UN SOURIRE EN ENFER 38
Un sourire d’enfer 38
Les proposés au travail m’ont formellement défendu de travailler dans les mines: un gars de ta trempe intellectuelle n’a pas le droit de se polluer le cerveau dans un travail aussi servile. Belle invention ! Je ne pouvais rien faire. C’était comme au Québec : je ne peux pas être journaliste, je suis trop radical. Je peux travailler dans une usine, mais je n’ai pas assez d’expérience, on ne m’embauche pas. Je ne peux pas travailler au gouvernement, j’ai un dossier judiciaire et je ne peux pas travailler dans les associations qui me plairaient, je suis amourajeux. Et, je suis assez fou pour le dire afin de protéger tout le monde.
Évidemment, je suis aux yeux des autres, un paresseux ou un « voyou ». Je suis sur le bien-être social et ça me révolte. Je veux travailler. Baptême ! Vouloir travailler, ce n’est pas en demander tant que ça.
Je pourrais physiquement faire autre chose qu’écrire. Mais quoi ?
J’avais parfois envie de faire comme un gars de la construction à Prince George : entrer avec un bâton de baseball et menacer tout le monde de leur casser les deux jambes, si je ne trouvais pas un emploi. Quand tu t’ennuies, ou t’apprends à rire ou tu te révoltes.
Au début, je riais, j’étais avec un groupe pour qui le rire est aussi important que le boire. Seul, j’ai commencé à trouver ça moins drôle. J’ai même fait application aux emplois réservés aux femmes. Ils m’ont refusé évidemment parce que je suis un homme. Dans un monde libre, il ne devrait pas y avoir de différence entre le fait d’être un homme ou une femme. Évidemment, on me regardait de travers.
Pourtant, personne n’a jamais été capable de me prouver que je ne peux pas être une aussi bonne secrétaire ou gardienne d’enfant qu’une femme. Elles veulent bien des emplois masculins. J’aurais été moins manipulable qu’une femme ? J’aurais cherché à faire augmenter les salaires ? Les femmes sont toujours moins bien payées. Bizarre que les femmes aient plus peur des pédérastes que des machos. Ce sont pourtant les machos hétéros qui les battent. C’est vrai que j’aurais eu l’air bête sur les genoux du patron. Un trou dans le fond de mon jean.
Il ne me restait plus qu’à rire, boire, chanter et voyager. Vivre mon adolescence. Je suis retourné à Vancouver.
Mes relations avec le journal francophone le Soleil ont fait renaître une vieille passion : le journalisme. (Ce livre a été écrit en 1978). C’est ainsi que j’ai pu constater que si la population du BC n’est pas raciste, il n’en est pas du tout de même pour les fonctionnaires.
L’intérêt pour l’information me replongea nette, drette, frette, sec, en politique. On ne peut pas se sortir de la politique : même la qualité de l’air que l’on respire est politique.
À Prince George, j’ai appris que les francophones ne peuvent pas bénéficier du service français de radio et télévision à cause de la présence d’une base militaire canado-américaine qui refuse une langue étrangère dans son environnement.
À Terrasse, les gens se plaignaient que les services sociaux du fédéral donnaient des cours de personnalité qui excluent toute remise en question de la société. Le fédéral acceptait une francisation désincarnée. Ces cours étaient de vrais services de propagande au service de l’unité nationale. Dans ces cours, tout ce que l’on apprenait est : le Canada est bon puisqu’il vous offre ses cours.
Le fédéral a toujours eu un besoin maniaque de se faire valoir, car il sait qu’il vit aux dépends des provinces. Il a les revenus, mais ce sont les provinces qui ont les dépenses. C’est une des différences essentielles entre une fédération et une confédération.
Après quelques articles, j’ai dû constater les limites du journal.
Le journal vivait en grande partie avec des abonnements anglophones et gouvernementaux, car le Ministère de l’éducation du BC s’en servait pour l’enseignement du français dans les écoles. Les autres moyens de survivance provenaient d’Ottawa qui favorisait la culture venant de France, moins subversive pour l’unité nationale que la culture du Québec.
Les subventions étaient surtout accordées aux organismes regroupés autour des curés. Et, dans l’histoire du Canada, comme ailleurs, le haut clergé a toujours été du côté du plus fort.
J’ai temporairement été tenté par ce messianisme du journaliste engagé voué à plus ou moins brève échéance à la faillite.
Le Soleil ne devait rien dire d’important ou crever ; mais j’avais enfin grâce à ce journal, l’opportunité d’avoir un emploi.
Le directeur du journal m’a dit avoir communiqué avec la direction de la Tribune qui aurait dit : « Simoneau. C’est un ultra-radical. Si vous le maîtrisez, vous avez le meilleur journaliste qui soit ; mais s’il vous échappe, vos problèmes commencent.»
J’étais extrêmement fier de cette appréciation de mes ex-patrons, si vraiment le Soleil a communiqué avec eux. Le constat était très juste à mon avis.
J’ai beaucoup de difficulté à me calmer les nerfs et comprendre qu’on ne vit pas dans une société sans défaut. Je suis beaucoup plus frileux sur l’honnêteté, la justice sociale que sur la chasteté.
J’ai quitté le Nord du BC pour participer à une entrevue à Vancouver. Faute de fonds, j’ai dû coucher dehors. Journaliste, je perdrais à nouveau ma liberté. J’ai vite ravisé mes positions. Pourquoi encore me sacrifier pour une cause perdue? Plutôt que le dire aussi franchement, j’ai posé des conditions quant à la liberté d’expression si peu réalistes que moi-même si j’avais été patron j’aurais refusé. J’exigeais d’y débattre la liberté sexuelle, de faire la guerre au racisme de la police de Vancouver, d’écrire tout ce que l’on me déclarait, même les appels aux armes. Je ne voulais pas être un journaliste-diplomate, mais écrire la vérité toute nue.
Le journal ne pouvait pas accepter un tel point de mire, c’était se condamner à disparaître. C’est une réalité pour laquelle j’ai toujours eu des problèmes de compréhension. Pourquoi l’honnêteté est-elle impossible dans nos institutions d’information surtout politiques ? C’est pourtant simple, les journaux ne survivraient pas sans octrois.
Le Soleil ne pouvait même pas dénoncer les fonctionnaires du ministère de la Main-d’œuvre qui répondaient à l’association provinciale regroupant plus de 100,000 francophones : » Si vous n’êtes pas contents, vous n’avez qu’à déménager au Québec. »
Une autre preuve que le bilinguisme en dehors du Québec a toujours servi de paravent, de mensonge aux politiques linguistiques de Trudeau.
Le Québec a toujours eu une âme de missionnaire. Tant qu’il fut possible de faire croire que les programmes pour les francophones sont réellement aptes à assurer la survie du français, l’unité canadienne était consacrée.
C’est pourquoi le fédéral a artificiellement maintenu la francophonie dans l’Ouest. Il a ainsi enlevé le monopole de la francophonie au Québec et il pouvait jouir en même temps des avantages d’être dans le Commonwealth britannique.
Même les francophones n’aidaient pas le journal, lequel était pourtant un outil essentiel de survie. À Maillardville, la seule école française, établie grâce aux dons des lecteurs du Devoir, était devenue anglophone.
Les journaux anglais commençaient à combattre la loi 22 parce qu’elle prétendait faire du français la seule langue officielle au Québec.
Pas un journal anglophone n’acceptait de présenter les Québécois sous leur vrai visage. Défendre le droit du français au Québec, c’était selon eux être raciste.
Malgré nos écrits pour démontrer les preuves à l’appui que la minorité anglophone au Québec est mieux traitée que toutes les minorités partout au Canada, aucune lettre ne fut publiée en ce sens. Même les journaux socialistes et freak refusaient de sortir la vérité. La solidarité coast to coast existait seulement quand ça faisait leur affaire : pour avoir des votes.
Le NPD était aussi raciste que les conservateurs et les libéraux, mais un peu plus hypocrite.
Pour le gouvernement provincial, le moyen inventé pour accélérer l’assimilation, tout en se blanchissant les doigts, était de ne rien faire, d’attendre. Beaucoup de gauchistes à Vancouver se demandaient pourquoi le Canada serait français-anglais et non chinois-anglais, cette minorité étant plus importante en nombre au BC que les francophones.
Mes visites à Vancouver étaient marquées de plus en plus par des brosses à n’en plus finir.
Jimmy m’avait laissé tomber. Il avait fait connaissance avec un gars qui lui payait des gueuletons dans des restaurants étrangers et il forniquait avec un groupe de jeunes spécialisés dans la vente de marijuana. Jimmy essayait des drogues fortes, plus souvent qu’à son tour. Qu’y pouvais-je ? Je n’étais tout même pas son père. Plus je lui faisais voir les dangers de la drogue, plus il en mettait pour m’épater, croyant ainsi me faire peur.
J’ai profité dans l’après-midi de ma carte de membre de l’YMCA de Sherbrooke pour me baigner dans les magnifiques piscines de l’YMCA de Vancouver.
Plusieurs personnes, des familles entières s’y baignaient nues. On était loin de la stupidité des Québécois face à la sexualité. Pas de paranoïa et le respect du corps comme quelque chose de très grand et non comme un péché ambulant.
J’ai rencontré un dirigeant syndical qui m’a expliqué que tout n’allait pas pour le mieux dans la province. Les syndicats étaient très déçus des politiques du NPD, particulièrement dans le domaine du travail. Les syndicats ne voulaient pas se taire, mais dès qu’ils ouvraient la bouche pour critiquer ; les journaux, propriétés d’américains anti socialistes étalaient en page une et de la façon la plus voyante possible toutes les critiques les plus virulentes. Tout était noirci, amplifié.
Les syndiqués considérant le gouvernement trop conservateur, poussaient de plus en plus les dirigeants vers la contestation. Ainsi, le gouvernement était la cible des progressistes et des conservateurs.
C’est exactement ce qui se passe au Québec avec la manipulation des syndicats par la go-gauche.
La go-gauche se fiche éperdument de l’Indépendance du Québec.
Le marxisme a toujours méprisé les minorités. Pour elle, il n’y a qu’une lutte : abolir le système capitaliste.
La go-gauche profite surtout des libéraux fédéraux, car, elle mine petit à petit la crédibilité du Parti Québécois qui, bourgeois ou pas, est le seul instrument pour obtenir pacifiquement l’indépendance du Québec.
En oubliant ses propres folies, la go-gauche pousse les conflits de façon à les rendre insolubles. Plus ça va mal, plus la révolution sera vite faite. Elle oublie que la majorité a toujours choisi plus de conservatisme dans ces situations.
Au lendemain de la Brinks, une fraude intellectuelle sans précédent, la majorité des gens auraient élus n’importe quel niaiseux à la tête du Québec.
Cela fait l’affaire des anglophones qui refusent un Québec français.
Les mouvements socialistes actuels au Québec sont dominés par des anglophones qui rejettent souvent l’indépendance comme notre solution.
La go-gauche au Québec joue ainsi en faveur de ceux qui s’opposent à la francisation. Ces mouvements emmerdent assez les gens qu’ils accélèrent un retour au conservatisme, mouvement concentré autour de Claude Ryan, qui aimerait prendre le pouvoir en faisant renaître le vieil épouvantail de l’époque duplessiste : peur du communisme et dès lors de voir disparaître les crucifix des écoles. La faiblesse du Québec est son émotivité.
Les Québécois même si plusieurs ne pratiquent plus sont encore très sensibles aux cordes religieuses. Et, cet attachement tient à son éducation sexuelle, car c’est le moteur de notre personnalité.
Le Québec se suicidera-t-il pour sauver les intérêts de l’Église au Québec ?