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Un sourire d’enfer 7

février 15, 2023

           Un sourire d’enfer  7

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Je m’étais installé chez ma tante Aurore et son fils.

Un dimanche soir, en retournant à la maison, j’ai rencontré un humain splendide.  J’ai lutté avec lui.  Il était léger comme une plume et s’abandonnait dans mes bras avec une espèce d’appel à l’embrasser. Ses yeux flambaient de désir et ses lèvres peu entrouvertes m’offraient la résurrection. 

Cette soirée, pourtant insignifiante pour la plupart des gens, a été le moteur de tous mes désirs, mes actions, une année durant.  Le soir et le matin, je déambulais dans le parc où je l’avais rencontré, dans l’unique espoir de le revoir.   La vie d’amourajeux est souvent un rêve qui s’est manifesté quelques secondes dans la réalité.  Un rien prend l’allure d’un univers. Une explosion de la sensibilité. Le bing bang individuel.

Il s’était offert à moi comme une fleur.  L’amour reprenait place. Encore une fois, j’étais toute sensibilité, à l’écoute de la vie, à la recherche de la beauté.  La vie à travers le corps n’est-elle pas à la fois une communion et une préscience de ce que sera le paradis ?  Un endroit où on joue la vie.

Une explosion se produisait en moi.  Un miracle était encore possible.  Je n’étais pas tout à fait mort à l’amour.  

Un samedi, en me rendant à Québec ; j’ai fait connaissance avec Réjean.  Ce fut la folie la plus belle de ma vie.  Réjean prenait la place de Daniel, il était aussi la réincarnation de l’ange rencontré à Sherbrooke. 

Je l’adorai immédiatement entre deux remords, fruit de mon éducation. 

Réjean ne fut pas long à comprendre ce qui se passait entre nous et ce que je désirais.  Hésitant et scrupuleux, Réjean ne se laissait pas toucher, mais il savait comment me rendre fou de lui, me posséder, me faire fléchir, ramper à ses désirs.  Ce fut un coup de foudre. 

Une explosion gronda dans mes yeux, dans mes doigts.  Réjean devenait la lumière, la pierre philosophale.  


Mon âme dansait, retrouvait sa légèreté, et pourtant en même temps, j’étais envahi d’une foule de scrupules : je ne pouvais pas salir une telle beauté.  Pour rendre suspect un si beau désir, des gestes aussi naturels, seule la religion peut nous corrompre à ce point en nous lavant le cerveau dès notre enfance. 

J’avais peur comme en prison de lui faire du mal.  Je l’adorais trop pour oublier que la chasteté est une déviation maniaque, une maladie religieuse qui s’imagine que Dieu est contre la beauté de la sexualité.  Il a pourtant lui-même crée le corps.

Je frémissais entre deux désirs comme un piano sous la main d’un grand Maître. Un appel d’âme à âme, d’énergie à énergie.  La fascination d’une beauté d’un autre ordre que celui de la matière.  Un appel à boire la beauté et l’innocence, c’est-à-dire l’absence de restrictions mentales.

Par peur de moi et par amitié, j’ai révélé mes sentiments envers Réjean à Mme Gosselin.  

Je croyais qu’elle me fermerait à jamais la porte de sa maison.  Surprise !  Elle m’avoua me connaître depuis le début, et, même être au courant de mes trois mois passés en prison.   » Tu sais la petite nature !  » Disait-elle amicalement.

Pour une des premières fois de ma vie, une adulte m’acceptait comme je suis.  Si Mme Gosselin n’avait pas été là, je n’aurais jamais écrit.  Ce fut la lumière spirituelle dans ma vie.  Cette femme m’a plus appris sur la tolérance et l’amour que toutes les leçons de catéchisme aussitôt violées.  Ce fut le premier héros véritable que j’ai rencontré. 

Mme Gosselin savait fort bien que j’aimais beaucoup trop Réjean pour risquer de le corrompre.  J’en faisais trop de scrupule.  Cependant, si la chose devait arriver, il était évident, forcé par cet aveu que je venais de faire, qu’il serait consentant.   D’ailleurs, la curiosité sexuelle est-elle corruptrice ou simplement naturelle ?  Notre société n’a-t-elle pas inventé le mal à travers tout ce qui est sexuel pour introduire en nous l’idée que nous sommes tous pécheurs ?   Une perception maladive d’une réalité essentielle pour la survie de l’espèce ? En fait, je me sentais coupable d’être amourajeux.  J’avais la prison pour me le rappeler

 
Réjean me tentait toujours.  Je m’essayais.  Je manquais mon coup.  Je le regrettais.  Je me contentais de sentir son haleine sur ma joue quand nous luttions ensemble.  Une vapeur qui nourrissait mes rêves.  Nous jouions de longues heures au billard sur la table que je venais de lui donner en cadeau.  Si ces relations n’étaient pas toujours chastes, elles étaient toujours pures.

Au journal, à Sherbrooke, tout le monde croyait que j’avais rencontré la femme de ma vie.

Je brûlais le temps.  Les semaines étaient trop longues.  J’aurais quitté mon emploi pour être à chaque instant près de lui.  Réjean, c’était ma raison de vivre.  Un pan de ciel en enfer. 

J’avais le feu aux entrailles et la tête en fête chaque fois qu’il était entendu que je descendais à Québec.  Réjean, c’était pour moi, la beauté à l’état pur.  Le désir volcanique de mes sens étouffés depuis si longtemps.  C’était le sourire, l’allure de serpent.  


Réjean, c’était celui à qui j’aurais acheté une lampe d’Aladin.  Réjean, c’était celui pour qui j’allais à la messe chanter les  » je t’aime » des sanctus parce qu’il m’accompagnait et que je pouvais ainsi lui crier mon amour en public. 

Réjean, c’était tout, c’était les métamorphoses ressenties quand j’allais communier petit, celles où le monde devenait sujet d’adoration puisque partie intégrante de Dieu. 

Réjean, c’était la vie. L’anxiété, le désir, la fable du bonheur.  J’étais l’amant qui se promenait avec lui, main dans la main, qui l’embrassait malgré la foule, au départ, au terminus.   Réjean, c’était le feu de la St-Jean, la promesse de vivre.  C’était l’échelle de Jacob.   

Pour ne pas trop souffrir de son absence, je me jetais tête première dans le travail à un point tel que les Vauxcouleurs (Estrie, Cantons de l’Est) devinrent Réjean. 

J’attachais toutes mes énergies à publier la vérité sur la situation économique peu reluisante de la région.  Chaque semaine, je devenais plus conscient de la situation.  Je cherchais des solutions concrètes.  Tout l’amour que j’avais pour Réjean, je l’orientais dans mon travail, devenu une espèce de mission. 

La méconnaissance des députés des problèmes régionaux m’exaspéraient.  À mon avis, la seule façon de régler les problèmes exigeait un traitement à l’échelle régionale.  J’en vins à rechercher la création d’un gouvernement régional, pour compenser l’absence des gouvernements provincial et fédéral.  Pour eux, on n’existait pratiquement pas.

Ce gouvernement du peuple devait être formé des autorités locales et des mouvements de base, particulièrement, le Conseil de développement.  Il était ainsi plus susceptible de créer une meilleure confiance, un meilleur climat de travail apte à solutionner les problèmes.  Cette solution fut vite écartée par les autorités locales.  Les députés et les maires ne cherchaient qu’à augmenter leur capital politique.  L’esprit de clocher régnait en maître partout. (Voir Il était une fois dans les Cantons de l’Est ou Lettres ouvertes aux gens de par chez-nous.)

La situation empirait de jour en jour.  L’économie régionale était dans l’impasse.  Le chômage et l’assurance sociale montaient en flèche.  Ces problèmes m’auraient certainement laissé indifférent si à chaque endroit où j’étais assigné, il n’y avait pas eu des mères qui pleuraient, des enfants épouvantés devant la détresse des adultes, détresse qui leur était incompréhensible.  Je n’étais pas seulement le clairon, mais le miroir de ces petits.  Je souffrais comme les Vauxcouleurs à chaque mauvaise nouvelle.

Les nouvelles idées étaient plus souvent qu’autrement rejetées.  Tout le monde avait peur du changement. 

La situation se détériora à un tel degré que j’ai réussi à faire proclamer l’état d’urgence par le président de l’Association des cités et villes, M. Dorilas Gagnon, un des rares maires assez honnêtes pour se soucier davantage du bien de la région que de ses petits intérêts politiques personnels.

Mon combat échappait dorénavant à la notion régionaliste, il était devenu national.  Il fallait forcer les gouvernements supérieurs à se rendre compte qu’on existait.  Comme tout journaliste, j’étais l’expression, le cri du désespoir d’une bonne partie de la population.  Souvent, je devais littéralement arracher les déclarations.  Heureusement, mes rencontres exprimaient le désir d’un avenir, d’un changement, d’une libération.  Je vivais chaque état d’âme régional.  J’adorais les Vauxcouleurs et sa population. Je m’y confondais parfaitement.

Les patrons n’y voyaient encore aucun inconvénient.  Le journal semblait ainsi prendre ses responsabilités sociales et défendre les hauts intérêts de la région.   En réalité, le journal était manipulé et au service du parti libéral.  Mes écrits faisaient plaisir aux patrons puisqu’au provincial les libéraux étaient dans l’opposition et je préparais ainsi inconsciemment la voie du changement.

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