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Un sourire d’enfer 44

mars 26, 2023

Un sourire d’enfer  44

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Je voulais surtout retourner au Québec parce que je m’ennuyais comme un fou du français.  Je voulais crever en français. Vigneault et Pauline Julien, dans la tête.

Le matin, j’ai rencontré un voleur des années 1930 qui me raconta comment dans le temps, les voleurs se sauvaient à la course, en passant à travers les appartements. C’était très drôle et plus que vivant.  Je l’ai écouté plus de deux heures.  L’après-midi, je suis allé porter mon article au Soleil et j’ai commencé le bal. 

J’étais tellement saoul que je ne me rappelais plus où se situait ma chambre d’hôtel.  J’étais perdu.  Je me suis rendu à un premier hôtel dans l’intention de m’informer.  La porte était sous verrou et le jeune surveillant ne semblait pas m’entendre, surtout que je gueulais en français.  Il ne comprenait rien et avait peur.  Il est parti téléphoner, j’imagine, à la police.  Réalisant que je me trompais de langue, j’ai crié un peu plus fort en anglais, tout en frappant plus durement du pied le bas de la porte.

— Je ne veux pas te voler, imbécile, je veux des informations.

À mon grand étonnement, la porte vitrée a volé en éclats.

J’étais pris de panique.  Ce n’était pas le temps de me faire arrêter, je partais le lendemain pour Montréal.  Fort des histoires du matin, je me suis sauvé en courant, tout en essayant d’enlever mon manteau pour ne pas avoir le même signalement, comme on me l’avait si bien raconté.  Cependant, je ne pouvais pas passer dans les mêmes appartements, il était trop tard dans la nuit. 

Je ne sais pas comment j’ai fait, mais dans ma griserie, je suis retourné juste devant l’hôtel où j’ai essayé de prendre un taxi pour continuer, mais la police n’avait plus qu’à me cueillir. Ce qui ne tarda pas. 

J’étais accompagné d’un autochtone dans le panier à salade.  Les flics allaient vite exprès, tournant le plus carrément possible, d’où étions-nous comme des balles de ping-pong à l’intérieur du panier à salade. 

Les autochtones subissent encore plus de répression que les francophones.
  Même si nos journaux n’en parlent jamais, ceux-ci ont même organisé une révolte armée au BC et en Ontario.  Des routes ont été occupées et des attentats se sont succédé, principalement au gazoduc Canada-USA.

À notre arrivée, les flics commencèrent leurs interrogations.

— Pardon, je ne comprends pas l’anglais.

C’était baveux de ma part, car je connais très bien l’anglais.  Il a fallu rien de plus pour recevoir un solide coup de coude à la poitrine et un maudit bon coup de pied sur les orteils.  Leur festin était commencé.

— You have to learn that Canada is an English country!

Heureusement qu’ils ont trouvé mon passeport, car je n’aurais pu un membre intact.  Ainsi c’était vrai, la police de Vancouver mérite un trophée pour son racisme. 

Un policier complètement fou s’est mis à gueuler qu’il trouverait un beau petit coin, ayant rêvé toute sa vie de tuer un « pea soup ». 

J’étais convaincu que s’il trouvait une cellule libre, j’en mangerais une maudite.  J’avais même décidé de me défendre si ça arrivait. 

Il a suffi de faire semblant de ne pas comprendre l’anglais pour que le racisme de la police de Vancouver éclate.  Elle a su profiter de l’occasion pour se défouler.  Les flics ont tellement de trucs pour te maudire une raclée sans laisser de marques que tu n’as qu’un moyen de te protéger : joindre la pègre.  Le système judicaire est la pierre angulaire de la mafia. Heureusement, je n’étais pas seul.  On ne pouvait pas me tuer.

L’autochtone me regardait étonné, le sourire complice aux lèvres.  Les autochtones admirent ceux qui font preuve de bravoure ou du moins ce qui lui ressemble.   Les autochtones sont encore une race fière. 


J’ai continué de résister en essayant de brouiller mes empreintes.  Je retirais d’un coup, le doigt avant la fin. Cela m’a valu plusieurs coups supplémentaires.

Heureusement, il n’y avait plus de place hormis dans une salle commune.  J’y fus placé pour y passer la nuit.

Le lendemain matin, je suis passé devant le juge.  Il a remis le procès aussitôt parce que même si je plaidais coupable, je refusais de parler anglais.  Il fallait donc se trouver un interprète. 

Les francophones disaient que la pire chose que tu peux faire dans le BC, c’est de demander un interprète : tu passes assez souvent en Cour avant d’avoir ta sentence que c’est pire que de plaider coupable.  Mon instinct de journaliste voulait savoir si c’était vrai.

J’ai été libéré, mais la police a refusé de me remettre mes souliers, disant que c’était une de leurs preuves contre moi.  J’ai blagué à ce sujet au point d’obtenir la sympathie du juge. Il a fait appeler au secrétariat pour traduire mes demandes.  Je répétais une seule chose en Cour : Where are my shoes ?

— J’ai appris le français au Québec.  Pourtant, j’ai de la difficulté à comprendre ce qu’il dit.  Il parle trop vite, dit le juge.

Le juge avait appris le français dans les Vauxcouleurs.  J’aurais bien aimé parler avec lui, mais je n’avais aucune confiance en ce juge comme tous les autres d’ailleurs.  Ce sont presque tous des hypocrites, des marionnettes du système et parfois même de purs débiles. Mais, il était très sympathique.

Avec les sandales à acheter, ce que m’avait coûté ma brosse ; je ne pouvais plus me payer une chambre.  Je suis retourné dans une auberge de jeunesse, située en dehors de Vancouver. 

À ma deuxième comparution, autre juge, mon procès a encore été retardé.  J’ai baragouiné une défense en disant ne pas avoir les sous nécessaires pour rester plus longtemps au BC.  J’étais décidé à plaider coupable. 

En remettant encore la cause, l’avocat de la Couronne a souligné que le seul témoin ne voulait plus venir témoigner contre moi.  Le juge a demandé que l’on fasse des efforts pour convaincre le témoin à venir donner sa version des faits.  

Pour me punir de vouloir utiliser le français, le juge a retardé le procès d’une semaine supposément à cause de la non-disponibilité de l’interprète.  Ça confirmait ce que les francophones disaient, mais je n’avais plus à coeur de rapporter l’expérience dans le Soleil, je voulais partir le plus vite possible pour le Québec. 

J’étais en Christ, non seulement les flics étaient racistes, mais le je juge aussi.  Je suis donc sorti en levant le poing et en chantant :
 
Prenez un verre
buvez-en deux
à la santé des amoureux.
Et, merde à la reine d’Angleterre
qui nous a déclaré la guerre.

Ce n’était pas très brave. Je ne chantais pas trop fort et personne ne comprenait le français d’une manière ou d’une autre.  J’ai filé alors qu’on me regardait comme une chose étrange.  Ils auraient certes voulu, j’imagine, comprendre ma chanson, mais c’étaient des unilingues anglais.

La visite du ministre de la Justice du Québec, à Vancouver, Jérôme Choquette, m’a fait sortir ma plume.

Il affirmait ne plus avoir peur du FLQ au point de ne plus porter d’arme.  J’ai aussitôt écrit que si Choquette ne portait plus d’arme, c’était plutôt parce qu’il n’avait plus à avoir peur de la mafia.   Je rappelais aussi qu’il fut interdit que l’on se serve des mesures de guerre contre la mafia.  La mafia, étant devenue l’allier naturelle du parti libéral, il était évident que Choquette n’avait plus aucune raison de porter une arme pour se protéger de la pègre puisqu’ils étaient des frères siamois.


La pègre avait d’ailleurs offert au gouvernement de trouver Pierre Laporte, moyennant une récompense.  Qu’est devenue cette entente ?  Qui a tué Laporte puisque Paul Rose n’était pas là, même s’il a été condamné pour ce meurtre.  

La pègre ou la police, même famille, poches différentes, mais siamoises. 

J’ajouterais aujourd’hui : est-ce l’attente pour ouvrir le coffre de l’arrière de la voiture où le FLQ avait déposé Laporte vivant qui l’aurait tué ? 

Il serait-il mort au bout de son sang parce que Jean Chrétien ne voulait pas, que l’on ouvre immédiatement le coffre, sous prétexte d’avoir peur qu’on ait déposé une bombe dans l’auto.   Est-il vrai que Laporte avait été amené à cet endroit précis parce qu’il y avait un hôpital militaire qui pouvait le soigner ?  Le FLQ était assez infiltré pour que le gouvernement soit informé à la minute près de la condition de Cross et Laporte. 


La version officielle du meurtre de Laporte permettait d’accuser les souverainistes d’être des assassins et les libéraux ne se gênaient pas pour utiliser cette fronde. 

Le journal a aussitôt publié le texte.  Probablement parce que dans l’Ouest tout ce qui se disait sur le FLQ était bon vendeur.  

Les élections fédérales s’en venaient.  Je devais choisir entre garder mon billet ou me présenter aux élections comme Rhinocéros, à Vancouver.  


Je me serais alors proclamer en conférence de presse :  » The Queen of Canada », habillé en travesti. 

Ce titre éminemment gai aurait fait bondir tous les conservateurs anglais.  De nombreux Québécois au BC avaient décidé de fournir à ma caisse électorale ; mais voulais-je encore vivre une aventure politique ?


La semaine s’écoula à respirer la grandeur des Rocheuses.  J’avais décidé d’entrer au Québec et je le ferais. 

À Vancouver, je n’avais plus un sou.  J’étais allé pisser au terminus quand je fus « accosté » par un petit vieux.  En réponse à ses questions, je lui ai dit que je n’étais pas de la ville, que je n’avais plus d’argent, donc que je ne pouvais pas aller coucher à l’hôtel et que je n’avais pas mangé depuis la veille.
— Je vais t’amener au restaurant et nous prendrons une chambre d’hôtel ensemble.  Ne t’imagine rien de mal. Nous prendrons deux lits.

Je savais juste à voir l’intensité de la façon dont il me regardait pour savoir ce qu’il voulait.  J’ai toujours aimé jouer au scrupuleux, ça force l’autre à avoir plus d’imagination pour réaliser ses désirs.  C’est plus intéressant.  

Être une putain trop facile, ça n’a pas de charme.  C’est pourquoi, dans la Grèce antique, le jeune se devait de manifester son intérêt pour le vieux de son choix, mais le savoir-vivre exigeait qu’il résiste un certain temps pour ne pas être identifié à un gars trop facile.  Je devais avoir une gêne qui me venait directement de cette époque.  Par contre, je dois avouer que d’être le gars gêné n’est pas un jeu, je le suis vraiment. 

Je me suis rendu au restaurant, puis à l’hôtel.  J’étais convaincu que les petits jeux sexuels en compensation ne dureraient pas longtemps, car le vieux avait déjà 78 ans.

La conversation fut très rapide.

— Tu ne prends pas ta douche ?
— J’ai toute la soirée devant moi.
— Tu te sentiras mieux.

C’était vrai, j’avais hâte de me laver, mais je ne voulais pas trop le montrer. Je suis déménagé à la douche.  L’eau n’avait pas commencé à couler que le vieux nu fit irruption.

— Comme t’es beau !

— Vous devez être complètement aveugle. Il s’installa près de la douche et attendit, tout ne me mangeant des yeux.

— Viens, ne perdons pas te temps.  Je vais t’essuyer.

— Je suis capable seul.

Je l’ai finalement laissé faire. C’était pour lui un moyen inoffensif et agréable de me toucher. Je n’en suis pas mort.  Bien au contraire, ce fut très agréable.  Il avait beaucoup de doigté et c’était évident que pour lui j’étais très précieux.

Je n’étais pas couché que le vieux me rejoignit dans mon lit.  Pour un petit vieux, il n’en finissait plus de me caresser, de me manger.  J’ai rarement vu un homme avoir un tel appétit.  

Non satisfait, après me l’avoir fait essayer, il s’assoya près de mon lit et se servit de son vibro-masseur pour s’exciter davantage pendant qu’il me regardait nu sur le lit.  Je n’ai pas trouvé ce que peut nous procurer de plus de plaisir un bout de métal, sauf le chatouillement différent à celui du bout de la langue.  Il a passé la nuit près de mon lit à se masser avec son vibrateur, les yeux fixés sur moi.    

De retour en cour, le lendemain matin, j’ai écopé d’une amende.   Pour les Anglais, c’était un signe d’une double victoire.  Mais pour moi, ça ne voulait rien dire.  Trudeau venait de déclencher des élections.  Je n’avais aucun rapport avec cet événement, sinon que j’étais un symbole de plus pour prouver la défaite des francophones dans leurs têtes de racistes.   

J’ai à nouveau fait rire l’auditoire en réclamant mes souliers.  La police a dû me les rendre. 

L’interprète m’empêcha de parler anglais disant que si je le faisais j’aurais droit à une sentence de mépris de Cour, ayant refusé de parler anglais alors que je le pouvais.  Pourtant, à maintes reprises, il ne traduisait pas tout ce que je lui disais ou il traduisait ce que je disais tout de travers.  Il était bien le bras droit de la police.  Il cherchait à savoir ce que j’allais faire.

— Je publierai partout que la police m’a frappé. 

Il me paya le repas, ce qui justifiait une meilleure interrogation.

— T’es un radical ?

— Si ne pas accepter la société dans sa merde actuelle est être radical, j’en suis un pour sûr.

— T’es communiste ?

— Non, je suis anarchiste

Pour moi, anarchiste voulait seulement dire : refuser l’autorité. C’est ce que je me croyais depuis que Pierre avait fait une caricature de moi, disant  » Je suis contre tout », ayant les doigts sur le pénis d’un jeune à côté de moi. Une belle caricature! Aussi, l’anarchie, c’était Léo Ferré.

— Tu n’as pas d’argent pour manger en descendant.

— Non.

— Attends-moi ici.

Pendant que l’interprète allait me chercher 20$ pour manger en descendant à Montréal, j’écrivais des lettres pour les journaux et le ministère de la Justice. 

— Tu devrais oublier ces incidents.  Nous ne sommes pas si méchants, grâce à la Salvation Army, tu pourras manger.

— Merci, mais je ne suis pas à acheter.

— J’espère qu’au moins tu retourneras les 20$ à la Salvation pour qu’ils aident encore des gars comme toi.  Avant d’envoyer tes lettres, penses-y comme il faut. Quand on se prend pour un révolutionnaire, à tes yeux, tous les bons gestes deviennent des tentatives de récupération.

L’après-midi, je jetais mes lettres à la poste et je prenais place dans l’autobus.  Rien d’intéressant ne s’y déroula, sauf qu’un jeune Indien adorable trouvait aussi hilarantes que moi les photos de son magazine américain dans lesquelles le pape, Nixon et Élizabeth II étaient nus.

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