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Un sourire d’enfer 54

avril 5, 2023

Un sourire d’enfer  54

À mon arrivée en prison, je rêvais qu’à me venger. Je n’aurais jamais cru qu’il soit possible de sentir physiquement le besoin de tuer quelqu’un. Je n’avais jamais viscéralement ressenti une telle rage. C’était sûrement parce que cette fois ça touchait nos enfants et non seulement moi. Je me sentais responsable. J’aurais voulu partir avec un complice, me rendre au bureau du juge équipé d’un vidéo, l’amener au bout d’un revolver sur la rue Ste-Catherine et le forcer à parader nu, ce vieux maudit salaud.

Je jouissais juste à penser à son sang qui me coulait entre les doigts. Il ne briserait plus d’enfants, car je crois avec certitude que ces vieux scrupuleux n’ont aucune âme et font plus de mal que je ne pourrai jamais le faire, même si je suçais tous les petits garçons de mon quartier. Comment pouvait-il agir ainsi sans tenir compte de l’existence de Patrick et de Yanie ?

J’ai eu de la difficulté à m’enlever ça de la tête, et pourtant, j’ai toujours été profondément un non violent absolu.  Mais, il y a des limites ! Il a fallu bien des jours avant de passer à autre chose que la haine et le goût de vengeance.

L’écriture m’a encore une fois sauvé. Toute cette haine a passé dans un poème, Hymne à la folie, puis dans le projet d’un livre l’État de grâce. L’écriture est souvent mieux qu’une cure.

Après ma libération, j’ai voulu faire ressortir le côté illégal de mon procès. Aucun avocat n’y a consenti. Ils disaient tous que les juges se tiennent entre eux et que celui qui prendrait en main une telle cause serait aussi bien de dire adieu à la pratique du droit.

J’ai voulu en saisir les journaux, même Mainmise a refusé, ses directeurs disant qu’ils ne voulaient pas faire détruire leurs ateliers par la police. Belle justice !

À la prison, le lendemain soir, en allant porter mon cabaret après le souper, j’ai rencontré le bonhomme qui m’avait frappé en 1963, lors de ma première incarcération.

La prison, ce sont les autres. L’atmosphère. C’est l’enfer. Ça rien avoir avec le fait d’y être bien ou pas.  Tout est dans la vie entre prisonniers. L’incertitude globale et l’impossibilité de circuler où tu veux, quand tu veux.

J’en ai assez blêmi qu’en remontant, un garde qui ne me digérait pas, me dit que j’avais l’air moins brave.

Le prisonnier m’avait reconnu de toute évidence. Il m’avait promis en 1963 de me tuer s’il me revoyait dans une prison. Je n’étais pas plus certain d’y faire que trois mois.  Allais-je y laisser ma peau?

Mon avocat a obtenu, après deux ou trois jours, la révision de ma sentence. Je suis allé aussitôt chercher mon chèque au bien-être. Je l’ai eu sans complication, car j’avais une bonne raison d’être en retard.


C’est bizarre qu’un juge ne respecte pas la loi juste pour faire ses petites leçons de morale.


Il y a deux sortes de mafias, celle qui est illégale et celle qui est légale ; mais les profits des deux vont dans la même poche de ceux qui dirigent, juste au-dessus. C’est le même principe que le système économique : seul le profit compte.    

La loi a besoin de règles avec des zones grises pour permettre au système judiciaire de faire ses profits. Il faut une zone de travail pour les avocats. Le vrai patron est celui qui détermine ce qui est bien et ce qui est mal. Cela permet de pousser au maximum l’établissement d’une pensée unique.


Pourquoi n’aie-je pas le droit de croire dans une société où la liberté sexuelle est absolue tant qu’il n’y a pas de violence ou de domination ?  Pourquoi n’aie-je pas le droit de tomber en amour avec un petit gars de 14 ans consentant ?


Les raisons d’exister des lois pour des gestes sexuels sans violence sont carrément stupides et basées sur des connaissances qui sont complètement dépassées. On sait maintenant que les raisons motivant ces lois sont de la pure ignorance.

L’école libre ne prouve-t-elle pas que l’égalité est possible entre deux personnes d’âges différents ? C’est une question de motivation et de perception et surtout d’attitude.  Ça dépend de l’image que l’on se fait de l’autorité. 

Est-ce que l’autorité peut être gentille ? Toutes ces lois sont formulées par la même clique, le même regard religieux. Les mêmes mensonges.

À mon deuxième procès, j’avais pris toutes les dispositions pour que les enfants ne souffrent pas de mon emprisonnement. 

Je me suis même fait couper les cheveux, car, en plus de devoir le faire de temps en temps pour leur propre santé, cela permet parfois d’amoindrir les préjugés du juge à ton égard. L’habit fait le moine quoiqu’on essaie de nous faire croire le contraire.

Le juge de mon rappel a refusé de changer la sentence car, disait-il, la transcription de mon procès présentait un contenu tellement grave qu’il n’osait même pas en lire les passages au procès. Quel constipé !


Dans mon premier procès, le juge posait des hypothèses pour rendre ça plus croustillant alors que les jeunes réfutaient ses dires. Je me demande bien où il allait chercher ses passages intolérables à l’oreille ?  Serait-ce que les juges ne savent pas lire ? Ou lisait-il qu’en voyant les bouts qui faisaient son affaire ? 


En fait, il voulait parler du moment où Réjean racontait comment je le tenais quand il s’assoyait sur moi. Mon avocat a fait valoir le témoignage de Réjean à l’effet qu’il n’y avait jamais eu de gestes indécents. Il a insisté sur le fait que la sentence me révoltait plutôt qu’aider à me réhabiliter. Il ajouta que dans bien d’autres causes, pour des actes beaucoup plus répréhensifs de récidives où des jeunes avaient été sucés, même enculés, ces derniers avaient eu de légères amendes et des sentences suspendues alors que je n’avais pas d’antécédent judicaires (sur le plan légal, car on avait pas le droit de faire allusion ou de sortir ce qui s’était passé précédemment quand je n’avais pas 21 ans, âge de la majorité).  Mais, ça n’avait pas d’importance pour le juge.  Il faut accepter et obéir aux lois quand ça fait notre affaire. La justice, c’est de la merde quand il s’agit de sexe.

C’est alors que j’ai commencé à croire que la seule différence était que ces messieurs n’avaient pas « manifesté parce qu’ils avaient perdu leur emploi pour avoir écrit en français». En fait, j’étais puni pour m’être tenu debout, plus que pour avoir été indécent dans leur façon de voir la vie. 

Finalement, cette affaire arrivait à point pour le système qui veut garder les Québécois endormis.

Quant à l’avocat de la Couronne, il a rappelé que la Couronne avait de fait demandé une petite sentence. Le juge, pour sa part, prétendait que sur cinq ans d’emprisonnement, trois mois, c’était une petite sentence.

— Je maintiens les trois mois de prison. Tu peux même te compter chanceux que je ne te donne pas plus de temps.

Cela confirmait ce que l’on m’avait déjà dit. Rien ne sert d’aller en appel. Les juges considèrent cela comme un affront et ils te donnent généralement plus de temps pour t’apprendre à respecter la cour. Maudite belle institution. La vraie mafia. Celle du pouvoir et de l’argent.

J’ai repris le chemin de Bordeaux, mais cette fois, je le prenais avec calme. Les enfants ne seraient pas privés de marger parce que je ne serais pas là pour aider à payer. Tout était prévu.

À Parthenais, un policier m’a fait paradé nu durant plusieurs minutes (je n’avais encore de bedaine, donc, j’étais plus regardable). Il a fallu l’intervention d’un autre policier qui lui rappela qu’on m’attendait afin de partir pour la prison. Je pouvais enfin, grâce à l’intervention de ce dernier, me rhabiller.

   Mon séjour en prison fut très agréable, mais très politisé.

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