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Un sourire d’enfer 32

mars 14, 2023

Un sourire d’enfer   32

De soldat de la révolution, je passais à l’espion.  Je me renseignais du mieux que je pouvais.

De temps en temps, j’allais travailler pour que l’on puisse s’acheter des cigarettes ou se payer une bonne bière.  Je voyais là l’occasion rêvée à travers ces voyages de découvrir ce qui est mieux que chez nous.  Mieux informés, un jour, au Québec, nous vivrons ces améliorations sociales.  Aider le Québec fut une de mes obsessions permanentes. Je vis pour l’indépendance du Québec. 

Gérald trouva un emploi de mécanicien.  Il s’est installé seul dans un appartement. Avec lui, la vie était de plus en plus intenable.  Il était jaloux de mes relations avec Jimmy.  Il me voulait exclusivement. 

C’était la première fois que je vivais une telle situation.  J’étais plutôt attentif à ce que j’apprenais. 

Comment pouvais-je me ramasser avec un bonhomme jaloux alors que j’ai toujours fui les femmes, à cause de leur jalousie et leur maudite manie de vouloir te posséder à elle seule comme si t’étais un meuble de la maison, incapable de vivre ta propre vie ?  Une forme de possession que l’on appelle la vie de couple.  Une vie automatiquement versée dans la jalousie parce que les humains n’ont pas encore réussi à contrôler leur vie sentimentale.

Un midi, à l’hostel du gouvernement, un anglophone se mit à crier contre les maudits « french man ».  Nous n’avons rien dit quand soudain, un vrai bélier mécanique indien saisit l’Anglais par le collet.  Il voulait le forcer à s’excuser.

À son avis, nous, les francophones avons été là avant les Anglais et nous étions moins racistes qu’eux.   » Dans tout français, disait-il, il y a du sang indien. » C’est bizarre que plus tard, Jean Fergusson, à Val-d’Or, m’accordera le statut de métis dans son association.

Entre moi et les Indiens, ça cliquait toujours.  Les Indiens me reluquaient, je leur souriais.   On aurait dit qu’ils ressentaient les sentiments que j’avais pour eux.  Une telle communication est possible seulement quand tu enseignes.  J’avais pour eux un grand respect et une tentation formidable de visiter nos « différences ».  J’aurais donné la lune pour une expérience sexuelle avec un petit Indien. 

J’étais aussi révolté du sort qu’on leur faisait.  Règle générale, les Indiens ne couchent pas dans la même bâtisse que nous, dans des lits soyeux et propres, mais sur le plancher, dans un autre édifice.  Le racisme n’existait pas qu’envers les Indiens.  Gérald ne pouvait même pas parler français avec ses confrères de travail francophones, dans les quinze minutes de détente, sous peine de congédiement.

Edmonton avait un journal francophone et une station de radio française. Le vrai sens du bilinguisme à la Trudeau prenait tout son relief.  Ces instruments d’information, subventionnés par Ottawa, refusait tout ce qui était québécois. Rien n’était bon si ça ne venait pas de la France.

Je reprochais aux journaux francophones de ne pas jouer un rôle positif, non seulement pour une meilleure compréhension du Québec, mais aussi afin d’éliminer bien des préjugés tels : les gouvernements francophones sont automatiquement de la mafia.  C’était probablement vrai dans le temps du roman de Roch Carrier, de De l’amour dans la ferraille, mais ce n’est plus aussi vrai aujourd’hui, depuis le passage de René Lévesque.
 
Je reprochais à la radio francophone de ne pas faire connaître la vraie culture québécoise, une culture hautement d’avant-garde et très humaine.   Il n’y avait que du western à la radio, musique bien minoritaire au Québec, pour nous représenter. 

Les argents versés par Ottawa aux associations francophones servaient au culte religieux, à l’organisation de soirées sociales et de bingos.  Les activités étaient superficielles et devaient évincer toute forme de contestation. Pour eux, Paris était bien plus important que le Québec.

Le bilinguisme était un mythe pour permettre l’anglicisation du Québec, la seule province qui prenait Trudeau au sérieux.

Une petite ville francophone près d’Edmonton venait d’être noyée dans l’élément anglophone et les moyens économiques de la minorité ne parvenaient plus à faire rêver d’une autonomie quelconque.

Au journal, il fut clairement établi que les francophones de l’Ouest préféraient des relations culturelles avec Paris parce que c’est meilleur pour l’unité canadienne. 

Le patron du journal m’a dit, après avoir souligné que le Franco-Albertain avait remporté la médaille du meilleur hebdomadaire canadiens :  » À Montréal, au terminus ou dans les lieux publics, vous n’avez même pas de musique et de chansons québécoises.  Vous n’avez rien à nous montrer. »

Il ne pouvait pas être plus clair : Trudeau maintient folkloriquement la francophonie pour duper les Québécois avec sa politique du bilinguisme, qui ne réussit même pas à stopper l’anglicisation des francophones hors-Québec.

J’ai écrit une lettre ouverte dénonçant cette situation malheureuse et hypocrite.  Le journal l’a publié intégralement.  

J’ai aussi participé à une émission de radio où j’ai affirmé que la crise du pétrole est artificielle et n’existe que pour justifier une augmentation des profits pour les exploiteurs.  Cela a eu l’effet d’une bombe. 

Les deux animateurs de la radio, M. et Mme Jeff Brown ont perdu leur emploi parce qu’ils m’avaient laissé parler sur les ondes de cette station de radio.  Un bel exemple de liberté d’expression.

Mes relations avec Gérald avaient empiré.  Non seulement il exigeait mon exclusivité comme une femme, mais il me menaçait.  Il était assez gros pour me faire labourer le plancher sur une bonne distance.  Cela ne m’empêchait pas de me moquer de lui; car, non seulement, je devais être son petit serin soumis, mais je devais, comme lui, me convertir.  J’ai le fanatisme religieux en horreur.  Il voulait faire un saint avec le diable.

Gérald laissa son emploi et se mit à lire la vie du petit Dominique Savio.  Un petit saint d’une très grande beauté que j’aurais bien aimé soigner.  Il avait décidé de me sauver beau gré, mal gré.  Il voulait me mettre au pas.

Gérald est arrivé un soir dans le dortoir rouge de colère.  Après un long sermon, c’est à coups de taloches qu’il a voulu me faire comprendre le sens de la charité chrétienne.  Cela n’a pas tellement réussi, j’ai décidé que je quitterais Edmonton, seul, s’il le fallait, mais sans lui.  Finie la pensée de couple.  Encore plus la pensée religieuse rétrograde.

Je n’ai jamais regretté ma décision, mais je me suis inquiété.  Était-il dans la misère?  M’en voulait-il ?  Dans le fond, je l’aimais bien, mais j’avais peur de lui.  Après les gifles, ce serait quoi ? 

Jimmy quant à lui attendait fiévreusement son admission et son affectation dans l’armée.

Son rêve s’est estompé le jour où on lui demanda s’il accepterait, connaissant la langue française d’être affecté à l’escouade spéciale.  C’est quoi, cette affaire-là? Après quelques recherches, nous avons appris que l’armée se livrait à des manœuvres d’entraînement dans le but d’envahir le Québec.  Les bras nous sont tombés … l’armée préparait l’occupation militaire du Québec.

Ma dépolitisation venait d’en prendre une claque.  Jimmy, n’ayant rien d’un traitre, il décida que nous allions poursuivre notre route ensemble,
 
Gérald devait se rendre à l’évidence.  C’était fini entre nous. Il nous a annoncé son désir de nous quitter, car ayant reçu une lettre de sa mère, il devait se rendre à New York.  Gérald voulait être du grand pèlerinage à Bayside, New York, où prétendait-on la Vierge Marie apparaissait et devait venir nous livrer un dernier message avant la fin du monde. 

Selon ces dernières révélations, la fin du monde devait être l’écrasement de la comète Kouhoutek, comète qui devait bientôt apparaître dans le firmament.

Est-ce que la terreur annoncée ne serait pas un essai en haute altitude d’une nouvelle bombe atomique ?   Pourquoi la Vierge Marie voulait-elle se rapprocher de Wall Street ?

Gérald avait vraiment peur des foudres du Seigneur.  Sa violence était un geste de frustré qui voulait absolument mon salut.  Aussi fou que ce soit, c’était une violence d’amour. Il m’aimait trop pour me voir crever entre les mains du diable.  C’est ainsi que naît le fanatisme.

J’ai constaté plus que jamais que la force de l’Église est la peur de la mort.  C’est sa force sur les individus.  Personne ne veut admettre le non-sens de la vie.

Freud a-t-il raison d’affirmer que la foi est une forme plus ou moins avancée de schizophrénie ?   La réponse semblait évidente. 

Je comprenais mieux qu’en 1963, après plusieurs années de révolte religieuse, pourquoi je m’étais si totalement converti durant mes trois premiers mois de prison.  Je reprenais ma révolte, là, où je l’avais laissé avant d’être enfermé, donc pour me détruire intérieurement.   La foi devant une peur qui nous submerge apparaît comme un acte régressif et salutaire.  Nous nous cramponnons à ce qui constituait notre sécurité quand nous étions enfants. Voilà pourquoi l’Église tient si ardemment à l’enseignement de la religion aux enfants.  Celui-ci devient une empreinte primaire, un guide inconscient pour le reste de notre vie, plus l’enseignement aura frappé notre imaginaire et notre sensibilité plus nous en serons esclaves. C’est une espèce de lavage de cerveau par l’émotif ou la peur. 

La chasteté est contre-nature : l’annihilation d’un besoin, d’un instinct inscrit à l’intérieur même de tout être humain pour assurer la survie de l’espèce humaine.
 
Les curés essaient de protéger leur phobie pour se justifier, se faciliter la tâche.   Voilà pourquoi ils sacralisent leur état, tout en donnant fonction de péché à la chair, pour ne pas être tenté par les femmes.  La chair est leur ennemi, car on pense que le corps nous éloigne de Dieu, un être jaloux qui n’accepte pas qu’on lui préfère quelqu’un d’autre.

L’Église a souvent dirigé et dicté sa morale à partir de malades mentaux.   Comment associer l’infaillibilité du pape quand on songe aux Borgia ?  À l’amour chrétien, durant les croisades et l’Inquisition ?  St-Thomas d’Aquin, le Père de la doctrine sociale chrétienne n’enseignait-il pas que les femmes n’ont pas d’âme ?

La religion est-elle en soi une maladie mentale ou un mécanisme de défense si elle était utilisée à bonne dose ?  Serait-ce un bouclier contre l’hystérie ?  Quand on écoute les féminounes on serait porté à croire le contraire. 

Les femmes sont généralement plus émotives que les hommes, et forcément plus religieuses.  La foi est irrationnelle.  Quant à moi, la religion est un beau rêve d’enfant : une terre sur laquelle s’aiment tous les humains… rien de plus. 

En ce sens, seulement, je crois que le Christ est le sauveur des hommes.  Et, à ce titre, qu’il est l’idéal à atteindre.  C’est mieux que Mahomet qui était un guerrier.  Que Jésus ait couché avec Marie-Madeleine ou Saint Jean pour faire l’amour, ça n’a pas d’importance.  Qui était le petit soldat au Jardin des Oliviers qui dormait nu ?  Que Jésus ait été le chef pacifique d’un groupe de rebelles contre Rome ce n’est pas ce qui fut le plus important.  L’important, c’est son message : Aimez-vous les uns, les autres, pour l’amour de Dieu « .  Les balises d’un paradis terrestre. 

Tout comme l’admiration est le premier pas vers l’amour, la fascination est la pierre angulaire de l’amourajoie, pédérastie.  La religion est un rêve collectif.   Aujourd’hui, les Églises et les sectes religieuses sont des moyens d’exploiter les plus naïfs.  Il suffit de connaître leur richesse pour en avoir la preuve.

Nous nous sommes installés, Jimmy et moi, à Prince George, Colombie Britannique, à l’hostel du gouvernement.  C’était toujours la même chanson, nous grattions les fonds de l’étagère française de la bibliothèque.  Je n’avais jamais autant lu d’auteurs québécois.


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