Aller au contenu principal

Un sourire d’enfer 24

mars 4, 2023

Un sourire d’enfer  24

À la parution de Il était une fois dans les Cantons de l’Est ou Lettres ouvertes aux gens de par chez nous, le journal n’a jamais osé maintenir ses menaces, sachant très bien que je pouvais prouver tout ce que j’avançais. 

Le directeur du cégep s’est contenté de me dire : La liberté, c’est bien beau ; mais on ne peut pas tout dire « .   La saisie du journal L’R du Q tenait d’une raison politique évidente.  L’administration du cégep a confirmé s’y être opposé du fait qu’il n’était pas question du parti libéral.

Elle visait aussi les articles touchant la liberté sexuelle, le droit à la masturbation et l’hypocrisie innée du christianisme à partir des textes du psychiatre W. Reich, Révolution sexuelle.

La saisie de ce journal a aussi permis à un péquiste de m’attaquer en tant que pédéraste (amourajeux) dans la Tribune.  Selon lui, j’exigeais que tout le monde partage mes options sexuelles ce qui n’a jamais été vrai.   Comme moyen de me dépéquiser, tu ne peux pas trouver mieux !  Un autre bonhomme publia même une conversation privée.  À qui se fier ?  Quand t’arrives à griller un peu le cul du système, il met tous les moyens à sa disposition pour te détruire le plus irréversiblement possible.

                                              15
Ma candidature rhinocéros dans Sherbrooke a été organisée très vite.  Je ne pouvais rien faire sur le plan politique.  Les gens croyaient encore trop dans les partis traditionnels pour comprendre qu’ils se faisaient avoir autant par les conservateurs que les libéraux.  Le peuple est encore plus naïf que moi.

Je payais de ma poche pour défendre pour défendre les intérêts des Vauxcouleurs puisque toutes les campagnes de financement s’étaient soldées par un échec.  On veut que les choses changent, mais on ne veut pas en payer le prix. Quand certains travaillent pour la révolution, on les accuse d’être trop radicaux. .

À court terme, c’était la seule action possible pour faire comprendre aux gens que le fédéral travaille toujours pour les intérêts de l’Ontario.  Les élections fédérales sont une bouffonnerie, car tout ce qui compte pour les fédérastes c’est d’avoir des votes pour garder le pouvoir.  Pas de pouvoir, sans le Québec.  Voter, c’était choisir le parti politique qui nous exploitera pendant les quatre prochaines années.

À moyen terme, il était évident que cela aurait pour effet de me faire perdre ma crédibilité puisque les gens ne comprenaient pas tout le sérieux d’annuler leurs votes.  On croyait plutôt que pour être rhinocéros, il fallait être des ignares.  On ne savait pas que j’étais à l’origine de presque tous les plans de développement économique dont il avait été question auparavant. 

À ma surprise, si La Tribune ne cherchait qu’à m’ignorer, le Sherbrooke Daily record m’accorda un article de première page.  J’ai aussi accepté de participer à un débat entre tous les candidats au cégep de Sherbrooke. 

Ma figuration ne fut pas tellement éblouissante, car je me prenais encore trop au sérieux, même si j’essayais de jouer le jeu.  Je fumais avec ma pseudo-secrétaire quelques joints bien roulés (c’était du vrai pot).  Mon déguisement pour donner le ton à cette grande mascarade fut plus apprécié.

Je portais la culotte courte pour signifier le retour à l’enfance, une immense rose à la boutonnière comme Trudeau, des lunettes noires pour avoir la même perspective que les députés d’Ottawa et une grosse montre déréglée pour être à l’heure des fédérastes.

J’ai débuté mon exposé sur le français en affirmant que contrairement à mes adversaires je ne promettrais pas de « peanuts » ou des bonbons, mais que je les donnais.  Je lançais immédiatement des bonbons dans la salle.

M. Irénée Pelletier, candidat libéral, promettait une zone spéciale (un projet que j’avais inventé quand j’étais journaliste).  Je savais que ce projet demeurerait sans suite.  Ayant travaillé sur ce dossier, je me rappelais que le ministre de l’expansion économique, Jean Marchand, avait refusé une telle proposition un mois ou deux auparavant.

C’est pour ridiculiser cette promesse que j’ai promis de faire de l’Estrie, le grenier de la culture du pot en Amérique.

Les supporteurs des partis traditionnels étaient en maudit.  J’ai dû quitter la salle sous escorte alors que certains me conseillaient de prendre la place à Paris d’un felquiste qui venait d’entrer au Québec.

Cette première expérience était psychologiquement difficile à prendre.  J’étais bien conscient que la majorité des gens comprenaient rien à mon attitude et me prenait pour un fou.

Il n’était pas question d’abandonner, il fallait foncer et mon organisation était fort restreinte.

Jean avait honte de ma performance.  Il ne voulait absolument pas être identifié à ce show, même s’il avait accepté d’être mon représentant officiel.

Quant à Pierre, mon attaché de presse, il travaillait de jour et il pouvait s’occuper de la campagne qu’à temps partiel.  Celui-ci fut quand même d’un grand support et à l’origine de bien des idées de campagne.  La jeunesse a plus d’imagination, car, elle se prend moins au sérieux.

Les étudiants aimaient le show rhinocéros.  Aussi, j’ai été invité à participer à deux autres débats : l’un a Bishop, l’autre, à l’université de Sherbrooke.

À ce troisième débat, j’ai décidé de m’attaquer au caractère conservateur des Vauxcouleurs et à l’esprit de masochisme religieux dominant chez nous.

J’ai fait mon entrée déguisé en évêque.  Je promettais des taudis, d’administrer péchés et sacrifices, de déménager l’université dans les locaux de Household Finance, sur la rue Wellington.

 » Vous allez y aller au ciel. »

De plus, j’avais installé un poster du petit René Simard, devant la place du candidat libéral, M. Irénée Pelletier, et je me plaisais à dire que » le petit René était beaucoup plus jolie qu’Irénée ».

C’était la foire générale.  J’ai même retrouvé le plaisir du théâtre comme quand j’étais enfant et que je faisais le petit Herman dans une pièce de théâtre.  Herman remettait une pomme à la Vierge que jouait Doriane Laperle.  Nous avions tellement de plaisir que je m’en rappelle encore. 

Pendant ce temps, les libéraux me dénonçaient comme felquiste et homosexuel.

Cette fois, j’avais le goût du théâtre.  Je me découvrais des talents dont je ne me rappelais plus.  C’était la foire.  À chaque fois qu’un candidat mentait ou exagérait, je me mettais les pieds sur la table, ou je fumais à noyer tous les candidats ou toutes sortes de farces, amenant les gens à éclater de rire à la face du menteur.

Que de choses aie-je inventé pour tourner les adversaires au ridicule, même le strip- tease pour échapper au rouge de l’habit d’évêque que je portais.  Et pourtant, souvent, mes bêtises étaient encore moins savoureuses que les énoncés de mes sérieux adversaires. J’ai adoré cette expérience.  Elle m’a permis de tuer ma tendance à me prendre un peu trop pour le messie de L’Estrie.

                                                    16

Si le candidat conservateur de Sherbrooke avait choisi de ne plus se présenter à ses face-à-face, il n’en était pas de même des libéraux.

J’avais été averti que le garçon de table du PUP, un bar que je fréquentais presque quotidiennement était libéral et qu’il m’aimait de moins en moins la face.  Je n’ai pas pris cela au sérieux.  Rien n’appuyait un tel ressentiment.  Je lui donnais toujours de bons pourboires et il me semblait sympathique.

Un vendredi soir, un paraplégique s’approcha de moi.  Le garçon de table, un nommé Gaston, vint lui dire de retourner à sa table et de me ficher la paix.  Le pauvre handicapé n’avait pas encore eu le temps de s’expliquer et dire ce qu’il voulait, selon son droit,  parler avec son futur Président de la République, que Gaston lui sautait dessus.

J’ai aussitôt protesté.

 » Laisse-le tranquille, c’est un infirme. »

Je n’ai pas fait un geste, les coups s’abattaient déjà sur moi.  J’ai été envoyé au plancher où un petit groupe de jeunes sont venus me frapper à coups de pied, en affirmant :
 » Tiens, mon maudit fifi ! »

Était-ce parce que dans la soirée contradictoire à l’université de Sherbrooke, j’avais mis le poster de René Simard, encore enfant, pour dire au candidat libéral qu’il était beaucoup moins joli que lui ?  Les fanatiques prennent tout au sérieux.

Ce fut le seul incident violent de cette campagne. 

J’ai obtenu plus de votes que prévus. 911. Juste un peu moins que Raoul Duguay, en Abitibi.

Le soir des élections, je me suis rendu à la télévision pour des entrevues, lesquelles ont été enregistrées, mais jamais diffusées. C’est un peu normal, car je riais de la réputation de felquistes que l’on me prêtait.   » Imaginez-vous 911 poseurs de bombes dans une petite ville comme Sherbrooke. », dis-je.

Une telle initiative de ma part ne pouvait pas être laissée sans représailles.  Pour les fanatiques, je ridiculisais le système.  

Pourtant, un peu plus tard, quand je faisais du pouce entre Montréal et Sherbrooke, j’ai été ramassé par nul autre que M. Irénée Pelletier, le candidat libéral, qui me dit avoir eu beaucoup de plaisir à m’avoir comme adversaire.  Il était très sympathique, mais ses organisateurs l’avaient été moins.  Le fanatisme en politique ou en religion est une véritable maladie mentale.  Pas étonnant que nous ayons des guerres.

Quand de tels événements se produisent, tu deviens nécessairement plus radical.  C’est comme ça que le système devient de plus en plus pourri.   Et, c’est pour ça que j’étais de plus en plus paranoïaque. J’avais en plus mon amourajoie à porter, un autre danger encore pire, car n’importe qui peut te faire coffrer…juste pour se venger ou te faire chanter.

Je me savais très vulnérable, mais je devais avoir un peu de cette maladie mentale qu’on nomme fanatisme pour continuer la lutte.

J’ai abandonné mes études au Cégep pour me conformer aux normes du bien-être puisque mon temps d’assurance-chômage était écoulé.  Je voulais aussi me consacrer exclusivement à la rédaction de mon deuxième livre sur les Vaucouleurs. Il était une fois dans les Cantons de l’Est.

No comments yet

Laisser un commentaire

Entrer les renseignements ci-dessous ou cliquer sur une icône pour ouvrir une session :

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueueurs aiment cette page :