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Un sourire d’enfer 69

avril 20, 2023

Un sourire d’enfer  69

Le soir, dans le Vieux-Montréal, nous avons tenu une soirée de poésie.  J’y ai présenté qu’un seul texte qui, malgré son contenu, créa moins d’émoi que les poèmes du Baron Philippe qu’on a déjà malheureusement oublié.

Mon poème de l’Archange Foin-Foin se lisait ainsi :

Je suis l’archange-mère Foin-Foin
ici à titre personnel
pour imager un coin de ciel.

Échappé des hautes sphères
malgré vos « Empire building »
votre pollution senteur fond de pet
vos asphaltes assassins de sensations
je vous annonce : la fin des temps durs.

Bientôt, mes camarades piqueniqueront
dans des pétales de roses
au jardin botanique.

J’entends vos questions.

Combien de temps encore durera le règne des crapauds alourdis, des serpents à la langue fourchue, de la drapolice, de la boubouphalie et de la trudeaumanie ?

Quand ce cruel Boubou vendra-t-il l’autonomie culturelle du Québec in English ?

N’attendez pas les anges pour vous le dire
Ils font l’amour.  Ils font la foire.
Valser !  Valser ! Vaut mieux que se faire fourrer.

En novembre, il est maintenant certain qu’il y aura des élections.


Ce n’était pas de la prophétie, mais un sens de la prévision qui, parfois, me fait grandement peur.  On dirait que je sens les événements arrivés. Le grand Robert disait que je pourrais lire l’avenir si je le voulais. 

Une autre fois, j’avais écrit un texte pour une revue d’Amérique du Sud, à la demande de Gilbert Langevin, dans lequel en m’adressant à Nixon, après avoir crié ma solidarité pour les Noirs des Etats-Unis, je disais quelque chose comme : M. le Président, il est temps de vous tuer. Je ne voulais pas parler d’assassinat, mais je sentais qu’il serait renversé. 

Le texte a été refusé bien évidemment, mais peu de mois plus tard, Nixon abdiquait à cause du Watergate. Dans l’esprit de mon texte, il venait d’être tué. Il venait d’être expulsé de son travail. Ça m’a toujours fait peur de sentir de tels événements.  Ils ne sont pourtant que la logique appliquée.

J’ai parfois des intuitions qui me font peur.  Un soir, je me suis réveillé en sueurs. J’avais rêvé que Nixon voulait déclarer une guerre atomique. Quand je racontais ces choses tout le monde riait de moi.  T’apprends à la fermer.  Plus tard, il fut confirmé que Nixon a effectivement à cette époque voulu attaquer la Russie.  Comment expliquer ça ?  Je ne le sais pas.  Ça n’a pas grande importance. Ça n’arrive plus.  J’ai tué ces voix intérieures.

Selon ce que j’ai appris, un an après la chute de Bourassa, il semblerait que la décision de Ryan au Devoir d’appuyer le Parti québécois serait issue de sa peur des rumeurs quant aux goûts sexuels de Bourassa.  Est-ce vrai ? J’en doute, mais on ne sait jamais.

Je crois que la vie sexuelle de toute personne qu’elle soit en politique ou non ne regarde que les gens qui la vivent avec elle.  Rien n’est aussi privé que la vie sexuelle. 
 
C’est une des grandes et belles choses au Canada, les journalistes ne parlent jamais de la vie sexuelle de nos politiciens.  Avec Ryan et sa religion, tout est possible.  Et, si c’est vrai, ma pancarte ne fut peut-être pas aussi inutile dans le sens de la révolution. 

Je reconnais aujourd’hui, que c’était de la folie de ma part que d’introduire ainsi la politique dans la poésie. Aucun sujet ne doit échapper à la poésie, mais il y a une manière de rendre ce discours poétique et non vindicatif. En poésie, même la politique se doit de s’exprimer poétiquement. Elle fait connaître les sentiments vis-à-vis les choses et porte ainsi la politique à un niveau qui n’a plus la forme d’un discours.


Pour plusieurs, je n’écrivais plus de poésie.  D’une certaine façon, j’en convenais.  C’était plutôt un cri de névrose ou de révolte.

Évidemment, j’aurais pu en avoir honte ; mais la névrose n’est-elle pas une invention des psychologues pour justifier la répression sexuelle ? 

Pour rendre des souris névrosées, il suffit de produire des décharges électriques dans leur nourriture.  Elles deviennent folles ne sachant plus si elles doivent répondre à un besoin naturel impérieux ou subir le choc électrique. C’est exactement ce qui se passe avec la sexualité.

Moi, les gars sont ma nourriture spirituelle.  Le système a perverti la sexualité pour élaborer sa différenciation dans les classes sociales et entretenir des modes.  Le sexe est devenu une denrée économique.  Je ne suis pas électrocuté, mais je suis enfermé ou humilié par tout le monde qui me refuse ce droit à la VIE VRAIE, À L’AMOUR, À ÊTRE CE QUE JE SUIS VRAIMENT.

Je ne voulais pas abdiquer à ce besoin, car, j’étais persuadé que ma pédérastie, dans mon cas, de la manière que je la vis, est un moyen de sublimer l’Homme, de résister à la violence, de garder un peu le goût de vivre. 

De plus, j’ai la certitude de ne pas nuire à mes jeunes partenaires, au contraire, je leur apporte une part de mon bonheur. Un petit poème résume ce que je ressens :


Sur le cadavre

D’un soldat de quinze ans
Paul et Serge s’embrassent.

La ville autour d’eux
en nuages s’évapore
un encens de fumée
pour on ne sait quel dieu

Paul est capitaliste
Serge communiste
dans les bras l’un de l’autre
Paul et Serge sont des Hommes.

La jeunesse sacrifiée
à chaque éclat d’obus crie :
l’humanité est folle.

Quel est l’ombre qui nourrit
ce brasier d’ignorance ?
Qui arrache à la folie
ces deux soldats
enlacés dans le feu ?

L’Amour serait-elle l’épouse de Satan ?


Je pourrais résumer ma pensée politique d’alors par : 


NI LES ÉTATS-UNIS

NI LE CHILI
NI LA RUSSIE
VIVE LE QUÉBEC, TERRE HUMAINE !

                                                 23


Septembre 1976.  J’étais encore une fois assisté social.  Je demeurais chez Ted, un animateur à l’école libre.

Il ne m’aimait guère puisque privé de l’école libre, j’ai transposé l’expérience à la maison.  Ça le fatiguait, moi, ça me choquait de l’entendre chialer.  Presque toutes les fins de semaine, la maison était pleine à craquer.  J’avais laissé le hangar aux gars pour qu’il se fasse une cabane.  C’était la période expérimentale au cours de laquelle les jeunes font les 400 coups pour savoir s’ils sont vraiment libres.

À l’intérieur, ils dirigeaient mes travaux de peinturage. Tout le monde participait, avant de passer au hangar où avec l’aménagement de leur local, la cour était devenue un véritable dépotoir.

Parfois, Patrick et Yanie venaient faire leur tour.  Patrick était jaloux.  Si je m’étais pris pour le père, il s’était pris pour le fils ou du moins en revendiquait-il tous les privilèges. Même Yanie affirmait aux petites Haïtiennes à la maison quand elles ne voulaient pas l’écouter : « Je connais Jean depuis bien plus longtemps que vous.  Il a même resté chez nous.» Grand verdict irréfutable, signifiant qu’elle avait plus d’influence sur moi et que je lui appartenais plus qu’à elles. 

J’adorais recevoir les enfants desquels je pouvais difficilement me différencier. Quel pouvoir avais-je de plus ?  Je vivais parfaitement l’égalité entre tous les êtres telle qu’enseignée à l’école libre. Je n’avais plus qu’à apprendre, moi aussi, à dire oui ou non. Pour moi, le non a toujours été un grand problème. Pourquoi se priver de plaisir ?

La cuisine ou le salon devenait vite une salle de jeux.  Je les regardais faire ou je dessinais avec eux, tout dépendant combien j’étais occupé dans mes préoccupations d’adulte.  En dessin, j’étais toujours un peu mal à l’aise d’être beaucoup moins talentueux qu’eux.  Je n’ai jamais été capable de faire un dessin convenable quand j’étais au collège et je n’étais pas mieux en vieillissant.  Comme avec la musique, il suffisait que je chante pour que tout le monde autour perde la mélodie.  Une cruche parfaite.  En quoi suis-je bon ? devenait souvent la question de circonstance.  Une chose certaine je les aimais encore plus que je m’aimais moi-même. J’admirais leur talent. 

Les vacances avaient été extraordinaires. 


Sachant que tous les jours ne peuvent pas être une fête et vivre en compagnie de gars, je me suis développé une mémoire quasi-nucléaire tant visuelle que tactile de chacun d’eux.  Je peux ainsi, quoique je vive autre chose, me référer à eux pour reprendre le goût de vivre.

Malgré leurs visites sporadiques, septembre laissait de grands vides dans mon emploi du temps.  Aussi, je me suis enregistré à des cours fournis aux Ateliers populaires.

J’ai choisi le théâtre et la radio.  Le théâtre m’aiderait à rendre plus vivant mes poèmes quand j’aurai à réciter ; alors que la radio me permettrait de m’impliquer davantage dans la vie du quartier.  Je me sentirais ainsi un peu moins inutile.

Le cours de radio se poursuivait en collaboration avec Radio Centreville, une station communautaire, à Montréal. 

J’étais fier de collaborer à cette station de quartier, car, elle m’apparaissait la seule radio libre au Québec.  Le seul endroit où il était possible de critiquer le gouvernement ou de parler de sujets tabous. 

J’appréciais particulièrement la notion de quartier.  Pour moi, cette radio devait servir à faire connaître les services communautaires dont ils pouvaient bénéficier.  Un instrument efficace pour combattre la pauvreté et redonner espoir aux gens.  Un mécanisme pour trouver un consensus local, des solutions à nos problèmes. 

Une fois par semaine, nous nous rendions à la station apprendre à se servir de l’équipement et à monter des émissions.


Quant au théâtre, il reposait surtout sur la spontanéité et la création.  J’adorais ce passe-temps à cause de l’atmosphère d’amitié, de solidarité.  Notre professeur était excellent.  J’ai compris que si j’avais plus de mémoire, j’aurais pu devenir un bon acteur. 

Avec ma grand famille, j’ai tôt fait de suggérer une émission avec les enfants.  J’aurais aimé dans cet élan créer une série d’émissions qui auraient été faites strictement par les enfants.  Marco aurait pu facilement en être l’animateur.  L’idée fut tout de suite retenue.

À part de courir les cours d’écoles pour organiser des entrevues, j’ai dû passer de nombreuses heures à travailler au montage.  J’ai trouvé ça fascinant.

Je découvrais cette technique en même temps que l’auteur américain William Burroughs.  Je ne comprends pas pourquoi les critiques s’entendent pour affirmer le génie de cet écrivain à partir du Festin nu où il est question d’expériences de la CIA alors que La machine molle et Les garçons sauvages sont des ouvrages bien supérieurs.  Dans La machine molle, il nous fait pénétrer techniquement dans le continuum espace-temps par la descente spiralée à travers le trou du cul d’un petit gars pour aboutir dans la vision fantastique de l’espace-temps appliquée à la civilisation.  Ce qui est grandiose dans ce texte, tu en sors comme t’es entré par le cul du petit soldat, phénomène qui structure vraiment son roman sous forme de spirale.

Quant aux Garçons sauvages, il ne fait penser aux Gamins de Caracas, ces petits bouts d’hommes qui deviendront dans quelques années, le point central de tout Occidental.  Ce sera le prochain épisode de ma recherche, car au Québec, sauf dans les sermons, ce n’est pas pour demain que les parents accepteront le droit de l’enfant à sa sexualité, encore moins sur le choix de sa famille, de son école, de sa pensée. 

La civilisation occidentale est encore mille ans en arrière de ce règne d’espérance et la Russie quant à elle, l’est de dix mille ans. C’est encore rien à côté des Talibans qui sont restés coincés à l’époque du désert avec Mahomet. Pas surprenant que pour nous faire vivre d’une manière aussi arriérée, les Islamistes aient besoin de prendre les armes pour faire écouter leur message.

Aujourd’hui, les parents qui se prétendent les plus progressistes te diront fièrement que leur enfant c’est leur propriété. « C’est à moi, cet enfant.  Que je ne vois jamais un maudit salaud lui toucher.».  Et, ces enfants deviendront alcooliques ou drogués pour oublier qu’ils n’ont jamais connu la tendresse de leurs parents parce qu’on leur a appris que se caresser est un péché.  Heureusement, Freud était plus intelligent, il faisait une nuance entre la sexualité et la génitalité. 

La sexualité est tout ce qui touche à l’affection alors que la génitalité concerne les parties du corps qui servent à la reproduction ou à créer du plaisir. Les zones érotiques ont beaucoup changé depuis que l’on essaie de couvrir tout le corps, une manière de manifester sa honte d’être un être matériel.  Une bêtise consacrée comme étant normale et une vérité qui a franchi les siècles, grâce au mensonge et à la violence.  L’Inquisition en témoigne.

Je préférais pouvoir me présenter carrément comme pédéraste aux parents et amis, car ça garantissait que jamais je ne pourrais me servir de ma force pour obtenir une relation sexuelle avec un petit. J’avais bien trop peur de devenir un prédateur sexuel, ce qui impliquait la violence.  En étant aussi ouvert, si par hasard  un jeune se serait senti inconfortable dans notre relation, il n’aurait pas peur d’en parler à ses parents.  Peut-on devenir violent à force d’être frustré ?  C’est ce dont j’avais peur.

L’essentiel de la relation était que je sois amoureux et que mon partenaire le soit autant que moi.   Ce sont des choses qui se sentent. Comment l’amour pourrait-il nuire à quelqu’un ?  Je dirais que 98 pour cent d’une relation sexuelle est, à mon avis,  pure affection et tendresse. La complicité est aussi un des éléments essentiels.

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