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Un sourire d’enfer 65

avril 16, 2023

J’étais le gardien sur semaine qui s’occupait exclusivement des enfants, il ne me manquait plus que de me trouver un emploi pour le devenir le père, le pourvoyeur. 

Je devais d’abord m’assurer que la Tribune ne me massacrait pas trop en donnant des références, surtout avec le départ que nous avions connu.

Je me suis présenté à la Tribune, au bureau du président, M. Yvon Dubé, pour lequel j’avais une grande admiration,  car ses conseils s’étaient toujours avérés justes.  J’étais venu quêter un emploi ou du moins obtenir la certitude que la Tribune ne me nuirait pas en me donnant des références, si un employeur éventuel me proposait quelque chose.
 
M. Dubé s’est montré très compréhensif.  Il n’a pas cherché à exploiter ma décadence sociale.  Je n’étais plus l’employé arrogant, mais le journaliste soumis qu’il avait connu, lors de mon retour au journal en 1968.

Nous avons discuté de mon livre Il était une fois les Cantons de l’Est ou Lettres ouvertes aux gens de par chez-nous.  M. Dubé a confirmé que le livre était fidèle à ce qui s’était déroulé, mais il m’a fait remarquer que le patron engagé pour me mettre à la porte n’était pas son beau-frère, car son beau-frère s’appelait Raymond et non Adéodat. 

C’était évident que les deux enfantsm’aimaient beaucoup,car ils disaient que de tous les amants de leur mère, j’étais celui qu’ils préféraient comme père. Je voyais ça comme un grand honneur et le seul moyen de devenir encore plus père-mère. 

J’ai convenu de mon erreur et je lui ai assuré que je ne l’avais pas faite de mauvaise foi.  (J’en parle maintenant justement pour rétablir les faits et m’en excuser auprès des gens concernés.)

À la fin de notre entretien, M. Dubé m’a offert, probablement parce que je faisais vraiment pitié, de m’acheter des reportages commandés par le journal.  Il mettait une condition : je devais signer mes articles d’un pseudonyme.

J’avais déniché le même genre de travail à La Patrieet autres journaux de Power Corp

Je n’ai fait qu’un reportage sur Quo Vadis. Je ne l’ai jamais vu dans le journal et je n’ai jamais été payé.  Cela a mis fin à ma courte carrière de pigiste.

Ma paternité artificielle a sauté peu après l’arrivée de Bob, le nouvel amant de Suzanne.  Je m’occupais des enfants quand il venait et, lui, des besoins de Suzanne que je n’arrivais plus à combler. 

Je me croyais seul à comprendre Patrick et à l’aimer comme il le méritait. J’étais devenu son esclave.  Mais, je représentais encore l’autorité.  Celui qui exigeait qu’on respecte des règles de base.

Ça me faisait mal de quitter Yanie et Patrick que j’aimais beaucoup. Patrick m’avait si bien accepté, malgré mes crises sporadiques d’autorité, qu’il ne réfutait plus les gens comme au début quand on m’appelait « son père ».  Il rougissait un peu, se tortillait, puis, passait à autre chose.

Quant à Yanie, elle m’aimait bien.  Elle m’avait surnommé Simopette.  Je n’étais pas que l’autorité, mais celui qui jouait très souvent avec eux.  Elle s’était même beaucoup ennuyé de moi durant que j’étais en prison.  Le lien que j’avais avec eux tenait surtout de ma disponibilité à leur égard.  Je les adorais et ils le sentaient sans que j’aie à leur dire, comme la majorité des jeunes savent te juger très vite.  Je l’admirais pour son intelligence, son imagination, son rire et sa gêne.  Je ne savais pas comment lui expliquer que je préfère les garçons. 

On n’a pourtant pas à l’expliquer, car les filles ont entre elles leur fameuse relation privilégiée entre femmes. Mais, pour les gars, on a fermé les tavernes pour qu’ils ne se retrouvent pas seuls entre gars. Le prétexte de la boisson a suffi à tuer cette connivence mâle. Les brasseries sont préférables, car il n’y a pas de différences de sexe.  Une connerie qui nous a été léguée par la religion. 


Je ne lui ai rien expliqué et tout naturellement, à travers le quotidien, elle est devenue ma complice.  Elle savait qu’elle pouvait compter sur moi.  La nuit, pour échapper à la peur, elle venait se coucher près de moi.  La première chose que je savais, j’étais inondé, car elle pissait encore au lit.

Je n’ai pas l’impression que ma pédérastie la peinait. C’était un sujet d’adulte qui ne se manifestait pas dans mes relations avec les jeunes.  Par contre, c’est évident que ça l’intriguait.  À toutes les fois qu’un petit bonhomme venait à la maison, elle trouvait moyen de me demander devant lui si je le trouvais beau.  Cela n’était pas toujours avantageux.  Pour les petits nouveaux, j’apparaissais comme une espèce de monstre dangereux, un maniaque à redouter.

Cette expérience d’une année avec eux a fait naître en moi, une nouvelle conscience.

Si je ne pouvais pas cesser de désirer un petit gars, il était dans l’ordre des choses que je ne tente rien à moins que lui ne manifeste son intérêt pour la chose, ce qui se produit bien plus souvent que les adultes le croient.


L’école libre a été une prise de conscience de la réalité des jeunes sans être dès l’enfance conditionné à rejeter la sexualité.  L’école libre donnait des enfants désobéissants, mais beaucoup plus éveillés.  Ce serait aujourd’hui les enfants du « ritalin ».

J’ai perdu ma place à la maison et je fus remplacé par le nouvel amant de Suzanne.

J’ai toujours mangé de la merdre pour ma façon de voir et vivre ma sexualité, et pourtant, c’est un besoin qui pour moi est loin de m’obséder.  Je suis plus attentif aux émotions et à la joie qu’au sexe.  

 Par ailleurs, à l’école libre, on avait été tellement libre que les adultes ont dû parfois attendre très longtemps à l’extérieur de l’école avant d’être invités à se joindre aux jeunes.  C’était devenu une porcherie à tel point qu’un moment donné l’école fut aux prises avec une épidémie de puces.  Elle ferma très vite.

 
Ce fut un moment extrêmement important dans ma vie, car, j’apprenais comment vivre ma pédérastie, tout en étant correct.  Mais, j’avais un nouveau problème.  Je prenais conscience que notre société déteste la liberté. On en a peur.

L’école libre et la rencontre de cette nouvelle vocation quasi-paternelle ne fut paspour moi une expérience négative, bien au contraire.

J’ai enseigné l’anglais quelques années plus tard à Yanie. Elle avait choisi l’école conventionnelle à cause de la violence des garçons.  Quant à Patrick, il en voulait à sa mère de l’avoir envoyé dans une telle école, car m’a-t-il expliqué, l’école libre lui avait nui dans son éducation, rendant plus difficile de trouver un métier pour vivre. 

Pour un garçon qui déteste l’école naturellement, la corde à tarzan est beaucoup plus attrayante que de choisir un cours.  Quand on est jeune, on ne voit pas la nécessité de l’école. Et, si personne ne les pousse, ils préféreront toujours le plaisir immédiat. 

Aujourd’hui, on est loin d’avoir trop de liberté.  Il faudrait que les enfants aient un diplôme universitaire en sortant de la maternelle.  On oublie que le propre des enfants est d’apprendre en jouant.  C’est le plus important que m’ait appris l’école libre.  La deuxième chose : un jeune a un pouvoir de récupération multiplié par dix si le sujet l’intéresse.

Grâce aux fêtes et mon ami Pierre, j’ai trouvé un emploi à la Société des Alcools.  Je demeurais juste en face du stade olympique. 

J’ai pu constater comment, pour le système, en exaltant la fierté des gens, il fut possible de littéralement voler la population.

Souvent les travailleurs n’avaient rien à faire.  Ils attendaient les plans et les ordres.   Cela donnait souvent naissance à d’interminables périodes d’incertitude.
 
Les compagnies ne s’en plaignaient pas.  Ce n’était pas grave, car presque tous les contrats étaient à «coût plus».  Plus c’est long, plus c’est payant pour les constructeurs.

Dans un cas comme celui-là, tout le monde en profite, sauf ceux qui payent la note. 

Cette fois, c’était la population du Québec, excepté quelques peanuts payées par le fédéral, pour se donner le droit de fourrer le nez dans un autre domaine généralement réservé aux provinces : le sport.  Le fédéral se nourrit de notre argent, il ne fait que nous remettre une partie de ce qu’il nous doit.

Les interventions du gouvernement ont entraîné un changement de compagnies de construction. 

Avant il avait été possible de compter jusqu’à 300 grues sur le terrain, 24 heures par jour, à des taux de plus de 200$ de l’heure. Il y avait tellement de grues qu’il était impossible de s’en servir.

Que dire des vols ?  Il y a eu des camions complets de bois qui sont passés par une porte et sortis par une autre sans s’arrêter.  Des moteurs sont disparus.

Le chantier olympique en a enrichi plusieurs comme ce fut le cas, dit-on,  dans la construction de la Baie James. 

Il est curieux que la Commission Malouf n’ait pas enquêté sur les détournements de fonds et de matériels par de grosses compagnies.  Avec le huis-clos et la Protection de la Cour, il serait peut-être possible de faire ressortir qu’au moins le tiers du coût de la construction des installations olympiques ont servi à voler. 

Les mêmes compagnies opéraient à la Baie James depuis la très récente arrivée au pouvoir du Parti Québécois.  Comment, grâce à ce changement, a-t-on pu sauver presque un milliard en une année pour les contribuables ?   La corruption dans la construction ne date pas d’aujourd’hui.

La vraie mafia n’est pas celle dont on entend parler dans les journaux.  Elle, c’est la petite pègre. Les bras.

La mafia, c’est le gros business, les grosses piastres, les grosses compagnies   Elles peuvent pour du pétrole faire crever des milliers de jeunes au Biafra, faire assassiner le président Kennedy, renverser le président Allende.    C’est le langage de la finance.  Un langage qui fait trembler tout le monde. 

La vraie mafia est légale, internationale, planétaire. 

Elle décide du moment où une guerre est payante, comme le moment où cette guerre doit cesser.  C’est la grande machine de l’exploitation.  Celle qui décide à quelle classe de gens tu vas appartenir, qui décide ce tu dois croire, toi, le petit subalterne. 

Le plus lucratif de toute la machine, c’est la violence.  Sans la violence, la domination devient quasi impossible. Les vrais patrons vivent de la violence. 

Le trafic d’armes et l’exploitation des richesses naturelles, c’est ce qu’il y a de plus payant.

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