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Un sourire d’en fer 23

mars 3, 2023

Un sourire d’enfer 23

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Ma participation à la vie politique était restreinte. Je ne voulais plus rien savoir.  J’écrivais parce que je me faisais pousser dans le dos.  La démarche du  » péquiste bon curé » qui voulait que j’abandonne mes amours illicites et les outrages de Jean étaient les claques de trop.

Se faire combattre par les libéraux, c’est compréhensif ; mais que des amis en fassent autant, c’était impardonnable.  

Je comprenais que pour beaucoup être amourajeux, boys lover ou pédéraste, c’était inacceptable, une maladie mentale affreuse.  Je ne respectais pas leurs lois.  Je savais qu’on mentait quand on en parlait, car rien ne se passe comme on le prétend dans ces relations amoureuses. 

Il n’y a jamais de violence, mais énormément de plaisirs partagés.  C’était selon notre sainte société un vice impardonnable. 

Tu ne peux pas prêcher la libération, en acceptant d’être aussi quotidiennement offensé, dénigré.  Pour eux, j’étais seulement un vieux maudit  cochon.  Pour moi, c’était une société d’arriérés qui s’est fait emplir par ses curés.

C’est beau être masochiste, mais pas au point de mettre ta vie en danger, imaginairement ou autrement, pour aider une région et être méprisé par ceux que tu aides.  C’est de la folie. 


Quand ceux pour et avec qui tu combats décident de te prouver que tu n’es qu’un malade mental, l’enthousiasme s’envole assez vite. 


Avec le temps, j’en suis venu à me demander si cela ne faisait pas aussi parti des plans des libéraux.  C’était d’une certaine manière la prolongation de la politique de la Tribune de Sherbrooke : me forcer sur tous les plans à aller trop loin afin de perdre toute forme de crédibilité.  C’était du moins ce que j’imaginais.

J’étais bien d’accord avec un ami qui disait qu’en quittant la Tribune, j’avais en quelque sorte été désarmé.  Le journal était ma seule force, mon arme de révolution.   À son avis, ma plume contre les fédérastes était plus importante que dix mitrailleuses.  Maintenant, je n’avais rien ou presque.

Je n’avais plus d’instrument pour sensibiliser les gens, sinon un mensuel, dont le champ de rayonnement était très restreint et la publication de livres, encore plus restreinte.  Or, la publication des livres, ça prend tellement de temps que t’arrive en retard plus souvent qu’autrement dans l’actualité.

Les libéraux avaient réussi à me bâillonner.  La tâche s’est poursuivie avec L’R du Q, le journal étudiant du CÉGEP de Sherbrooke. 

J’avais écrit de nombreux articles pour ce journal dont un sur la liberté sexuelle.  

Un soir, Jean me fit part de son intention d’y joindre un article dans le mien sur la liberté de presse, la liberté en général.  Il devait rencontrer la jeune fille qui avait pondu l’article afin d’avoir sa permission de le fondre au mien. 

Quant à moi, je n’avais pas d’objection en autant que tout le monde soit d’accord.  J’admirais le courage et l’ouverture d’esprit de cette jeune fille que je ne connaissais pas.   Une seule fois, j’ai songé à demander à Jean ce qu’il était advenu de ses démarches ; mais la mise en page ne me regardait pas. 

Jean était le directeur et nous vivions à couteaux tirés à cause de mon amourajoie.  J’ai opté pour lui faire confiance et ne pas lui donner l’impression de vouloir tout régenter dans le journal.

Nous avons travaillé à sa préparation, dans les termes convenus J’écrivais et Jean s’occupait du montage et de la mise en page.

Ma vie amoureuse était quelque peu en souffrance.  Quelle folie que d’être prêt à endurer le martyr pour proclamer ce que je crois être la VÉRITÉ.  Une folie qui m’a hanté toute ma vie et qui est plus déterminée que jamais puisque depuis j’ai appris l’histoire de la répression sexuelle, un  moyen de dominer chaque individu. Je ne m’en veux plus, j’en veux au système de nous mentir et de nous écraser.

 
Ma guerre avec Jean dégénéra.  Je ne croyais pas que cet interdit reposait sur des motifs intelligents.

Cependant, j’étais bien conscient qu’il peut y avoir des gens dangereux pour les jeunes.  Je les classais surtout comme psychopathes plutôt que pédérastes. Quel danger peut-on représenter quand on tombe en amour avec quelqu’un? Pourquoi parler de vice ? Quand tu aimes quelqu’un, tu travailles à son épanouissement.  Est-on la seule société à défendre les rapports intergénérationnels ? Y a-t-il des endroits sur terre où ces relations ne sont pas vues comme mauvaises ? Pourquoi ces peuples seraient plus stupides que nous qui condamnons tout ce qui n’est pas conforme aux règles établies ?  La rage des scrupuleux mènent au suicide de ses victimes. Moi, je fais jouir, le système conduit les jeunes trop émancipés au suicide.

J’ai décidé de déménager.  Puisque je m’entendais bien avec Pierre, nous avons pris un appartement ensemble. 

Tout le temps était consacré à la rédaction d’un nouveau livre sur les Vauxcouleurs (Il était une fois les Cantons de l’est, deuxième version) puisque la première formule avait été refusée.  Cela était d’autant plus intéressant que Pierre avait décidé d’aménager avec une fille à la fois belle et intelligente. 

Ce n’est pas parce que je suis amourajeux que je doive être complètement indifférent aux femmes.  Elles ont aussi beaucoup à nous apporter sur le plan de la création. 

Le projet ne pouvait que réussir : nous venions de vivre, Pierre et moi, une expérience enrichissante : la campagne rhinocéros à Sherbrooke.  

J’avais terminé les articles pour L’R du Q et obtenu en récompense, de publier une annonce de l’Homo-vicièr, mon premier roman, quand il fut décidé que je serais candidat rhinocéros dans Sherbrooke.

Cette décision a été prise après quelques joints au cours d’une soirée fort agréable.  Le lendemain, je faisais de nouveaux textes pour L’R du Q. Je me suis immédiatement présenté chez le président des élections, verser mon dépôt, soit 200$ que j’avais économisés avec mon assurance-chômage.

Notre premier pépin fut la saisie de L’R du Q.  Cette manigance a été réussie, grâce à un groupe d’amis de la jeune fille qui contresignait l’article sur la liberté sexuelle.  Elle prétendait que cette situation l’attaquait dans sa réputation.  Ces imbéciles avaient déjà consulté un avocat comme, si informé de la situation, il n’était pas possible de trouver une solution. 

Ces faux révolutionnaires ont réussi à faire saisir le journal par l’administration du cégep.  

Les étudiants du cégep ont avaient été appelés à trancher le débat  en assemblée.  Je reconnaissais parfaitement que cet article publié, sans le consentement de la jeune fille, si c’était le cas, était une grossière erreur ; mais par solidarité pour Jean, j’ai défendu notre position sans expliquer que je n’avais rien à faire dans cette transaction.  Du début à la fin, Jean était responsable de cette situation et des négociations.  Nous avait-il induits en erreur ? 

Il prétendait que cette fille avait accepté que l’on distribue quand même le journal (puisqu’il était déjà imprimé, mais son nom devait être biffé auparavant). Ça me semblait un compromis très raisonnable quand on m’en fit part.

En réalité, je n’ai jamais transigé ni de près ni de loin le problème, car toute l’autorité avait été remise aux mains de Jean.  Il m’informait de la situation.  Je lui faisais simplement confiance. 

Cela a permis à certains de m’accuser de manquer d’impartialité et d’honnêteté comme journaliste.  Certains m’ont même accusé de me servir du journal pour des raisons personnelles alors que je n’avais rien à dire dans le montage et la distribution.  Mon seul engagement fut de donner mes articles à Pierre et Jean qui étaient responsables de L’R du Q.  J’étais juste un étudiant prolifique parce que je venais de quitter la Tribune.  J’avais de l’expérience en journalisme.

À la suite de multiples interventions, nous nous sommes tous mis d’accord à distribuer quand même le journal, en ayant soin de rayer auparavant la signature de la jeune fille.  Malheureusement, le journal était déjà imprimé. L’administration du cégep a eu vent de l’entente qui était sur le point d’intervenir.  Elle exigea que les copies soient brûlées. C’est devant des cendres que nous nous sommes retrouvés.  Quel respect des étudiants.  La censure ne venait plus de la jeune fille, mais de l’administration du cégep.

Ce geste anti-démocratique nous a finalement servi puisque nous nous en sommes plaints dans tous les journaux du Québec.  Nous avons organisé une contre-offensive, soit un concours pour désigner le média d’information régional le plus pourri au Québec.  La Tribune de Sherbrooke a remporté le prix haut la main.

Le plus comique, le comité d’administration basait sa décision sur le désir de la Tribune de nous poursuivre en justice si le journal était publié.


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