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Un sourire d’enfer 30

mars 12, 2023

Un sourire d’enfer  30

Cette fois, avant de partir, j’ai passé la dernière soirée avec mon père.  Je l’ai vu pleurer pour une des premières fois parce qu’il s’inquiétait pour moi.

Cette fois, j’ai passé la dernière soirée avec mon père.  J’étais gelé comme une balle.  Les dernières animosités étaient tombées entre nous.  Il m’avait pardonné ma pédérastie, mon amourajoie. 

J’étais moins révolté contre la sorte de monde de sa génération et les générations précédentes qui nous ont légué une perception vraiment débile de la sexualité. 

Je l’ai senti très près de moi.  Au fond, nous nous sommes toujours aimés. Mes reproches quant à sa froideur n’étaient plus justifiés.  Mon père ne combattait jamais en meute, peut-être a-t-il été trop souvent trahi dans sa confiance aux autres pour croire dans la fidélité des autres ?  

Papa a toujours connu beaucoup de difficultés pour survivre financièrement.  Il aidait trop de gens. 

D’abord, il s’est fait avoir par la Thérèsa, une mine d’or dans le nord de l’Ontario.  Puis, pour que les enfants ne souffrent pas dans les périodes difficiles, il faisait d’énormes crédits à bien des paroissiens en difficulté.  Nous avions le magasin général.

Politiquement, il était fasciné par le nationalisme de Daniel Johnson, père.  Jamais il n’a été récompensé d’une manière ou d’une autre pour ses services.  Quasi ruiné, il n’y avait pratiquement que la vente de la bière à l’épicerie pour lui permettre de s’en sortir.  À deux reprises, aux deux référendums, le curé est monté en chair et a fait battre l’abolition de la prohibition.  À cause de ces échecs, mon père a dû s’exiler pour nous faire vivre.  Il s’est aussi fait haïr parce qu’il voulait la construction d’une école centrale à Barnston.  Les écoles ce n’était pas à la mode dans le temps. Ce fut une très dure lutte, mais la première école centrale en milieu rurale fut construite à Barnston.

Toute sa vie, il l’a vécue pour nous, ses enfants.  Il l’a vécue aussi à aider les cultivateurs de par chez nous à survivre et s’enrichir.  Tout ce qu’il a récolté : en 1978, une année après sa mort, les gens ont refusé de changer le nom de l’école St-Luc de Barnston pour l’école Émile-Simoneau. La paroisse porte pourtant déjà le nom de St-Luc.  Cette demande a engendré toute une série de jalousies et de gestes hypocrites. 

D’abord, les commissaires de Coaticook ont rejeté la demande, car, elle avait été publiée dans le journal du coin.  Ils avaient peur puisque je suis un gars très politisé.  Ils ne voulaient pas créer de précédent.  Il fut entendu qu’un sondage serait tenu le 3 novembre.  Il fut devancé sans avertissement.  Les articles expliquant ma demande ont ainsi été publiés après le sondage.  Les gens ont préféré garder le nom de saint Luc comme si ce saint avait besoin de ça pour dormir.  Une telle mesquinerie m’a révolté.  La Commission scolaire et le Comité de parents de l’école ont agi malhonnêtement.  La Tribune a publié un article le 4 novembre, confondant ce sondage et les élections municipales. 

Pendant qu’on refusait le changement de nom à Barnston; à Sherbrooke, on élevait un monument à un ennemi francophone, Sir Alexander Galt.  Il faut être un bandit pour être un héros québécois.  C’est un peuple incapable de sortir des jupons des curés.  Une race infériorisée et sans identité.  Un peuple aussi masochiste mérite presque de disparaître.   Cela dépasse ma pensée ; mais il faut parfois se vider le coeur.

Je reprochais à mon père de trop encaisser et d’être trop à droite.  Il n’acceptait pas tout ce qui venait des syndicats.  Comment pouvait-il accepter le si peu de gratitude des gens qu’il avait aidés ?  Comment pouvait-il continuer à croire dans une Église qui l’obligea à bûcher toute sa vie à cause de sa tartufferie, de sa morale maladive?  Comment pouvait-il être fier du monde qu’il nous a construit ?  En fait, je lui reprochais de ne pas être aussi révolté que moi, ce qui d’une manière me condamnait.  Il était plus sage que moi. Il savait que ça ne donnait rien.  On est juste responsable de créer sa propre vie.

La nausée devant les libéraux nous était commune Si quelques années plus tôt, j’avais choisi d’appuyer les libéraux pour être en contradiction avec lui, maintenant qu’on en avait chassé René Lévesque, la politique nous réunissait moi et mon père plus que jamais. 

Il savait ce que je ressentais et il me reprochait à son tour d’être comme lui en politique : à la recherche de trop d’intégrité.  Par exemple : je n’en ai jamais voulu à mes patrons à la Tribune, ils faisaient leur travail.  Je comprends combien je devais être un paquet de problèmes, moi et ma maudite politique.  Le journalisme d’enquête n’existait pas encore. Que j’aimerais faire ce travail !

Quant à mon amour pour les petits gars, mon père n’y comprenait rien.               

 » Comment un gars aussi intelligent que toi, peut-il être pédéraste ? ». 

Ma mère, elle, me disait que je serais mieux mort plutôt que de répandre mon vice et ainsi me permettre d’être sauvé.  Personne à cette époque ne pouvait croire que ce soit vraiment notre nature.  Si on était si méchant, c’est qu’on était la réincarnation de quelque chose de mauvais.  Ces croyances stupides étaient la vérité absolue. 

Ma mère n’était pas mauvaise, au contraire, c’était une femme merveilleuse.  Elle était comme toutes les femmes de son époque au Québec, trop religieuse.  Même si les femmes sont dénigrées par la Bible, la Bible a raison.  Elles n’ont pas changé depuis, au contraire, elles remplacent l’Église dans sa lutte pour la chasteté.

Grâce à la bêtise religieuse, jouer au docteur, c’était le mal d’entre tous les maux, même si c’était pour plusieurs le jeu le plus amusant. C’était pire que d’assassiner. Il suffisait à un jeune de dire que l’adulte tué avait peut-être voulu l’agresser sexuellement pour qu’on lui pardonne son crime et qu’il devienne presque un héros. Un martyr comme les saintes nitouches qui préfèrent mourir à succomber au plaisir. 

L’éducation des femmes fait que le sexe est pour elle encore plus important que la vie. Nous sommes une société rendue débile par la chasteté. 

Il y avait même un groupe de folles qui se battaient pour interdire la vente des Playboys, car un enfant pouvait mettre la main dessus.  C’était, d’ailleurs, le rêve normal de tous les jeunes garçons de plus de dix ans, sauf ceux qui se déniaisaient plus vieux, faute d’en avoir entendu parler avant. 

La censure était présente partout.  Ces folles pensaient qu’elles protégeaient la société.  Elles n’avaient certainement pas lu grand-chose pour être aussi arriérées.  Ça n’a pas évolué depuis au Québec, ça même empiré partout dans le monde, toujours à cause des religions.

Aujourd’hui, pour ces mêmes folles, on crée des services de police spéciaux pour combattre la pornographie enfantine pendant que les jeunes se font défoncer le cerveau par les drogues ou attrapent des maladies vénériennes, car il ne faut surtout pas parler de sexe.  

Nos jeunes deviennent fous, mais au moins ils sont chastes à cause la drogue et de la violence dans les jeux vidéo, mais ils sont chastes.   Ces maniaques de la chasteté capotent même quand il est question de filles en brassières sur les calendriers ou à la télévision. 

Dans ce temps-là, les féministes n’avaient pas encore inventé le mot pédophile — et atteint l’irrationnelle peur du sexe des féminounes.  Être pédéraste, c’était comme si j’avais attrapé la peste ou si le diable commençait à me dévorer tout cru.

Mon père était tellement hétéro qu’il ne pouvait certainement pas comprendre mon obsession.  Moi non, plus d’ailleurs.  Je ne sais pas comment elles sont devenues aussi importantes dans mes intérêts ou même le sens profond de ce besoin, mais il était de plus en plus envahissant.

Ma pédérastie, c’était d’abord l’émerveillement face à la beauté d’un petit gars.  J’aurais passé ma vie à regarder des photos de petits gars, tant je les trouvais beaux.  Puis, avec le temps, j’ai commencé à me demander si nus ils étaient tous aussi élégants ou encore plus beaux. J’étais habité par le goût de découvrir toutes les races et toutes les nations.  Quelle différence peut-il bien exister entre un petit Québécois et un Inuit?  Pourquoi chacun est-il si différent, tout en étant si identique, était devenu la question de ma vie.

Je ne m’intéressais plus qu’à la beauté de mes petits camarades de Barnston et de Coaticook, mon interrogation était devenue planétaire, même universelle, car je m’interrogeais même à savoir ce qu’un petit gars extra-terrestre aurait l’air. 

Plus j’en apprenais sur la sexualité, plus j’étais ébahi par la grandeur de ce phénomène. Comment un petit liquide qui te fait jouir autant peut-il être responsable d’une naissance? Comment la vie pouvait-elle se transmettre ainsi ?  Par quel miracle le sperme est-il secrété en chacun, sans même qu’on sache la recette ? N’est-ce pas la chose la plus fabuleuse ?  C’est meilleur qu’un miracle.

La pédérastie était une forme d’émerveillement, d’envoûtement qui naissait avec la présence du semblable.  La présence d’un autre que j’aimais.  C’était comme naître dans une autre dimension où le bonheur de l’autre devenait ma principale préoccupation.

Si selon les lois de la nature, le pareil éloigne ; dans mon cas, c’était le contraire.  J’étais soudé à mon propre sexe. Je recherchais la vitalité et surtout la beauté dans l’énergie d’un petit gars, mais surtout son intelligence et sa gaité.  

Les filles, c’étaient au contraire, la vanité, le scrupule, surtout la jalousie, les problèmes, mais il fallait les endurer pour être normal aux yeux des autres.  Par contre, j’adorais mes sœurs et mes cousines, car il y avait une sorte de communication qui s’établissait entre nous qui était différente. 

La danse et la poésie étaient rattachées aux filles avec lesquels je correspondais.  Elle m’envoûtait intellectuellement.

Pourquoi les filles ne m’attiraient-elles pas physiquement ? Je n’arrivais simplement pas à savoir de quoi leur parler.   Tout ce que l’on nous présentait comme le plaisir des plaisirs, embrasser par exemple, ne m’excitait pas du tout.  Au contraire, «frencher» me semblait assez dégueulasse.

Cette perception normale avant l’adolescence, d’un monde exclusivement de gars lors de la période de latence, a simplement continué quand je suis devenu adulte plutôt que de prendre la direction habituelle, hétérosexuelle. 


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