   Le premier manuscrit a été refusé parce qu’il était trop intellectuel.  Il comptait plus de 200 pages.   J’ai donc repris la commande autrement et j’ai écrit plus tard, en compagnie d’autres colocataires, moins stressants, ce qui est devenu Il était une fois dans les Cantons de l’Est. 

Pierre Brisson s’occupait des dossiers de fins de chapitres, alors que Francine Quinty faisait les petits dessins.  

Un de mes correspondants présenta ce livre au salon du livre à Paris comme étant un petit chef-d’œuvre d’originalité.         

Je ne voulais pas d’un traitement spécial, mais je voulais que l’on me respecte, que l’on m’accepte comme je suis.  Je ne représentais aucun danger pour les jeunes.  J’avais même déjà consulté pour m’en assurer.  J’avais beau être aux yeux des gens un maudit fifi, je n’étais pas dangereux.  On n’avait pas encore inventé l’expression pédophile qui est venue avec les féminounes.  

Je considérais avoir risqué ma vie pour les Vauxcouleurs par amourajoie et je me condamnais à la misère, en devenant chômeur par honnêteté pour cette région.  C’est assez, non ?

C’était un peu « sonné » comme point de vue, car, en fait, il y avait une forme de déséquilibre dans ce besoin de vivre le contraire de ce que la société est capable d’accepter et ma liberté.

J’ai toujours trouvé le Québec maladivement scrupuleux devant tout ce qui est sexe à cause de la présence de la religion partout. 

Que ce soit par scrupule ou que la société ait raison, la pression était telle qu’elle dégénérait dans une espèce de paranoïa. Mais, à certains endroits je pouvais sentir que le rejet que je vivais était bien réel. 

Je courais d’une certaine façon après les troubles, en voulant affirmer ce que je vivais contre tous, car la majorité des gens condamnaient mon point de vue sur la sexualité.  C’était une partie du complexe du sauveur dont je souffrais ou de mon courage, je n’en sais rien.  D’autre part, les gens se font mentir quant à ce qui se passe dans un lien amourajeux pour entretenir la peur.

Ma chicane avec Jean empirait.  C’était de moins en moins tolérable, mais j’endurais tout ça en croyant que c’était pour la cause.  Jean exprimait très bien ma servitude envers les Vauxcouleurs et le Québec. Il me demanda ce que je choisirais si un jour, l’avenir du Québec dépendrait de moi et serait définitif, à partir de mon proche choix entre l’amourajoie et l’indépendance du Québec. C’était une torture intérieure insoutenable.  À qui serais-je fidèle ?  À moi ou au Québec ?

Je voyais un élément très important dans mes relations avec Lynn : puisque Lynn était anglophone, ça m’assurait que je ne deviendrai jamais un fanatique. L’aspect humain demeure essentiel dans les luttes.  Je devais garder en vue que pour moi la plus grande révolution est l’amour. 


Pour moi, il y avait une différence très nette entre l’anglophone arrogant de Westmount qui veut nous obliger à nous angliciser et le travailleur anglophone qui souvent, de peine et de misère, essaie d’apprendre le français.  La voix et les yeux de Lynn avaient autant d’importance que son sexe. Sa vitalité se transférait en moi. Je me demandais déjà pourquoi je n’avais un enfant.  Je croyais que je serais, malgré mon amourajoie, le meilleur des pères. 

Lynn était mon assurance de demeurer un être humain intégral.  C’était la promesse de ne jamais trouver les besoins économiques plus impérieux que l’Amour. C’était ce qui restait en moi de l’enseignement religieux et même si je le niais, ça prenait encore un grand espace intérieur. 

Pour Jean, comme pour la majorité j’imagine, j’étais un dégénéré, point à la ligne. Mais, je savais aussi avoir une toute aussi une grande valeur sur le plan de la révolution.  Je ressentais profondément ce paradoxe intérieur qui me déchirait.

Je suis devenu plus agressif avec Jean.  Je me sentais tellement dévalué que parfois ça remettait en doute ma valeur personnelle. Suis-je vraiment qu’un cochon qui ne sait pas se contrôler ?  C’était juste drôle de le voir à la fois m’admirer pour mes engagements politiques et me haïr tout autant parce que je suis amourajeux.

De cette bataille verbale, émotive, j’ai décidé d’écrire Laissez venir à moi les petits gars.  Malheureusement, à cette époque, je n’en étais pas encore à l’affirmation de la beauté de l’amourajoie.  Je me sentais obligé de toujours essayé de me justifier, de me forcer pour ne pas me percevoir comme un criminel. 

J’avais assez pensé aux autres, je voulais maintenant m’occuper de moi.  Faire le point avant de devenir complètement fou, reprendre le contrôle de mes actes et cesser d’être le jouet de tout le monde comme un robot qui répond automatiquement à des thèmes précis.  J’en avais assez d’être influençable, de toujours me sentir inférieur à tout le monde.  Je savais que ce sentiment venait tout simplement avec mon amourajoie.  C’était le prix à payer.


Afin de départager les chicanes, un nouveau pensionnaire est venu s’ajouter.  Pierre ne s’entendait pas mieux avec Jean, car ce dernier avait la maudite manie de voir les choses que d’une façon théorique, comme un pur intellectuel, alors que j’étais un gars de terrain, d’action.

J’étais peut-être déséquilibré émotivement, mais au lieu d’avoir de plus en plus honte, je croyais dans la nécessité de me battre contre l’hystérie, la peur que l’on a du sexe au Québec.  Comment un plaisir peut-il devenir négatif, une agression? Pourquoi fait-on semblant de croire qu’une relation sexuelle est un acte violent  si tous les participants sont d’accord ?  Pourquoi un plaisir pourrait-il te traumatiser ?  C’est une réalité seulement dans leur tête d’aliéné qui accepte ces règles sans même y réfléchir.
 
Un Haïtien qui nous rendait aussi visite plus souvent qu’à son tour s’est finalement ajouté au groupe. 

Si j’aimais la poésie avec Claude, j’admirais la facilité de ce Haïtien à se dénicher des filles.  Il pouvait coucher avec trois filles, une à la suite de l’autre, dans la même soirée.  Je n’ai jamais rencontré un tel chanteur de pomme et un gars qui fasse l’amour aussi vite.  Après ses prouesses, il lui fallait son éternel verre de lait.   

Après un certain temps, j’ai dû lui indiquer la porte, car tout le monde était d’avis qu’il nous exploitait.  J’ai malheureusement mis la décision de tout le monde en pratique, un soir que j’étais saoul, ce qui a laissé un certain froid. 

Quand je suis saoul, autant je peux être un bon gars à jeun, autant je deviens baveux et fou quand je bois trop.  C’était d’autant plus malheureux que j’ai toujours eu beaucoup d’attrait pour les étrangers.  Une fascination qui m’aide à mieux vivre mon côté primitif de la vie. Je trouvais que le rire de cet Haïtien valait bien les inconvénients, mais ce n’était pas l’avis des autres.  J’ai obéi à la majorité.

Je me sentais d’autant plus solidaire avec les Noirs que jeune j’ai souffert de la couleur de ma peau. J’étais trop brun pour un blanc.  Je ne vivais pas toutes les injustices qu’ils connaissent, c’est impossible ; mais, je vivais en complète solidarité avec eux.  

Comment demeurer indifférent à l’assassinat des noirs américains par le FBI ou la CIA ? Comment ne pas avoir honte d’être blanc devant le racisme qui gruge notre histoire, soit à cause des noirs ou des Indiens ?
 
À cause de mon amourajoie, du rêve de connaître des jeunes de toutes les races et de toutes les nationalités, de comparer leur corps, je ne pouvais que me révolter encore un peu plus devant le racisme.   Comment peut-on aujourd’hui, avec toute notre science, être assez stupide pour être raciste, pour croire dans la supériorité du blanc chrétien qui doit aimer jusqu’à ses ennemis ? 

De belles paroles, mais les personnes religieuses sont toujours fanatiques surtout quand il s’agit de sexe, le poids de la tradition. On croit avoir raison et ainsi pouvoir condamner tous ceux qui pensent autrement.

Un sourire d’enfer 21

mars 1, 2023

Un sourire d’enfer   21 J’ai mis autant de coeur à l’ouvrage que possible en de telles circonstances.   Des amis m’ont refilé un dossier sur un cas évident de patronage du parti libéral, à East Angus.  Celui-ci fut très vite censuré et mis au rancart, même si j’avais toutes les preuves.    J’étais révolté.  La Tribune aurait fendu un cheveu en quatre pour dénicher un scandale contre le Parti Québécois, mais rejetait un fait prouvé contre le parti libéral. C’était son impartialité traditionnelle. J’ai décidé de régler le problème une fois pour toute : j’ai écrit au patron que s’il ne publiait pas ce dossier bien étoffé et véritable, je ne travaillerais plus à la Tribune.  Il publiait ou je sortais.  En d’autres termes, le journal était honnête ou il me mettait à la porte, en décidant de ne pas se conformer aux normes d’un journalisme authentique.  Il n’y a pas eu d’articles, je suis parti. Ça été une décision extrêmement pénible.  J’adorais être journaliste.  Comment comprendre que des Québécois soient assez sales pour refuser de défendre les intérêts du Québec au dépend d’une bande de patronneux ?  Je choisissais le chômage pour rester honnête.  J’étais encore une fois un imbécile, Qui apprécierait ce geste ? Cette saga, d’une manière, faisait l’affaire des deux parties.  En ayant un tel dossier, je pouvais accuser la Tribune et prouver ce pourquoi  je l’accusais et pour le journal c’était la chance en or de se débarrasser de moi sans que personne ne le sache.  Il ne le publierait certainement pas.  La gratitude n’a pas tardé. Plusieurs péquistes me trouvaient trop radical.  Certains, même s’ils étaient très rares, me croyaient un agent provocateur à cause de mes envolées en faveur de mon amourajoie.  L’un de ces derniers est même venu me voir pour me dire :  » Qu’allons-nous faire de toi ?  Si, au moins, tu lâchais les petits gars. » Belle mentalité !  C’étaient ceux que j’appelais mes faux prêtres.  Ils acceptaient que tu contestes tout, excepté la religion.  En étant plus catholiques que le pape, ils étaient incapables de voir vivre un autre individu plus librement qu’eux, surtout pas un amourajeux.  Ce n’était tout de même pas de ma faute si j’avais réussi à sortir de leurs malaises existentialistes.   À force de défendre la pédérastie, j’en étais devenu fier.  Aucune révolution ne réussira tant qu’on n’aura pas le courage de rejeter notre façon d’aborder la sexualité.  Même la gauche est trop bornée pour voir la nécessité de réajuster le tir. Les faux révolutionnaires ne voient pas les liens entre les religions et l’état pour maintenir les Québécois dans le joug.  Le respect d’une autorité qui nous ment est à l’origine de notre aliénation.  L’Église ne prenait plus parti pour un clan politique comme à l’époque de Maurice Duplessis.  Elle était devenue plus hypocrite. Son rôle, tout particulièrement dans les Vauxcouleurs (Estrie), demeurait tout aussi néfaste. Il se manifestait surtout dans les lettres ouvertes et dans l’action de différents mouvements.  Dans notre région, le scrupule était la principale force religieuse.  Cela permettait d’entretenir, grâce à la haine de la sexualité, le mépris du corps, donnant naissance à des sentiments de culpabilité, allant du masochisme pur et simple à l’obéissance aveugle. Je connaissais l’influence de l’Église dans la vie politique ; mais jamais je n’aurais cru qu’elle avait autant d’importance.  Les religieux sont vite apparus comme le ciment de la société ; car, leur philosophie constitue pour leurs sujets une façon de voir, de juger la vie et les événements. La religion ne repose-t-elle pas surtout sur la peur de la mort et de sa sexualité ?  L’interprétation de la mort est un domaine purement spéculatif.  Personne ne peut affirmer si ce que l’on prétend est vrai. De tous temps, les systèmes politiques ont été soutenus par des religions, des philosophies, des conceptions ou des interprétations de la réalité.  Les pyramides ont été possibles grâce aux croyances du temps sur l’immortalité et la divinité.  L’Inquisition a été le meurtre légal de milliers de gens qui voulaient remettre en cause la foi de cette époque.  Combien sont morts pour avoir osé prétendre que la terre est ronde ?  Le Christ lui-même n’était-il pas un révolutionnaire qui contesta aussi sa religion et se fit crucifier par ses paires ? L’Église au Québec n’a jamais été indifférente à la politique du pouvoir.  Elle a toujours soutenu le pouvoir des Anglais et appuyé leur domination tant qu’elle bénéficiait de sa part du gâteau.  Elle ne voulait pas que les gens s’instruisent parce qu’elle craignait de perdre son contrôle.  En 1837, elle excommunia les Patriotes.  Elle leur refusait d’être enterrés dans un cimetière catholique.  Elle n’a pas changé depuis car, aux élections scolaires, pour défendre sa confessionnalité, ses intérêts financiers, l’Église a permis de faire élire à la CECM tous ceux qui étaient contre la loi 101.  Ces trahisons sont presqu’impossible à calculer tant elles sont nombreuses. Dans les Vauxcouleurs (Estrie), l’Église prenait la relève pour le conservatisme et la peur du changement, là, où le système politique avait échoué.  Combien de péquistes sont plus catholiques que le pape et refusent ainsi de voir l’indépendance du Québec comme étant plus qu’un simple réajustement administratif du régime politique ?  L’indépendance, ce n’est pas seulement mettre Ottawa à sa place.  C’est un changement de mode de vie dans lequel le plus important soit le respect de l’humain, de la nature, la tolérance, le vrai christianisme, comme il nous a été enseigné.  Sauf, sur le plan de l’enseignement sexuel, l’Église a sa raison d’exciter.  Pour cela, l’Église doit séparer les affaires religieuses des choses politiques ou judiciaires. Les religions ont presque toujours conduit au fanatisme et inévitablement aux guerres.  Cela est encore vrai même de nos jours.  Les religions sont intolérantes : hors de l’Église point de salut. Avec l’Islam, c’est encore pire. Je me devais de combattre cet empiétement religieux dans des juridictions qui ne la concernent pas.  C’est aussi un élément important de la révolution. Les systèmes politiques s’appuient sur les croyances religieuses pour s’immiscer dans la vie privée des gens.   La foi est la plus grande justification des guerres.  L’Église a gratifié l’esclavage noir et béatifié la guerre au Vietnam.  Sans un appui religieux profond en ce sens, les USA ne pouvaient pas justifier leur intervention militaire.  Tout a été mis sur le dos du communisme.   Quant au Canada, le défenseur de la paix, celui-ci vivait grassement de la vente de ses canons et de ses armes de guerre.  Le débat est donc forcément politique.  Quant à l’aspect moral, je n’avais pas besoin de réfléchir longtemps pour saisir l’importance de la vie religieuse dans la vie politique des Vauxcouleurs. (Estrie) Il suffisait de me dire amourajeux, incroyant ou croyant non pratiquant, pour que personne ne prête attention à mes paroles, même si elles y étaient favorables. 

Un sourire d’enfer 20

février 28, 2023

Un sourire d’enfer   20                                                     13 Un soir, à Sherbrooke, comme à l’habitude, la bière avait remplacé la poésie.   Quand je bois, je deviens le contraire de ce que je suis à jeun.  Je suis aussi baveux saoul que je suis paranoïaque quand je ne bois pas. C’est probablement parce que la tension finit par faire sauter les plombs, ce qui se manifeste dès que je n’ai plus le contrôle sur moi,  En sortant de la taverne, je « zigzaguais » sur le trottoir, criant contre mes fantômes intérieurs, quand un policier m’a sommé de le rejoindre.  J’ai refusé.  Rien ne lui permettait de se mêler de mes affaires.  Je gueulais, mais je venais de comprendre qu’il fallait que je me la ferme.  Celui-ci me prit par un bras et me tira.  J’ai résisté en m’accrochant à un parcomètre.  Le policier a commencé à me frapper à coups de poing.  Puisque j’étais contre la violence, mais que je ne suis pas masochiste, j’ai couru dans la rue pour me protéger.  J’ai été rattrapé par le policier et un autre groupe de policiers venus le rejoindre. Les policiers me frappaient de plus belle.  J’ai décidé d’assouvir ma colère en frappant sur une automobile devant moi puisque je ne voulais pas frapper un humain.   Le propriétaire de la voiture n’a pas tardé d’arriver, demandant aux policiers de m’assommer.  J’ai cessé de me débattre, car je le reconnaissais comme le propriétaire du restaurant devant lequel on se trouvait. Je me suis relevé et le regardant, je lui demandai :   — Pourquoi prends-tu pour eux ?  Ce sont eux qui me frappent, pas moi qui les frappe. Étant donné sa réputation, j’ai ajouté pour l’intervenant : Depuis quand la pègre appuie-t-elle la police ? J’ai recommencé à me débattre.  Puis, ce fut le noir total.  Tout ce que je me rappelle, j’étais couché dans le fond d’une cellule à Sherbrooke, seul, et un pied m’arrivait sur le corps. Les policiers m’ont abandonné.  Ils sont revenus plus tard avec un autre qu’ils ont enfermé dans la cellule voisine.  J’avais un témoin, donc, ils ne pouvaient pas recommencer à me frapper.  J’ai commencé à gueuler, à exiger la présence de mon avocat, à scander les noms de deux avocats. Rien. — Vous devez être comme Saulnier.  Vous avez des problèmes de tv. (Saulnier, chef de police, si je me rappelle, venait de se faire prendre en ayant accepté une télévision en cadeau). Je me suis foutu à poil et j’ai crié de plus belle. Soudain, un groupe de flics est arrivé.  Je connaissais un des policiers, il demeurait comme moi au Parthénon, avant de devenir policier.  Le gros qui m’avait frappé me regardait et fessait à coups de pied dans le bas de la cellule, essayant de me rejoindre alors que je lui criais : — Prend ton gun, mon gros Christ de chien sale, et tire.  Demain, c’est toi qui va les avoir les problèmes.  J’étais journaliste et j’étais conscient du pouvoir que cela me conférait. Celui-ci s’est retourné et m’a demandé si je le trouvais beau.  Je n’en revenais pas.  Où était-il allé chercher ça ? — On sait que t’as deux serins à Sherbrooke. — T’es mieux que moi, j’en connais qu’un. — Laisse faire, mon Hostie, je vais te dompter.  Tu ne toucheras jamais à mon gars. Un peu plus tard, les policiers sont venus me relâcher.  Il faisait encore nuit.  J’ai pensé qu’il s’agissait d’un moyen pour me rabattre à l’extérieur et ainsi pouvoir recommencer à me battre, puisqu’il était impossible de me battre à nouveau en dedans à cause des témoins.  Je suis donc resté en prison jusqu’au matin. En sortant, un des policiers m’a remis mon foulard des Patriotes, en disant : — Tu peux être chanceux qu’on n’ait pas su avant que tu penses comme ça. T’en aurais mangé une bien meilleure. Le matin même, je devais passer en cour.  Le juge était reconnu comme, par hasard, pour un fervent libéral.  J’ai aussitôt averti le journaliste qui s’occupait du judiciaire à la Tribune et  qui était aussi président de notre syndicat, de cette histoire. Il s’est présenté chez le juge et à la suite d’une conversation, il m’a informé qu’on me rendrait ma liberté à la condition que je ne fasse aucune pression auprès de la Tribune pour publiciser cet incident.  J’ai accepté cette condition. En Cour, j’ai révélé au juge avoir été battu et celui-ci se contenta de me dire de porter plaintes au chef de police d’alors, reconnu comme un fervent de ces méthodes dures. En fin de semaine, Québec-Presse relatait les événements.  Il n’avait été question que de La Tribune dans notre entente et non des journaux diffusant à l’échelle nationale. Comment porter plaintes ?  Comment prouver qu’on a été battu ?  Les policiers, souvent sous peine de perdre leur emploi, témoigneront que c’est faux.  Les flics fascistes sont pires que la pègre. Les juges leur sont déjà acquis, comme si leurs paroles venaient de Dieu. Ce n’était pas d’abord politique, pensais-je, mais parce que j’étais paranoïaque et saoul comme une balle. Une semaine ou deux plus tard, je recevais un appel téléphonique me demandant si je voulais témoigner dans un accident.  Je ne me rappelais pas d’un tel événement.  À force de chercher, de questionner, même auprès de la police, de quel accident il s’agissait ; j’ai appris que le propriétaire de la voiture sur laquelle je me défrustrais exigeait 55$ en dommages.  Lors de notre conversation, l’inspecteur de police ajouta :  » Je te conseille fortement de payer, t’auras beaucoup moins de problèmes. » J’étais contre ce remboursement.  » C’est la police qui frappait, j’étais en légitime défense. » Par contre, mes amis me rappelèrent que mon créancier était le chef de la petite pègre locale.  J’ai pris rendez-vous avec lui.  Je ne me rappelais pas exactement comment ça s’était passé.  Je lui ai demandé de me le rappeler.  Ce fut facile ensuite de replacer le moment, grâce aux brides que je gardais dans la tête.  Je lui ai aussi demandé de manière à peine voilée depuis quand la pègre fonctionne avec la police.   Quant à lui, ça n’avait rien à voir.  Il ajouta :  » si au moins tu n’étais pas séparatiste, nous serions peut-être plus compréhensif. » J’étais de plus en plus convaincu que tout était politique, une intuition que j’avais depuis le début.  Ecœuré, j’ai fait parvenir les 55$ demandés sous forme de 55 chèques de un dollar par mois, soit jusqu’en 1978 environ.  Je n’en n’ai pas réentendu parler avant mon congédiement.        En apprenant mes problèmes financiers, mon créancier m’en a souhaité d’autres pour me faire réaliser la bêtise du choix de mon option politique.  Il a fini en disant :  » tu peux être chanceux, des gars comme toi, habituellement, nous leur faisons casser les jambes.  »  Il m’a raconté avoir bien ri quand il a reçu mes 55 chèques, car, à son avis, ça prenait bien du courage pour réagir ainsi ; mais, affirma-t-il, j’ai vite changé d’idée quand j’ai pensé qu’en agissant ainsi, tu riais de moi. » Durant mes trois semaines de pénalités à la Tribune, j’ai pratiquement écrit seul le premier numéro e L’R du Q, le journal étudiant du CÉGEP de Sherbrooke.  Le titre a été choisi pour continuer le travail de Gaston Gouin qui voulait publier une revue littéraire ayant ce titre. Je suis retourné au travail plus certain que jamais de l’utilité de mon retour : je journal voulait me congédier à moins que je change radicalement.  De ce côté, les espoirs étaient pratiquement inexistants.

Un sourire d’enfer 19

février 27, 2023

Un sourire d’enfer  19

                                                    12


Tous les moyens étaient bons pour essayer de me faire perdre la face.  Le cas de Waterville a été le plus significatif.    

À la suite d’un reportage, j’ai appris que les jeunes d’une maison de réhabilitation avait ni gymnase, ni piscine.
 
Les travailleurs sociaux étaient ainsi privés d’un instrument indispensable à la rééducation des jeunes.

Si je sautais sur toutes les situations dans lesquelles les enfants pouvaient souffrir pour les défendre, comment pouvais-je demeurer insensible à celle-ci?  Ma plume fut vite absorbée par les volutes d’une sainte colère.  J’ai pris en main ce dossier, après avoir averti le directeur de l’établissement de mes tendances peu communes.

Mes entrevues avec les petits gars se firent par personnes interposée afin d’éliminer toutes les possibilités de scandale et s’assurer que je ne nuirais pas à l’Institution plutôt que de l’aider.  C’était un minimum d’honnêteté. 

On pouvait parler pas parler franchement de notre pédérastie et fonctionner dans le monde sans créer de crise d’hystérie chez les féminounes et tous les scrupuleux de ce genre.

Le coup de cochon ne tarda pas.  Bientôt, un gros bonnet du gouvernement a fait remarquer au directeur de l’époque qu’il était plutôt bizarre d’accepter qu’un pédéraste se porte à la défense des petits gars.  

Que venait faire ma vie sexuelle dans un problème de gymnase et de piscine ? Sauf qu’ainsi, on pensait m’écarter d’un dossier qui pouvait devenir très chaud politiquement.   Encore une fois, La Tribune refusa de publier les deux reportages (qui le furent dans le journal étudiant du CEGEP de Sherbrooke, L’R du Q). 

Les jeunes n’eurent pas leur gymnase à cause de ce fonctionnaire mentalement vicieux.


Le gouvernement pouvait  agir ainsi comme si les jeunes délinquants n’ont aucun droit.  Les droits commencent à 18 ans, quand tu travailles et tu payes des taxes.   Avant ça, tu n’existes pas et tu n’as aucun droit. 

Pourtant, ce sont eux qui ont le plus besoin d’un milieu qui leur permette de ré-accepter la société.  Parfois les parents sont les vrais coupables.  Les délinquants sont souvent des jeunes qui ont manqué d’amour ou eu un amour trop inconditionnel.  Ils sont des victimes. C’est aussi révoltant que d’être trop pourri.  
 
Les institutions de réhabilitation devraient être comme Summerhill, des écoles libres.

Ce cas n’était pas unique.  L’information était manipulée.  Les patrons pouvaient étudier mes textes une semaine ou deux alors qu’ils traitaient les conflits en cours.  C’était un moyen de prendre position pour le patronat.  

Souvent les informations étaient coupées, même s’il était facile d’en prouver la véracité.  Les textes d’importance étaient perdus dans un coin du journal.  Ils étaient transmis dans un seul secteur alors qu’ils pouvaient intéresser toute la région. 

Malgré mes efforts, il n’y avait pas encore de comité rédactionnel.  Ce comité n’aurait pas cherché à éliminer la présence des patrons ; mais grâce à plus de coordination, assurer une meilleure information et voir les vrais problèmes sous tous les angles.


Un seul journaliste ne peut pas tout savoir même s’il est le plus compétent du monde. À moins d’être sans conscience, aucun journaliste ne peut être à 100 pour cent impartial, simplement parce que nous avons des sentiments et un inconscient.  On n’accordera pas la même importance, selon que l’on est d’accord ou pas avec ce que l’on écrit. C’est juste humain !
 
Les négociations pour le renouvèlement de la convention collective étaient en cours au journal.  Les dirigeants syndicaux, croyant que le journal puisse être imprimé à Granby plutôt qu’à Sherbrooke, ont recommandé l’acceptation d’une entente tellement pourrie qu’elle comportait des baisses de salaires pour les employés d’un département, par hasard , toutes des femmes. 

Pas un mot sur la liberté de presse, problème qui m’intéressait particulièrement.

Les journalistes ne se souciaient que de leur augmentation de salaires et d’avoir des conférences de presse au cours desquelles ils soient bien traités.  Nous n’étions qu’un petit nombre à nous objecter au projet de convention collective recommandée par le syndicat.

À une assemblée suivante, j’ai présenté avec deux confrères un projet comique, ridiculisant toutes les concessions acceptées sous prétexte que Power Corp. est trop pauvre.

Certains y virent mon intention de rire des membres, mais d’autres reconnurent que ce texte caricaturait une convention acceptée sous la peur.   Curieusement, le gouvernement fédéral a consenti , peu de temps après, une subvention qui, par hasard,  représentait exactement le montant du déficit prévu par les patrons.  Ces argents avaient justifié les baisses de salaires.

Les journalistes ne voulaient rien savoir de la qualité de leur travail.  Pour eux, c’était un métier comme les autres. 

Cela n’a pas tellement changé, aucun journaliste ne semble se soucier du problème de la liberté de presse et d’expression.  Le rôle socioculturel d’un média, ils s’en fichent éperdument. 

Pourtant, des médias d’information libres sont la garantie d’une saine démocratie.  Il est impossible de connaître une dictature ou un mouvement de violentes contestations tant qu’il y a une presse libre.  C’est sa raison fondamentale d’exister.  De faire connaître la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Permettre aux gens de faire un choix éclairé, connaissant tous les détails. 

La presse ne doit pas être qu’un commerce, elle doit nécessairement effectuer son travail de chien de garde de la liberté, de la vérité.

Je devais me contenter de me taire, d’écrire des banalités ou quitter le journal. 

Pour faire valoir mon opinion et m’assurer que le journal ne se servirait pas de mes mémos pour monter un dossier disciplinaire qui camouflerait le dossier politique, j’ai transmis mes notes avec ironie et humour, empruntant mes expressions au langage indien ou d’autres images du genre.

J’ai d’abord été suspendu trois semaines.  Tout était fait pour m’écœurer.   On me reprochait de porter la barbe, d’avoir les cheveux longs alors que d’autres journalistes le faisaient sans être réprimandés.  Je répliquais toujours par de nouvelles luttes. 
 
Ainsi, un jour, j’ai placé sur mon bureau la photo d’un petit gars que j’adorais en silence et en secret.  J’ai immédiatement été sommé de l’enlever. J’ai refusé en disant que tous avaient la photo de leur épouse et de leur famille et qu’ainsi j’avais donc le même droit qu’eux, même si c’était à leur avis, contraire à leur mœurs puisqu’en dehors de l’hétérosexualité tu es monstre, un péché ambulant.  Ce qui contrevient à la Charte des droits aujourd’hui et qui est complètement débile, car personne n’est pareil dans son orientation sexuelle et sa façon de la vivre. Tout doit être permis, s’il n’y a pas de violence ou de domination.   La sexualité est aussi et peut-être surtout une question de sentiments, non seulement une question de plaisir.

Pourquoi n’aurais-je pas le droit d’avoir sur mon bureau la photo de celui que j’aime alors que tout le monde à celle de sa femme ou de ses enfants ?  Est-ce que parce que je suis amourajeux que je n’ai pas le droit d’exprimer ce que je ressens ?  Ce n’était pas un film pornographique, mais une photo d’une personne que j’adorais.  Ça ne regarde que moi. 

Le journal défendait son point de vue en affirmant qu’en agissant ainsi, qu’en faisant connaître ouvertement ma pédérastie, je nuisais à sa bonne réputation.   Qui pouvait deviner en voyant la photo que c’était un de mes nombreux amants platoniques?  Ça aurait pu être un de mes fils. Il fallait le savoir pour créer le lien.

 
Ma suspension visait à justifier plus tard mon congédiement.  Trois semaines pour me forcer à réfléchir, pour me faire comprendre la nécessité d’obéir et de prendre conscience que je n’étais pas très bien accepté dans tous les Vauxcouleurs. 


Je crois trop dans la liberté d’esprit pour lâcher prise.

Un sourire d’enfer 18

février 26, 2023

Un sourire d’enfer   18

À mon avis, tous les hommes naissent ni bons, ni mauvais.  Ils se développent en fonction de leur environnement, mais à partir de ce qu’ils sont fondamentalement. 

Est-ce que j’étais responsable de ce goût bizarre qu’est l’amourajoie ?

Le problème avec notre système, c’est que l’on ne fait aucune nuance. Le sexe est mal si tu es jeune. Point à la ligne. Quelle stupidité religieuse !


Non seulement, même en se livrant à ces plaisirs, je respecte les jeunes, mais j’arrive à mieux les saisir, les comprendre et les aimer comme ils sont.  

Dans ma vie, il n’y a que quatre choses extrêmement belles : la nature, l’amourajoie, l’intelligence et la conscience.  Je suis facilement fasciné par la beauté qui peut-être autant psychique que physique.

Je rêve à l’époque où tous les efforts seront axés sur le besoin de créer un monde beau, honnête et juste envers tout le monde.  Je me sens d’une générosité sans borne. Pourtant, je suis aux yeux des autres le galée, l’horreur.

Les adultes me sont apparus et m’apparaissent encore avec leur morale comme étant les pires pollueurs de la beauté, de la spontanéité et de l’amour.  Pour  eux, tout est commerce, tout est partiel, tout est calculé, tout est stéréotypé pour répondre aux seuls besoins pécuniaires.  

La vie est une toile d’araignée, une prison invisible.  Il ne peut pas y avoir d’évasion, sans remettre le fondement même de la vie en question.

Comment peut-on me traiter de criminel parce que j’arrive à vivre au même niveau qu’un enfant et chercher les mêmes satisfactions ?  Est-ce que la contemplation n’est pas une expérience de vie ? Que faisons-nous sur cette terre? L’amourajoie est une forme d’amour, donc, de spiritualité.

Comment peut-il être criminel d’adorer les petits gars en voulant créer un monde dans lequel le bonheur le plus absolu serait un droit fondamental ?  Qui utilisent le plus les jeunes à des fins perverses, moi, en jouant avec eux aux fesses sans contrainte et avec adoration ou le système économique qui organisent des guerres locales pour maintenir et élever le taux des profits ?  Un système qui crée des enfants-soldats ?  Pourquoi devons-nous vivre comme les féminounes, comme des aliénés ?

Comment puis-je être plus néfaste pour les enfants que les heures de violence à la télévision, dans tous les média et leurs jeux ?   Comment être plus dangereux pour la santé mentale d’un enfant  qui a des parents qui lui sacrent la raclée et le traumatisent à jamais parce qu’il se touche quand il est petit ?    Pourquoi est-il mal de vouloir éliminer les problèmes de la frigidité, de la névrose et de l’hystérie, en combattant l’imbécilité de notre conception de la sexualité créée spécifiquement pour faire de nous des machines de production ?  Des gens qui ont honte d’être eux-mêmes dans toute leur réalité .

                                                    10


Ces problèmes étaient très aigus. 

Un soir, en travaillant à Scotstown, j’ai pris une brosse affreuse.  J’ai voulu regagner une tente où j’avais été invité par les parents à aller coucher ; mais les jeunes n’ont trouvé rien d’autre à me dire que d’aller coucher ailleurs ou ils me casseraient la gueule, car ils ne voulaient rien savoir d’une tapette.  

Je n’avais jamais fait de propositions à aucun d’eux pour la simple et bonne raison qu’ils n’étaient pas de mon goût et que je ne les avais jamais rencontrés. 
 
Je suis parti à pied bien décidé de me rendre à Sherbrooke. De ce que je me rappelle de ce moment difficile, ce fut un des bouts de chemin qui a marqué ma vie. 

En marchant, je faisais exactement comme quand je fais du pouce : je priais ou je parlais à Dieu, si on veut.  C’est une habitude que je n’ai jamais perdue, même si je ne pratique plus.  C’est une sensation de dialogue intense, comme rencontrer un extraterrestre et se parler par télépathie. 

Je lui démontrais que les hommes de pouvoir ne méritent pas grand respect avec leur violence.   Je lui criais de tous mes poumons ma révolte contre la guerre au Vietnam. 

 » Comment peux-tu prétendre que tu existes, que tu aimes les humains, quand tu les laisses se déchirer entre eux ?  Pourquoi laisses-tu des enfants se faire tuer?  Pourquoi ne pourrais-je pas en adopter un ou deux, je serais sûrement mieux intentionné à leur égard.  Est-ce que leur chasteté est si importante qu’ils doivent vivre dans la misère plutôt qu’être à mes côtés ?  C’est de la folie pure. », criais-je à Dieu.
 
Certains diront que je n’ai jamais eu de réponse.  Au contraire, j’ai ressenti soudainement le sentiment que si Dieu existe et respecte vraiment la liberté de l’homme, il ne peut pas intervenir.  La conscience humaine est aussi question de mémoire, de liberté dans le sens d’avoir le droit de choisir son destin et son éducation.  La vie est un hasard organisé, comme dit Einstein, je crois.

Une autre fois tout s’était mal terminé.  Je m’étais tellement saoulé que je m’étais endormi sur un perron.  Quand je me suis réveillé, il y avait un bonhomme qui était à me faire les poches.  En me voyant ouvrir les yeux, ainsi que la venue d’une autre personne dans notre direction, il s’était contenté de me donner un petit coup de pied, en me traitant de sale ivrogne.

J’ai eu ma réponse divine, si on veut, plus de dix ans plus tard. 


Je venais de me faire violer par un bonhomme qui m’avait embarqué sur le pouce et je ne voulais plus coucher dans ma tente d’où je me suis loué une chambre dans une auberge gouvernementale en Ontario. J’ai rencontré à cette occasion un petit vietnamien, un petit boat people, de qui je suis tombé amoureux.  Nous avons joué ensemble.  Nous sommes allés nous baigner.  Je le portais sans cesse sur mes épaules.        

J’ai voulu lui acheter une crème glacée, mais il ne parlait ni français, ni anglais. Je lui disais des «  » Si .Si. Good ! Good ! », en faisant semblant de lécher le cornet.   Et alors, pour aucune raison inconnue, je me suis rappelé exactement les paroles d’injures que j’adressais à Dieu entre Scotstown et Sherbrooke.  J’étais profondément bouleversé.  Dieu répondait à mes invectives en me permettant de rencontrer un petit vietnamien.  Et, ce jeune est devenu le premier garçon que j’ai voulu et tenté d’adopter. 

J’y voyais une confirmation que je n’étais pas qu’un pourri parce que je suis amourajeux.

                                                   11

Pour les patrons, j’étais devenu fou, imparlable.

J’étais très fier des résultats de mes luttes et de mes interventions pour l’Estrie.  Il n’était pas question de m’enfler la tête, mais de reconnaître mon petit grain de sel dans l’amélioration de la situation.  J’évaluais les millions que le fédéral ou le provincial investissait dans la région après mes interventions comme journaliste.  Dire qu’au début, on ne savait même pas qu’on existait.

J’étais aux yeux de ceux qui nous dirigeaient un malade mental, j’imagine, mais au moins j’étais un fou payant.  Quand je prenais un projet, le gouvernement avait intérêt à s’en occuper.

Je travaillais sur un papier concernant une rumeur de nouvelle taxe entre le Québec et les USA.  Les patrons tremblaient à l’idée que cela puisse se traduire dans la politique québécoise.  Ils m’empêchèrent de téléphoner à Washington.  Conséquence, dix jours plus tard, Nixon annonçait un nouveau programme presqu’en tout point conforme à ce que je voulais publier.

La Tribune de Sherbrooke venait de rater un « scoop » international.  En journalisme, c’est une faute impardonnable.

À ma connaissance, jamais les patrons n’ont mis ma compétence en doute. Il fallait juste essayer de me calmer un peu les nerfs. Je reconnais aujourd’hui que je n’étais pas un cadeau.  Je suis allergique à la censure.  Tant qu’on respecte la vie individuelle des autres et que l’on ne prêche pas la violence, on a le droit de tout dire.  Ça ne veut pas dire que l’on sera cru. La censure est le poison de la vérité, une paralysie de la démocratie, un paralysant pour le cerveau.  Les gens sont assez intelligents pour savoir choisir dans le lot d’informations qu’ils reçoivent.

Quand Daniel Johnson père s’était rendu à la Manic, la Tribune y avait délégué M. Louis O’Neill pour le récompenser de son travail après avoir hésité quant à m’y envoyer.  Les patrons le regrettèrent quand la mort de M. Johnson fut annoncée.  Ils prétendaient que je si j »y étais allé, les informations seraient arrivées plus vite et plus complètes. « Il aurait annoncé, dit-on, la mort de Johnson avant même que ça arrive ».

Cela ne les empêcha pas de me refuser un reportage de deux semaines à Cap Kennedy et Houston, même si j’avais déjà obtenu l’autorisation de Washington et reçut ma carte de journaliste visiteur. Je voulais faire un reportage sur les OVNIS.

C’était une époque fort troublée.  Il y avait même eu un attentat à la Tribune. 

Je me promenais en voiture avec des amis.  Un des nôtres redit une phase que j’avais déjà entendue durant les événements d’octobre, lors de notre premier accident :  » Ces maudits fous, ils nous foncent dedans. »

Peu de temps après, notre voiture avait été emboutie par une autre.  Heureusement aucun blessé.  L’automobile nous avait encore une fois frappé dans le côté.  Était-ce vraiment un accident ?  Un attentat ?  À partir de ce moment, je devins paranoïaque.  Les hasards d’accidents se reproduisaient trop souvent.

J’ai commencé à craindre que l’on s’attaque davantage à mes amis ou à mes parents.  Qui serait le prochain Gaston Gouin que je croyais avoir été tué par la GRC ?  

Les pédophiles

février 25, 2023

Que l’on aime ça ou pas, la pédophilie est moins dangereuse que les vendeurs de drogues, la violence dans les sports ou les fraudeurs de personnes aînées.

Un sourire d’enfer 17

février 25, 2023

Un sourire d’enfer  17

                                     Chapitre 3

 Ennemi no un des libéraux, je devais m’attendre à être sauvagement combattu.
 
J’ai eu « l’honneur » d’être le seul journaliste à devoir produire par écrit, le matin, une liste de toutes les occupations de la journée et de fournir à la fin de la soirée un rapport écrit, encore une fois, de ce que j’avais fait.  J’étais le seul journaliste qui devait produire de tels rapports écrits de son emploi du temps et du genre de nouvelles qui seraient touchées.

Dès qu’on sentait qu’un texte pouvait se transformer en informations politiques, il était mis de côté pour être étudié et souvent rejeté.

Ma tâche consistait à ramasser les nouvelles partout en Estrie.  Le journal me fournissait une auto. On aurait dit qu’on avait peur que mes textes se transforment automatiquement en pamphlet politique. J’étais fanatique, c’est vrai.  Je me prenais un peu pour le «superman» de la région. J’inventais projet de développement par-dessus projet de développement et je trouvais une personne en autorité pour en faire la promotion. 

Ceux qui se croient inférieurs se pensent aussitôt supérieurs dès qu’ils attrapent un peu de pouvoir.  Le mien était dans ma plume.

Ma première réaction fut de contester ce privilège en m’absentant du travail, mais ça ne donnait rien.

J’allongeais, sur la liste, le temps prévu pour les assignations.  Je passais les minutes gagnées dans une taverne ou à courir les urinoirs, à la quête d’une aventure.  Cela ne changeait pas grand-chose, je demeurais malgré ces changements un des journalistes les plus productifs.

Ma conception de l’information était non seulement rentable pour la population, mais aussi pour le journal.  À long terme, La Tribune aurait été gagnante de mieux défendre les intérêts de la population.

J’aurais aimé voir le journal prendre plus au sérieux son rôle social. 

Par conséquent, je trouvais nécessaire d’impliquer les journalistes dans la recherche d’une meilleure couverture des événements, et, grâce à un comité rédactionnel, de mieux faire ressortir les besoins et les solutions préconisées dans la vie du milieu.  La Tribune ne voulait rien savoir.  J’étais à leur avis, selon ce que M. Dubé me dit,  dix ans en avant de mon temps en ce qui a trait à l’information.    C’était peut-être un autre moyen de m’enfler la tête.

Quand je dépassais le mot à mot de ce que les gens déclaraient, on disait que je faisais de l’éditorialisme.  Je n’avais pas le droit de chercher un lien entre les événements.  Tout ce que je faisais, je remettais ce qui était dit dans son contexte, ce qui faisait que certains politiciens se contredisaient dans leurs affirmations. Je n’étais pas capable de vivre sans développer chez-moi et les autres un esprit critique. 

Comme me le disait le président, M. Yvon Dubé, il y a deux versions dans toutes les situations.

J’ai dénoncé cette nouvelle obligation au syndicat. Je voyais dans ces tactiques, une nouvelle méthode pour contrôler le contenu de l’information.  Le président du syndicat a abondé dans le sens des patrons à l’effet que c’était son droit rédactionnel.  Il préférait les avantages d’être dirigeant syndical à se battre pour la liberté de presse.

Au journal, très peu de journalistes m’appuyaient.  Tout le monde, sauf quelques journalistes engagés comme moi, me trouvaient excessif.   J’étais pour eux à la fois fanatique et paranoïaque.  Les rédacteurs sportifs me croyaient tout simplement fou.  Pour eux, j’étais un «trouble maker».


La façon de travailler, la nomination d’un nouveau patron dont la responsabilité première semblait être de m’empêcher de toucher à toutes nouvelles susceptibles de devenir politiques, rendaient évidentes les raisons de ce soudain intérêt des patrons à mon endroit. Il fallait m’écarter de tout ce qui pouvait chatouiller les politiciens.  C’était la guerre ouverte. 
 
Selon ce que l’on m’a dit alors, Robert Bourassa et Jean Marchand exigeaient mon départ.  Cette nouvelle a été plus tard démentie par M. Dubé, qui était alors président du journal.  J’ai été heureux de reparler avec lui bien plus tard, car je comprends que pour des patrons,  je n’étais pas une sinécure.

Selon M. Dubé, ce sont les gens de Sherbrooke qui ne cessaient de se plaindre parce que La Tribune parlait trop du projet d’aéroport international à Drummondville.  Il m’a affirmé que jamais un politicien ne fit pression pour avoir ma tête.  J’étais probablement plus paranoïaque que je le pensais.

Pour faire contrepoids à cette censure, je suis devenu un fidèle de la bouteille.  J’étais devenu une espèce d’alcoolique avec tous les délires que cela suppose.   La frustration apporte des écarts de caractère souvent inimaginables.  Puisque je jouais toujours au terroriste, je faisais verbalement tout sauter dès que j’étais saoul. 

Par contre, j’avais peur qu’il y ait du vrai dès que j’étais à jeun.  Juste avoir une pensée violente était pour moi un cas de conscience, car un bon chrétien ne peut même pas accepter la violence en pensée.   Je buvais pour oublier et ainsi être certain de ne jamais dénoncer qui que ce soit par accident.  Pour moi, un stool, c’est la charogne la plus dégueulasse qui existe. 

J’ai toujours pensé que de boire ainsi est une forme de suicide trop lâche pour se nommer.


C’était totalement fou, car je n’avais rien à voir avec le FLQ.   C’était débile, je l’admets ; mais quand tu te sens combattu de partout, tu ne peux demeurer complètement intact.  Et, je n’ai jamais manqué d’imagination. J’avais aussi peur de me raconter des histoires.

J’avais déjà de tels changements d’humeur et de comportements que certains me croyaient devenu menteur.  Pour un gars, prêt à crever pour la Vérité, c’était quand même effrayant comme problème moral.

Je n’aurais pas voulu, même verbalement préconiser la violence ; mais dès que j’étais saoul, je ne faisais qu’exprimer la révolte que je ressentais face à la pourriture politique que je devais combattre à tous les jours. 

La situation était rendue d’autant plus invivable qu’ayant décidé de faire valoir mon droit à être amourajeux, personne ne pouvait être de mon bord, même pas mes parents.  Je n’étais pas assez imbécile pour ne pas voir la vérité en face et essayer de la comprendre.  Qui avait raison : moi ou le système, la société ?  Je ne pouvais pas être seul à posséder la vérité.

Je ne vivais plus dans le beau nid de l’appartement partagé avec Gaétan Dostie.   Avant, même si rien n’était luxueux, l’atmosphère était très saine.  Tout était axé sur la création et la connaissance du milieu des arts.  Sans qu’il y ait de relations sexuelles entre nous, Gaétan acceptait que je sois amourajeux, car à son avis, j’étais tout simplement demeuré un enfant.  Ce qui me comblait d’orgueil.

Dans ma nouvelle demeure, il n’en était plus de même.  Je vivais dans une chambre où je n’avais même pas défait mes bagages, une espèce de trou que l’on appelait la vie en commune.


Mon amourajoie radicalisait ma perception de la vie.  Je me sentais encore plus rejeté. Plus différent.  J’évoluais entre l’extase et la culpabilité.  La réalité était bien inférieure à l’idéal que je m’étais fixé.  J’avais un surmoi plus grand que la panse.

Cette passion, cette adoration avait depuis longtemps dépassé la fixation des pénis quoiqu’elle y ait pris naissance.  Qu’est-ce qui m’avait si totalement inconsciemment envoûté quand j’étais encore enfant ?   Pourquoi cela est-il devenu une forme d’obsession par la suite? Qu’est-ce qui faisait que j’étais ainsi?  Ça modifiait toute ma vie. 

C’était une approche, une conception globale de l’homme qui en était transformée.  D’où venait ce besoin, cette curiosité ?   C’était plus facile de comprendre ma colère que se savoir d’où venaient mes obsessions sexuelles.  


Un sourire d’enfer 16

février 24, 2023

Un sourire d’enfer  16

Nous avons entendu dire que la Commission sur la Constitution canadienne, présidée par le sénateur Molgat, viendrait siéger à Sherbrooke.  Tous les médias devaient assister à cet événement, créé exprès chez nous pour prouver la bonne entente français-anglais. 

Je me suis aussitôt mis à la rédaction d’un manifeste qu’on appela : Le manifeste du royaume des amorphes. 

Pour donner plus de poids sur le plan provincial à cet écrit, il fut décidé d’avoir recours à un groupe d’étudiants, dont mon ami Jean, pour en faire la distribution, lors de la première d’un film.   Cet exploit ne manqua pas d’éclat.  Le manifeste avait bon ton et se terminait par  » avec ou sans vous, nous vaincrons ».  Les étudiants portaient des foulards aux couleurs des patriotes et, à notre surprise, le matin, la radio parlait d’un communiqué du FLQ.  La chose fut démentie le plus tôt possible.  Cela n’avait rien à voir avec le FLQ.

Au cours d’une assemblée des gars de la construction de la CSN, le manifeste avait été accepté par les travailleurs et il avait été décidé de le remettre aux membres de la Commission Molgat.

Certains dans le groupe espéraient, au contraire, que l’on ne se serve pas de ce document puisque j’en avais fait seul la rédaction quoique les sujets abordés dans le texte venaient de nos ateliers de travail en vue d’une plus grande sensibilisation de ces futurs leaders aux problèmes des Vauxcouleurs.

On voulait aussi faire connaître par cette publication les problèmes de la région à l’extérieur, but qui devait être très bien atteint pour nous donner du poids auprès des gouvernements.  Quant aux moyens de pression, ils furent d’une efficacité indéniable.  J’avais exhorté les travailleurs à ne jamais utiliser la violence sous toutes ses formes. Souvent le système se sert de casseurs pour détourner l’information.  On parle de la casse et non du pourquoi des manifestations.

La non-violence a toujours été une condition préalable à toutes les actions auxquelles j’ai participé. 

Malgré cette demande, certains me pointaient, en me surnommant le Paul Rose de la région.  J’avais une telle admiration pour le FLQ que j’ai vu là un des plus beaux compliments de ma vie.  Puisque je ne suis pas orgueilleux, j’ai accepté volontiers de passer pour un coq.  Plus j’avais peur, je pense, plus je me prenais pour un dur. Je croyais me défendre.

La soirée ne se déroula pas comme prévue.   Au début, les travailleurs ont remis le Manifeste à tous les commissaires.  

Les délibérations ont commencé, et plutôt que de nous respecter, les sénateurs parlaient seulement anglais.  

Sans se consulter, une toux se propagea à la majorité des poitrines.  Ce fut un fouillis général, malgré les appels à la discipline du maire et du député de Sherbrooke.  Cette toux resurgissait aussitôt que les commissaires s’exprimaient en anglais devant une assistance à 98% francophone.  

Dans l’enthousiasme, j’ai décidé de faire connaître aussi mon opinion.  De toute évidence, les commissaires ne voulaient rien savoir.  Ce n’était pas le message que les média devaient passer. 

Quand je me suis présenté, M. Molgat m’a demandé à au moins trois reprises de répéter mon nom sous prétexte qu’il prétendait ne pas comprendre.   Je lui ai alors répondu :  » John Simonez », prononcé à l’anglais.  Ce qui marqua le début de la contestation.

J’ai invité les travailleurs à me suivre à l’extérieur.  J’ai quitté la salle le poing fermé levé comme dans tous les gestes de révolution.  

Le député fédéral de Sherbrooke, M. Paul Gervais, en profita pour demander au journal de manifester de façon concrète sa désapprobation aux propos que j’avais tenus.  « Il vient enfin de faire connaître son vrai visage», de dire le député.

Nous sommes allés à l’extérieur chercher des pancartes en chantant.  Certains ont essayé, en notre absence, d’obtenir des excuses du député, excuses qui ne vinrent jamais. Mes patrons de la Tribune étaient présents.  En aucun moment, il n’y eut de violence. 

  • Le lendemain le journal mentait en faisant croire que le député de Sherbrooke, M. Gervais, avait été menacé.  Il me semble cependant que certains travailleurs avaient dit à  » mes boss » que si j’étais congédié comme le demandait le député Gervais, c’était pour La Tribune, le baril de poudre et le six pouces de mèche. »  

    J’ai été étonné d’autant de solidarité.  Je n’ai donc pas été surpris quand les gars ont décidé d’occuper le journal si le manifeste n’était pas publié intégralement.  Pour eux, la Tribune publierait pour une fois la vérité si le manifeste s’y retrouvait.

    La réplique de l’establishment n’a pas tardé.    

    L’Association des cités et villes a organisé une assemblée spéciale, à Richmond, invitant contrairement à son habitude, tous les médias d’information.

    Les maires de la région ont écouté le maire de Sherbrooke, M. Marc Bureau, récité un texte farfelu et plus qu’idiot, dans lequel celui-ci dénonçait les agissements d’une cellule FLQ-information, travaillant à Sherbrooke et reliée aux terroristes de Montréal.

    Il n’y avait pas de doute, c’était de moi dont il s’agissait.  Moi et qui ?  Quel rapport avais-je avec Montréal ?  Je collaborais avec l’Agence de presse libre (la même qui fut volée par la police fédérale) pour diffuser à l’extérieur les nouvelles que La Tribune refusait de rendre publique.   Je coopérais aussi avec un mouvement qui combattait la construction de l’autoroute est-ouest.  Le but de cette union visait à de faire valoir que les argents devant servir à construire cette autoroute que les Montréalais ne voulaient pas servent plutôt à la construction de la Transquébécoise que tout le monde voulait chez nous.   La Transquébécoise était une autoroute reliant Sherbrooke au Lac St-Jean.

    Autant que je sache, l’Agence de presse libre n’a jamais été reliée au FLQ, mais aux mouvements de la gauche montréalaise et le groupe contre l’autoroute est-ouest était fortement enraciné dans la population anglophone.

    La GRC doubla ses effectifs à Sherbrooke.  Devant les enquêtes qui s’annonçaient , nous n’avions rien à cacher, rien fait d’illégal ou de violent,  aussi avons-nous invité la police à participer à nos délibérations.    Malgré cela, j’ai reçu au journal la visite d’un officier de la Sûreté du Québec qui voulait m’entendre dire que j’avais rédigé le manifeste.  Comme nous l’avions convenu en assemblée, j’ai refusé de répondre à ces questions. Le dire aurait été de l’orgueil mal placé.

    Plus tard, certains me l’ont reproché disant que j’avais ainsi fait rejaillir la responsabilité sur tout le monde et fait que l’enquête se poursuive.  J’avais simplement fait ce qui avait été décidé en réunion.  L’agent est reparti, en claquant sur mon pupitre avec son bâton, et en me criant que l’on n’attendrait pas que je sois un second Charbonneau, un felquiste de la cellule Libération, avant d’agir.  Il ne savait pas que je ne connaissais pas les felquistes, car tout ce que je connaissais du FLQ je le lisais dans les journaux comme tout le monde. 

Certains m’ont alors reproché de jouer la vedette, mais je réagissais comme je le pouvais à une tempête pour laquelle je n’avais pas été formé.

Le responsable du syndicat à la Tribune me fit part du désir des policiers municipaux de Sherbrooke.  Ils voulaient que je sois aussi leur animateur.  J’aurais à leur faire connaître, eux aussi, les problèmes de la région, à l’occasion des négociations pour leur convention collective.  J’ai accepté, même si cela pouvait être un piège à ours, en me disant que si les policiers voyaient comment on se fait « crosser» par nos députés, peut-être seraient-ils favorables aux manifestants dans les luttes futures.


J’étais un journaliste de plus en plus encombrant.  Puisque je n’étais pas violent, il était impossible de me coffrer.  M’accrocher parce que je suis amourajeux était tout aussi improbable : il faut des plaintes. 

Partout, je parlais de ces amours insolites dès que je m’embarquais dans une lutte de manière à ce que personne n’ait de mauvaises surprises.

Tout le monde savait que, sauf les aventures racontées dans ce livre, que mes amours étaient plus souvent platoniques que physiques, tout se passait dans ma tête et dans mes poèmes.  Pour eux, mon amourajoie n’était pas dangereuse et surtout ça « nous » regardait. 

C’est une obsession étrange que d’aimer les adolescents comme dans la Grèce antique.  Elle correspond à une vision, une façon de sentir le monde.  Quand j’ai appris la culture de la Grèce antique chez les Jésuites, je me suis rendu compte que je me suis trompé de siècle et de pays. Je dois être une réincarnation d’une âme de cette époque. Qu’est-ce qui fait que tu sois amourajeux ?  Ce n’est pas un choix.

Le carcan se fit de plus en plus lourd à la Tribune.  On avait décidé de toute évidence de me mettre à la porte.  De me faire taire par tous les moyens, comme si l’on ne comprenait pas que plus on essayait de m’étouffer, plus je me débattais.

Un sourire d’enfer 15

février 23, 2023

Un sourire d’enfer  15

                                              8

Je n’avais pas encore lu W. Reich qui prouve que la répression sexuelle des jeunes vise dans notre système à créer une situation permanente de culpabilisation n’ayant d’autre but qu’améliorer les performances de la production pour recouvrer l’absolution sociale. 

Tout ce que je pouvais expliquer, c’était le comportement des jeunes garçons avec qui j’avais eu une expérience amoureuse.

Tout le monde était étonné d’apprendre que ça se passait en dehors de la sodomie, sans violence ou domination de ma part.  Plus souvent qu’on le croyait, le jeune était tout aussi intéressé, sinon plus que moi, à cause d’une curiosité qui n’a pas encore été satisfaite. 

Les jeunes devenaient mes amis, même s’il ne s’agissait que d’aventures passagères et encore plus surprenant, les gars qui étaient hétérosexuels mettaient eux-mêmes fin à la relation génitale, tout en demeurant mes amis.  Les émotions jouent un rôle primordial dans une relation amourajeuse.

Loin d’être négatifs, mes rapports avec eux permettaient souvent qu’ils prennent encore plus confiance en eux.  Ils repartaient le sourire aux lèvres et ils manifestaient beaucoup de plaisir de me revoir.  Pourquoi en aurait-il été autrement ? 

Le sexe physique est un plaisir à découvrir.  Une expression d’amitié sicère, s’il est accompagné de sentiments. 

Évidemment, toutes ses activités se déroulaient à travers le jeu et le plaisir.  La question qui revenait toujours, dans la tête de ceux qui me jugeaient , était la domination. 

On admettait difficilement qu’un jeune puisse se sentir vraiment égal à un adulte.  Peu de personnes ont eu la chance d’expérimenter la liberté dans le cadre d’une morale ouverte.

Contrairement, à ce que la vie m’apprenait, on croyait qu’une relation durable avec un jeune n’avait pour but que d’obtenir une confiance inébranlable pour pouvoir en abuser par la suite.  On oubliait que l’amourajeux tombe littéralement en amour avec le jeune qui lui plaît.  La relation est souvent plus émotive que génitale ; quoique l’une n’empêche pas l’autre.

On dirait que les gens refusent la réalité, simplement parce qu’ils ont toujours entendu dire que le jeune est une victime comme s’il ne pouvait pas jouir de la situation.  La relation intergénérationnelle est une réalité depuis le début de la vie; car, le garçon apprend à être un homme à travers l’homme plus âgé.

Comment peut-on continuer de baser son agir en hypocrite quand on sait que ce que l’on nous a appris est parfaitement faux.  C’était pourtant ce qui arrive dans notre société.  Je savais, par expérience, que les jeunes en ressortaient plus heureux. Ceux qui parlent d’un profond traumatisme doivent avoir beaucoup d’imagination et très peu de connaissance de l’adolescent pour se le faire croire.

La vérité n’est-elle pas plus importante que le mensonge, même si ce qu’on enseignait a pour but de contrôler les émotions de tous les individus ?  Pour maintenir le pouvoir moral, il faut mentir et laver les cerveaux dès l’enfance.


Je connaissais aussi la névrose que l’on alimente en s’interdisant ces plaisirs, somme toute insignifiants, quand ils ne donnent pas naissance à nouvel être ou qu’ils se déroulent en dehors de toute forme de violence et de domination. L’amour est d’abord un partage.

Cette morale unidimensionnelle de notre société est fortement implantée dès la naissance chez tous.  Dès que tu en dévies,  tu es écrasé par une honte terrible.  T’es un cochon, un monstre, un pervers.  Mais, dans le fond, tu n’y peux rien, c’est strictement ta «petite nature», une réalité que tu n’as même pas choisie et qui, sans violence, ne procure que du plaisir et du bien.
 
Pire,  tu vis constamment dans la peur des langues sales qui sont prêtes à te faire exécuter au nom de leur dieu d’amour.  Comment ne pas être fasciné par la beauté d’un enfant ?  Comment ne pas être paranoïaque en sachant que chaque moment de ta vie pourrait être le dernier en liberté ?  Comment accepter des règles de la société quand tu sais que le point de départ est faux, basé sur une ignorance crasse de la réalité humaine ?

Comment peux-tu croire que tu peux nuire à ton amant quand tu sais que cet interdit est ridicule et contre-nature ?   Il y a bien des niveaux et beaucoup de formes en amitié comme en amour. La peur de la sexualité à l’adolescence repose sur le fait que la jeune fille peut être enceinte ; mais dans le cas d’une liaison gaie, ce problème n’existe plus. Sans entacher l’égalité homme –femme, il faut savoir reconnaître l’existence des différences.

Personne n’est pareil.  La répression sexuelle est une mode, une façon de vivre qu’on t’imprime dans la tête dès la plus tendre enfance. Cette règle est non seulement payante pour la mode ; mais pour les religions, les psychiatres, les avocats et les juges. 

Il y a évidemment des détraqués dangereux dont la société doit protéger les personnes vulnérables,  c’est évident, mais les règles ne font aucune nuance entre ce qui est violent et ce qui ne l’est pas. Ce qui est viol ou un plaisir partagé.   On agit comme si le plaisir sexuel était le mal en soi. 

C’est d’ailleurs pourquoi ce sont les parents, qui décident de ce qui est bien ou mal, plutôt que les individus concernés. Comment peut-on ainsi créer une conscience personnelle ? Comment peut-on vire des expériences qui forment notre propre jugement ?

C’est le racket de la protection des jeunes dans sa totalité.  L’interdit repose sur la sacralisation d’une partie du corps,  celle qui transmet la vie et qui est donc difficile à comprendre et à expliquer


Le meilleur moyen pour les religions de tout contrôler face à une telle ignorance, c’est de tout interdire en dehors de la procréation, s’assurer qu’il ne peut pas y avoir d’amour en dehors des règles établies.  

Le rôle des religions est pourtant de donner un sens à la vie, à l’expliquer, ce qui est impossible quand tu ne connais pas encore l’existence des spermatozoïdes ainsi que le fonctionnement de l’homme et de la femme.  Tout ce qu’on savait  quand on a édicté les règles sexuelles est que si on faisait l’amour on pouvait avoir un enfant et, dans la Grèce antique,  l’homme devait abandonner une partie de son cerveau.  Pauvre homme ! 

Plusieurs sociétés ont créé des rites différents à partir de leur expérience de la vie.  Les règles sexuelles sont donc des ententes sociales. Une interprétation de la nature. Une manière de conjurer ses peurs.

Avec les religieux, ce fut encore pire : on prétendit que le sexe nous éloignait de Dieu parce que c’était la seule force intérieure assez forte pour être quasi incontrôlable, capable de faire face aux interdits, capable de devenir plus importante que dieu lui-même.  Sans contrôler la sexualité, l’homme était encore pire que la bête.

L’homme est un animal qui a dû apprendre qu’il ne domine pas un troupeau de femmes et d’enfants comme certains autres animaux.  Il a dû apprendre à contrôler son rut. . 

Avec le temps pour arriver à se contrôler, les interdits prirent des proportions maladives, grâce à la confession et après grâce à la bourgeoisie.  La peur a aussi empiré dans les cas d’épidémie. Les autres devenaient un danger.

En fait, le contrôle émotif humain n’a pas évolué, contrairement à son côté intellectuel.

La Grèce antique était plus intelligente dans son ignorance.   Elle avait compris qu’un jeune ne pouvait pas procréer, d’où il n’y avait  pas de danger de faire l’amour avec lui.  Elle respectait aussi le besoin d’apprendre par imitation qui existe chez les jeunes.  L’adulte était un modèle de vie pour son jeune amant.  Sur certains plans, cette explication n’était pas tellement plus intelligente, car, on croyait que les veines du garçon étaient trop petites pour permettre le passage du sperme.  Tomber en amour, être aimé par homme de rang, permettait cependant au jeune de se hisser dans la hiérarchie, grâce à l’enseignement de son aimé.  La pédérastie jouait un rôle de politique et d’éducation.

Comment mieux connaître la pédérastie, sinon en la vivant et en acceptant d’en parler.  

J’intuitionnais le rôle économique de la sexualité ainsi que sa valeur politique.  Il suffit de vivre la sexualité en dehors des normes fixées pour ne pas pouvoir être candidat en politique, surtout aux Etats-Unis, par exemple.  C’est plus important d’être « politically correct « que d’être intelligent.  


La sexualité est devenue une obsession planétaire à cause des religions et leur fausse interprétation du phénomène sexuel. L’Islam a une approche totalement maladive en croyant que la fidélité féminine est plus importante que la vie.

Je n’étais pas qu’un amourajeux, mais un fiévreux défenseur des intérêts de la population comme journaliste engagé.  C’était plus important pour moi qu’il y ait moins de chômage que ma propre augmentation de salaire.  Mon engagement, c’était ma façon de dire que j’aimais les fils de la patrie. C’était, comme le dit Reich, un moyen de me déculpabiliser.

Les Vauxcouleurs, c’était un jeune, tout comme le Québec.  Un peuple enfant.  Les parents fédérastes étaient oppressifs d’où voulais-je aider à mettre fin à cette oppression.   

Pour les libéraux, j’étais le felquiste à détruire, le grand responsable de toutes les contestations dans la région.  Le bouc émissaire parfait.

Pour se débarrasser de mes pressions, les libéraux agissaient à deux niveaux : me faire connaître sous une image beaucoup plus radicale que la réalité et gruger mon appui auprès de ceux qui les contestaient, en semant le doute quant à mes allégations réelles.  Il restait mon talon d’Achille pour me forcer à me taire : l’amourajoie.  Amourajeux, personne ne peut t’aimer sans passer pour un pareil. Tu es ostracisé. T’es le parfait « reject».

J’étais convaincu que le système finirait un jour par m’attaquer en se servant de cette réalité.  La première tentative est survenue quand j’étais animateur chez les gars de la construction.  C’est du moins ainsi que je le vis.

                                                    9
      
Je me rendais quelque part sur la rue King, à Sherbrooke, quand j’ai aperçu deux magnifiques garçons au terminus.  L’un était un peu plus vieux que l’autre, mais ils étaient tous les deux jeunes et beaux.

J’ai poursuivi mon chemin afin de compléter ma commission, car, ce soir-là, j’attendais des amis de Montréal.  À mon retour, il n’y avait plus de jeunes.  Je me suis rendu aux toilettes et je les ai aperçus, en revenant au haut des escaliers, près des appareils téléphoniques.  Je me suis installé à côté d’eux et j’ai simulé une conversation téléphonique afin de pouvoir les observer.  Les jeunes en ont profité pour se rapprocher dès que j’eus accroché le téléphone.   Ils m’ont affirmé venir tous les deux de Montréal voir un ami.   Ça me semblait assez invraisemblable,  car jamais je n’aurais autorisé mon fils à se promener aussi loin sans être présent.    

L’amourajoie est bien plus responsable qu’on veut bien le faire croire.  La préoccupation du bien-être de l’amant est une obsession.   Un amourajeux ne veut pas que son amant souffre ou vive quelque chose qui risque de compromettre son bien-être.

Ça ressemblait plus à une fugue.

Les jeunes étaient trempés jusqu’aux os et ne savaient pas où aller pour se réchauffer.

Je les ai invités chez moi.  Ils m’ont suivi avec joie.  J’étais déjà au paradis.

À la maison, j’ai fait couler un bain pour le plus vieux qui semblait plus transis et qui prétendait avoir mal aux pieds.  Je l’ai invité à s’y laver et se réchauffer les pieds.  Je l’ai aidé à enlever ses chaussures.  Je lui ai baigné les pieds et  les lui ai frictionnés.  Il sourit.  Une invitation ?  Je ne peux pas résister.  Ma main saute un peu plus haut.  J’y découvre une cuisse ferme.  Le cœur me palpite au-dessus de la vitesse de la lumière.  Son sourire est encore plus angélique.   J’ose.  Le feu de son regard élimine tous les doutes quant à son approbation.   Je veux m’arrêter, mais il me presse de continuer affirmant que cela lui fait grand bien. 

Je l’aide à sortir du bain, je le déshabille, mais j’arrête quand il affirme que son copain ne connaît rien à ces jeux alors que lui, au contraire, est un expert des rues de Montréal.  

Plus tard, dans la nuit, neuf visiteurs nous arrivent effrayés puisqu’ils ont été chassés par la police alors qu’ils avaient des drogues en leur possession.  C’est le scandale.  La panique.  

En plus de leur peur précédente, je leur ajoute celle de me retrouver couché avec des jeunes. 

Je m’installe seul avec les jeunes dans la chambre près de la cuisine alors qu’eux couchent dans une autre chambre.  

Le lendemain, je vais travailler à reculons.  Je n’ai pas dormi de la nuit.  Je vais faire une commission. J’embrasse le plus vieux au départ et au retour à la maison.  Le bonheur ne peut pas être plus complet. Je décide d’aller prendre une bière avec mes visiteurs et de laisser les jeunes à la maison.  Je les retrouverai dans une heure ou deux.

À mon retour, plus de jeunes et plus d’argent.  Ils ont vidé tous les tiroirs et pris tout ce qui les intéressait.  Quelle folie !  S’ils m’avaient attendu, ils auraient été encore plus gâtés.  Les amourajeux sont forts sur les cadeaux comme l’étaient les pédérastes du temps de Platon.  Je leur aurais sûrement tout au moins payé les billets pour retourner à Montréal. 


On m’a raconté que le lendemain les jeunes avaient été surpris dans une auto patrouille.  On disait que Mario était de Sherbrooke, qu’il était le fils d’un policier. La peur n’arriva pas à me faire oublier cette première nuit de plaisirs.  J’avais peur, mais les jeunes m’avaient volé avant de partir ce qui me protégeait d’une certaine façon.

Je fume un joint avec mes compagnons durant ma promenade, ceux que je croyais des felquistes me réprimandent.  Ils me reprochent mes extravagances dangereuses.  Je ne trouve rien d’autre à dire pour me défendre : « je ne suis pas un oiseau qu’on garde en cage. »

Le lundi ou le mardi, je reçois au journal un appel des jeunes : « As-tu eu beaucoup de plaisir dans la nuit de samedi ? »

C’est de toute évidence, une tentative de chantage.  Juste au moment où il ne faut surtout pas que je me fasse arrêter à cause de mon travail d’animateur avec les gars de la construction qui entreprennent une lutte contre une diminution de salaires.

Je fixe rendez-vous en en demandant qu’on me donne du même coup les 20$ volés.  Je n’entends plus parler de rien. 

J’ai aimé Mario à la folie.  S’il a servi à me tendre un piège tant pis. Il était quand même adorable.  J’espère seulement que cette expérience lui a donné confiance en lui et l’a rendu heureux.  C’était un ange dans mon lit, d’une beauté plus que fascinante. Un visage avec un sourire dans la peau quand il dormait.  Je lui aurais donné le monde entier pour l’avoir plus longtemps.  Cependant, je n’aurais jamais accepté de me prostituer dans mon travail pour continuer à avoir des rapports sexuels que ce soit avec lui ou avec tout autre d’ailleurs. 

La vie est ainsi faite.  Je ne l’ai jamais revu.  Il a tellement hanté mes désirs que j’ai écrit une nouvelle à sa mémoire MARIO. 

C’est peut-être mon texte le plus monotone, mais c’est celui qui définit le mieux ce que je ressens face à la révolution culturelle.  Un concerto de Schubert en paroles.

J’ai poursuivi mon travail à la CSN, oubliant cet incident.

Les histoires selon lesquelles la police essaie d’obtenir des informations en t’amenant dans un bois pour jouer à la roulette russe sur le crâne avec leur revolver ou la raclée sans qu’il y reste de marques auraient dû suffire à me forcer à démissionner.  J’ai tenu bon. 

J’étais amourajeux et je l’assumais.  J’avoue que c’était encore une façon bien animale de vivre mon amourajoie.  J’apprenais sur le tas.  Les questions venaient au fur et à mesure.  C’est ainsi que s’est développé ma perception et ma conception d’une morale acceptable pour un amourajeux.

J’ai depuis beaucoup écrit sur la liberté sexuelle, en insistant sur l’existence absolue du consentement mutuel et du respect de l’autre. La beauté des plaisirs sexuels ne peut pas exister sans ça. Il faut apprendre qu’un oui, c’est un oui ; un non, c’est un non, et qu’il n’y a rien d’autre. Il faut apprendre à manifester clairement son approbation ou sa désapprobation, car sinon la vie sera une suite paranoïaque de peur que la vérité éclate.

Pour éviter une telle vie d’enfer, il faut que les écoles aient le courage d’aborder sans scrupule, la vie sexuelle ainsi que les comportements  appropriés dans ses relations avec les autres.

Un sourire d’enfer 14

février 22, 2023

Un sourire d’enfer 14

Grâce à Gaétan Dostie, j’ai fait connaissance avec une foule d’écrivains québécois qui me fascinaient toujours plus les uns que les autres.  Je me sentais bien inférieur, mais j’espérais qu’un jour ma plume soit aussi riche. 

J’attachais beaucoup d’importance à ce que j’écrivais puisque je voulais m’en servir, si un jour je devenais assez populaire, pour indiquer aux jeunes que le talent est quelque chose qui se cultive.  Il ne faut pas espérer dès le premier vers être plus grand que Rimbaud.  Les génies sont extrêmement rares.  

Sur un plan régional, j’étais déjà devenu un poète écouté et attendu, ce qui était déjà beaucoup.


Un soir, à Sherbrooke, alors que je n’y croyais plus, ma poésie triompha. 

Après avoir chanté dans mes poèmes mes amours avec Coco, je vis en descendant de scène un jeune, assis seul, qui semblait me sourire.  J’ai été immédiatement saisi par sa beauté, l’élément fondamental de l’amourajoie, comme au temps de la Grèce antique. Sa raison d’exister. L’amourajoie  est semblable à l’extase et le besoin de toucher, comme ce que l’on ressent devant une œuvre d’art.

Évidemment, plusieurs se scandalisent quand on raconte ainsi comment un jeune peut traduire dans son corps un appel que même bien des adultes ont oublié.  Ce n’est pourtant que la stricte vérité.  C’est facile à comprendre : tous les jeunes ne meurent de peur en entendant le mot péché.  Ils aiment aussi le plaisir.

Dans notre société, le sexe est devenu quelque chose d’effroyablement important parce qu’on essaie de l’interdire aux jeunes qui le découvrent.  On ne voulait même pas en parler.  On fait abstraction totale de notre propre expérience pour mieux se faire croire qu’être innocent, c’est être chaste.

Je n’ai jamais été et je ne serai jamais seul à ne pas comprendre une telle folie de la part de la société.  Probablement, parce qu’on est trop borné pour constater qu’il n’y a pas que la procréation dans la sexualité. Pourquoi un pénis est-il plus important qu’un autre organe de notre corps, sinon parce qu’on est ignorant et qu’on s’est fait laver le cerveau.

J’étais moins scrupuleux, plus heureux.  Je voulais vivre mon amourajoie et la défendre, même si je savais que presque tout le monde est contre de telles relations sexuelles parce qu’on s’imagine que l’autre est profané comme s’il ne vivait pas sa propre sexualité, à son propre rythme. Une réalité qui a été fortement démontrée par la science.
 
En fait, cet interdit donne le droit aux adultes de contrôler la vie sexuelle des jeunes. On a peur que si un jeune a une relation gaie, il le deviendra automatiquement.  Pourtant, mon expérience me prouve que c’est absolument faux.   

La religion a créé cette répression et l’interdiction aux jeunes de disposer de leur corps ; mais cette surprotection maladive est née, selon Foucault,  avec la bourgeoisie et est l’œuvre de la médecine.
 
Cette nouvelle façon d’affirmer mon droit de partager avec ceux qui le désirent les joies sexuelles n’était pas sans me créer différents problèmes.  Ceux qui ne me connaissaient pas pouvaient facilement me prendre pour un maniaque.  Par contre, dans mon entourage, on se montrait tolérant envers moi parce qu’on reconnaissait que je cultivais un tel culte, une telle vénération pour la jeunesse  qu’il m’était impossible de mettre qui que ce soit en danger. Cependant, je ne me sentais pas totalement accepté comme j’étais.  Étais-je paranoïaque ? Sûrement !

Politiquement, certains m’admiraient ; mais cela tournait toujours contre moi, dès qu’on apprenait que je suis amourajeux, comme si mon orientation sexuelle avait strictement rapport avec mon goût pour un Québec indépendant. C’est vrai que j’ai toujours pensé que le Québec est plus tolérant que les autres pays d’Amérique du Nord , protestants, et qu’il serait peut-être  ainsi plus facile d’essayer de faire comprendre mon point de vue à la majorité.

D’autres mettaient en doute ma loyauté envers mon engagement, du fait que je n’étais pas sans cesse achalé par la police.  Une nouvelle peur s’installa : qu’est-ce qu’on pense de moi ?

J’allais voir Coco persuadé que certains étaient assez fous pour croire qu’il s’agissait là d’un moyen employé par le système pour me récompenser ou essayer de me posséder.  J’en suis venu à croire que j’y jouais une fois de plus ma vie.  Braver la mort en valait la chandelle.  Mes amours n’en étaient que plus sublimes ;  mais probablement moins équilibrés parce qu’ils prenaient une dimension qui n’existe pas dans la réalité.  Ma vie politique se mariait très mal avec ma vie sexuelle délinquante.   ¨


Pourtant, c’est humiliant en maudit de risquer — vraiment ou en imagination– sa vie pour une population qui pouvait du jour au lendemain te « lyncher » parce que tu n’acceptes pas toutes ses règles.  Comment les assurer que tu ne te fais pas acheter par la police ?   Je n’étais quand même pas pour courir après les policiers pour leur demander de me tapocher, juste pour éliminer tous les soupçons. Je savais qu’un jour ou l’autre, ça arriverait et que dès lors mourront d’eux-mêmes tous les soupçons.  Je ne pouvais rien d’autre.

Je travaillais de toutes mes forces pour les Vauxcouleurs, en songeant que je le faisais indirectement pour l’avenir des jeunes.  L’interdit rend toujours un peu fou.

Mon amour était cosmique : la nature était plus belle que jamais.  J’étais un peu moins frustré et jamais la guerre ne me répugnait autant,  car je songeais aux enfants qui y sont tués.  J’étais devenu grâce à ma liberté, un adorateur de la Vie.

J’ai entrepris, en me sentant aussi bon que les autres malgré mon amourajoie, luttes sur luttes pour le bien-être de l’Estrie, les Vauxcouleurs…

Je m’engageais surtout dans ce qui me semblait une question de justice.   Journaliste, j’avais un pouvoir réel. Je pouvais facilement entrer en communication avec ceux qui nous représentent.  On oublie trop facilement qu’ils sont élus pour nous servir.

J’étais bien conscient que pour une bonne partie des humains,  je n’étais qu’une charogne dès qu’on découvrait ma tendance à la liberté sexuelle.  Être amourajeux , pour la majorité des gens, c’est pire que tuer… c’est stupide, mais c’est ainsi. 

Je considérais qu’il était important de dire que je suis amourajeux , ne serait-ce que pour être honnête avec les gens qui m’entourent, mais en parler, c’est t’assurer d’être crucifié.   Qu’est-ce que tu fais dans ce temps-là ?

Je suis persuadé que la plus grande sécurité pour les jeunes serait que l’on puisse en parler ouvertement, de manière à ce que le sujet puisse être abordé sans devenir fou.  Ainsi, le jeune serait aussi libre de se confier sans gêne et sans peur à ses parents ou un prof ami, s’il en a besoin. On essaie de nous faire croire qu’on est libre, mais qu’on a seulement le droit de dire non.

Pour moi, la cause des Vauxcouleurs, c’était la même que celle de mes amours, de ma sincérité, de mon honnêteté.  Dans un cas comme dans l’autre, j’étais décidé à crever, s’il le fallait, pour aider la région à se sortir de sa situation financière difficile.

Ainsi,  durant quatre ans, sans pouvoir le contrôler, à plusieurs reprises, j’ai revécu ces pénibles moments au cours desquels j’avais la certitude de me faire tuer.  Était-ce l’effet des deux accidents qui devinrent une raison de croire que c’était possible d’être tué par le système, sans compter que de nombreuses personnes étaient tuées ailleurs pour des raisons politiques ou sexuelles comme cela s’est produit en Italie, par exemple.  La droite religieuse s’imagine faire ainsi l’œuvre de Dieu en tuant ceux qui ne partageant pas leurs croyances… J’étais fier de moi.  Je bravais la mort par amour.

Si mon amourajoie permettait sans traumatisme quelques petites expériences génitales ; par ci par là, elle me portait à croire dans un très haut degré de sacralisation de l’enfant, de ses droits et de ses besoins.   Aucune peur ne pouvait m’empêcher d’agir comme il me semblait bon de le faire.  Mes amours, c’était ma révolution : le besoin de rendre la vie plus humaine, plus tolérante, plus fascinante.

Mon fan club augmentait.  Quand on me parlait de révolution, on discutait aussi d’amourajoie.  Si je n’ai pas dû révolutionnairement justifier mes amours presque tous les soirs, je n’en ai jamais parlé.  C’était un autre poids à porter. Plusieurs essayaient  de semer le doute en moi parce que je suis différent.

Un sourire d’enfer 13

février 21, 2023

Un sourire d’enfer  13

J’ai essayé de faire retomber sur moi tous les soupçons, en croyant qu’on ne toucherait pas à un journaliste, mais en réalité, je faisais dans mes culottes.

Malgré mes efforts, j’étais tout au plus un allumeur de conscience comme tout bon journaliste.  Mais, je prenais mon rôle très au sérieux.  J’en étais même prisonnier. Plus j’allais, plus j’étais fanatique. Mais, cela était dû surtout au contexte : la guerre entre les séparatistes québécois et le gouvernement fédéral.

J’ai inconsciemment modifié mon langage et développé l’image du vrai terroriste. De fait, je croyais totalement l’un des leurs.  J’étais fier de me considérer felquiste d’âme, même si cela n’avait de réalité que dans ma tête et peut-être dans celle de la police qui me talonnait de plus en plus. Plus j’étais fier de moi, plus j’étais paranoïaque.

Je me suis tellement pris pour un révolutionnaire, que j’en suis venu à prendre tout le monde pour des policiers.  Je n’avais pas l’étoffe d’un terroriste.  Cela devait déprendre de la sorte de pot que je consommais. Une chose est certaine, la musique rendait les voyages très agréables.

Je vivais un vrai calvaire intérieur.  Je prenais conscience que j’étais très insécurisé, fruit de la chicane permanente entre mon éducation et la vraie vie.  Mes valeurs et celles de la société. 

Ça ne paraissait pas, car, j’étais tout autant brave que paranoïaque quand il s’agissait de défendre les intérêts de la région. 

Je croyais dans ma mission.  Je voulais aider aux pauvres de la région à se sortir de la misère.  J’étais prêt à mourir pour améliorer la situation des miens. 


J’étais heureux seulement quand je me sentais en amour.

Ce problème de conscience venait peut-être du fait que durant toute mon enfance, je voulais devenir un saint.   L’amour est le centre de l’enseignement chrétien, le summum de cette religion, et non, l’interdit sexuel, le péché.   

Il y a dans la pédérastie l’amourajoie, une complicité intergénérationnelle qui vaut toutes les éternités de contemplation religieuse.  Être en amour avec l’amour, nous permet de vivre comme sur un nuage, avec l’impression d’être branché directement à Dieu.

Si tout allait mal dans la région, heureusement, mon amourajoie permettait de rétablir l’équilibre.  Mes aventures amoureuses me permettaient de trouver la vie extraordinaire.  Elles me projetaient à l’extérieur de la douleur intérieure et devenait un chemin à suivre pour continuer le combat.  

Un soir près d’une auto accidentée, près de chez moi, un jeune garçon examinait les dommages.  Sa beauté était très grande.  Je l’ai invité chez moi, malgré les dangers. Il s’appelait Gaétan. Il avait 16 ans.

Il prit une bière en me racontant comment il se protégeait des fifis avec l’arme qu’il dissimulait dans sa poche.  Sa beauté m’attirait trop pour ne rien risquer.  Je m’avançai, je le complimentai sur sa beauté et sa jeunesse, et lentement, mais sûrement, j’étendis les doigts sur son pantalon. 

On a pu les garçons de 16 ans qu’on avait.  Non seulement ils sont plus émancipés qu’on l’était, mais ils sont aussi plus développés.  On pourra jamais me faire croire que ça ressemble à de la pédophilie, car non seulement chacun est consentant, mais chacun en jouit.  Il savait ce qu’il voulait et il avait les instruments pour tracer son chemin.

Fort de cet exploit, la chasse fut ouverte avec frénésie.  Chez les amourajeux  comme chez les gais, la chasse ou la cruise est un instant privilégié.   L’excitation de l’incertitude titille autant que le partage concrétisé.   Celui qui te vire le plus l’âme à l’envers.  Le moment, la seconde du « oui mutuel » ou du dur « rejet humiliant ».

L’amourajoie ne m’apparaissait pas comme un défaut. 


Ces jeunes aimaient ces expériences sexuelles et j’aurais été un imbécile de m’en priver, sous prétexte que la majorité n’y comprend rien et l’interdit par ignorance. 

Ces nouvelles aventures et mes poèmes m’ont amené à discuter ouvertement de mon amourajoie. Je ne craignais plus de dire à un petit  » t’es si beau que je te voudrais ».  Dans les Vauxcouleurs conservateurs, c’était plus qu’osé ; mais j’étais heureux de ne plus toujours devoir vivre en hypocrite.  

J’étais convaincu que légalement, ces aventures ne pouvaient pas attirer d’ennui à personne d’autre que moi.  Je m’en étais informé auprès d’avocats qui me l’avaient confirmé.  Ainsi, j’étais certain que jamais on ne pourrait se servir de mes relations amoureuses pour attaquer mes amis.

Dans ma famille, à cette époque, peu était au courant.  Mon père rejetait complètement mes amours et ma mère me dit parfois qu’elle préférerait me voir mort et sauvé que vivant et amourajeux.  Ce n’était pas par méchanceté, c’est ce que l’Église nous apprenait.  C’était le genre d’intolérance que la charité chrétienne prônait à cœur de jour.  Une ineptie du genre : tu dois détester le péché et non le pécheur qui se mélangeait dans la tête des bons catholiques.

Ces principes religieux sont devenus des formes de discrimination de la part de la majorité qui croyait détenir seule la vérité.  C’était normal pour eux le sexe, c’était le péché des péchés. La Cadillac pour se rendre en enfer. Le contraire de ce que nous propose la religion si on y réfléchit.


Parce que j’étais encore un bon petit catholique, les remords de conscience faisaient rapidement surface ; mais mes expériences m’avaient profondément éloigné de la religion catholique.  J’ai toujours eu un petit problème avec l’autorité.

Je doutais de plus en plus de la pertinence de m’interdire de partager une expérience sexuelle avec un autre garçon s’il en manifestait le désir.  Je ne voyais réellement pas en quoi ces plaisirs pouvaient être dangereux ou néfastes pour eux.  Il n’y a rien de souffrant à se faire toucher la queue, même si on nous a appris que c’est pire que la bombe d’Hiroshima.

Pour une fille, ça pouvait être différent, car elles croient plus facilement que tout ce tout ce qui est sexe est mal, honte ou sévices.  Les conséquences sont aussi différentes.  Et, les filles n’ont pas la même émotivité que nous.

Pour moi, la seule chose qui comptait, c’était la vérité.  Pourquoi nous mentait-on sur tout ce qui touche la sexualité ?  Pourquoi en avoir honte ? La sexualité est humaine, personne n’y échappe.

La prison m’avait appris que le christianisme est profondément hypocrite, car il confond ses racines avec la Bible, qui elle repose sur la punition, la condamnation du sexe et l’Évangile.  L’Évangile, au contraire, repose sur la tolérance et l’amour du prochain.  Plus je méditais, plus je percevais la différence entre Dieu et Jésus.  Plus je m’approchais de Jésus, plus je trouvais le Dieu de la Bible fanatique et pervers, car il ne pensait qu’à punir et faire la guerre.  Ce fut d’ailleurs un des points que j’ai développé dans l’Homo-vicièr. 

Les chrétiens ont choisi le chemin de la lutte contre leur nature profonde et leur sexualité.  Ils oublient que dans les Évangiles en aucun moment Jésus ne considère le sexe comme quelque chose de mal.  Il dit même à Marie-Madeleine qu’elle est pardonnée parce qu’elle a su aimer. Jésus condamnait aussi ceux qui jugeaient leurs voisins.  L’amour était le centre de son message et non d’interdire le sexe.  Pour lui, l’amour à l’intérieur du péché éliminait le mal.

 
Le rôle du plaisir dans ses rapports était évident, autant pour lui que pour moi, mais je savais aussi que cela ne pouvait pas durer, tourner en grand amour, ce que je cherchais.  La très grande majorité du temps, je partageais ce plaisir avec des gens que je revoyais que très rarement ou pas du tout.  Le plaisir pour le plaisir. Le plaisir espacé d’une éternité entre chaque aventure.  Mais, ça nourrissait ma mémoire et le désir de recommencer.  Je trouvais plus normal de rechercher le plaisir que le sacrifice.
 
Pour moi, l’amourajoie était la porte d’entrée de l’amour.  Il y avait déjà une différence entre mettre la main sur le pénis par curiosité, par hommage à la beauté, et vivre à ses côtés et l’aimer. 

Bizarrement, le sexe prend moins de place dans les relations quand elles se prolongent.  La tendresse, la complicité, le partage du bonheur, le plaisir d’être ensemble prennent tout l’espace.  Les joies ne se meublent pas seulement par une aventure sexuelle momentanée, mais exige sa répétition à travers l’amitié naissante.

Je commençais à faire de sérieuses différences entre le message du Christ et le fanatisme chrétien des mangeuses de balustrades qui se centrait sur l’unique interdit du sexe.  Une vraie maladie. 

C’était tellement fou qu’on ne pouvait même pas se questionner sur sa propre sexualité sans passer pour un cochon.


Par contre, tu ne peux pas vivre le contraire de ce que tu es, seulement parce qu’une société est assez bornée pour condamner toutes formes de relations sexuelles en dehors du mariage.

Cette année fut assez heureuse.  J’étais politiquement devenu fanatique, mais il me semblait que la police ne s’intéressait plus à nous.  Petit à petit, les choses revenaient au naturel et la poésie reprenait le dessus.


Un sourire d’enfer 12

février 20, 2023

Un sourire d’enfer 12


 
                                             6

 Un soir, nous nous rendions à l’hôpital, moi, Réginald Dupuis et Gaétan Dostie, donner du sang.  Un appel venait d’être lancé à la radio et notre sang correspondait à ce qui était demandé.

J’avais la tête appuyée sur le bord du camion, à l’intérieur, derrière le chauffeur.  Tout à coup, Gaétan cria :  » mais ces fous-là vont nous rentrer dedans. « 

Je me suis relevé.  J’entendis un grand bruit.  Je vis le champ de vision devant moi tournoyer, puis, les outils me flotter de chaque bord de la tête.  Ce fut un beau spectacle.  Je ne sais pas si j’ai perdu conscience, mais quand je suis sorti, j’ai senti une immense « prune » au front. 

Des gens demandaient que l’on fasse venir une ambulance, alors que Gaétan s’intéressait à ce qui m’était arrivé.  Je trouvais que le temps était très long.   Plutôt que d’attendre, je suis parti à pied pour l’hôpital qui n’était plus tellement  loin.

À mon arrivée, je me suis senti crever.  J’ai affreusement eu peur, puis, en songeant au fait que Dieu ne peut pas être contre l’amourajoie, la sérénité m’a envahi.  Il n’y avait plus que la lumière, et petit à petit, les infirmières s’agitèrent autour de moi. 

Bizarre, mais c’est par cette situation que je venais de comprendre un message: Dieu existe.  Je mourrais comme dans  le rêve que j’avais fait quelques jours auparavant.  Ma montre, un cadeau de Mme Gosselin et de Réjean s’était avancé et arrêté net à l’heure et à la date où Mme Gosselin fut ensevelie.  Je savais que Mme Gosselin venait de mourir à Québec.  Et, comme elle me l’avait promis, elle venait me donner la réponse qu’elle avait juré m’apporter à sa mort : OUI. Dieu existe.  C’était son dernier message.

Si Gaétan n’avait pas parlé au moment de l’accident, j’aurais aussi été du grand voyage sans retour.

Pour moi, la mort de Mme Gosselin fut très cruelle.  J’en ai ressenti une révolte viscérale contre l’injustice divine.  Je venais de perdre celle que j’appelais  » ma mère spirituelle. »  Celle qui me montrait que le christianisme est d’abord et avant tout fait de compassion, de compréhension et de pardon.

Elle venait de transformer ma vie, en me laissant aimer Réjean plutôt que de m’invectiver et me promettre toutes les peines de la terre.  Elle était la charité incarnée.

Je n’avais pas tout à fait bonne conscience.  Je me reprochais de ne pas y être allé assez souvent.  Mme Gosselin calma mes appréhensions dans un rêve. 

J’étais avec Réjean.  Je voulais l’embrasser et demeurer avec lui plutôt que de me rendre aux funérailles.  Après un effort quasi-surhumain de sincérité, je me retrouvais dans un autobus, en route vers Québec, avec Réjean comme compagnon de route.  Alors que je l’embrassais, tout se mit à tourner.  Je me suis retrouvé face à face avec Dieu, un dieu à l’air païen.  Il s’approcha de moi et me tendit une coupe.  J’étais fou de peur. J’ai bu en écoutant Dieu me dire de boire  » à la coupe de la Vie ».  Je me suis réveillé avec une sensation de bienfait extraordinaire.  L’inconscient a des armes défensives invraisemblables.  Ce rêve bénissait et consacrait mon amourajoie. 

Je ressentais très profondément que l’amour ne peut pas être condamnable. 

Aimer Dieu comme on contemple amoureusement un petit gars, c’était un paradis qui me tentait, me fascinait. .L’amour, ça se ressent.  Ça n’a pas besoin d’autre chose pour nous combler. Pourquoi ce ne serait pas ce qui se passera quand on sera mort ?  Ressentir Dieu, s’y intégrer dans une osmose qui n’a pas besoin d’autre chose pour nous rendre absolument heureux.  Est-ce que voir, c’est aussi ressentir ?


Dans la réalité, j’étais sur-révolté.  En l’espace de quelques mois, j’avais perdu trois amis et un amant.  C’en était trop. Une vie qui s’arrête en plein milieu alors qu’elle pourrait devenir agréable.  Je n’arrivais pas à comprendre les signes d’une bonté divine dans cette réalité.  Quand on est humain on ne peut pas comprendre l’ordre cosmique. C’est trop pour notre petite cervelle.

Je jugeais aussi de plus en plus négativement le système dans lequel on vit. Un monde pourri qui laisse souffrir la majorité de la population pour les intérêts de quelques-uns.  Un monde assez corrompu pour que la police fédérale assassine ceux qui combattent le régime.  Des êtres assez hypocrites et fanatiques pour condamner toutes les formes d’amour, en dehors du mariage.  Condamnation selon laquelle le plaisir sexuel est plus grave qu’un meurtre.  Qu’elle folie!  Jamais, sauf à mon deuxième procès, je n’ai autant souffert de l’étroitesse d’esprit de certains Québécois.
 
Si le christianisme est qu’hypocrisie, Mme Gosselin, par sa tolérance, me prouvait qu’il pourrait facilement en être autrement.  Je me sentais mieux compris, accepté par elle.   Ma mère comprenait mal mes sentiments envers Mme Gosselin.  Je ne la jugeais pas et je ne lui en voulais pas.  Elle était à sa manière, tout aussi fantastique que mon père, ce qui la rendait différente de Mme Gosselin.  Maman était plus croyante et moins politisée que papa, à mon avis. C’était, cependant, loin du fanatisme irrecevable de certains autres.  Elle voulait mon salut, non me condamner.  Maman était juste plus à cheval sur les règles sexuelles.  Une question d’éducation probablement.  Mme Gosselin, ce qui en faisait à mon avis une vraie chrétienne, était quelqu’un qui était plus capable de comprendre les autres sans les condamner.

Je me révoltais contre les tentatives pour me faire réfléchir, me convertir, car c’était toujours la même histoire religieuse qui sous-tendait cette prétendue prise de conscience.  Au lieu de comprendre pourquoi le sexe est le mal, j’avais la certitude au contraire qu’au Québec, on exagère tout ce qui touche à la sexualité. 

On accepte les règles sans même savoir pourquoi elles existent.  Je ne savais pas encore que c’était pire ailleurs. C’est tout simplement plus fou dans certaines autres religions. Dans l’islam, ça devient de la folie furieuse avec la Charia.


Chez moi, on me trouvait tellement baveux que mes parents craignaient que je me fasse tuer ou battre au cours d’une de mes brosses.

Comment mes parents qui me voyaient peu souvent à cette époque, pouvaient-ils comprendre qu’un être si doux, si gélatineux, soit devenu un tel volcan ? Le journalisme me faisait voir la vie autrement.

La corruption politique était évidente, criante. La liberté d’expression était très mince et c’est au compte-goutte qu’on laissait paraître l’information complète. J’avais déjà perdu deux fois mon emploi à la Tribune.  J’avais appris, que dans ce journal, il ne faut pas s’en prendre efficacement au parti libéral, car, la Tribune est rouge.  Comment faire éclater la vérité sans être à nouveau congédié ?

À force de te faire piller sur les orteils, t’as beau ne pas être malin, la chaleur finit par faire monter la moutarde au nez.   Avec tout le ressentiment accumulé, j’ai accueilli avec joie l’enlèvement de James Cross.

Je croyais, comme tout le monde j’imagine, assister « live » à un roman-réalité de télévision.  C’était tout au moins aussi excitant.

J’étais d’autant plus heureux que le FLQ ne se gênait pas pour dénoncer la situation pénible faite au peuple du Québec.

Le FLQ, c’était Mandrin.

Mandrin est un bandit français qui volait aux riches pour distribuer ensuite les résultats de ses prouesses aux pauvres. Il est mort guillotiné. 

J’avais peut-être 14 ans quand j’ai vu cette histoire à la télévision. J’étais outré par ce manque de justice sociale.  Je me suis juré de rétablir sa réputation.  Voler pour le remettre aux pauvres, ce n’est pas voler.  Si j’étais contre la violence, j’appréciais l’audace, le courage de ce gars qui risquait sa vie pour un peule qui lui cracha au visage.

Après Cross, ce fut Laporte.  Le FLQ devint tout simplement héroïque à mes yeux. 

À lui seul, il tenait tête à deux gouvernements corrompus. 

La crise d’octobre est un souffle de liberté.  Enfin, des hommes se tiennent debout, face au pouvoir et lui crachent au visage.

J’admirais une telle force.  J’aurais voulu avoir autant de cran.    

          7   

Les soirées de poésie dans les petites villes de la région se poursuivaient de plus bel.  Nous avons même élargi notre territoire. À Thetford Mines, nous avons tenu un récital à la mémoire de Gaston Gouin et une exposition de peinture.  Pierre Vallières nous accompagnait.  Nous avons connu deux poètes qui furent de bons amis. 

Jean Grondin me plaisait beaucoup parce qu’il était simple et franc.  Il est mort quelques mois après notre rencontre dans un drame tout à fait bizarre qui emporta aussi une autre poétesse du groupe.


Quant à Gisèle Morissette, de Richmond, c’était ma préférée.  Son amour de la poésie était si intense qu’il fallait oublier certaines faiblesses de sa plume.  Je n’ai jamais rencontré une autre poète, sauf Janou St-Denis, qui ait autant le feu sacré.  Gisèle était toute maternelle, toute tendresse.  Elle organisa souvent des rencontres poétiques à son magnifique chalet qui fut plus tard la proie des flammes.  J’aimais Gisèle parce que même si elle n’acceptait pas mon amourajoie, elle ne se mêlait pas de mes amours avec un petit anglais de la région de Richmond.  C’était un amour platonique dont elle était témoin et confidente. 

Nous ne nous sommes chamaillés qu’une fois en parlant des partis politiques que nous appuyions. Gisèle avait ce sens du respect des autres qui m’avait conquis chez Mme Gosselin.  Elle comprenait que même dans la morale, il peut y avoir pluralisme.  Tout sauf la violence.  Pauvre Gisèle, les malheurs se sont abattus sur elle.  Elle est décédée dans un accident d’avion.

J’aimais organiser des soirées, des récitals, répandre la poésie et boire la beauté, la fraîcheur de cette jeunesse qui s’éveillait à la magie des mots.  La poésie est le premier cri d’un individu qui se libère. Vouloir la censurer, c’est la tuer.

Un soir alors que nous rendions chez Gaétan Dostie le chercher pour participer à une soirée de poésie, à Valcourt, nous avons été averti de ne pas l’attendre : la police était chez lui et il serait vraisemblablement amené en prison.  Pourquoi était-il arrêté ?  Parce qu’il était indépendantiste ?  Ami de Gouin ?  

Ce soir-là, à Valcourt, entre nos poèmes, nous dénoncions ces arrestations arbitraires.  Les événements d’octobre n’étaient plus un événement étranger.  Ils s’attaquaient à tous ceux qui ne partageaient pas les vues de Trudeau.

Pour s’assurer que Gaétan ne soit pas tué lui aussi, comme cela se faisait en Amérique du Sud et aux États-Unis, par cette meute de policiers enragés, j’ai travaillé avec un groupe de jeunes à publier des pamphlets.  J’ai rencontré ces jeunes, car ils disaient vouloir travailler pour la révolution du Québec.

L’un d’eux était particulièrement beau.  Malheureusement, lui et son compagnon, ne voulaient rien savoir de mes amours.  Saoul, cela a même soulevé quelques étincelles ; car, quand je bois, je suis probablement comme tous les autres, affreusement idiot.  Un double de moi-même. Ma vie de frustré sort au grand jour. 

J’ai donc dit au plus radical, pour qui tout n’était que politique : « Pour moi, la révolution et le cul, c’est indissociable.  Ça ne donne rien d’avoir un Québec politiquement libre, si on est sexuellement arriéré et prisonnier de la morale religieuse.»  J’ai temporairement rompu mes relations avec lui, sous prétexte que je ne voulais pas jouer le rôle de père.

Malgré ces incidents, le premier tract fut préparé.  Cette résistance passive permettrait au moins, à mon avis, qu’aucun ami ne soit tué par la police.  Tous les pays peuvent devenir fascistes du jour au lendemain.

Chose curieuse, avant même que les tracts soient distribués, ils étaient saisis par la police.  Nous voulions recommencer ailleurs, mais la police était au rendez-vous avant nous.  Qui nous trahissait ?  Je ne l’ai jamais su, mais l’évidence parlait d’elle-même : c’était quelqu’un du groupe.  La police n’aurait jamais pu le savoir autrement. 

J’ai bien aimé cette première lutte. C’était comme quand nous étions petits et nous jouions au cowboy.  La même intrigue.  Tout se faisait secrètement.  Les ballades en moto, gelés comme des balles, étaient bien plus excitantes.  C’était vivifiant.  Tout en prenant mon rôle très au sérieux, je m’amusais.    


Un dimanche soir, la direction de la Tribune me demanda de faire du temps supplémentaire et de couvrir un événement à Roch Forest. 

En m’y rendant, avec le vétéran photographe Royal Roy, celui-ci m’informa que des felquistes avaient été repérés à Magog et arrêtés à East Angus.  Même si Cross avait été enlevé, je venais de faire parvenir deux dossiers à Pierre Vallières, le chef présumé du FLQ.  Les deux dossiers portaient sur la pénible situation des travailleurs de ces deux localités, espérant qu’il trouverait quelqu’un à Montréal qui les publie. La peur me prit.  J’ai aussitôt cru que ces dossiers avaient été interceptés par la police et la cause de ces arrestations.

J’étais malheureux.  Sans le savoir, à cause de mon imbécilité, j’étais devenu un traitre.  J’avais si honte que j’eus de la difficulté à couvrir convenablement mon assignation.  Par contre, j’étais intrigué que la radio n’en fasse aucune mention dans leurs bulletins de nouvelles.  Pourquoi ne parlait-on pas d’une primeur d’une telle importance ?

De retour au bureau, le grand Alain Guilbert se moqua des felquistes arrêtés. Il me dit qu’ils étaient au moins seize.  Selon mon peu de connaissance et les pauvres lectures que j’avais faites pour comprendre comment fonctionne un mouvement terroriste, cela était impossible, chaque cellule ne se compose tout au plus de trois ou quatre personnes.  Je lui ai alors fait remarquer victorieusement ; quoique certain plus que jamais d’être piégé.  La salle de rédaction n’était-elle pas liée par un service intercom avec l’atelier ?  Ainsi, tout pouvait être entendu ailleurs sans être vu. 

J’étais fait.  Je venais de m’aventurer sur un terrain dont je ne connaissais pas la composition des sables mouvants.  J’avais à l’idée les cinq ans de prison pour tous ceux qui s’avouaient pro-felquistes, moi, qui avait à peine la capacité de tolérer l’idée d’y retourner ne serait qu’une seule journée.

Malgré la peur, je me suis déclaré solidaire de cette révolution.  Quant aux objectifs, c’était parfaitement vrai ; mais pour ce qui était des moyens, c’était totalement faux. Même Vallières savait que j’étais opposé à la violence. 

J’attendis patiemment que les questions m’indiquent le sens de cette mise en scène.  Cela ne tarda pas.  Les questions fusèrent de partout concernant Gaétan Dostie.  Animé par le désir de le sauver, comme se devait de le faire tout bon ami, j’affirmai que Gaétan Dostie n’était qu’un petit « passeur de journaux».  Je croyais lui éviter ainsi bien des problèmes, comme s’il avait été mêlé aux événements, comme je le croyais possible.  Gaétan a toujours été mieux informé que moi et plus radicalement indépendantiste. C’était donc normal que je le prenne pour un felquiste.

Pour être cru, je devais, à mon dire, passer pour un vrai felquiste.  C’était le premier acte de bravoure de ma vie, je devrais plutôt parler de première prise de position envers une amitié naissante.  Mon premier vrai acte de solidarité humaine.

J’avais rencontré Gaétan Dostie qu’à l’occasion de soirées de poésie.  Je ne connaissais rien de ses opinions, sauf, qu’il était sans compromis en faveur de l’Indépendance. 

Cet interrogatoire m’amenait à une autre question : Gaétan était-il felquiste?  Pour que l’on fasse autant de chichis, cela était bien possible.  Juste ce doute, le montait encore d’un cran dans mon estime.

À mon départ du bureau, je vis un bonhomme me suivre, puis, un flic qui faisait semblant de coller un billet sur un pare-brise devant la sortie à La Tribune.  Il en passa d’autres à toutes les intersections dès que je les avais franchies.   Finalement, après être entré chez ma tante, je vis un autre individu quitter la maison-appartement, comme si j’avais été suivi.  

J’étais convaincu que c’était un coup monté par la police.    

Aussi ce soir-là, je me suis couché tout habillé, prêt à être arrêté.  Que c’est long cinq ans ! 

J’avais une peur bleue.  Je n’ai jamais été bien brave.  Mais, plus j’avais peur, plus je me montrais sous un visage radical et fanatique.  On me pensait ainsi beaucoup plus baveux que je le suis en réalité.


Quand Gaétan Dostie fut libéré, j’ai appris qu’en dedans il aurait eu bien des difficultés à obtenir les médicaments dont il avait besoin, ayant attrapé la malaria en Afrique.  Nous avons loué un appartement ensemble.

On l’accusait d’être communiste puisqu’il était en possession d’un livre traitant de ce sujet, livre qui avait d’ailleurs l’imprimatur de l’archevêque de Sherbrooke, probablement un autre communiste.

Les perquisitions ont frappé d’autres membres des Auteurs réunis.  

Même Réginald Dupuis n’y échappa pas.  Pour ne pas nuire à ce que j’avais dit pour protéger Gaétan, j’ai continué à affirmer mon appui au FLQ, mouvement qui n’existait probablement pas à Sherbrooke.  C’est du moins ce qu’a déjà affirmé Paul Rose. 

J’aurais bien aimé être aussi brave que les felquistes, mais j’étais toujours à me reprocher un petit fond de lâcheté. Les «j’aurais dû» ou «j’aurais peut-être dû» parsemaient ma vie.  

Ma poésie changea de ton.  Elle devint plus révolté, plus révolutionnaire.

Un sourire d’enfer 11

février 19, 2023

         Un sourire d’enfer 11

                                        Chapitre 2



Mon travail me forçait à prendre conscience d’une autre réalité, moins angélique celle-là, la plupart des gens sont exploités, prisonniers d’une structure qui nous condamne à lutter entre nous, les uns contre les autres, comme dans une jungle.

Heureusement, les Vauxcouleurs (Estrie) sont une des plus belles régions que j’ai connues et mon travail me forçait à la visiter, à apprendre que la terre est parsemée de gens très bons. 
 
La Tribune de Sherbrooke m’avait affecté à la couverture des événements régionaux, c’est-à-dire tout ce qui se passe en dehors de Sherbrooke.  Elle avait mis une auto à ma disposition pour me déplacer dans la région.

La nature et une certaine liberté dans mon travail commençaient à me permettre de rêver à un monde dans lequel le bonheur, la sincérité, la franchise étaient des éléments de base.  J’étais aussi naïf qu’à mes douze ans. 

Il me semblait impossible qu’il puisse exister des gens pour qui la fortune, la gloire, le pouvoir, l’argent puissent être plus importants que la vie humaine.  Sans le savoir, j’étais profondément chrétien, malgré mon amourajoie. C’était normal avec l’enfance que j’avais vécue. On n’envoie pas Dieu promener quand on l’a vécu très profondément dans sa chair. Je rêvais et j’apprenais petit à petit que ce monde idéal n’existe que dans ma tête.

Puis, comme l’avait prédit le poète Gaston Gouin, il se mit à faire mauvais sur tout ce territoire.


Lors d’une visite à Québec, j’ai appris que Mme Gosselin avait juste quelques mois à vivre.  Elle était atteinte du cancer. Mme Gosselin m’appris la nouvelle avec tant de douceur que j’ai cru qu’il s’agissait d’une farce.  L’humour était chez elle un trait de caractère qu’elle employait parfois pour nous sonder ou pour nous faire confronter les réalités de la vie.  Je ne l’ai pas crue. Cela me semblait beaucoup trop injuste.  Elle était trop bonne pour mourir aussi jeune.  Maintenant qu’elle était heureuse, elle mourait.

Je n’ai rien retenu de cette nouvelle qui me semblait invraisemblable puisque Mme Gosselin semblait encore en pleine santé, malgré sa dernière opération.
 
Je m’interrogeais aussi sur l’amour.  Aimer son prochain, est-ce se battre comme journaliste pour le bien de la région ?  Est-ce plutôt s’attacher à un individu en particulier comme j’aimais Réjean?  Est-ce manquer de charité que de combattre les politiciens qui nous semblent malhonnêtes ?

Ma conception du christianisme avait émergé avec ma première visite en prison.  J’étais devenu plus croyant, mais aussi plus conscient que ce que l’on nous demandait sur le plan sexuel était carrément contre nature.  Il faut toujours se vaincre. Pourquoi ?  Ça apporte quoi aux autres ? En quoi la chasteté nous rend-elle meilleur ou plus pur ?

Je croyais que la plus grande des prières est la joie de connaître Dieu dans tout ce qu’il a de plus beau. 

Par conséquent, l’amourajoie était ma réalisation la plus sublime quand je l’acceptais et que je cherchais à la vivre honnêtement.  Est-ce erroné ?  Qu’est-ce que la vie ?  Pourquoi un Dieu, qui se dit amour, laisse-t-il souffrir et mourir de misère autant de monde?


Ma grande peur était, comme je l’entendais partout, de blesser, de nuire aux autres.  J’étais à ce sujet extrêmement scrupuleux.  Je croyais possible que les jeunes soient sans défense et facilement brisables, influençables comme on le prétendait, même si toutes mes aventures me prouvaient le contraire.  Sans violence, un jeune ne fait que ce qui lui plaît.

J’ai pris des années à découvrir que les adultes perçoivent la réalité sexuelle des jeunes à travers leur propre peur, née de leur éducation.  En imposant leur morale, ils se fichent bien de briser la curiosité sensitive des jeunes.  Une curiosité toute normale, tout aussi essentielle pour garder une attitude positive devant la vie.  Ils leur apprennent à haïr leur corps, comme ils le font pour eux-mêmes. 

Pourquoi plus de femmes souffrent de névrose que d’hommes, sinon parce que la perception du corps de la femme est dans notre éducation la fin, la tentation sexuelle de tout individu, le mal ? Qu’elles doivent répondre à tous les critères inventés par une société de mâles qui profitent de leur soit disant besoin d’intimité. Les femmes sont esclaves de leur besoin de bien paraître.  L’Église les condamne, ce qui les place dans un perpétuel état d’infériorité par rapport à l’homme.  Ainsi, plus de femmes ne savent pas vivre dans la joie d’avoir un corps.  Comment accepter que la société continue à entretenir une telle imbécilité ?   
 
Je ne pouvais pas nuire à Réjean en l’aimant, en lui prouvant l’intérêt que je lui portais. 

D’autre part, à Sherbrooke, Hélène m’attirait toujours  quoique nos relations fussent de plus en plus espacées.  Nos passions avaient été parfois très éblouissantes, avant que Réjean ne fasse partie du décor.  Il a tout changé quand je l’ai rencontré.  J’étais devenu follement amoureux de lui.  Je travaillais et je m’ennuyais de lui.  À Sherbrooke, Hélène partageait ma ferveur grandissante pour la cause du peuple, mon besoin de révolution dans le sens d’un changement profond.   Hélène m’entraînait dans la poésie.  Nous étions heureux.  J’aimais cette ambiguïté sécuritaire, même si c’était de bien moindre importance que mon besoin d’authenticité.   

Comment un amourajeux peut-il aimer vraiment une femme ?  Un amourajeux  (un terme que j’avais inventé pour titre d’un de mes livres de poésie) est-il nécessairement et uniquement gai ?  Est-ce que l’âge entre amoureux a réellement de l’importance ?   Aussi, comment ne pas sertir la joie des autres qui t’estiment maintenant sur la « voie de la guérison » ? 

J’étais encore assez niaiseux pour croire qu’il est mal d’être amourajeux, de croire qu’être amourajeux est anormal. J’adorais Réjean et, plus il le savait, plus il s’en servait pour me manipuler.   Son petit copain de quelques années plus vieux que moi ne servait qu’à me le rendre encore plus indispensable. Mes hésitations à monter à Québec tenaient d’une chose que je ne connaissais pas avant : la jalousie.

 Quant aux Vauxcouleurs (Estrie), la flamme politique se faisait plus rare et toute autre forme de vie m’ennuyait.

J’avais complètement perdu foi dans la députation.  Nos représentants ne connaissaient rien à nos problèmes et nous en avions à revendre. Tout ce qui les intéressait, c’était leur maudit pouvoir, être réélus.

Aucun secteur économique ne se portait bien et dans chaque cas, le fédéral était toujours le principal responsable. Les deux paliers de gouvernement se garochaient les problèmes, ce qui permettait de rien solutionner.

J’attachais autant d’importance au sort de la région qu’à mes propres amours.

 Les gens réagiront.  Ils finiront bien par comprendre.  Ils ne peuvent pas se faire emplir tout le temps, sans finir par identifier les menteurs et les profiteurs, pensais-je.

Mais on aurait dit que la majorité était  totalement aveuglée par les discours des politiciens  ou plutôt qu’elle était trop paresseuse pour chercher à bien s’informer.  Les gens croyaient tellement dans les gouvernements qu’ils ne pouvaient accepter les changements globaux qui leur permettraient de s’en tirer.

J’attachais une importance sans limite à la vérité. Une vraie croisade.  Du journalisme d’information, j’étais passé au journalisme de combat.  J’exigeais de faire des liens entre les événements et de les resituer dans leur vraie perspective, ce que les patrons appelaient de l’éditorialisme. 

Pour moi, ce n’était qu’éclairé l’événement pour que les gens comprennent. J »étais un chevalier sans cheval, ni armure.  Un Don Quichotte. J’étais très vulnérable.  J’étais amourajeux, un défaut que personne ne saurait me pardonner parce qu’au Québec on s’imagine encore que la sexualité sans violence, c’est pire que de prendre de la cocaïne ou de tuer.  On n’évolue pas très vite parce qu’on a peur d’être mal jugé par les autres. 


Je suis retourné à Québec. Je ne pouvais pas être plus longtemps sans Réjean, ça me faisait trop souffrir.  Cette fin de semaine, non seulement mes amours avec Réjean ont ré ouvert une plaie ; mais voir Mme Gosselin littéralement fondre me bouleversa.

Elle me dit avoir apprécié Re-jean, le dernier livre qu’elle lut.  Elle affirma y avoir trouvé la franchise et la sincérité qui me caractérisent et qu’elle admirait en moi.  Cependant, elle doutait à savoir si c’était bon.  À mon départ, Mme Gosselin fondit en larmes et me dit en guise d’adieu « Mon pauvre Jean ».

Plus que jamais j’ai ressenti mon incapacité à supporter autant de souffrance.  Je ne pouvais plus me rendre à Québec. C’était trop dur… trop d’émotions.

Peu de temps après, un autre événement néfaste se produisit. 

Gaston Gouin eut un accident en motocyclette.  L’accident fut vite considéré par ses amis comme un meurtre. Plusieurs faits demeuraient énigmatiques.  Est-ce que le trou dans son gant était vraiment un trou de balle de revolver ? Comme plusieurs, j’ai cru que la GRC ou les services secrets canadiens venait d’assassiner un des nôtres, le poète en noir.

J’étais révolté.  Si j’avais toujours été radicalement opposé à la violence, je commençais à comprendre que d’autres ne le soient pas et qu’il faut parfois y avoir recours pour se défendre. Pour des millions de dollars l’establishment hésiterait-il à tuer, à truquer des procès ?

Quand un ami est tué par la police ou que du moins tu le crois, tu réfléchis sur la valeur démocratique de ta société.  Il est impossible de ne pas se radicaliser. Ce que je fis.

Dorénavant, si j’étais toujours contre la violence, j’étais pour le droit de se défendre.  Si Gouin avait été tué, qui serait le prochain ?  Non seulement les fédérastes étaient des menteurs, mais aussi des assassins. 

J’ai commencé à envisager la révolution non plus comme un acte condamnable, mais une juste guerre.  C’était la justice ou la vengeance.  Je croyais les felquistes tellement purs qu’il m’était impossible d’entrevoir qu’ils puissent mentir.

Je n’avais pas oublié la mort de Gouin quand j’ai rencontré un ami d’enfance qui organisait un festival de la peinture à Scotstown avec Frédéric.  Réginald m’y invita.  J’ai passé plusieurs jours en compagnie des peintres qui participaient à ce festival.


Quoiqu’il en soit, à la fin de ce festival à Scotstown, Claude, mon copain d’enfance partit en voyage afin de se reposer.  Il apportait sans doute avec lui les pincements au cœur qui nous avaient effrayés quand les membres d’une jeune troupe s’étaient effondrés avec le plancher, au cours d’une représentation théâtrale intitulée «  Oliver Twist ».

Le festival avait été un succès, nous en étions tous fiers. 

Deux jours plus tard, les patrons me demandaient de préparer un papier sur sa mort.  J’ai noté, comme tout bon journaliste, tous les détails de son accident d’auto.  Je vivais comme dans un nuage, tant ce malheur me secouait.  Cela me semblait impossible.  Je croyais dans un coup monté.  J’écrivais la nouvelle entre deux larmes.  C’était une partie de moi qui venait de partir, de beaux souvenirs d’enfance.  Les patrons ne m’auraient peut-être jamais laissé travailler sur cette nouvelle s’ils avaient su que Claude était un ami d’enfance.

J’étais encore sous le choc quand j’appris la mort de Mme Gosselin.  Cette période me ma vie fut tellement douloureuse, à cause de toutes ces morts, que je ne suis plus certain de l’ordre chronologique du déroulement des événements.

Un sourire d’enfer 10

février 18, 2023

Un sourire d’enfer  10

Re-jean m’apporta une lueur d’espoir.  Peu de critiques de mon ouvrage furent négatives, certaines étaient même fortement encourageantes.  J’étais, selon un docteur en lettres à l’université de Washington, que m’avais présenté Antoine Naaman, le premier écrivain depuis Rimbaud chez qui elle trouvait autant de souffle. 

Pour sa part, Roger Peyrefitte que j’admirais pour Les amitiés particulières, me félicita, tout en me faisant savoir qu’il avait des correspondants à Sherbrooke. 

À cette période poétique de ma vie, je fis connaissance avec Réginald Dupuis, un peintre qui, pour gagner sa croûte, travaillait dans la décoration intérieure.  Réginald était un pur hétérosexuel, nullement intéressé à changer de gibier.  Il devint mon meilleur ami.

À chaque fin de semaine, je me rendais dans sa famille (qui habitait juste au-dessus de chez ma tante où je logeais) où nous avions des discussions sur toutes sortes de sujets. La poésie était à l’honneur et nous faisions ensemble de la peinture.  Son épouse Denise était non seulement très gentille, mais elle était très intelligente.  Elle avait une noblesse d »âme que j’admirais beaucoup.

Réginald devait souvent parler de moi puisqu’un jour il m’apprit qu’une poétesse voulait faire ma connaissance.  Fort de mes mésaventures, j’étais quelque peu misogyne.  Cette rencontre retarda jusqu’à ce qu’elle s’impose d’elle-même.

À mon arrivée, j’ai été ébloui par la beauté de cette femme, sa jeunesse et son ouverture d’esprit.  Elle avait un air égyptien, exotique. 

La conversation porta évidemment sur mes écrits et mon amourajoie.  Elle faisait preuve d’une très grande érudition.  Elle m’arracha un aveu : Réginald m’avait vanté son intelligence, mais il m’avait caché sa beauté.  Je l’ai regardé avec fascination.

L’amitié souda les deux groupes.

Cette rencontre cristallisa toutes mes émotions autour de la poésie, de sa signification, et petit à petit, je devins moins sauvage avec la belle qui se découvrait aussi folle que moi dans sa recherche de la beauté, de la jeunesse et de la joie. 

Ensemble, nous étions comme deux enfants, deux amants de la nature.  Nous vivions des moments de joie si intenses que j’en oubliai ma misogynie.  Alors que je récitais publiquement mon adoration amourajeuse,  je vivais une aventure presque sublime avec une femme. 

Quel changement !   Nous avions ensemble la passion poétique et Réginald nous introduisait lentement à l’amour des couleurs, de la peinture. Tout était art dans notre vie.  J’étais tellement souvent chez Réginald que je me suis souvent demandé si je n’abusais pas.

La vie de groupe s’élargit à d’autres poètes et peintres des deux sexes, un véritable petit cénacle.   On parlait de plus en plus d’école littéraire de Sherbrooke.  Notre réputation atteignait même Montréal.  Ma petite amie m’apprivoisait petit à petit.

Au fond, elle aurait bien voulu me guérir de ce qui lui semblait  » ma maladie ».  Tout au moins aurait-elle aimé que je puisse écrire, un jour pour une femme, une aussi belle lettre d’amour que celle que je venais de publier pour Réjean. 

Je prévenais ceux avec qui je travaillais de mes « vrais attraits amourajeux » afin de m’assurer que jamais il ne soit possible de m’accuser d’avoir trahi leur confiance.  Un échec dans la maîtrise de la petite nature était toujours possible…


Un souci d’honnêteté que l’on me reprocha très souvent.  Certains pensaient que c’était de la provocation alors que c’était simplement un désir de respect pour les gens qui ne partageaient pas ma perception de la morale sexuelle.


Cette époque fut très importante à bien des points de vue.  J’apprenais qu’il est possible d’avoir des amis, même si toute ton âme est dirigée par l’amourajoie.    
Mes relations étaient franches et ne souffraient pas l’hypocrisie vomie dans l’Homo-vicièr.  Tout était poésie, peinture, musique Un fleuve d’énergies vitales,  d’amour, de rire et de beauté. 

Ainsi, savoir que je suis amourajeux permettait de parler franchement.  Elles pouvaient en parler sans déclencher de drame.  Elles pouvaient leur faire part de leur morale, tout en les laissant libres de juger par eux-mêmes. C’était beaucoup mieux ainsi. La vérité est préférable au silence de la censure.

Personne ne paniquait ou ne paranoïait à cause de ma réalité. Elles me disaient franchement ne pas partager mon point de vue, mais que de le savoir permettait d’avoir la vérité sut tout ce qui se passait.  En fait, le seul danger qui puisse exister dans une telle relation, c’est qu’une personne soit violente. 

Dans notre société, les jeunes n’existaient pas, les parents décidaient tout pour eux.  Ils n’avaient pas droit au chapitre, même si c’était leur vie.

Puis, j’ai connu la marijuana. Fumer était presqu’un rite sacré.

J’adorais cette nouvelle dimension.  Ce miroir qui révèle un aspect de la vie qui demeure inconnu sans cet artifice.  Petit à petit, le pot devint un instrument pour mieux saisir la musicalité de la poésie, la richesse des structures et des images.

La mari eut des retombées d’abord très positives. Elle transforma, grâce aux contacts de meilleurs poètes que moi, toute ma perception poétique.  Gelé, j’étais méditatif ou rieur.

Contrairement à ce que m’avait dit mon psychiatre, je n’ai jamais cherché à dépasser le stade de haschisch.  J’avais peur.  Je me trouvais assez fou pour ne pas risquer de le devenir plus.  J’avais assez de mon besoin compulsif de sexe que j’identifiais à l’amour. Trop fumer me rendait encore plus paranoïaque.  Je ne voulais pas me brûler le cerveau comme des milliers de jeunes l’ont fait depuis.

Mon expérience avec l’école libre m’aidait aussi . La base de l’école libre était de donner une place aux jeunes dans la société, de les considérer comme des humains à part entière.  C’est le contraire d’une société qui élève ses enfants en exigeant l’obéissance aveugle, sous prétexte que les adultes connaissent tout.

UN SOURIRE D’ENFER 9

février 17, 2023

Un sourire d’enfer 9

Ma guerre avec La Tribune commença, non seulement parce que j’étais devenu fanatique; mais parce que j’y vis une forme de censure. 

On me dit que Bourassa et Marchand demandaient ma tête presqu’à toutes les semaines.  Plus tard, M. Dubé m’a affirmé qu’il n’y a jamais eu de telles pressions politiques à mon endroit, mais que les instances régionales étaient fatiguées de voir l’intérêt que la Tribune portait au projet d’aéroport international.  C’était simplement la survie économique de notre région qui était en jeu ;  mais l’appartenance aux libéraux était plus importante que le bien de la population.

Quoiqu’il en soit, je suis depuis absolument indépendantiste et chaque jour m’apporte une raison nouvelle de nous séparer du Canada.  


La décision du gouvernement fédéral quant à l’aéroport international est ce qui venait compléter les raisons pour être à jamais séparatiste. 

C’était évident que les décisions se prennent toujours en fonction des intérêts du Canada anglais.  D’ailleurs, si on lit l’histoire du Québec, on s’aperçoit que si notre peuple a toujours été vaillant, il a toujours été dirigé par une bande de moumounes quant au besoin de s’émanciper.

Nous sommes dirigés par des politiciens qui se prétendent les voix du peuple, des menteurs prédicateurs au service des intérêts anglophones plutôt que ce celui du vrai peuple francophone.

Avec l’Église, nous sommes habitués à écouter les ordres venues de Dieu et de ses représentants.


La décision fédéraste était prise par Trudeau et Marchand.  Ils savaient que c’était contraire aux besoins du Québec, mais ils s’en fichaient.  Je les ai classés, Trudeau, Marchand et Cie, à titre de vendus.  Au lieu de s’améliorer, leurs pareils ont toujours été juste un peu plus dégueulasses, comme les Lalonde et Jean Chrétien.

Le Québec vivait des moments difficiles et ce projet aurait transformé le visage économique du Québec.  Ils nous auraient donné une raison d’espérer ; mais non, Toronto avait le dernier mot. 

Quand le fédéral a ordonné une étude, c’était juste pour justifier le choix qui avait déjà était fait : Ste-Scholastique. 

Smiley Pépin, qui était ministre fédéral à Drummondville, ne connaissait même pas l’impact qu’avait ce projet sur sa région.  Ce qui prouve bien que ce n’est pas d’avoir des ministres dans un cabinet qui change quoi que ce soit pour une région.  Même le projet de St-Jean-sur Richelieu ne fut pas retenu.

C’était évident pour moi qu’économiquement le Canada ne s’arrête même pas une seconde aux besoins du Québec.  La vache à lait de la fédération.  La crème qui permet au Canada d’avoir un tel train de vie… Furieux, n’est pas le mot pour dire ce que je ressentais. Et dire qu’aujourd’hui, on est assez fou pour appeler Dorval, l’aéroport Trudeau. Quelle bande de masochistes ! Célébrer une trahison de l’histoire.

Pour oublier un peu mon désarroi, je me suis remis à l’écriture.  J’ai recommencé à crier dans mes poèmes mon amour amourajeux.  La fascination qu’exerce leur corps sur moi et mon désir de vivre pour eux et d’eux seulement.

Vauxcouleurs, c’était eux.

Toute la passion que j’avais pour Réjean se fondait dans cet amour impersonnel que représente le combat pour l’amélioration de la situation socio-économique des gens.  Vauxcouleurs, c’était Réjean en désir.

Bizarrement, la décision fédérale quant à Mirabel a coïncidé avec les premiers refroidissements entre moi et Réjean.

Après une année, Réjean tournait les yeux vers un autre. Cette situation m’asphyxiait la vie.  Pour lui dire, j’ai écrit une longue lettre d’amour que les Auteurs Réunis décidèrent de publier. Ce fut Re-jean, un petit récit. 

Je remis cette longue lettre d’amour au Réjean concerné sous forme de livre, le livre était encore la seule forme de cri que je pouvais lui adresser.  Pourtant, ma poésie était rejetée partout.

Quand Réjean lut mon récit, il se contenta d’y critiquer ma dernière phrase dans laquelle je disais : « Petit prince, je t’adore». Il était visiblement fier d’avoir été la muse de ce texte écrit pour lui spécifiquement, mais il était aussi tellement religieux qu’il ne pouvait pas accepter mon cri d’amour. « On adore que Dieu», avait-il tranché.

                                                  5

  Gaston Gouin était le seul à trouver une certaine originalité à mes poèmes.  J’étais refusé partout.  Aussi, quand Gouin organisa sa nuit de poésie au cégep de Sherbrooke, il ne manqua pas de m’inviter.  Je faisais face à un public pour la première fois.  J’étais convaincu d’être mal reçu puisque je terminais mon récital en proclamant de toute évidence et sans cachette, ma pédérastie.

                          Pourquoi pas toi ?

Si tu le veux dès demain
tous les deux nous irons
au banquet chez Satan
des amants favoris du feu.

Je boirai sur et par ton corps
le sang blanc de ta jeunesse
dans le mot, j’immortaliserai ce rite.

Abandonne-moi tes lèvres
laisse sur ton corps sous ma main
t’introduire à l’extase.


Ne dit pas non trop vite
le bonheur est le plaisir
le plaisir serait
mes mains, mes lèvres
sur ta courte verge.

Ma poésie se cueille 
sur les lèvres d’un garçon.   

L’assistance sidérée écouta en silence parfait.  Elle était tout à fait muette, ce qui me faisait de plus en plus peur, jusqu’à ce que j’entende crier dans un coin un  petit mot : Bravo !

Cette soirée et la publication de Re-jean m’embarquaient de plein pied dans la vie littéraire de la région. 

À cette époque, j’étais encore boudé par le groupe de Gaétan Dostie qui réclamait une poésie plus substantielle.  Pour nous, les Gaston Gouin, Gaétan Dostie et Jocelyn Fournier étaient les grands maîtres.  Il était naturel qu’ils ne m’accordent pas leur attention.  Il suffisait d’être écouté pour être complètement flatté. 

Contrairement, à ce que j’avais cru, ce sont les femmes qui acceptèrent le mieux mon ouverture et ma sincérité.  Ce qui donna lieu à des discussions à n’en plus finir et des amitiés tout aussi longues.

La publication de Re-jean fut bien accueillie partout au début.  On ignorait que c’était une lettre d’amour pour un vrai Réjean. 

Toutes les copies furent vendues et le texte a même servi dans quelques classes de littérature de la région. Mais, j’ai dû quitter bientôt les Auteurs réunis

Presque personne n’avait pris connaissance du contenu, faisant confiance à Jean-Pierre Labbé, qui était au centre des publications.  Alors, quand on découvrit que le texte pouvait être interprété autrement que selon la morale, on ne tarda pas à vouloir ma peau.

Comment expliquer aux autorités du petit séminaire qu’un texte amourajeux ait été retenu, aussi poétique fut-il ?  Mais, il fallait l’avoir lu attentivement pour déceler cette réalité amourajeuse.   Il n’y avait qu’une solution : se dissocier immédiatement de la racine de ce scandale, c’est -à-dire de moi.  Et, c’est ainsi, que de loin, j’ai peut-être hanté les dortoirs et les toilettes du petit séminaire alors que de belles petites brebis, songeant à autant de tendresse et d’amour, branlaient l’arbre à la racine pour y laisser se perdre la semence pour laquelle j’aurais bien sacrifié une partie de ma vie.

Je n’étais pas du genre à désespérer.  Avec d’autres membres et poètes, j’ai commencé à mettre sur pied des soirées de poésie au parc Jacques Cartier. 

Plus tard nous nous rendions dans les villes de la région, donner des récitals de poésie.  Aie-je eu espoir qu’un jour ces poèmes me permettent de vivre une aventure avec un des petits auditeurs ?  Sûrement.  Je ne suis pas si fou. Par ailleurs, ceux qui venaient nous écouter étaient tous des adultes, aimant la littératureTrès rare sont lesjeunes qui courent les récitals de poésie.

Donc, ceux qui à un moment donné se sont excités et ont réclamé ma tête, souffraient d’un manque absolu de respect du droit d’être ce que tu es, s’il n’y a pas de violence.

Un sourire d’enfer 8

février 16, 2023

Un sourire d’enfer 8

Le hasard fit que pendant mes vacances, j’ai été appelé à remplacer un journaliste à Drummondville.  Selon les patrons, j’étais celui qui pouvait s’adapter le plus vite à une telle situation. 

J’ai poussé là aussi l’idée d’un gouvernement régional.  Et, petit à petit, j’ai connu un projet qui fut la plaque tournante de mon travail : construire un nouvel aéroport international devant remplacer Dorval, à Drummondville. 

Je me suis fait le propagandiste de ce projet puisque sa réalisation devait entraîner la création d’au moins 100,000 nouveaux emplois dans les Vauxcouleurs (Estrie). 

J’ai mis toutes mes énergies, toutes mes capacités à faire valoir le bien-fondé de cette solution. 

J’ai même rédigé un mémoire plutôt niaiseux qui insistait sur l’unité canadienne. Je préconisais de faire de ce projet le symbole de l’unité nationale. 

L’argumentation reposait sur des notions de psychologies plutôt mal assimilées.  Je croyais en jouant le trémolo de l’unité nationale donner plus de chance de succès au projet de Drummondville, celui-ci étant du ressort fédéral.

À cette époque, je croyais encore dans le Canada et j’étais convaincu qu’on y avait notre place. Je ne pouvais même pas penser que le fédéral boude le Québec  pour plaire à Toronto.

J’ai profité du Carnaval de Québec auquel Pet Trudeau devait assister pour lui remettre mon mémoire en main propre.

Je suis arrivé en retard à l’ouverture, ce qui me priva de mon macaron de journaliste.  En arrivant à l’hôtel de ville, j’ai présenté ma lettre de créance.  Les responsables, sans hésiter, m’ont aussitôt fait passer à la salle de réception.  Ces derniers m’avaient probablement confondu à un invité. 

J’avais l’air stupide avec mes bottes sur le beau tapis de l’hôtel de ville.

Trudeau était là avec une meute de femmes.  J’ai dû attendre que les femmes cessent de lui parler, lui frapper sur l’épaule pour attirer son attention, avant de pouvoir lui remettre mon document.  Trudeau se contenta de me dire en riant :            » Vous ne voulez tout de même pas que je vous lise tout ça en fin de semaine?  Est-ce du Platon ? « 

Jean Marchand se trouvait plus loin, je lui ai aussi remis une copie.  Il tâta l’enveloppe et me demanda :  » Ce n’est pas une bombe toujours ? »

Le samedi, je me suis rendu au Patro Roc Amadour poursuivre les entrevues que le journal se hâtait de publier.  Les journalistes de la Tribune me disaient fou ; les patrons disaient que j’avais eu au moins l’audace de m’essayer.

Infiltré dans le cordon de protection de M. Trudeau, j’ai réquisitionné les ministres pour avoir mes entrevues.  Ainsi, pour la deuxième fois, je démentais les organisateurs du festival qui avaient insisté sur le fait que je ne pouvais pas approcher le premier ministre à plus de 30 pieds. 

Le samedi soir, c’était la parade et le bal de la reine du Carnaval.  J’ai convenu avec Réjean de me rendre seul au bal, mais de regarder la parade avec lui.  Je ne voulais pas que Réjean soit pris seul dans une manifestation anti-Trudeau, comme cela était annoncé dans les journaux.

Au Château Frontenac, j’ai rencontré une femme qui se disait étudiante en journalisme et qui voulait voir Trudeau de près.  Nous nous sommes installés près des marches au bas de l’escalier et quand Trudeau passa, j’y suis allé d’une nouvelle question. Trudeau s’arrêta et répondit à moitié.  Insatisfait, j’ai passé sous le cordon de sécurité, entraînant l’étudiante par la main, et nous sommes allés nous installer à l’entrée de la salle de bal. 

Quand Trudeau y arriva, j’ai repris ma question.  Trudeau s’arrêta, laissa sa reine, s’approcha de moi et me dit :  » Ne vous en faites pas, votre mémoire, je le lirai. » 

J’étais fou de joie.  Aussi, j’ai flanqué une claque sur l’épaule du premier ministre avec un éclatant  » Merci Monsieur Trudeau ». C’était le délire.  Les policiers de la Gendarmerie royale se précipitèrent inquiets.  J’ai eu droit à un sermon genre :

 » T’es complètement fou. Nous aurions pu croire qu’il s’agissait là d’un attentat et te descendre.  » Je m’en fichais, j’avais réussi.  

J’avais parfaitement accompli ma mission et comme journaliste j’avais eu beaucoup d’entrevues concernant le projet d’aéroport international à Drummondville.  

Il me fallait maintenant me débarrasser de l’étudiante afin d’aller rejoindre Réjean.  Comment lui dire :  » C’est mon amant, je l’adore, et je ne veux pas passer cette soirée sans être à ses côtés. »  L’homosexualité était encore honnie.  La guerre étant la guerre, j’ai menti, je lui fis croire que Réjean était mon fils et qu’il m’attendait comme il l’avait été convenu ensemble. 

Quelques mois plus tard, un photographe de la Tribune qui avait rencontré cette même étudiante à Québec, m’a demandé combien de petits bâtards j’avais ainsi semé à travers le Québec.  À ses yeux, je n’étais plus complètement le vieux garçon qui ignore à quoi sert cette bibitte entre les deux jambes…

Ces rencontres furtives avec Trudeau m’avaient marqué.  Il m’avait littéralement fasciné.  J’ai continué au téléphone de m’occuper du projet à partir de la salle de rédaction à Sherbrooke.  Je me suis ainsi fait des contacts.

Fort de mon premier succès, à Québec, j’ai obtenu du journal la permission de me rendre à Ottawa rencontrer les ministres concernés par le projet d’aéroport international.  

Le président du journal, M. Yvon Dubé, m’avait auparavant demandé à son bureau, voulant s’assurer que je refuserais un poste dans les six chiffres, si on m’offrait un emploi.

M. Dubé est une des personnes que je respecte le plus dans le monde journalistique.  Il a essayé de m’apprendre qu’un bon journaliste cherche toujours à trouver la vérité, à comprendre les deux côtés de la médaille quand il se produit un évènement. 

Je ne crois pas dans l’impartialité, car nous sommes tous gérés par notre inconscient qui, lui, ne ment pas. Nous sommes tous animés par des sentiments ; mais la conception de M. Dubé demeure à mon sens le but premier du journalisme : la recherche de la vérité dans le respect de ses lecteurs.

Je n’étais toujours pas achetable.  Personne ne pouvait en douter. J’aimais trop les Vauxcouleurs (Estrie) pour y préférer mes intérêts personnels.

J’ai quitté le parlement d’Ottawa avec en poche une promesse d’entrevue avec Trudeau au cours des quelques mois qui suivaient.

C’est une belle expérience que de représenter un journal sur la Colline parlementaire.  Ça te donne un accès privilégié aux différents ministres.

Le ministre responsable des transports, M. Hellyer, refusait toutes les entrevues et s’organisaient pour les rendre impossible. Ce qu’il ne savait pas, j’entretenais une relation avec son secrétaire particulier depuis des mois afin de savoir exactement où en était le projet de l’aéroport international.  

Vu son importance celui-ci était devenu l’élément qui me ferait pencher, en faveur ou contre, notre appartenance au Canada. 

En travaillant sur les problèmes économiques, je me suis vite rendu compte que les intérêts du Québec sont incompatibles avec ceux du Canada.  

Je rêvais d’un gouvernement régional,  car j’y voyais là le seul moyen de répondre efficacement à nos problèmes régionaux à cause de l’ignorance d’Ottawa quant à notre existence même.  Ottawa se fiche du Québec.          

N’avons-nous pas assez d’un gouvernement du Québec?  Pourquoi en ajouter un qui contredit les décisions prises par l’Assemblée nationale?    C’est exactement la même lutte pour un gouvernement responsable qu’ont mené les Patriotes de 1837.

Je croyais encore que le Canada voulait de nous à l’intérieur de la fédération canadienne. L’aéroport devait être la preuve que le Canada se soucie de nous, car un tel projet mettait fin à la misère de économique dans l’Estrie. C’était plus d’un milliard d’investissements et plus de 100,000 emplois.

Évidemment, Trudeau et compagnies ont engagé une firme d’ingénieurs pour prétendre que ce projet devait se réaliser à Ste-Scholastique pour des raisons économiques.  Un aéroport qui détruisait les meilleures fermes du Québec.  Ce rapport permettait simplement à Toronto de garder la main haute sur le trafic aérien avec l’Europe. 

La décision de ne pas choisir Drummondville était d’empêcher le Québec de réclamer cet aéroport advenant son indépendance.

Malgré l’appui des trois quarts des municipalités du Québec au projet de Drummondville, Ottawa annonça son choix : Ste- Scholastique. 

Cet endroit permettait, parce que les avions passaient au-dessus du Canada, de ne pas devenir un enjeu si l’indépendance se faisait.   Il serait automatiquement, à cause de cet élément, une propriété fédérale alors qu’à Drummondville, l’aéroport devenait propriété du Québec, advenant l’indépendance.

J’étais furieux.  Je comparai Jean Marchand au  traitre des Plaines d’Abraham. Et je refusai l’entrevue personnelle avec Trudeau, même si c’était le premier ministre du Canada.  Évidemment, je fus retiré du dossier. 

Ce n’était pas une pure coïncidence que toutes les décisions étaient prises à l’encontre des intérêts du Québec.  C’était une réalité historique.  Ottawa est la marionnette de l’Ontario, son double testicule économique.

Après le coup des textiles, c’était maintenant celui de l’aéroport international.  Le Québec ne serait pas le port d’entrée aérien de l’Europe en Amérique parce que Toronto n’acceptait pas le projet de Drummondville. La concurrence était trop forte.
 
Ma fascination pour Trudeau se muta en haine d’Ottawa. J’ai alors décidé que dorénavant je serais membre du Parti Québécois, comme je l’avais dit au secrétaire particulier du ministre des transports.    

Un sourire d’enfer 7

février 15, 2023

           Un sourire d’enfer  7

                                                      4



Je m’étais installé chez ma tante Aurore et son fils.

Un dimanche soir, en retournant à la maison, j’ai rencontré un humain splendide.  J’ai lutté avec lui.  Il était léger comme une plume et s’abandonnait dans mes bras avec une espèce d’appel à l’embrasser. Ses yeux flambaient de désir et ses lèvres peu entrouvertes m’offraient la résurrection. 

Cette soirée, pourtant insignifiante pour la plupart des gens, a été le moteur de tous mes désirs, mes actions, une année durant.  Le soir et le matin, je déambulais dans le parc où je l’avais rencontré, dans l’unique espoir de le revoir.   La vie d’amourajeux est souvent un rêve qui s’est manifesté quelques secondes dans la réalité.  Un rien prend l’allure d’un univers. Une explosion de la sensibilité. Le bing bang individuel.

Il s’était offert à moi comme une fleur.  L’amour reprenait place. Encore une fois, j’étais toute sensibilité, à l’écoute de la vie, à la recherche de la beauté.  La vie à travers le corps n’est-elle pas à la fois une communion et une préscience de ce que sera le paradis ?  Un endroit où on joue la vie.

Une explosion se produisait en moi.  Un miracle était encore possible.  Je n’étais pas tout à fait mort à l’amour.  

Un samedi, en me rendant à Québec ; j’ai fait connaissance avec Réjean.  Ce fut la folie la plus belle de ma vie.  Réjean prenait la place de Daniel, il était aussi la réincarnation de l’ange rencontré à Sherbrooke. 

Je l’adorai immédiatement entre deux remords, fruit de mon éducation. 

Réjean ne fut pas long à comprendre ce qui se passait entre nous et ce que je désirais.  Hésitant et scrupuleux, Réjean ne se laissait pas toucher, mais il savait comment me rendre fou de lui, me posséder, me faire fléchir, ramper à ses désirs.  Ce fut un coup de foudre. 

Une explosion gronda dans mes yeux, dans mes doigts.  Réjean devenait la lumière, la pierre philosophale.  


Mon âme dansait, retrouvait sa légèreté, et pourtant en même temps, j’étais envahi d’une foule de scrupules : je ne pouvais pas salir une telle beauté.  Pour rendre suspect un si beau désir, des gestes aussi naturels, seule la religion peut nous corrompre à ce point en nous lavant le cerveau dès notre enfance. 

J’avais peur comme en prison de lui faire du mal.  Je l’adorais trop pour oublier que la chasteté est une déviation maniaque, une maladie religieuse qui s’imagine que Dieu est contre la beauté de la sexualité.  Il a pourtant lui-même crée le corps.

Je frémissais entre deux désirs comme un piano sous la main d’un grand Maître. Un appel d’âme à âme, d’énergie à énergie.  La fascination d’une beauté d’un autre ordre que celui de la matière.  Un appel à boire la beauté et l’innocence, c’est-à-dire l’absence de restrictions mentales.

Par peur de moi et par amitié, j’ai révélé mes sentiments envers Réjean à Mme Gosselin.  

Je croyais qu’elle me fermerait à jamais la porte de sa maison.  Surprise !  Elle m’avoua me connaître depuis le début, et, même être au courant de mes trois mois passés en prison.   » Tu sais la petite nature !  » Disait-elle amicalement.

Pour une des premières fois de ma vie, une adulte m’acceptait comme je suis.  Si Mme Gosselin n’avait pas été là, je n’aurais jamais écrit.  Ce fut la lumière spirituelle dans ma vie.  Cette femme m’a plus appris sur la tolérance et l’amour que toutes les leçons de catéchisme aussitôt violées.  Ce fut le premier héros véritable que j’ai rencontré. 

Mme Gosselin savait fort bien que j’aimais beaucoup trop Réjean pour risquer de le corrompre.  J’en faisais trop de scrupule.  Cependant, si la chose devait arriver, il était évident, forcé par cet aveu que je venais de faire, qu’il serait consentant.   D’ailleurs, la curiosité sexuelle est-elle corruptrice ou simplement naturelle ?  Notre société n’a-t-elle pas inventé le mal à travers tout ce qui est sexuel pour introduire en nous l’idée que nous sommes tous pécheurs ?   Une perception maladive d’une réalité essentielle pour la survie de l’espèce ? En fait, je me sentais coupable d’être amourajeux.  J’avais la prison pour me le rappeler

 
Réjean me tentait toujours.  Je m’essayais.  Je manquais mon coup.  Je le regrettais.  Je me contentais de sentir son haleine sur ma joue quand nous luttions ensemble.  Une vapeur qui nourrissait mes rêves.  Nous jouions de longues heures au billard sur la table que je venais de lui donner en cadeau.  Si ces relations n’étaient pas toujours chastes, elles étaient toujours pures.

Au journal, à Sherbrooke, tout le monde croyait que j’avais rencontré la femme de ma vie.

Je brûlais le temps.  Les semaines étaient trop longues.  J’aurais quitté mon emploi pour être à chaque instant près de lui.  Réjean, c’était ma raison de vivre.  Un pan de ciel en enfer. 

J’avais le feu aux entrailles et la tête en fête chaque fois qu’il était entendu que je descendais à Québec.  Réjean, c’était pour moi, la beauté à l’état pur.  Le désir volcanique de mes sens étouffés depuis si longtemps.  C’était le sourire, l’allure de serpent.  


Réjean, c’était celui à qui j’aurais acheté une lampe d’Aladin.  Réjean, c’était celui pour qui j’allais à la messe chanter les  » je t’aime » des sanctus parce qu’il m’accompagnait et que je pouvais ainsi lui crier mon amour en public. 

Réjean, c’était tout, c’était les métamorphoses ressenties quand j’allais communier petit, celles où le monde devenait sujet d’adoration puisque partie intégrante de Dieu. 

Réjean, c’était la vie. L’anxiété, le désir, la fable du bonheur.  J’étais l’amant qui se promenait avec lui, main dans la main, qui l’embrassait malgré la foule, au départ, au terminus.   Réjean, c’était le feu de la St-Jean, la promesse de vivre.  C’était l’échelle de Jacob.   

Pour ne pas trop souffrir de son absence, je me jetais tête première dans le travail à un point tel que les Vauxcouleurs (Estrie, Cantons de l’Est) devinrent Réjean. 

J’attachais toutes mes énergies à publier la vérité sur la situation économique peu reluisante de la région.  Chaque semaine, je devenais plus conscient de la situation.  Je cherchais des solutions concrètes.  Tout l’amour que j’avais pour Réjean, je l’orientais dans mon travail, devenu une espèce de mission. 

La méconnaissance des députés des problèmes régionaux m’exaspéraient.  À mon avis, la seule façon de régler les problèmes exigeait un traitement à l’échelle régionale.  J’en vins à rechercher la création d’un gouvernement régional, pour compenser l’absence des gouvernements provincial et fédéral.  Pour eux, on n’existait pratiquement pas.

Ce gouvernement du peuple devait être formé des autorités locales et des mouvements de base, particulièrement, le Conseil de développement.  Il était ainsi plus susceptible de créer une meilleure confiance, un meilleur climat de travail apte à solutionner les problèmes.  Cette solution fut vite écartée par les autorités locales.  Les députés et les maires ne cherchaient qu’à augmenter leur capital politique.  L’esprit de clocher régnait en maître partout. (Voir Il était une fois dans les Cantons de l’Est ou Lettres ouvertes aux gens de par chez-nous.)

La situation empirait de jour en jour.  L’économie régionale était dans l’impasse.  Le chômage et l’assurance sociale montaient en flèche.  Ces problèmes m’auraient certainement laissé indifférent si à chaque endroit où j’étais assigné, il n’y avait pas eu des mères qui pleuraient, des enfants épouvantés devant la détresse des adultes, détresse qui leur était incompréhensible.  Je n’étais pas seulement le clairon, mais le miroir de ces petits.  Je souffrais comme les Vauxcouleurs à chaque mauvaise nouvelle.

Les nouvelles idées étaient plus souvent qu’autrement rejetées.  Tout le monde avait peur du changement. 

La situation se détériora à un tel degré que j’ai réussi à faire proclamer l’état d’urgence par le président de l’Association des cités et villes, M. Dorilas Gagnon, un des rares maires assez honnêtes pour se soucier davantage du bien de la région que de ses petits intérêts politiques personnels.

Mon combat échappait dorénavant à la notion régionaliste, il était devenu national.  Il fallait forcer les gouvernements supérieurs à se rendre compte qu’on existait.  Comme tout journaliste, j’étais l’expression, le cri du désespoir d’une bonne partie de la population.  Souvent, je devais littéralement arracher les déclarations.  Heureusement, mes rencontres exprimaient le désir d’un avenir, d’un changement, d’une libération.  Je vivais chaque état d’âme régional.  J’adorais les Vauxcouleurs et sa population. Je m’y confondais parfaitement.

Les patrons n’y voyaient encore aucun inconvénient.  Le journal semblait ainsi prendre ses responsabilités sociales et défendre les hauts intérêts de la région.   En réalité, le journal était manipulé et au service du parti libéral.  Mes écrits faisaient plaisir aux patrons puisqu’au provincial les libéraux étaient dans l’opposition et je préparais ainsi inconsciemment la voie du changement.

Un sourire d’enfer 6

février 14, 2023

Un sourire d’enfer 6

                                                    3

Ma première année à La Tribune fut sans histoire, sauf, que je m’amourachais vite des gens rencontrés.  J’avais aussitôt de l’admiration et de la sympathie.  J’étais ainsi à fleur de peau comme un radar sentant jusqu’aux entrailles les malheurs dont je devais rendre compte dans le journal.  J’étais vite bouleversé, peiné, impuissant.   Rien de plus difficile à vivre que l’impuissance.

Lors de mes premières vacances, j »ai cru faire une dépression nerveuse tant les larmes d’un petit bonhomme qui venait de perdre sa mère dans un accident m’avaient terrorisé.  Je digérais mal un autre événement : j’avais interrogé un petit gars sur ses réactions quand son petit ami a été happé par une automobile et s’était fait arracher la jambe.  Il mourrait quelques heures plus tard à l’hôpital. 

C’est écœurant de jouer ainsi avec les sentiments des gens, ce n’est plus du journalisme, mais pour le journal, cette sensibilité était payante. 

Ce « jaunisme » allait parfois très loin.  Pour avoir plus de détails, j’ai dû interroger un bonhomme qui venait tout juste de perdre trois amis dans une noyade à savoir ce qu’il avait ressenti.  Je me rappelle aussi le cas d’un malade condamné à mort à cause d’une maladie des reins. J’ai rapporté ses pensées jusqu’à sa mort.

J’étais alors un journaliste estimé des patrons.  J’étais assez curieux pour toujours vouloir aller au fond des choses et je devinais assez vite les événements à venir.  Il me suffisait de quelques indications.
 
Spécialisé à décrire les malheurs des gens, j’ai travaillé peu à peu sur le sort des travailleurs du textile, celui des producteurs de lait, etc.  Je faisais pleurer les lectrices, c’était bon.  L’insolite a toujours fait vendre des journaux.  Certains propriétaires de journaux sont de vrais fossoyeurs afin de bien gaver les vampires qu’ils alimentent.  Quelle saloperie !

Hymne à l’amour, le vice, la révolte produisait lentement ses fruits même si selon mon patron, il faut un haut taux de folie pour écrire une poésie comme la mienne.  

Pour la première fois, j’ai affirmé la nécessité de mon amourajoie pour bien réaliser mon travail.  Mes amours sont mon moteur. 

 « Ne vous en faites pas, à chaque fois qu’il y a du jus dans mes reportages, il y a toujours quelqu’un qui me fascine derrière l’événement.  Plus je suis fasciné, plus les mots viennent facilement.» Cette réponse a très vite clos la discussion.

 À cette époque, la beauté était des noms et des visages.  Une obsession sans doute absolument folle, mais non dangereuse… La vie, c’était la vibration en voyant la beauté, la sensation de communiquer la poésie vivante qui m’envahissait.  La flamme du désir inassouvi. 

Le premier poète à me critiquer sans me démolir complètement fut nul autre qu’Alfred Desrochers. 

Après avoir lu Hymne à l’amour, le vice et la révolte, Desrochers me fit parvenir une note dans laquelle il disait : «  Ni ne me conseiller, ni ne me déconseiller de continuer d’écrire ».  J’étais fou de joie. 

L’hommage de cette neutralité venait de haut, mais Guilbert, mon patron immédiat, après avoir lu cette lettre, prétendit que M. Desrochers voulait rire de moi, car il avait ajouté à peu près ceci :

  » Dommage que tu ne sois pas venu avant St-Denis-Garneau, t’as beaucoup plus de couille que lui.  » 

Selon Guilbert, il s’agissait là d’une plaisanterie quant la mon amourajoie.  «Desrochers a voulu rire de toi.», me dit-il.

Ce livre attira aussi  l’attention (je lui avais envoyé) de celui qu’il est bien convenu d’appeler le leader littéraire régional de cette époque : Gaston Gouin. 

Gouin, tout en y reconnaissant des faiblesses littéraires, trouvait très courageux d’y révéler mes amours bizarres.  J’ai rencontré Gouin quelques fois.  Il me fit une critique de l’Homo-vicièr et il me fit retirer près de la moitié du contenu.   Nos divergences politiques refroidirent nos échanges.  Il était trop radical pour moi. 

Gouin admettait la nécessité de la violence pour obtenir l’indépendance du Québec alors que je m’y objectais viscéralement.  Pourtant, on me raconta, que cela n’a pas empêché Gouin de choisir Hymne à l’amour, le vice, la révolte, comme lecture de chevet.  


Quelques mois après mon arrivée, j’ai eu un incident avec Gouin et ses amis.

C’était à l’époque du fameux bill 63 sur la langue française au Québec.

 
Les protestations étaient si vives partout qu’une manifestation fut organisée avec la venue du premier ministre Jean-Jacques Bertrand, à East Angus. 

J’avais discuté avec les manifestants, avant de me rendre à la réception du premier ministre, organisée à cette occasion par les autorités locales. 

Je n’ai pas pu me retenir, mes questions étaient directes et j’eus une prise de bec avec le premier ministre et ses ministres concernant cette législation impopulaire.  J’étais déjà très sensible au sort du français.

Je m’étais entendu avec le premier ministre que je lui ferais parvenir un projet de loi qui serait mieux reçu par les Québécois. Probablement que le premier ministre Jean-Jacques Bertrand m’avait dit de lui écrire un meilleur projet de loi, si celui-ci était si mauvais ou si je me croyais si fin.  Une offre que je ne pouvais pas refuser, car je croyais, à cette époque, que j’avais du talent.  C’est ce qu’on appelle avoir la tête enflée.

Je suis parti ensuite pour la salle où devait se dérouler  la cérémonie officielle et à l’extérieur d’autres manifestations s’agitaient.


La cohorte du premier ministre devait prendre le chemin quelques minutes plus tard.

Durant ce transfert des lieux, les manifestants encerclèrent les dignitaires et à ce que je vis, l’un frappa un député avec sa pancarte alors qu’un autre flaqua un solide coup de pied au cul au ministre des Terres et forêts, Claude Gosselin.  Un des ministres présents entra en traitant les manifestants de maudits cochons.

J’étais à rédiger mon texte sur les événements, à partir des notes prises lors de ces incidents,  à la salle de rédaction quand mes partons arrivèrent pour vérifier s’il était exact que le premier ministre s’était fait cracher au visage. 

J’avouai ne pas en avoir eu connaissance quoique j’aie assisté, me semble-t-il, à toute la scène de la manifestation. 

Le lendemain, nous étions les seuls à ne pas avoir relaté cet incident ou cet exploit, selon où on se trouve sur l’échiquier politique.

Il n’en fallut pas plus pour que Gaétan Dostie me rencontre et me manifeste en son nom et au nom de ses amis son étonnement du fait que le seul journaliste vu comme étant honnête à ce journal fut aussi tarte.  La Tribune a toujours été identifiée au parti libéral.

J’ai expliqué mon point de vue : j’aurais été malhonnête d’écrire qu’il s’était passé quelque chose sans avoir la preuve qu’un tel geste aussi peu banal avait eu lieu.  L’entretien tourna au vinaigre et je fus couché sur la liste des journalistes vendus.

Cela ne m’empêcha pas de participer à titre personnel aux manifestations organisées, à Sherbrooke, contre le bill 63 et même entrer en conflit avec mes confrères ; car, l’association des gens de la presse (qui ne fit pas long feu) refusa, comme je le demandais, de se prononcer sur le problème de la langue et celui de la liberté de presse. 

Comme convenu, j’ai fait parvenir au premier ministre, ce qui me semblait une loi contenant un minimum de justice pour les francophones.

J’étais déjà trop radical et trop mou à la fois, selon d’où on m’observait.  Plus tard, il a été confirmé que Gaston Gouin avait effectivement craché au visage du premier ministre Jean-Jacques Bertrand.

J’admirais profondément Gouin.  C’était un vrai poète.  Il parlait avec tant de passion de la poésie qu’il ne pouvait pas nous laisser indifférents.  Je l’ai malheureusement rencontré trop peu souvent.  Gouin avait la voix.  Il fascinait.  Il était impossible de demeurer indifférent au poète en noir.

Sur le plan politique, je me faisais écœurer par un groupe de maoïstes.  Ils m’ont certainement plus retardé dans mon cheminement politique qu’autrement.  Ils passaient leur temps à nous dire que les petits bourgeois de mon espèce seraient liquidés le jour de la révolution.  Je gagnais 135$ par semaine quand j’ai laissé la Tribune en 1972.  J’avais commencé au salaire de 35$ par semaine.  Quel bourgeois !  Ce langage m’écœurait.  Comment croire que l’Indépendance sert les Québécois quand elle est présentée aussi bêtement.

Je travaillais avec acharnement.  J’adore le journalisme.  J’y mettais toutes mes énergies. 

Après le travail, je redevenais ce deuxième être qui avait pointé en moi à Québec: une espèce de fou assoiffé de poésie, d’amour, d’ironie et de vie vraie.  On en a qu’une, il ne faut pas la manquer.   

Un sourire d’enfer 5

février 13, 2023

Un sourire d’enfer 5

Vers la fin de l’année, j’ai publié deux autres textes dans Le Garnier, soit le journal des étudiants des Jésuites. Le premier affirmait que les enfants ne doivent rien à leurs parents puisque l’Amour est gratuit. 

Ce fut au tour des professeurs de morale et de philosophie de faire l’apologie de ma folie dans leurs classes. 

Dans l’autre texte, je dénonçais la prison, tout en faisant connaître mon amour des garçons.  Les Jésuites n’ont pas tenu le coup.  J’eus le choix entre payer tout de suite ou ne pas pouvoir me présenter aux examens de fin d’année.  Une façon de me renvoyer, car ils savaient très bien que je n’avais pas d’argent…  C’était un noble moyen pour me forcer à débarrasser le plancher.  Et, une bonne justification, si je devais tenter une nouvelle action, susceptible d’intéresser les journaux.   

Mon professeur de sociologie me reprocha d’avoir abandonné la lutte : « un type de ton intelligence n’a pas le droit de laisser tomber.»

Le professeur venait de découvrir les événements de mai 1968, en France, et le souffle de la nouvelle révolution sexuelle annoncée en Californie.  Puisque j’avais exprimé ces idées quelques mois auparavant, que l’Homo-vicièr  en parlait du début à la fin, j’étais devenu pour les étudiants un héros ou tout au moins un prophète.  C’était trop tard.  Ma décision était prise.  Je me servirais de ma bourse d’études pour publier mon premier livre.
 
J’ai travaillé à la publication d’Hymne à l’amour, le vice et la révolte.  Tout au long de l’année, j’ai pondu L’homo-vicièr.

À ce point de vue, ma rencontre avec Micheline a été très profitable. 

Une fois, par semaine, nous nous rendions danser, mettre notre émotivité en danger… Nous cherchions tous les moyens pour entrer en transe et dès que nous le pouvions, nous nous faisions part de nos découvertes, en vue de s’en servir dans nos écrits.  Malgré nos chicanes, ces soirées étaient consacrées au rire et à l’ironie.  Elle était très intelligente et mon admiration pour elle me la rendait vraiment très attachante.  Pourquoi quand nous sommes jeunes ne nous apprend-on pas qu’il est normal d’avoir la libido forte ? On préfère la censure et l’hypocrisie… une société de moutons… On oublie que ceux qui ont créé les règles de la civilisation actuelle vivaient dans un tout autre contexte.  Mais, c’est plus facile de ne pas les remettre en cause. 


Une année plus tard, je rêvais encore à Daniel.  Aussi, avais-je pensé qu’en publiant Hymne à l’amour, le vice et la révolte la police ferait enquête afin de me condamner.  Au moins au procès, je pourrais le voir ne serait-ce que quelques minutes, le temps qu’il témoigne contre moi.  J’étais prêt à faire cinq ans de prison pour le revoir une minute.  La folie ne porte pas qu’à tuer.  L’amour est un besoin tellement essentiel.  En être privé peut nous déranger les méninges…

Mon livre de poésie ne connut pas le succès escompté.  Tous les critiques littéraires étaient unanimes « je n’ai pas de talent».

« Plus équivoque et pas très prometteur s’annonce le recueil difficile à nommer et à décrire de Jean Simoneau … Enfin, Jean Simoneau nous promet une œuvre fort abondante et nous prie, sur un feuillet publicitaire, de commander vivement car  » le nombre est restreint ».  Comme M. Simoneau est étudiant, il s’agit peut-être d’une farce, après tout ! » (Livres et auteurs canadiens 1968, p.114). 


Villon faisait aussi des farces et il fut pendu. Dans lejournal Le Devoir, Jean-Ethier Blais affirma que même si je n’ai pas de talent, je devais être un étudiant agréable à rencontrer à la taverne. Je sais maintenant pourquoi, ce n’était pas pour mon talent d’écrivain, mais mon apostrophe entre les deux jambes.

Dans le milieu littéraire de Québec, ce livre m’a valu toutes les foudres possibles.  Personne ne voulait plus me parler.  Scandalisé par son contenu amourajeux, on digérait encore moins mes dédicaces.  On les interprétait tout de travers, comme si j’avais couché avec tous ceux à qui je dédiais un texte. Le Québec niaiseux s’agitait. 

Écrire un livre t’immortalise, car, tu laisses une trace après ta mort.  Aussi, pour moi, une dédicace c’était la plus grande preuve d’amour, c’était offrir mon cœur et mon âme pour rendre cette personne immortelle à travers moi.  Mon livre en était parsemé.  Chez moi, on me fit remarquer un oubli terrible.  J’avais oublié d’en dédicacer un à mon frère Serge.   Cela me peinait beaucoup. Comment peut-on faire un oubli aussi stupide ?

De guerre lasse, je suis retourné à Barnston.  J’en ai profité pour descendre de la Vieille Capitale avec le député libéral Georges Vaillancourt, car, de toute façon, il se rendait à Coaticook.  M. Vaillancourt me conseilla de me présenter à La Tribune de Sherbrooke, où l’on cherchait un bon journaliste.  J’ai été vite réengagé, les patrons ayant déjà entrepris des démarches afin de me localiser et m’embaucher.

Sur le plan politique, je n’avais pas évolué, sauf, dans le sens, de l’écœurement total.

D’abord, dans une assemblée libérale, un ex-ministre était venu promettre qu’en reprenant le pouvoir les libéraux créeraient un ministère fantoche dont le patronage serait la fonction véritable.  Un autre nous informa de la guerre Lesage-Lévesque.

J’avais rien compris avant le congrès des jeunesses libérales où j’ai été informé du projet d’Indépendance du Québec de René Lévesque.  J’étais plus préoccupé par mon projet visant à nettoyer les mœurs politiques.

J’ai pris position pour une espèce de troisième voie, présentée par M. Paul Gérin-Lajoie, projet qui m’apparaît encore aujourd’hui comme étant très autonomiste, sans en porter le nom.

J’étais délégué au congrès des adultes, mais je n’avais pas les sous nécessaires pour y participer.  L’équipe de Jean Lesage m’offrit de payer à la condition de voter contre René Lévesque.  J’ai refusé.  Je me suis présenté au clan de Lévesque afin d’avoir le financement nécessaire, tout en leur disant que j’avais déjà voté contre le projet de leur chef et que je ne changerais probablement pas d’idée par ce simple soutien financier.  Malgré ma franchise, ils acceptèrent.

Le congrès était complètement paqueté.  Les libéraux avaient sorti tous les petits vieux des hospices pour venir battre le communiste Lévesque.

Le projet que j’appuyais fut rejeté.  Nous n’avions plus que le choix entre le statut quo et l’option indépendantiste.  Quand je me suis présenté au micro, tout le monde écoutait.  J’étais jeune et, venant de Limoilou, je ne pouvais être que du bon bord.

« Entre le statut quo, qui ne va pas assez loin dans les réformes souhaitées et une option qui m’apparaît comme allant trop loin, je ne peux que choisir d’aller le plus loin possible, dans l’intérêt du Québec.  Pour cette raison, je voterai en faveur du projet de René Lévesque.»
 
Les protestations fusèrent de partout.  Les délégués de comté m’ont aussi vite désigné comme « un traitre».  Ils prétendaient même que j’avais infiltré le parti pour appuyer l’Indépendance.   Ce qui était absolument faux et débile. 

J’étais très désappointé du peu de démocratie à l’intérieur de ce congrès.  Chose certaine, je n’étais pas genre à appuyer les propositions visant à augmenter le patronage.  Je suis allé manger seul, réfléchissant à ce que je devais faire.  Lévesque s’était déjà exclus du parti. Ses supporteurs avaient quitté la salle.

De retour au congrès, je suis allé dire à peu près ceci à l’assistance : « Il est évident que j’ai perdu toute crédibilité.  Je ne crois plus représenter dorénavant les vœux des membres de mon comté et, par conséquent, je démissionne de la présidence des Jeunes libéraux de Limoilou.  Cependant, je considère qu’il est urgent, comme le disait M. Lesage, de s’occuper du pain et du beurre et à ce chapitre, je crois, qu’il me sera possible de mieux servir le Québec en demeurant dans le parti.  Il faut s’unir et reprendre le pouvoir.»

Espèce de cave !  J’espérais toujours que mon projet, référé à un comité d’étude, puisse un jour aboutir à des actions concrètes.

J’ai eu droit au seul  » standing ovation » de ma vie.  Les gens me tendaient la main de chaque côté des rangs comme si j’avais été le chef de ce parti.  Kierans et Lévesque me donnèrent l’accolade.

Je savais pourtant au fond de moi-même qu’il n’était plus question pour moi de continuer dans la politique active : la foi venait de tomber pour très longtemps.  La blessure était profonde.  Je ne croyais plus dans la démocratie. 

J’ai écouté les discours.  J’ai eu presque mal au cœur d’entendre Pierre Laporte et cies vanter le fédéral.  C’était à se demander ce qu’il faisait au Québec.
 Aussi, suis-je entré une troisième fois à La Tribune. 

Je n’avais surtout pas l’intention de m’occuper de politique à nouveau. C’était, à mon avis, bien trop sale !

Un sourire d’enfer 4

février 12, 2023

Un sourire d’enfer   4

Un jour, en entrant du travail, une lettre de France m’annonçait que j’étais lauréat d’un concours de poésie en Normandie.  C’était un poème que j’avais écrit pour illustrer mes tentations amourajeuses : LA NOCE.  En même temps, le lieu d’où je gagnais le concours, était lié directement à un autre personnage religieux qui m’influençait énormément : Ste -Thérèse-de-l ‘Enfant-Jésus. Elle était arrivée dans ma vie à travers la THÉRÈSA, une mine d’or.   

Je ne savais plus si je devais être heureux ou découragé.  Je priais pour revoir Daniel.  J’avais peur, mais cette fois l’amour fut si vif que ce fut la grande métamorphose.  Plutôt que de percevoir Dieu comme un juge, je le découvrais comme un protecteur : il ne pouvait pas condamner l’amour, Lui, qui se dit l’Amour.
 
Daniel.  C’était déjà un rêve, une force comme je n’en n’avais jamais vécue.  J’étais prêt à tout pour le revoir, pour lui dire combien je l’aimais.  Son absence m’a mené à encore plus de révolte.

J’ai commencé à écrire des poèmes dans lesquels Jésus était un adepte des Amitiés particulières.  À chaque mot, je mourrais de peur puisque je craignais que ce soit des blasphèmes.  J’écrivais en tremblotant et bien conscient qu’il y avait une nouvelle force en moi.  Une force de nature insoupçonnée : j’étais prêt à défier la peur du péché pour revoir Daniel. 

Je me fichais pour la première fois des cinq ans de prison possible, même de la mort, ne serait-ce que pour le revoir une minute, l’aimer encore autant, avec autant de passion. 

Heureusement, la poésie m’aida à retrouver mon équilibre. 

Je me suis rappelé peu à peu ma grande découverte en prison : aimer, jouir sont aussi des prières.  Je ne culpabilisais plus.  Daniel ne m’entraînait pas aux blasphèmes, il consacrait l’amour que j’ai en moi.  Il m’unissait à Dieu par un nouveau moyen, par une nouvelle route. 

Ainsi, Daniel me permettait de m’accepter comme amourajeux, sans être en contradiction avec ma foi.  Quelle importance cela avait-il que Jésus ait aimé son petit cousin au Jardins des Oliviers ?  Pour moi, Jésus devenait encore plus grand, tout aussi divin.   Qu’il ait aimé la chair en s’incarnant, rien de plus naturel ; le contraire, en faisait un masochiste pur. 

Dieu cessait d’être un exécrable individu pour devenir véritablement un AMI.


Je suis retourné à Québec dans cet état d’esprit.  Cela ne m’avait rien donné financièrement de travailler tout l’été.  Je n’avais réussi qu’à payer mes dettes de l’année précédente. 

À nouveau, le service d’aide aux étudiants me refusa l’argent nécessaire pour compléter ma deuxième année chez les Jésuites.  J’étais puni d’avoir travaillé.  Puisque j’avais essayé de me débrouiller, j’avais droit à moins d’aide.  Quel genre de débiles dirigent tous les services d’ordre social ?  Ils ne comprennent rien.  Tu es puni, dès que tu veux faire un effort pour t’en sortir.  Au lieu de t’aider, ils te calent encore plus.  

Je voulais me suicider, même si je savais que je ne mettrais jamais ce désir à exécution.Le suicide est une maladie mentale ou un manque de courage ou trop de souffrances. Comment vivre sans aimer ?  Comment trouver un sens à mes actions, si je ne pouvais pas partager la tendresse qui me dévorait ?
 
À la fin du premier semestre, mon désespoir s’est transformé en révolte.  Il ne suffisait plus d’écrire l’Homo-vicièr, je devais m’affirmer. 
 
En décembre ou janvier, à l’occasion des examens, j’ai écrit dans le journal étudiant un grand extrait de mon roman dénonçant les examens.  En sociologie, quand le professeur demanda d’expliquer le haut taux de suicides chez les étudiants, j’ai répondu que l’imbécilité de ces cours était une raison viscérale de vouloir en finir.  Celui-ci me traita de fou en classe.  J’ai repris les examens avec succès et l’incident fut oublié. 

Au cours du second semestre, je me suis fait une petite amie.  Nous avions été attirés l’un à l’autre par le même amour des lettres.  La chicane ne tarde pas à nous opposer.  Elle fut d’abord jalouse du petit gars qui recevait nos manteaux à l’entrée de la salle de danse. Elle trouvait que je mettais trop de passion à le regarder.  La jalousie est un déséquilibre. Un juron contre la liberté.  Il était très beau, j’en conviens.  Je serais demeuré planté là à l’examiner durant des heures.  Malheureusement, quand on est avec une femme, il faut qu’il n’y ait qu’elle dans le paysage.  Une forme d’autisme nommé couple. Tout autour doit être laid ou invisible, à part elle. 

Elle vit ensuite dans la visite d’un de mes cousins, un autre danger.  Les flammèches ne tardèrent pas.  Je ne tolère pas la jalousie.  C’est refuser à l’autre son droit de choix fondamental.  Les féminounes s’imaginent que jouir de la présence d’un autre, c’est leur manquer de respect, car l’autre peut leur être supérieur.  En fait, elles vivent d’insécurité et de complexes d’infériorité. Elles projettent sur les autres leurs complexes d’infériorité et leur paranoïa.

La jalousie est un élément décadent, ressurgissant de l’inconscience de la vie des harems et du statut de la femme dans une société de machos hétérosexuels. 

Le statut de la femme dans nos civilisations a toujours été celui de l’infériorité.  Pourtant, nos civilisations s’imaginent que l’hétérosexualité est tout ce qui a de normal. J’aime les femmes qui ont dépassé cet état mental et émotif.  Les femmes qui ont su intégrer la beauté de leur sexualité. J’aime les vraies féministes.

La crise a pris de l’ampleur.  Elle s’identifiait, sans avoir tort, à Esther, un personnage de L’homo-vicièr qui présage des luttes des mouvements de libération de la femme.  La femme qui, sous prétexte d’égalité, veut dominer non plus en cachant son jeu comme elle l’a toujours fait, mais ouvertement, sans artifice. 

Ce fut une période très riche d’échange de lettres d’amour.  Finalement, elle me reprochait d’être trop cochon parce qu’à force de me faire agacer : elle aurait pu me passer à travers un mur pour me sentir bandé en dansant, ce qui arrivait moins souvent que je l’aurais souhaité, mais qui m’amenait à vouloir lui poigner les seins et mettre sa main dans mes culottes.  Chaque fois, cela la scandalisait, mais chaque fois j’y décelais un désir qui était bien celui d’une victime (un mot féminin) qui se cherche un bourreau.  Bien agréable le bourreau à petite matraque… Plutôt que nous apprendre à contrôler nos désirs sexuels, on préfère ne pas en parler parce qu’on les craints, d’où notre incapacité d’avoir un équilibre émotif…

Mon professeur de sociologie fit sa connaissance.  Une fois, sous prétexte de connaître mes réactions, il lui fit croire que je m’étais suicidé de chagrin par sa faute.  La pauvre fille n’en a pas dormi de la nuit.
 

La rupture était inévitable, j’étais trop cochon, trop chaud, et je ne comprenais pas pourquoi cette invasion des remords de conscience, fruit de notre ignorance de la nature humaine, Pourquoi devenir fous pour des gestes somme tout très agréables ?  Quel danger y a-t-il à se caresser ? 


À cette époque, si je l’avais mis enceinte, je l’aurais mariée.  Je crois même qu’on se serait beaucoup aimé, car le sexe était tout ce qui nous séparait et marié cela n’aurait plus été un problème… il devrait y avoir une loi garantissant que tout gars qui met une fille enceinte se doive de l’aider à élever l’enfant, soit en la mariant, soit en lui versant une pension jusqu’à ce que l’enfant ait atteint la fin de son secondaire. 


Ainsi, on aurait plus besoin de l’avortement pour protéger les filles-mères contre la vindicte sociale.


Un sourire d’enfer 3

février 10, 2023

Un sourire d’enfer  3

Cette fois, seuls, les Jésuites m’acceptaient, mais il fallait payer des frais de scolarité énormes.  Pour y arriver, je devais obtenir une bourse d’études.

J’ai ré entrepris les démarches, sans succès, auprès du Ministère de l’Éducation.  Révolté, avec le chapeau de M. Gosselin et un communiqué de presse, je me suis rendu au bureau du ministre, M. Gérin-Lajoie, passer le chapeau.  Je n’ai récolté que quelques sous, mais l’intérêt soulevé par la presse incita le ministère à bouger.  Première réaction : il me fit passer pour fou. 

Il fut aussitôt décrété que je devais passer un examen psychiatrique avant d’avoir une bourse, car, on devait savoir en qui  on investissait avec l’argent des contribuables.  Cet examen suscita la colère des mouvements étudiants qui se battaient pour l’enseignement gratuit.   Ceux-ci invitèrent les autorités à passer le même test.  Manque de peau, l’examen révéla seulement une certaine tendance à éparpiller mes énergies (c’est ce que j’imagine, on appela névrose), mais on insistait sur ma capacité définitive de pouvoir poursuivre des études universitaires et bien au-delà.  Ce bien au-delà m’a toujours tracassé.

En politique, j’étais toujours persuadé de la nécessité de se débarrasser du système du patronage.  J’ai entrepris la lutte dans une section de la Société Saint-Jean-Baptiste, à Québec. 

La lutte au patronage m’était apparue plusieurs années plus tôt comme un élément essentiel pour répondre à Gordon, cette espèce de chien en culotte du Pacifique Canadien, qui prétendait que les francophones étaient trop idiots pour occuper un poste de commande.

À mon avis, il fallait nettoyer notre vie politique de sa réputation et de ses sangsues.  Par la suite, si les Anglais continuaient à nous traiter injustement, il n’y aurait qu’une solution : la révolution pour l’Indépendance du Québec.

Si j’acceptais cette voie, je refusais celle qui montait à Montréal : le FLQ.  J’avais peur, depuis mon premier emprisonnement et mes lectures du Reader Digest, de la guerre civile et des communistes.   Par contre, j’étais un chaud partisan de René Lévesque.  J’avais même conseillé au secrétaire de Lesage, Raymond Garneau, la tenue d’un congrès à la direction des libéraux où Lévesque serait appelé à remplacer Jean Lesage.

Je cherchais toutes sortes de solutions qui auraient fait du Québec, une province riche et heureuse.  Je m’étais penché sur le rôle des députés et j’avais essayé de vendre l’idée d’une espèce de régime présidentiel où les mouvements de base joueraient un rôle indispensable.  À cette époque, je voyais l’indépendance du Québec comme une bombe atomique, apte à permettre aux Québécois d’être traités avec égalité par les anglophones. 

La SSJB-Québec ne voulait rien entendre sous prétexte qu’elle se voulait apolitique.  J’ai été forcé de laisser ce mouvement.  J’étais en larmes.  J’affirmai que si un jour le FLQ grossissait, ce serait la faute de tous ces irresponsables qui refusent de faire face à la musique et optent pour le statut quo alors que l’injustice est flagrante.

J’ai à nouveau joint les rangs des libéraux.  Je voulais cette réforme à tout prix : un gouvernement du peuple, un gouvernement honnête.  Pour ce faire, fallait bien que je fasse de la politique.

Je me suis réembarqué assez vite dans ma nouvelle mission.  J’écrivais aux députés, aux ex-ministres libéraux qui étaient alors dans l’opposition. 

À mon avis, la politique était tout comme le journalisme, la tâche la plus noble qui soit, puisque comme le disait l’Éthique à Nicomaque, elle consiste à travailler au mieux-être de ses concitoyens.  La politique est donc le summum normal de l’amour.  J’ai vite déchanté.

Je m’étais fait la réputation d’un gars du centre-gauche.  Pour moi, le Québec devait développer le Nord, accentuer la participation des travailleurs à la gestion des entreprises.  Le Québec devait assurer universellement les droits fondamentaux pour chaque individu que sont la nourriture, le logement, la santé, le travail et l’éducation. L’état ne devait pas remplacer l’individu, mais garantir qu’il aurait au moins accès au minimum de ces moyens pour se réaliser personnellement et socialement.  Les moyens de s’en sortir…

Toujours coupable d’être pédéraste (amourajeux), je me suis présenté en clinique pour me faire traiter.  J’avais inutilement demandé au député Vaillancourt de m’aider à obtenir les services pour défrayer le coût d’un tel traitement.  Après une semaine d’observation à la clinique Roy-Rousseau, j’ai été renvoyé sous prétexte que je peux m’en sortir seul.  Le médecin m’avoua n’avoir rien contre la pédérastie (l’amourajoie) telle que je la vis ; mais que je risquais à nouveau la prison, ce que je ne saurais pas supporter.  Il me conseilla, comme si cela était possible, que je devienne gai et de cesser d’écrire aux députés puisque mes lettres et mes documents se retrouvaient sûrement au panier.  

J’avais trouvé ce verdict très pertinent.  Une semaine plus tard, pourtant, je recevais un appel du ministre Éric Kierans qui m’offrait de le rencontrer.  Je me suis rendu à son bureau et à ma grande surprise, j’ai été présenté à Jean Lesage.  Les politiciens discutèrent avec moi et finirent par m’offrir d’apprendre le métier de politicien avec Jean Lesage.  J’aurais eu un salaire de 100$ par semaine.  J’ai refusé, croyant qu’ainsi je préserverais mieux ma liberté et que je n’aurais pas besoin de devenir un singe pour faire mon chemin en politique.  Kierans venait de donner tort à mon psychiatre.

Mon année scolaire s’est très bien terminée.  J’ai facilement réussi.  Je ne pouvais pas être distrait, je n’avais que 0.50$ pour mes dépenses, autres que ma pension.

Je me suis rendu à Montréal pour travailler durant l’été afin de payer les frais de la prochaine année scolaire.  Tout ce que j’ai su dénicher : éclairagiste dans un club pseudo-arabe, puis, dans un club à gogo, comme desserveur de tables.  Cette dernière expérience me marqua davantage puisqu’on m’appelait « le petit gars » et que je fus confronté pour la première fois de ma vie à la réalité gaie.

Ma première rencontre fut celle d’un noir.  Il s’organisait toujours pour m’attirer à sa table.  Il a même inventé de renverser sa bière.  Il me tapait sur les nerfs. À la fin de la soirée. il me fit part de ses ennuis : il ne savait pas où aller.  Je lui ai conseillé un endroit en lui indiquant bêtement que je m’y rendais toujours après le travail.  Il m’a aussitôt fait part de son intention de m’y retrouver.  Ce soir-là, j’ai sorti plus tard qu’à l’habitude.  Je n’étais pas naïf, j’étais niaiseux.

J’aimais bien ce travail.  Le milieu insolite. La demande des filles du club arabe de leur envoyer des petits vieux, quand j’ai commencé à travailler au club de gogos-femmes.  En retour, j’avais droit à une commission payée en nature.  Salaire que je n’ai jamais eu, même si j’ai envoyé bien des intéressés.  Cependant, l’honnêteté n’était pas toujours de rigueur dans ces clubs. 

J’ai passé pour le roi des imbéciles un après-midi parce que j’ai défendu un client qui avait oublié un appareil photo et qu’une des serveuses voulait la garder pour elle.  Ce qu’elle fit, malgré mes protestations.  Je n’aimais pas non plus qu’on fasse les poches des clients quand ils étaient trop saouls à la fin de la soirée, avant de les mettre dehors.  

Ma jeunesse me valait des avantages. Une des serveuses me fit une crise de jalousie parce que souvent j’avais de bons pourboires pour rien ou encore des clients qui me payaient volontiers un verre.  Je ne comprenais pas pourquoi tant de générosité jusqu’à ce qu’une serveuse me dise :  » T’as qu’à regarder ces messieurs te convoiter l’arrière-train pour saisir ce qui se passe. « 

Plus tard, les patrons s’amusèrent à m’envoyer chercher de la glace dans un club gai de la rue Stanley.  Ils prétendaient que je serais un jour un des futurs clients de ce bar.     

C’était toute une découverte : je voyais pour la première fois de ma vie, dans ma vingtaine, deux hommes danser ensemble.  Un seul spectacle a su me distraire autant : le club des lesbiennes.  Je les ai vues un soir sortir un bonhomme qui s’était probablement trompé d’adresse… il toucha très peu aux marches.  Les femmes sont parfois aussi très fortes…

Montréal me semblait propice à une expérience pédéraste (amourajeuse).  Il était impossible qu’avec autant de petits gars, je ne finisse pas par en rencontrer un qui soit intéressé.  En attendant, je travaillais et j’écrivais de la poésie.  Parfois, je me permettais de partir à la recherche de l’âme sœur.


Un après-midi, dans le métro, en me rendant au travail, j’aperçus un magnifique petit bonhomme.  Il était blond et semblait avoir environ 14 ans.  Je lui fis des clins d’œil, il me sourit , je lui montrai deux dollars, tout en lui faisant signe de me suivre, ce qu’il fit sans hésitation.  J’étais au ciel.  Je croyais rêver.  Je me suis rendu avec lui dans une toilette d’un restaurant où il accepta, après des caresses préliminaires, à se rendre chez moi.  J’étais fou de joie. Je n’aurais jamais cru qu’une telle chose était possible.  Je remerciais le bon Dieu d’avoir créé Montréal.

Je m’absentais du travail pour la première fois.  J’ai passé l’après-midi avec lui.         

Je le revois nu dans mon lit alors que ma langue voyageait encore moins vite sur son corps que le plaisir qui courait dans ma tête.  Pour la première fois, je sentais que le plaisir était complètement partagé.

Son sourire, les gestes de son corps prouvaient qu’il goûtait tout aussi bien la situation que moi.  Daniel était divin.  Il avait en plus un drôle de façon de réagir à nos baisers.  À chaque fois, il branlait le nez.  Nous avons parlé assez longtemps pour que je le connaisse assez bien.  Son père était dans l’armée et sa mère vivait, à Montréal, avec lui.  La séparation de ses parents l’affectait beaucoup.  Son grand rêve était de s’acheter une bicyclette. 

Peu à peu, les remords m’ont envahi, car je me sentais encore coupable d’être pédéraste.  Je l’aimais trop pour le rendre à jamais malheureux.  J’avais peur que mes goûts se transmettent et je ne voulais pas lui rendre la vie aussi malheureuse que la mienne.  

J’ai supplié Daniel de me pardonner.  J’ai voulu lui faire peur en lui disant qu’une telle dégénérescence conduit à la prison.  Daniel se contenta de s’approcher de moi et me dire que lui aussi avait déjà eu des problèmes avec la police.  Et, il m’embrassa avec passion.  Que pouvais-je dire de plus ?

Après que Daniel m’eut laissé, la vie n’était plus pareille.  J’étais follement amoureux de lui.  Daniel m’avait promis de revenir bientôt et de me présenter sa petite amie.  Il ne le fit jamais et je me suis mis à le rechercher.

Daniel, c’était tout ce qui comptait dorénavant.  Je vivais dans l’anxiété de le revoir.  J’ai tenté de le rejoindre au téléphone, épuisant le répertoire de toutes les familles qui répondaient à son nom.  Le soir quand j’arrêtais une seconde de travailler, je me rendais près de la porte où je scrutais les passants.  Viendra-t-il enfin ? 


Pour le graver davantage dans ma mémoire, je griffonnais cet amour sur un bout de papier.  Je me fichais bien maintenant que ma mère ait hésité à me livrer à la police puisque le dimanche précédent, elle et mon père, m’avaient surpris la main dans le pantalon d’un autre petit garçon qui aimait bien se faire tâter le moineau.  La faim justifie les imprudences… 

Peut-être que mes parents n’auraient jamais osé mettre leur menace à exécution ; mais je savais être, encore une fois, une raison pour eux d’être malheureux de m’avoir comme fils. Ça m’affligeait beaucoup, c’était même une raison de plus pour m’haïr.

J’étais quasiment fou de visions.  Je voulais revoir Daniel par tous les moyens.  Chaque endroit où j’avais vécu quelques secondes avec lui étaient devenus de véritables lieux de pèlerinage et le sont demeurés plus de dix ans…

Ce fut comme si les patrons auraient compris qu’il se passait quelque chose de nouveau en moi.  Ils multipliaient mes missions dans le club gai.  Ce travail a eu un avantage extraordinaire : il enleva à jamais ma peur des gais.   Si j’en étais un d’une certaine façon, j’avais conservé toutes les peurs que mon éducation avait créées.  Loin d’être dangereux, comme on me l’avait appris, ces messieurs étaient tout égard, toute tendresse.  Je me sentais de plus en plus valorisé quand un homme me regardait avec avidité.  Moi, qui m’était toujours cru si laid, je découvrais que pour certains je pouvais même leur paraître très beau.  Ce n’est pas une petite découverte, ce fut extrêmement important pour moi.  

Petit à petit, j’ai commencé à fréquenter les pissotières.  Le travail s’en trouva valorisé d’autant.


Un sourire d’enfer 2

février 9, 2023

Un sourire d’enfer  2

                                                2

Septembre. J’ai voulu continuer mes études à l’école Normale pour hommes à Sherbrooke.  Je n’avais pas d’argent et le service d’aide aux étudiants refusaient mes demandes.  C’était comme au secondaire ; pour avoir des sous il aurait fallu que j’affirme que mes parents, en êtres anormaux, m’avaient foutu dehors du bercail.  Je tenais à la vérité, et par conséquent, à la bonne réputation de mes parents.  La décision de mon père de ne pas me nourrir jusqu’à 75 ans était pleine de bon sens : il me forçait ainsi à apprendre à compter sur moi-même, à me déniaiser un peu.

Mes parents me remettaient parfois mes trois mois de prison sur le nez, mais qui ne l’aurait pas fait ?  Puisque je comprenais leur attitude sans les blâmer, j’étais de l’avis d’un psychiatre, d’un masochisme maladif. 

À cette époque, je me croyais vraiment un salaud d’être pédéraste (amourajeux).  Je ne savais pas que cet interdit est le fruit d’une savante formule de répression pour mieux abuser des gens.  Je n’avais pas encore de morale personnelle. Je croyais ce que dit le système.

Par hasard, j’ai appris que l’ancien président de la Commission scolaire de Victoriaville, un Monsieur Morissette, était devenu ministre adjoint à l’Éducation.  J’avais travaillé souvent avec lui et ce dernier ne pouvait avoir qu’un bon souvenir de mon professionnalisme comme journaliste.  Il n’en fallait pas plus pour que je frappe à sa porte.  Il me prêta l’argent pour poursuivre mes études à Sherbrooke. 

J’ai ainsi renoué connaissance avec les libéraux.  Ils étaient au pouvoir et ma seule planche de salut.  J’ai pensé que ce n’était peut-être pas vrai que les libéraux aient été les instigateurs de mon arrestation en 1963.  Après tout, ces gens n’étaient que des organisateurs locaux.

Ce fut toute une expérience d’entrer à  » l’École Normale de Sherbrooke », sous la protection du ministre adjoint à l’Éducation.  Jamais tout n’avait été si bien préparé pour me recevoir ; jamais le prêt d’honneur n’avait été aussi rapide à m’accorder une bourse d’études.

Mes études furent complètement bouleversées par une nouvelle fièvre de poésie.  J’ai essayé d’écrire.  Personne ne croyait dans mon talent.  Je faisais aussi des paroles pour les chansons de mes jeunes frères.  Une version de No where man, des Beatles devint :


                             C’était un homme bohème
                             sans famille, sans patrie,
                             qui parcourait sans relâche
                                    l’univers.

                                Par amour de la liberté
                                il n’apprit aucun métier
                                faisant mille petits travaux
                                     par le monde.

                                  Homme libre de la terre
                                  ton pays est ta planète
                                  et tous les hommes
                                         ta famille.

 Cette nouvelle dimension de la vie m’éblouissait, mais me traumatisait tout autant.
 
Tous les journaux, toutes les revues refusaient mes textes.  Ceux-ci étaient pourtant de moins en moins religieux.  Selon les auteurs-modèles qui m’avaient amené à la plume, Rimbaud, c’est un si joli garçon, et Jacques Prévert, dont la révolte m’obsédait, il était impossible que j’évolue autrement. 

Je correspondais avec une poétesse de Québec, Madeleine Guimont.  Elle était toute sensibilité et douceur.  Malgré mes échecs, j’écrivais, j’écrivais, j’écrivais.  J’adorais ce nouveau monde où tout est imagination, jeux de mots.  Peut-être aujourd’hui dirais-je, je pleurais, je braillais.  Poèmes et chansons étaient ma vie.  Je me lamentais et je ne me pardonnais pas d’être amourajeux.

J’étais profondément vexé que les orchestres de mes frères ne connaissent pas autant le succès que je le voulais et qu’ils le méritaient.  Leur premier orchestre fut les Stellairs, qui fut dissous et remplacé par les Pyramides et les Rembrandt, qui connurent un certain succès.

Cette création, baignant dans une atmosphère de révolte et de sensualité, fut la source de mes problèmes.  Mes textes étaient de plus en plus révoltés et seul l’aumônier de l’école normale semblait y attacher de l’importance.  Ce fut alors ma période de recherches ésotériques.  J’étais obsédé par un nouveau thème : la mort.  Par contre, j’étouffais ma peur et je commençais à décrire mes émois pédérastes (amourajeux).  Les petits gars reprenaient du terrain.  Mon texte La Mort du beau Pierrot devint le symbole de ma nouvelle façon d’embrasser la vie. Tout maintenant.

Les études n’avaient plus d’importance.  J’allais boire avec un groupe d’amis étudiants et je cherchais ce qui pouvait arriver après la mort. J’avais l’obsession de l’au-delà.

Pour moi, tout devint clair.  Puisque le cerveau est l’outil essentiel, le centre de la perception, à la mort, il n’y a rien qui puisse subsister, c’est le grand vide total éternel, mais l’énergie que nous sommes ne peut pas disparaître totalement.  Avec la mort, nous devenons une énergie diffuse et inconsciente, car rien ne se perd et rien ne se crée. De l’énergie noire.  La plus en abondance dans l’univers, mais dont on ne sait rien. Demeure-t-elle une source de conscience ?  Conscience de quoi ?  Serait-ce comme les nuages noirs perçus dans ma vision en prison ?  Le bonheur serait-il quant à lui une énergie blanche ?    

La vie est une force énergétique plus concentrée que l’énergie nucléaire.  Une énergie, qui, comme la vie sexuelle, n’a pas encore été mesurée puisque l’on n’a pas encore découvert les moyens d’y parvenir.  Une énergie plus concentrée, d’une plus grande qualité.  Ce qui permet la conscience et donc la création de ce qu’on considère comme la réalité.  Notre vie ne serait qu’un regard sur les énergies qui passent. Sentir ce qui se passe serait notre seule réalité.

Les étudiants les plus âgés me comparaient à Teilhard de Chardin.  Je ne l’avais encore jamais lu, aussi, je ne sais pas si ces rapprochements étaient plus ou moins fondés.  Sa théorie, que j’ai lue plus tard, est fascinante.

Je faisais des expériences d’hypnose et de télépathie, expériences que j’ai vite mises au service de mon amourajoie.  Ce fut une période assez féconde pour trouver un sens à ma vie personnelle : aimer les petits gars. Je me découvrais pédéraste (amourajeux) dans toutes les fibres de mon corps.  C’était encore à mes yeux quelque chose de défendu, de mal, d’où bien des tourments et une association Satan-amourajoie dans mes poèmes.  Mais je ne savais pas encore (je l’ai appris à 67 ans) que mon ange de naissance était Samaël.  Satan.

La poésie m’amena à appliquer la même recherche à la prose.  Une rédaction sur mon premier voyage en avion, comparé à un voyage dans le ventre d’un aigle, me fit échouer en français.  Mon professeur n’avait pas aimé l’allégorie.

Je détestais les mathématiques et puisque j’aurais voulu enseigner le français, j’ai répondu par un poème au concours du ministère de l’Éducation.  Ce poème reprochait à la civilisation occidentale de n’avoir qu’un but : l’argent.  Je visais aussi le ministre de l’Éducation, car, à mon sens, il n’avait fait qu’une réforme administrative.

Cette offense me valut l’avertissement de ne plus me représenter à cette école supérieure, car, si j’étais un petit gars de grand talent ; mon éducation familiale était à la source de grandes carences. Pour les autorités, je n’étais rien d’autre qu’un névrosé.  Un révolté.  Un instable.
 
Avant la fin de l’année, les libéraux avaient décidé d’en appeler au peuple.  J’ai offert mes services à ceux que je connaissais : Émilien Lafrance, qui gardait un bon souvenir de moi, à cause de mes prises de position au temps des Disciples de la Croix ; M. Morissette qui venait de m’aider ; Georges Vaillancourt pour qui j’avais déjà fait deux discours aux élections précédentes, et Carrier Fortin, ministre du Travail, que j’avertissais de mon impopularité à cause des réformes que je préconisais.  Seule l’organisation de Carrier Fortin sembla intéressée. 

On désirait que je me présente à la télévision afin de rassurer les gens à l’effet que la réforme de l’éducation n’entraînerait pas la sortie des crucifix des écoles.   J’ai refusé ce geste de politicaillerie, car je croyais que d’autres idéaux étaient bien plus importants pour le Québec : un changement dans le système électoral, trouver des façons d’éliminer le patronage.  Ces réformes avaient même été timidement entreprises par Jean Lesage (sans que j’aie un mot à dire évidemment), mais ces sujets me captivaient davantage que la religion dans les écoles.  D’ailleurs, j’étais encore assez religieux pour m’opposer à la laïcisation des écoles.  Ce qui prouve que je n’étais pas encore bien éveillé.  Tout ça, ça ne me fournissait pas un moyen de gagner ma vie.  Et, je le devais.  Je n’avais pas le choix…


Ce fut obligatoirement le retour à l’école à Québec. 

Un sourire d’enfer 1

février 8, 2023

Un sourire d’enfer       1
                                       

À mon grand ami, poète et compositeur
GABRIEL CHARPENTIER.


                                         Chapitre 1

1963. —
Pour se débarrasser de moi, les libéraux avaient réussi à me faire incarcérer trois mois pour mes activités pédérastes (amourajeuses).  Ces trois mois de prison se sont traduits par un retour à la religion.
 
À ma sortie, j’ai travaillé une année à la Dominion textile, à Magog.  J’essayais aussi sous l’impulsion de la pièce, El Condor, de créer mon propre mouvement religieux.  Les Disciples de la Croix n’ont pas fait long feu.  Le temps de rencontrer un petit gars qui m’incendie l`âme.
 
Durant cette année, je demeurais avec mon père.  J’apprenais à le connaître et à l’admirer.  C’était un homme très généreux, aimant l’humour et la politique.  Il travaillait à l’extérieur pour assurer la survie financière du magasin dont il était propriétaire à Barnston, depuis de nombreuses années.

Le curé Vel pensait que j’étais devenu un saint.

                                                    – 1 –

À ma surprise, mon ex-patron de Lac-Etchemin fit appel à mes services pour créer un nouvel hebdomadaire dans Limoilou, à Québec.      

Québec, c’était le retour à la vie normale.  Le déracinement. Adorant le journalisme, je ne pouvais refuser une telle occasion. 

À mon arrivée à Québec, je me suis mis à la recherche d’une chambre et pension. 

Après quelques coups de fil, j’avais retenu différentes adresses et rejeté d’autres.  Je ne voulais surtout pas me rendre où la dame semblait autoritaire et bizarre au téléphone : elle ne cessait de me répéter le coût de la pension sans que j’aie d’abord vu la chambre.  Je me suis mêlé dans mes papiers.  J’ai sonné exactement chez elle.  Trop gêné pour refuser, j’ai accepté de partager la chambre avec un jeune Français.

Mme Alice Thibodeau Gosselin louait chambre et pension aux immigrants.  Cette annonce dans le journal fut l’unique tentative pour y attirer des Québécois.  Quelle coïncidence !  Cette dame, à qui je veux absolument rendre hommage joua par la suite un rôle extrêmement important dans ma vie.

Elle avait un fils et deux filles : Maurice, Colette et Roxanne.
Son mari était très religieux.  De prime abord, il semblait dur, mais l’expérience me le fit connaître sous un meilleur visage.  

Je rejetais son besoin de discipline et le fait qu’il semblait préférer Dieu à sa fille aînée ; mais quelque chose m’attirait en lui, quelque chose comme la sagesse et la sincérité.

Colette s’amouracha de moi.  J’étais, à la fois, son confident, le révolté, le bouffon, le poète.  L’enfant à la quête de tout ce qui s’appelait plaisir et jouissance, entre deux enseignements religieux.  Je ne pouvais pas envisager avec elle autre chose qu’une amitié ; car, je cherchais plutôt désespérément un petit gars à aimer.  Je me suis contenté de lui expliquer que pour des raisons personnelles, il nous était impossible de se marier.

Mon expérience au journal était très importante.  Elle m’assurait qu’un jour il me serait possible de vivre normalement. 

Dans mes moments de loisir, les Français se déconstipaient lentement.  Au lieu de brailler, je réapprenais à rire.  Nous ne pensions qu’à courir les filles et jouer des tours. 

Aussi, dans un magasin, je fis longuement chercher l’objet dont j’avais besoin pour exercer mon nouveau travail.  Le commis impatient me fit avouer mon nouveau métier : cambrioleur.   Il fallait voir la tête du pauvre commis. Une chance qu’il n’avait pas un fusil mitrailleur, je serais allé voler en enfer.

Une autre fois, costumés, nous avons parcouru les principales rues de la ville avant de nous rendre voir une comédie.  Nous avons tenu la vedette autant que le film.

Petit à petit, j’oubliais ma conversion et je laissais à nouveau s’exprimer le révolté. 

L’expérience journalistique fut de courte durée : le journal ne se finançait pas.  J’étais trop moche dans la vente des annonces pour lui permettre de faire ses frais.


L’hebdomadaire abandonné, l’équipe s’est aventurée dans la rédaction de petits livres d’histoire locale, projet qui a dû être aussi laissé pour compte.  Le gars engagé pour s’occuper de la publicité n’était pas ce qu’il y avait de plus honnête, ce qui précipita la fin de ce travail.

J’étais un assez bon vendeur, mais je détestais cet emploi.  Je déteste vendre.

À nouveau chômeur, je suis retourné chez moi jusqu’à ce que mon père m’avertisse qu’à mon âge, je devais gagner ma vie puisqu’il ne pouvait pas subvenir à ses besoins jusqu’à la fin de mes jours.  J’étais majeur.  Il avait absolument raison.

Je suis reparti pour Québec et la pension Gosselin.  Le plaisir laisse toujours un goût de retour.

Il était essentiel pour moi de cacher aux autres mes penchants naturels : j’en avais trop honte.  Je voulais oublier le passé, la prison.  Je faisais, malgré ma révolte, des efforts surhumains pour me réhabiliter.  Dans cet esprit, j’ai décidé de retourner à l’école.

Après de longues démarches, j’ai été accepté à l’école Jean-François Perrault.  Le désir de servir, bien caractéristique chez tous ceux qui veulent se convertir, m’attirait bien des sympathies.  J’étais presque un héros ; mais je n’avais pas le choix. Je devais trouver un moyen pour m’en sortir, de gagner ma vie.

J’ai été élu à la vice-présidence de l’association des étudiants de l’école.  Je prêchais la responsabilité sociale. J’en arrachais en maudit pour survivre.  M. Gosselin, qui au début, ne m’aimait pas plus qu’il ne le faut, se prit petit à petit d’admiration pour mon courage.  Il ne comprenait pas pourquoi il m’était si difficile de concrétiser ce besoin d’apprendre pour mieux servir mes semblables.  C’était un très brave homme au-dessus des mesquineries sociales.

Cette année ne fut marquée que par un incident : le samedi de la matraque.

À cette époque, j’étais encore bien naïf et surtout un bon petit fédéraste.  Je voulais servir mon pays.  Tout ce que je connaissais du mouvement indépendantiste était ce que l’on entendait dire avec mépris à Québec : « c’est un groupe de gens qui veulent nous forcer à parler en cul de poule comme les tapettes de Radio-Canada. »   Ce n’était pas très respectueux, mais c’est tout ce qu’on en disait.    Québec a toujours trainé de la patte sur le plan de l’évolution politique.

Il était de plus en plus question de la venue de la reine, visite qui était fortement contestée par le groupe de Pierre Bourgault, chef indépendantiste de l’époque.

Si je n’étais pas encore favorable à la séparation du Québec, une idée nouvelle qui croissait surtout à Montréal, et qui n’existait pratiquement pas dans l’esprit des gens de Québec, j’étais un fiévreux partisan de l’indépendance du Canada vis-à-vis de l’Angleterre.

Devant la montée des protestations, j’ai fait accepter par les étudiants de l’école d’écrire à sa Majesté, soulignant qu’elle parlait mieux le français que la très grande majorité de nos ministres fédéraux.  Je voulais juste calmer le jeu, en attirant l’attention sur la piètre figure du français à Ottawa.

Cette lettre fut interprétée comme un serment de fidélité à la reine à un point tel qu’un journal de Toronto prédisait que le jeune auteur de cette lettre serait un jour un personnage important du gouvernement canadien.  Le samedi se passa dans un massacre sans précédent de la population par la police.  L’association étudiante a blâmé sévèrement cette effusion de sang inexcusable, mais cette fois, personne ne remarqua l’intervention.  

En cadeau de Noël, les quelques étudiants indépendantistes me firent remettre un Union Jack, drapeau national de l’Angleterre.  J’étais navré que l’on interprète aussi mal mon geste qui voulait souligner simplement qu’il faudrait d’abord se faire respecter comme francophone dans le gouvernement canadien. 

J’étais assez stupide pour être d’avis, cette même année, que l’on arbore le               «nouveau» drapeau canadien parce que ce geste représentait à mon sens un début de changement : les Anglais comprenaient enfin que les Québécois ne sont pas des trous-de-cul.  

Si j’avais su que la feuille d’érable a été choisie rouge par mépris des Québécois, j’aurais sûrement pensé autrement. 

La deuxième session fut plus difficile à réussir, même si j’avais démissionné de la vice-présidence pour ne m’attaquer qu’à mes problèmes de finance.


Pour m’en sortir, j’ai travaillé le soir comme placier dans un cinéma, et la fin de semaine, dans un restaurant. 

J’ai ainsi revu des centaines de fois un film qui m’a beaucoup bouleversé. MONDO CANE.  C’était un film, traitant à la fois de la misère et des mœurs étranges dans le monde des humains.  J’ai commencé, grâce à ce film, à comprendre comment les religions ne sont qu’aberrations mentales, fruits de la peur et de l’ignorance.

J’ai terminé avec succès mes études, et l’été, je me suis rendu travailler pour le Journal de Magog.  Ce fut la redécouverte de l’écriture.  Si, à l’époque de la Tribune, première vague, ma poésie fut celle de la morale et de l’amitié ; cet été là, ce fut celle du repentir.  J’étais plus chrétien que le pape.   Amoureux d’une jeune fille pieuse, je scrutais masochistement mon état de pédéraste (amourajeux). 

J’ai dû quitter le journal parce qu’il refusait de publier toute la vérité sur les coûts d’un projet municipal. 

À cette époque j’ai appris que mon père, Émile Simoneau, mon parrain Hormisdas Turgeon, et mon oncle, Arthur Simoneau, étaient depuis longtemps des nationalistes convaincus et actifs.

J’avais du journalisme, une très haute opinion.  C’était une espèce de chevalerie.  À mon avis, un bon journaliste se devait à ses lecteurs, plus précisément à la Vérité, au Bien commun.  Au péril de sa vie, il devait faire jaillir la Vérité, exposer problèmes et solutions, servir les pauvres en dénonçant leur détresse.

Les libéraux

février 7, 2023

Les Anglophones du West Island sont les vrais patrons des partis libéraux (provincial et fédéral).  

Radioactif 638

février 7, 2023

Radioactif 638

Textes de 2014, p. 1704 à 1708

07 Octobre 2014

Le faux dilemme de Pierre Karl Péladeau


C’est drôle de voir comment nous sommes une société de deux poids deux mesures. Les politiciens sont vraiment une bande d’hypocrites.
Depuis des dizaines d’années, les fédéralistes manipulent l’information. Ils avaient même le monopole absolu, mais ça n’excitait pas les journalistes. C’était juste la famille libérale Desmarais, Power corporation. Ce monopole de l’information n’avait pas de visage. M. Desmarais qui menait tout n’était pas député, même si ses journaux étaient les organes informatiques du parti libéral. Même le Conseil de la presse faisait semblant de ne pas voir cet état de fait. Les fédéralistes avaient complètement le champ libre.  


Puis, il y a eu Québec-Presse et Le Jour. Les libéraux au pouvoir ont décidé que ces journaux n’auraient jamais d’annonces publicitaires du gouvernement ce qui entraîna leur faillite. Les fédéralistes étaient redevenus les rois et maîtres de l’information.

De son côté, le Devoir défendait l’Église.

Quand ce sont les forces fédéralistes qui manipulent l’information c’est bien correct; mais la venue d’un corps indépendantiste nuit à la version uniforme. On risque de se mettre à comprendre la nécessité de devenir un pays.    


Il y a eu le phénomène Péladeau. Celui-ci était loin d’être un gars de gauche, mais il avait le mérite de publier les lettres ouvertes qui préconisaient l’indépendance ou du moins des changements profonds. On a eu droit à un peu plus la vérité quoique le sensationnalisme l’emporte toujours.

Quand je lis le Journal de Montréal, je suis loin d’y voir un journal de combat indépendantiste. En fait, c’est la rédaction qui décide et le propriétaire n’a pas grand-chose à dire, sinon d’avoir une orientation générale comme les médias fédéralistes en ont une avec ou sans la présence du propriétaire.

Est-ce que La Presse sera aussi vendue, car elle est l’arme des fédéralistes avec Radio-Canada ? En fait, cette croisade contre M. Péladeau, c’est simplement une crise pour maintenir le pouvoir absolu de l’opinion entre les mains des fédéralistes.

09 Octobre 2014

Liberté de presse

La CAQ et les libéraux ne semblent pas tellement savoir comment fonctionne une rédaction pour croire que le simple fait que PKP soit propriétaire, soit une façon de s’immiscer dans un journal.

Desmarais, de Power Corp., ne met pas les pieds à La Presse, mais son équipe sait tout ce qu’elle doit savoir : pas un journaliste indépendantiste n’y sera embauché. On pourrait peut-être y ajouter Radio-Canada. (Ce n’est plus vrai, si ce le fut).

Mais, ça ne joue pas dans le problème de la liberté de presse. Il faut être fédéraste ou indépendantiste camouflé pour faire le travail de journaliste. Vive la liberté d’expression !

10 Octobre 2014

La liberté de presse

La liberté de presse ne tient pas seulement à qui est propriétaire, mais surtout à qui prend les décisions quant au contenu rédactionnel.

Il faudrait que les propriétaires de journaux aient seulement accès au conseil d’administration, donc, sur le plan financier, sans diriger la politique éditoriale, qui elle serait entre les mains d’un comité de rédaction formé des journalistes nommé par la salle de rédaction et non par le propriétaire.  

Les syndicats de journalistes ont aussi un rôle de regard essentiel pour défendre les journalistes aux prises avec un conflit sur la liberté de presse.

16 Octobre 2014

Vendre, vendre, vendre

J’ai une nouvelle obsession vendre de mes livres. Je suis tanné de tout donner et de toujours tirer le diable par la queue en plus d’endurer la censure et l’hypocrisie sociale.

Donc, je travaille comme un fou pour terminer la page web qui me le permettra. (Ça n’a rien donné).

24 Octobre 2014

PKP

M. Péladeau est-il plus dangereux pour ses adversaires (libéraux, caquistes et solidaires, en fait les fédérastes) comme chef de pupitre d’entreprises de presse engagées pour l’indépendance ou comme chef du PQ ?

28 Octobre 2014

L’hystérie

L’hystérie part toujours d’une peur irrationnelle. On a peur maintenant de l’Afrique et de la terrible maladie qui empire un peu plus chaque jour. Ici au Québec, la pire hystérie est certainement la peur de la pédophilie.
Les religions tiennent leur pouvoir de savoir abuser de l’irrationnel pour maintenir les gens esclaves de leur morale.


L’hystérie est toujours nourrit par la peur répandue par les media et l’insistance de ceux-ci sur le côté troublant des activités qu’on répète et dont on ne se laisse pas de parler pour faire encore plus peur. Cette peur devient de plus en plus irrationnelle.

04 Novembre 2014

Le trou du cul


Denis Lebel qui était ministres des Transports fédéral lors des événements de Lac-Mégantic, qui est le ministre qui crée chicane sur chicane concernant le pont Champlain?

9 NOVEMBRE

Le délire canadien

La poésie est morte
étouffée dans sa censure
emportée dans un bac      
de fleurs bleues     
Vive la poésie !

Elle est morte avec le pays          
dans une vague orange   
qui l’emporta d’un coup.   
On pense même que ce fut         
un tsunami.

La souveraineté s’est installée    
directement de Mc Gill :    
Un pays souverain c’est aussi    
dit-on, un pays de souveraine.   

Les flutes féminounes      
sur tout le territoire québécois     
chantent les louanges de la peur :        
manifestation d’enfants castrés.

Mieux vaut jouir      
un peu          
avant de mourir.

La fin

Oui ! C’est bien la fin de mes textes radioactifs d’une autre époque.

Maintenant, avec mes 80 ans, j’ai décidé de prendre ma retraite, tant politique que d’écrivain.

Par ailleurs, j’aime tellement jouer au gars qui connaît tout que je vais le plus souvent possible écrire un tout petit JOURNAL DE BORD. juste pour me faire croire que je ne suis pas un être inutile. Je publierai aussi sur WordPress pour que les abonnés n’aient pas payé pour rien, s’il l’ont fait.

Mes livres ne se vendent pas et après ? Ils ont joué le rôle qu’ils avaient à jouer. Je les ai toujours donnés, donc, si quelqu’un en veut, juste à me le faire savoir ;  je me ferai plaisir de lui envoyer par la poste.

Quant à la vie, je suis très heureux d’avoir autant vécu. La vie est un phénomène extraordinaire et, surprenant. Je remercie souvent Dieu de nous avoir baigné dans autant de beauté.

J’ai adoré les gens qui m’ont entouré. J’ai connu plus d’amour que je ne l’aurais cru possible. Le plus difficile demeure la mort de mes fils et de mes amis. Mais, me rappeler d’eux procure beaucoup de mercis de les avoir eus dans ma vie.

J’ai écrit sur la pédérastie, ce qui m’a valu d’être exclus des écrivains ; mais je ne le regrette pas. Je l’ai fait pour créer une distance entre la pédérastie et l’homosexualité afin qu’il y ait un peu plus de tolérance, car être scrupuleux, c’est aussi un déséquilibre mental et, selon ce que j’ai lu, la frustration est la meilleure source de la violence. Aujourd’hui, on dirait que la violence finit par tout dominer.

J’espère que l’humanité retrouvera plus d’humanisme dans tous nos comportements. Chaque individu est une merveille qui  a pris des millions d’années avant d’’exister.

Je vais m’occuper d’apprendre sur les trous noirs  et célébrer le fait que les scientifiques annoncent aujourd’hui que l’on a repéré pour la première fois les signaux radio d’une civilisation extraterrestre.

Vraiment énervant !  On vient d’identifier pour la première fois un signal radio d’une civilisation extraterrestre. C’est ce que je viens de lire dans un magazine scientifique. Il faut maintenant la preuve que c’est bien ça et non un canular ou une erreur.

A partir de demain, je publierai : Un sourire arraché à l’enfer. Tome 1.  Un livre que je viens de publier.

Wow!

février 6, 2023

Vraiment énervant !  On vient d’identifier pour la première fois un signal radio d’une civilisation extraterrestre. C’est ce que je viens de lire dans un magazine scientifique. Il faut maintenant la preuve que c’est bien ça et non un canular.

Radioactif 637

février 6, 2023

Radioactif 637

Textes de 2014, p. 1694/1708

02 Septembre 2014

Où couper ?

Le gouvernement Couillard devrait cesser de chercher dans quoi couper pour améliorer les finances du Québec et examiner la possibilité que l’indépendance du Québec, soit exactement la réponse à ses interrogations. Vivre dans le fédéralisme, nous coûte plus d’un milliard par année. Une maudite belle économie si on était indépendant.         


Trois points en attendant :

1 — on paye une fortune pour la santé alors que le fédéral n’entretient même pas un hôpital pour les gens du Québec.

 2— que les compagnies qui nous amènent les gaz bitumineux paient un droit de passage en plus de s’engager à défrayer les coûts d’un éventuel accident pour qu’on ne revive pas un second Lac-Mégantic

3 — que notre part pour défrayer le coût de l’armement en vue de guerres nous soit remboursée, car nous sommes, le Québécois des pacifistes nés.        


Dans un Québec indépendant, je serais le premier à appuyer les mesures pour effacer notre dette en très grande partie créée par les libéraux.

03 Septembre 2014

L’indépendance, maintenant.

Il est urgent que l’on prépare l’indépendance du Québec et que l’on cesse de se rappeler 1995, sinon comme une pratique, une étude de ce qui peut arriver. DestiNation en septembre devrait nous redonner ce goût de construire l’indépendance. L’union de toutes les forces indépendantistes est le seul moyen pour y arriver.

Le PQ doit comprendre qu’on en n’est plus à un bon gouvernement, mais à faire de l’indépendance, l’objectif ultime des prochaines années. S’il n’a pas compris ça, il disparaîtra.

07 Septembre 2014

La constitution.

Il faut d’abord comprendre la différence entre une Confédération et une fédération.

Même les libéraux savent que le Canada n’a rien d’une Confédération (comme le dit si bien M. Werner). Il ne faut pas oublier non plus que le Canada de Macdonald est responsable de centaines d’assassinats, lors de la guerre contre le Métis pour réaliser le chemin de fer. Harper sera probablement le premier à l’oublier. La fondation du Canada n’a rien de tellement glorieuse.
Comme le démontrait si bien Gilles Duceppe, il est impossible dans la réalité actuelle de croire dans la possibilité de changer la Constitution. Elle est tellement encarcannée pour empêcher que le Québec y retire quoique ce soit qu’on ne peut plus changer une virgule sans l’unanimité ou la majorité des provinces. L’effort du Lac Meech est le début de la preuve qu’il n’y a aucune possibilité de modifier la Constitution. On a eu un autre exemple avec les résultats du référendum de Charlottetown. Pour les canadiens, le Québec en demandait trop et pour les Québécois, c’était trop peu trop tard.      


On est plus comme en 1995 où on pouvait encore espérer choisir entre le statut quo et le fédéralisme renouvelé. Aujourd’hui, la réalité c’est que l’on n’est plus partie prenante de la nouvelle constitution de P.-E. Trudeau que l’on respecte pourtant supposément pour obéir aux lois et à l’ordre. Ou on s’agenouille et on signe ou on devient un pays avec sa propre constitution.     


Les Québécois sont rendus à devoir créer leur propre constitution pour créer une république indépendante et démocratique. On n’a pas besoin d’être au pouvoir pour avancer. C’est d’ailleurs un des projets du Conseil de la souveraineté.
Il suffit que l’on soit assez intelligent pour s’unir au lieu de se battre ensemble.

08 Septembre 2014

La course péquiste.

La position des dirigeants du Parti québécois confirme que l’on a raison de s’en tenir maintenant au Conseil de la souveraineté et sortir le rêve de l’indépendance d’entre les mains des partis politiques. Malheureusement, il semble bien que le PQ soit devenu une course à la chefferie.    


Le Conseil de la souveraineté est le seul organisme qui parle de continuer le travail de création d’une république indépendante et qui n’est pas pris dans le piège absurde de la date du prochain référendum.

           
Si on attend un réveil subit du peuple pour revoir la motivation en faveur de l’indépendance, on risque de ne jamais voir notre idéal se réaliser. Il ne faut plus se fier au politique pour nous donner un pays francophone en Amérique du Nord. Trop de calculs pour le pouvoir, ça corrompt les idéaux.

09 Septembre 2014

Mensonges du Non.

C’est le temps plus que jamais de rappeler que les fédéralistes n’ont jamais tenu parole à la suite d’un referendum. Un non était un oui. On était prêt à mettre les sièges en jeu pour garantir du changement, mais un changement contre nous. La malhonnêteté intellectuelle des fédérastes est sans borne. Même Dion préconisait une partition qui pouvait conduire à une guerre civile. Et, les libéraux nous ont bien volé pour se prémunir des vrais changements comme nous l’a démontré les commandites. Les fédéralistes ont créé le pays en tuant les Métis, pas étonnant que cet esprit que l’on honore dans les fêtes du 150è anniversaire d’une Confédération qui est en réalité une fédération centralisatrice. On a même tenu des camps militaires dans l’Ouest pour se préparer en cas de séparation. La GRC était aussi devenue spécialiste dans les gestes illégaux pour combattre l’idée d’indépendance du Québec. L’honnêteté n’a jamais étouffé les fédéralistes.

22 Septembre 2014

OUI-Québec.

OUI-Québec. C’est un nom magnifique et plein d’avenir. Nous étions environ 1,000 indépendantistes à discuter des moyens de réaliser le pays du Québec. On a accepté que l’on crée une constituante. Pour ce qui est de la date du referendum, c’est notre dernière préoccupation, car ce qui compte c’est le résultat et non dans combien de temps

23 Septembre 2014

Ça fait peur.

Le Nouveau-Brunswick est plus intelligent. Les gens ont voté pour un parti politique opposé aux gaz de schiste. On devrait dire shit.        

Quand on se rappelle Lac-Mégantic, on se rappelle que la MMA devait obéir aux lois de sécurité édictées par le Ministère des Transports du Canada, ce même ministère qui nous garantit les sécurités en ce qui concerne le pétrole dans le St-Laurent, c’est à faire peur.

25 Septembre 2014

Quelle honte, M. Couillard !

C’est une honte que le premier ministre Couillard prétende que le fait d’appartenir au Canada nous oblige à laisser les pollueurs utiliser le Saint-Laurent pour grossir leurs profits dans la vente internationale des gaz bitumineux.

26 Septembre 2014

Après Lac-Mégantic, le Saint-Laurent.

Où était M. Couillard quand il y a eu la tragédie de Lac-Mégantic ? Qui devait assurer la sécurité des Québécois ? Le ministère des Transport du Canada. Qui doit assurer la sécurité sur le fleuve St-Laurent ? Le ministère des Transports du Canada. La juridiction ? C’est la preuve de la nécessité de devenir une république indépendante. M. Couillard ne le fera jamais, comme il n’arrivera jamais à ouvrir de nouveaux débats sur la constitution, simplement parce que c’est devenu impossible de la changer. Et, avec l’élection du 7 avril, nous avons mis une nouvelle équipe pour mieux nous écraser pour ne pas dire mieux nous voler. Faut vivre avec nos choix aussi stupides soient-ils.

30 Septembre 2014

Meurtre et pédophilie.


Il suffit maintenant d’être malade mental pour avoir le droit de tuer et encore pire les libéraux enlèvent les argents nécessaires pour combattre la maladie mentale. De l’autre côté, avec Stephen Bush-Harper, on introduit une liste permanente des délinquants sexuels. Les jeux de fesses deviennent pires que de tuer, ce qui prouve la folie furieuse créée par la peur du sexe par les religions et la bourgeoisie.

Habituellement, ceux qui jouent aux fesses ont du plaisir et à moins qu’il y ait de la violence ou de la domination, ce fait existe quel que soit l’âge. Voir la sexualité hors-norme comme un vice crée automatiquement à long terme une forme de discrimination pour ceux qui ont la libido forte. À remarquer que tu ne choisis pas ta libido quand tu nais, pas plus que la maladie mentale qui peut survenir dans la vie de n’importe qui, à n’importe quel âge. Pourtant, on essaie de nous faire croire que le plaisir traumatise plus que la violence. Avec cette mentalité, on crée une société qui a peur du sexe, qui a peur de tout ce qui est différent de la majorité et pour éliminer l’homophobie on verse des millions. L’homophobie est le résultat naturel de nos lois sur la sexualité qui condamne celle-ci à pleine page dans nos journaux grâce aux tribunaux.

02 Octobre 2014

Les exclus


M. Couillard, vous dites qu’il ne faut pas avoir d’exclus au Québec, or, je suis exclus de l’UNEQ, des bibliothèques de Magog et Coaticook. Pourtant, mon livre a été en vente libre partout. Merci de dire que c’est inacceptable (par ricochet). La censure est une des premières raisons de l’existence de la discrimination. On a le droit de ne pas penser comme les religions et leur lavage de cerveaux. Je crois davantage dans la science dont un certain Freud, W. Reich.

03 Octobre 2014

Une autre guerre sainte

Il s’agit là d’une guerre de religion entre factions islamiques qui s’entre-tuent à savoir qui rapportent les vraies paroles du Prophète. Une guerre de religion régionale. Une guerre aussi de pétrole. D’ailleurs, dans le livre La paix indésirable, on disait que le système économique ne peut pas survivre s’il n’y a pas des guerres régionales pour stimuler l’industrie des armes au bénéfice des grandes puissances mondiales.

04 Octobre 2014

L’indépendance est urgente.

D’abord j’ai été très heureux d’avoir pu vous rencontrer. Je crois que l’indépendance doit être une obsession, car le fédéral n’hésitera pas à prendre tous les moyens pour empêcher le Québec de devenir une république indépendante. Pour cela, il faut immédiatement faire comprendre aux Québécois (le pont Champlain, les bateaux sur le St-Laurent pour nourrir l’économie canadienne sans rien nous apporter au Québec sinon les dangers) de la nécessité d’ouvrir à nouveau la constitution pour revendiquer plus de pouvoirs. Mais, comme le disait si bien Gilles Duceppe, ce n’est plus possible. C’est là la faiblesse des libéraux fédéralistes. Alors, on a deux voies : l’indépendance ou le statut quo ( le Canada en guerre de Stéphane Harper). Autant la société civile que le PQ doivent travailler pour nous redonner le goût d’être maîtres chez nous. Comment peut-on faire le ménage dans nos finances quand près de la moitié nous échappe dans le cadre fédéral ?

ÂGE

février 5, 2023

Je ne sais si c’est parce que je viens d’avoir 80; mais on dirait qu’il fait plus froid ces jours-ci.