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Un sourire d’enfer 19

février 27, 2023

Un sourire d’enfer  19

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Tous les moyens étaient bons pour essayer de me faire perdre la face.  Le cas de Waterville a été le plus significatif.    

À la suite d’un reportage, j’ai appris que les jeunes d’une maison de réhabilitation avait ni gymnase, ni piscine.
 
Les travailleurs sociaux étaient ainsi privés d’un instrument indispensable à la rééducation des jeunes.

Si je sautais sur toutes les situations dans lesquelles les enfants pouvaient souffrir pour les défendre, comment pouvais-je demeurer insensible à celle-ci?  Ma plume fut vite absorbée par les volutes d’une sainte colère.  J’ai pris en main ce dossier, après avoir averti le directeur de l’établissement de mes tendances peu communes.

Mes entrevues avec les petits gars se firent par personnes interposée afin d’éliminer toutes les possibilités de scandale et s’assurer que je ne nuirais pas à l’Institution plutôt que de l’aider.  C’était un minimum d’honnêteté. 

On pouvait parler pas parler franchement de notre pédérastie et fonctionner dans le monde sans créer de crise d’hystérie chez les féminounes et tous les scrupuleux de ce genre.

Le coup de cochon ne tarda pas.  Bientôt, un gros bonnet du gouvernement a fait remarquer au directeur de l’époque qu’il était plutôt bizarre d’accepter qu’un pédéraste se porte à la défense des petits gars.  

Que venait faire ma vie sexuelle dans un problème de gymnase et de piscine ? Sauf qu’ainsi, on pensait m’écarter d’un dossier qui pouvait devenir très chaud politiquement.   Encore une fois, La Tribune refusa de publier les deux reportages (qui le furent dans le journal étudiant du CEGEP de Sherbrooke, L’R du Q). 

Les jeunes n’eurent pas leur gymnase à cause de ce fonctionnaire mentalement vicieux.


Le gouvernement pouvait  agir ainsi comme si les jeunes délinquants n’ont aucun droit.  Les droits commencent à 18 ans, quand tu travailles et tu payes des taxes.   Avant ça, tu n’existes pas et tu n’as aucun droit. 

Pourtant, ce sont eux qui ont le plus besoin d’un milieu qui leur permette de ré-accepter la société.  Parfois les parents sont les vrais coupables.  Les délinquants sont souvent des jeunes qui ont manqué d’amour ou eu un amour trop inconditionnel.  Ils sont des victimes. C’est aussi révoltant que d’être trop pourri.  
 
Les institutions de réhabilitation devraient être comme Summerhill, des écoles libres.

Ce cas n’était pas unique.  L’information était manipulée.  Les patrons pouvaient étudier mes textes une semaine ou deux alors qu’ils traitaient les conflits en cours.  C’était un moyen de prendre position pour le patronat.  

Souvent les informations étaient coupées, même s’il était facile d’en prouver la véracité.  Les textes d’importance étaient perdus dans un coin du journal.  Ils étaient transmis dans un seul secteur alors qu’ils pouvaient intéresser toute la région. 

Malgré mes efforts, il n’y avait pas encore de comité rédactionnel.  Ce comité n’aurait pas cherché à éliminer la présence des patrons ; mais grâce à plus de coordination, assurer une meilleure information et voir les vrais problèmes sous tous les angles.


Un seul journaliste ne peut pas tout savoir même s’il est le plus compétent du monde. À moins d’être sans conscience, aucun journaliste ne peut être à 100 pour cent impartial, simplement parce que nous avons des sentiments et un inconscient.  On n’accordera pas la même importance, selon que l’on est d’accord ou pas avec ce que l’on écrit. C’est juste humain !
 
Les négociations pour le renouvèlement de la convention collective étaient en cours au journal.  Les dirigeants syndicaux, croyant que le journal puisse être imprimé à Granby plutôt qu’à Sherbrooke, ont recommandé l’acceptation d’une entente tellement pourrie qu’elle comportait des baisses de salaires pour les employés d’un département, par hasard , toutes des femmes. 

Pas un mot sur la liberté de presse, problème qui m’intéressait particulièrement.

Les journalistes ne se souciaient que de leur augmentation de salaires et d’avoir des conférences de presse au cours desquelles ils soient bien traités.  Nous n’étions qu’un petit nombre à nous objecter au projet de convention collective recommandée par le syndicat.

À une assemblée suivante, j’ai présenté avec deux confrères un projet comique, ridiculisant toutes les concessions acceptées sous prétexte que Power Corp. est trop pauvre.

Certains y virent mon intention de rire des membres, mais d’autres reconnurent que ce texte caricaturait une convention acceptée sous la peur.   Curieusement, le gouvernement fédéral a consenti , peu de temps après, une subvention qui, par hasard,  représentait exactement le montant du déficit prévu par les patrons.  Ces argents avaient justifié les baisses de salaires.

Les journalistes ne voulaient rien savoir de la qualité de leur travail.  Pour eux, c’était un métier comme les autres. 

Cela n’a pas tellement changé, aucun journaliste ne semble se soucier du problème de la liberté de presse et d’expression.  Le rôle socioculturel d’un média, ils s’en fichent éperdument. 

Pourtant, des médias d’information libres sont la garantie d’une saine démocratie.  Il est impossible de connaître une dictature ou un mouvement de violentes contestations tant qu’il y a une presse libre.  C’est sa raison fondamentale d’exister.  De faire connaître la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Permettre aux gens de faire un choix éclairé, connaissant tous les détails. 

La presse ne doit pas être qu’un commerce, elle doit nécessairement effectuer son travail de chien de garde de la liberté, de la vérité.

Je devais me contenter de me taire, d’écrire des banalités ou quitter le journal. 

Pour faire valoir mon opinion et m’assurer que le journal ne se servirait pas de mes mémos pour monter un dossier disciplinaire qui camouflerait le dossier politique, j’ai transmis mes notes avec ironie et humour, empruntant mes expressions au langage indien ou d’autres images du genre.

J’ai d’abord été suspendu trois semaines.  Tout était fait pour m’écœurer.   On me reprochait de porter la barbe, d’avoir les cheveux longs alors que d’autres journalistes le faisaient sans être réprimandés.  Je répliquais toujours par de nouvelles luttes. 
 
Ainsi, un jour, j’ai placé sur mon bureau la photo d’un petit gars que j’adorais en silence et en secret.  J’ai immédiatement été sommé de l’enlever. J’ai refusé en disant que tous avaient la photo de leur épouse et de leur famille et qu’ainsi j’avais donc le même droit qu’eux, même si c’était à leur avis, contraire à leur mœurs puisqu’en dehors de l’hétérosexualité tu es monstre, un péché ambulant.  Ce qui contrevient à la Charte des droits aujourd’hui et qui est complètement débile, car personne n’est pareil dans son orientation sexuelle et sa façon de la vivre. Tout doit être permis, s’il n’y a pas de violence ou de domination.   La sexualité est aussi et peut-être surtout une question de sentiments, non seulement une question de plaisir.

Pourquoi n’aurais-je pas le droit d’avoir sur mon bureau la photo de celui que j’aime alors que tout le monde à celle de sa femme ou de ses enfants ?  Est-ce que parce que je suis amourajeux que je n’ai pas le droit d’exprimer ce que je ressens ?  Ce n’était pas un film pornographique, mais une photo d’une personne que j’adorais.  Ça ne regarde que moi. 

Le journal défendait son point de vue en affirmant qu’en agissant ainsi, qu’en faisant connaître ouvertement ma pédérastie, je nuisais à sa bonne réputation.   Qui pouvait deviner en voyant la photo que c’était un de mes nombreux amants platoniques?  Ça aurait pu être un de mes fils. Il fallait le savoir pour créer le lien.

 
Ma suspension visait à justifier plus tard mon congédiement.  Trois semaines pour me forcer à réfléchir, pour me faire comprendre la nécessité d’obéir et de prendre conscience que je n’étais pas très bien accepté dans tous les Vauxcouleurs. 


Je crois trop dans la liberté d’esprit pour lâcher prise.

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