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Un sourire d’enfer 37

mars 19, 2023

Un sourire d’enfer  37

Je vivais mes meilleurs moments sur le pouce.  Je goûtais de plus en plus la beauté des Rocheuses.  J’aimais me sentir dans ce décor grandiose, si petit dans un si grand panorama.  L’air pur jouait aussi un rôle important.  Le ciel sent certainement bon.

Souvent le pot me permettait une perception plus poreuse des décors, une pénétration plus intime des vibrations.  Le pot est un produit assez extraordinaire.  Ceux qui sont contre n’y ont jamais goûté.  Quiconque a fait l’amour une fois « stone » sait que rien ne peut égaler cette sensation de bien-être particulièrement quand tu éjacules. 

Le pot n’a pas le même effet pour tout le monde. Il ne fait qu’amplifier ta personnalité, la qualité de tes sens. 

Quant à moi, il me rend plus contemplatif et parfois plus peureux, plus paranoïaque.  Je suis en même temps plus niaiseux et plus drôle.   Stone, parfois, je sens que je n’ai pas de culture.  Je m’en veux d’être aussi vide, si peu intelligent.  Je n’ai pas d’argent et je n’y tiens pas.  Je suis heureux d’être ainsi, de me contenter de peu.         

J’admire.  Je bois la vie.  Je suis fasciné.  Parfois, c’est un trait de caractère déplaisant parce que je me sens souvent inférieur aux autres. J’avoue ne pas savoir ce qu’est de se sentir aimé.

Je n’ai pas toujours besoin de pot pour être stone.  Mes élans intérieurs suffisent à me rendre très religieux et heureux de connaître Dieu. Pour un gars qui ne croit pas dans les religions, ce n’est pas si mal.

J’ai souvent failli me faire tuer parce qu’en méditation je passais sur des feux rouges que j’avais vus verts.  Je vois ce que je veux.  J’oubliais le volant alors que je conduisais une auto ; je m’apercevais que l’autobus était plein sans avoir vu personne entrer.  Je pleurais parce que je me sentais subjuguer par une trop grande beauté.  Je suis toujours stone devant un petit gars. Je ne peux pas dissimuler mes sentiments.  Je m’excite ou encore, comme me disait Frédéric : «Toi, c’est facile de savoir si un petit gars te plaît, tu bandes des yeux.»    

Jamais un sens n’aura été aussi important pour moi que la vue.  La vue, c’est un moyen de connaître, d’apprécier, de jouir.   Je suis amourajeux juste à cause mes yeux.  Je ressens une jouissance foudroyante quand le visage d’un petit gars me plaît.  Je cherche aussitôt à voir si son corps est en harmonie avec son visage.  Je veux savoir s’il est aussi beau de partout.  Si tout est bien balancé.  Si sa peau a une aussi grande duveté.  Quelle est sa réaction quand il jouit.  Quel est son caractère. J’aime les petits intellectuellement curieux et éveillés. Il me pousse dans mon besoin de connaissance aux derniers retranchements. La jouissance intellectuelle est encore meilleure que la jouissance physique.

Aimer, c’est comme contempler une peinture qui nous éblouit ; c’est être aveuglé et découvrir l’objet contemplé du bout des doigts.  C’est chercher à le connaître, chercher dans sa voix, s’il est timide ou vaniteux, actif ou passif. C’est vouloir percer son langage non verbal. Le connaître à travers sa démarche physique.
 

La contemplation, c’est quasiment un don.  C’est jouir par la beauté, l’harmonie, les vibrations.  Le langage sensuel.  Faire le vide pour tout recevoir, tout goûter d’eux.  La lumière est un pas dans l’infini.  Un regard à l’échelle des atomes.  Une sensation de la fluidité des choses, même des roches.  Le sourire est un éclair de joie.  Un voyage dans l’anti-pesanteur.  C’est vivre plus vite que la lumière.  Un clin d’oeil à l’énergie cosmique.

J’ai bien aimé le BC, mais Pauline Julien me manquait.  Je voulais entendre du français.

Je me suis présenté au journal francophone  » Le Soleil », à Vancouver.  Après diverses rencontres, il fut entendu que j’écrirais de temps en temps des articles sur la communauté francophone.  Rien de difficile, un petit réajustement temporaire de circuit dans ma vie. 

À cette époque, j’ai rencontré un groupe de Québécois.  Le plus jovial venait du Lac Saint-Jean.  Obélix était un gars de Sherbrooke., On l’appelait ainsi parce qu’il ressemblait à celui de la bande dessinée et avait une obsession parallèle : il aurait toujours voulu claquer un Anglais plutôt qu’un Romain. Nous avons essayé de tuer l’ennui que l’on nomme ça « bum » ou pas.   On avait du plaisir, même si c’était souvent complètement fou.

Un après-midi, nous nous sommes mis en cagoule, question de savoir comment réagiraient les gens.  À la bibliothèque de Vancouver, pas un geste.  Les gens nous regardaient et retournaient aussi vite à leur lecture.   Ils n’avaient même pas la curiosité de savoir ce que faisaient des cagoulards à cet endroit.   Les Anglophones sont de vrais morts ambulants.  Je n’ai jamais rencontré, sauf en province, en France, après 11 heures le soir, de gens aussi peu vivants.

Fort de cette expérience, nous nous sommes rendus dans un chic hôtel de Vancouver où nous nous sommes prosternés devant quelques mots de français.  Un Québécois qui y séjournait est venu s’informer à savoir ce qui se passait.  Nous lui avons expliqué que nous voulions créer une nouvelle secte religieuse, car c’est le meilleur moyen pour devenir riche le plus rapidement et avoir le maximum d’occasions de faire l’amour, tout en l’interdisant aux autres pour ne pas avoir de concurrents.

Devant le peu d’intérêt de la population, nous sommes repartis pour visiter cette fois, un centre de vente d’objets précieux. Nous n’avions même pas songé dans notre délire au danger que la police interprète mal notre présence et nous tire dessus.  Cela aurait pu arriver.  Quels cons !  Aucun de nous n’avait de mauvaises intentions, nous voulions rire et connaître la réaction des gens.  Il n’y en a pas eu. Heureusement, pas de policiers non plus.   

Vancouver, c’était la mort.  Nous sommes partis pour le Nord à la recherche de nouvelles sensations.  Nous avons bien ri ensemble.

Dans les auberges de jeunesse, il était souvent possible d’y voir pendre une photo de la reine Elisabeth II.  Nous avions trouvé dans un magazine une caricature de sorcière qui ressemblait beaucoup à la souveraine du Canada.  La nuit nous subtilisions la photo d’Élizabeth par cette caricature.  Quand les Anglais s’en apercevaient, c’était le remue-ménage. Pire qu’un hold-up dans lequel toute la population de toute la ville aurait été tuée.  Un tel fanatisme pour la reine nous faisait bien rire.  Comment des gens peuvent-ils être aussi arriérés ?  

Si vous voulez pousser l’Ouest au séparatisme, le Québec n’a qu’à s’afficher carrément contre la souveraine et demander qu’elle soit retirée de nos institutions.   Toucher à l’image de la souveraine, c’était plus grave que le rapace violant la vierge, dans Les fées ont soif, de Denise Boucher. 

Nous n’avions rien contre la reine elle-même. Ce serait même une personne assez gentille.  Juste pour la beauté du prince André, j’apprendrais à marcher sur des œufs.  Cependant, ce culte des vieux Anglais est la marque de leur conservatisme et l’affirmation de leur prétendue supériorité. 

Malgré mes efforts, il m’était impossible d’obtenir un emploi.

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