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Un sourire d’enfer 48

mars 30, 2023

Un sourire d’enfer 48

Mes péripéties ne m’empêchaient pas de boire, surtout quand je participais à une soirée de poésie avec Gilbert Langevin. C’est à qui paierait le prochain verre.

Un soir, j’ai été ramassé par la police. Langevin était parti et je me suis endormi sur un banc.

Au poste, j’ai été reçu par des policiers en civil. L’un d’eux portait la barbe. Je me rappelle peu de cette rencontre, sinon que le barbu voulait savoir de qui je parlais quand je nommais Pier Elliot, dans mon carnet d’adresse (probablement celle du parlement).

— Trudeau, évidemment !

J’ai gueulé en affirmant que je rencontrais des journalistes le lendemain matin.

— Touchez-moi pour voir. Vous n’aurez pas fini d’en entendre parler.
Les policiers ne m’ont pas battu, du moins, je ne m’en rappelle pas. Ils avaient été plus brillants que la fois où ils s’en sont pris à une femme qui se disait conseiller municipal à Montréal et qui l’était effectivement.

Quand j’ai exigé d’appeler un avocat, la police me concéda ce droit. Ne sachant qui appeler, il n’y a pas de services légaux 24 heures par jour où tout détenu peut appeler, j’ai demandé le bottin téléphonique. J’en ai eu un, mais toutes les pages où il était possible d’avoir la liste des avocats avaient été arrachées auparavant.

J’ai été conduit en cellule. J’essayais de dormir sur le plancher quand un policier s’amena en criant :

— Aie ! Simoneau, cé t’y toué qui a perdu sa job pour avoir écrit en français ?

J’ai fait semblant de dormir et je ne lui ai pas répondu. J’avais déjà assez mangé de raclées à Sherbrooke, sans recommencer à Montréal. Je n’aime pas souffrir.

J’ai été transféré au poste no 1, dans une cellule où s’y trouvaient déjà quelque cinq personnes. Tout à côté, un autre individu était enfermé seul dans une cellule dont la porte donnait sur la nôtre.

Dans ma cellule, un prisonnier, de toute évidence gai, me faisait des clins d’œil, des petits sourires. Si j’avais été seul j’aurais volontiers passé au cash.

Malheureusement…

Le prisonnier seul s’est mis à gueuler en anglais.

— Tu pourrais au moins parler français, lui aie-je lancé.

L’Anglais continua avec plus d’énergie, criant contre le FLQ. Il ajouta vulgairement vouloir se faire sucer par un frog. Nous nous regardions, se demandant comment lui fermer la gueule. Je me suis approché de sa cellule et je lui ai demandé :

— En as-tu une belle toujours ?

— Va donc chier, maudit singe !

— Je te l’avais dit que tu parles français !

Les prisonniers riaient ainsi qu’un gardien qui s’était approché.

Le matin, je gueulais parce que l’on ne m’avait pas laissé mes lunettes, contrairement, aux dispositions des accords de Genève ou quelque chose du genre. J’avais appris l’existence de cette règle un peu plus tôt dans une discussion.
 
— C’est pour te protéger, de me dire un des policiers. Que t’arriverait-il, baveux comme tu es ? Que ferais-tu si tu te trouvais avec un Anglais comme cette nuit dans ta cellule ?

Je me suis présenté en Cour. Le juge a lu l’accusation et m’a demandé si je plaidais coupable ou non coupable.

— Coupable, de dire le policier qui m’accompagnait.

Quand j’ai voulu rouspéter le policier m’a poussé en me disait :

— Envoye, file, t’es libre.

J’étais tellement fou que j’ai chialé quand on m’a remis mes affaires personnelles parce qu’on avait écrit « wallet » au lieu de « portefeuille ». Je ne voulais pas quitter avant qu’on l’ait écrit en français.


J’ai décidé de poser un dernier geste patriotique en me présentant à l’ouverture des fêtes de la francophonie.


Dans l’autobus, en route pour Québec, un jeune riait de moi.

— Tu perds ton temps, seul, avec une pancarte. Tu dois être complètement malade.

En arrivant devant le parlement, les journalistes se sont précipités sur moi alors que les policiers tentaient de m’empêcher de répondre aux questions des journalistes étrangers. Grâce aux jeunes qui m’ont aidé, j’ai grimpé sur la plate-forme d’un monument devant le parlement d’où je pouvais être vu par les manifestants.


Le jeune qui m’accompagnait dans l’autobus se présenta et tira une photo de ma pancarte.

— Je vais te photographier pour avoir un souvenir. Tu dois être un gars pas mal grave. Avant que tu arrives, le cordon de policiers étaient de l’autre côté. Maintenant, ils sont rendus près d’ici.

Effectivement, les policiers s’étaient rapprochés tout près. Aucun cependant ne m’emmerda.

J’ai participé au défilé. J’étais très gêné. Je me sentais comme un petit gars espiègle. Souvent, la foule applaudissait en voyant ma pancarte. Une dame m’a crié :

— Tu peux bien avoir perdu ta job, avec les cheveux que t’as.

Et, je lui ai répondu du tac au tac : « Je n’écris pas avec mes cheveux. »

Ma visite a été remarquée puisque le journal Le Jour mentionna, en éditorial, je crois, que même en Afrique, un journal a fait mention de ma pancarte, mais Ronald était encore une entreprise anglaise.

J’ai passé le reste des fêtes avec des petits gars. L’un d’eux avait particulièrement laissé ses scrupules à la maison. Ce fut de très belles manifestations. Juste les yeux de ce petit Québécois me prouvaient que je n’avais pas travaillé pour rien. Les petits sont si beaux que tu peux risquer quelques claques sur la gueule pour te donner le droit de les aimer. Quant aux Africains, ils sont simplement fascinants. Je ne savais pas que les tamtams me rendaient si euphoriques.

Je craignais me faire descendre pendant que je manifestais. Il en fut rien. Trop de gens savaient ce qui se passait et s’inquiétaient de mes retards. Par la suite, j’ai participé au Tribunal de la femme, un groupe de femmes qui s’étaient regroupées pour juger le gouvernement libéral. Ces dernières, ayant appris que j’avais été expulsé, se sont rendues après moi au Parlement, à la Commission sur la langue, et elles se sont enchaînées aux chaises pour qu’on ne puisse pas les expulser à leur tour.
 
J’ai eu le temps de tout oublier avant que les libéraux répliquent. Je savais que j’y goûterais quand je serais moins suivi par la presse.


Ils se servirent évidemment de ma sexualité pour me planter. La sexualité est un besoin naturel réprimé par les autorités pour leurs profits.


Le plaisir est au centre du besoin sexuel.


Il est l’acceptation et la fierté de son corps. C’est essentiel à la capacité de s’aimer et d’aimer les autres.


Approcher la sexualité librement exige une pleine conscience des limites humaines et l’importance de la culture dans les rapports amoureux. Il faut aussi un profond respect de l’intelligence et de la beauté.


Une telle liberté exige l’approfondissement quasi-quotidien de ce qu’est l’Homme et le pourquoi de ses réactions. C’est une vie plus exigeante, car, elle demande d’être parfaitement à l’écoute des autres.

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