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Radioactif 524

octobre 14, 2022

Radioactif 524

Textes de 2009, p. 1046

Intermède littéraire.

Au cours des dernières semaines, j’ai lu trois livres québécois très intéressants qui finalement se recoupent parce qu’ils nous forcent à réfléchir sur les sujets tabous, et, au Québec, on n’en manque pas.   

On a créé une commission sur les accommodements raisonnables, tout en croyant raisonnable de discuter superficiellement des problèmes parce qu’on a politisé le débat et qu’il ne faut surtout pas voir un effet religieux à la base des discriminations.  Et, on s’étonne que ça ne change pas.  Il faut continuer à vivre, à penser « by the book ».  Les émotions l’emportent sur la raison.  Moins ça change, mieux c’est !            

Pour me divertir et entrer dans l’ambiance, j’ai lu Sortir de l’ombre, un collectif de nouvelles et récits gais.  C’est publié par l’Arc-en-ciel littéraire.  Ce groupe de Montréal arrive à nous dérider, tout en nous faisant partager leurs émotions quant à ce qui les aurait amené à se découvrir gais.  Certains y ont goûté, comme Réjean Roy, qui a perdu son emploi et a dû déménager au Québec, étant victime quotidiennement de discriminations, dans la belle province du Nouveau-Brunswick, un coin de pays à voir absolument.     

D’autres ont vécu ça «mollo», comme l’écrivain bien connu, Marcel F. Raymond, qui s’est tout simplement rendu dans un sauna gai.  Aussi, les textes de Richard Bradley, une amitié d’enfance (et ses rêves) retrouvée.  Quant à Wilhem Storitz, il présente une nouvelle version gaie et amusante de Caïn et Abel, nous permettant de relaxer un peu et sainement rigoler, avant de se plonger dans l’univers de la réflexion philosophique des deux autres livres.           

Le deuxième livre est formidable parce qu’il met en scène un sujet plus que tabou au Québec : la pédérastie que l’on confond d’ailleurs avec la pédophilie, la différence fondamentale étant une question d’âge et d’attitude.     

Les définitions de ce ces deux mots sont historiques (datent même de la Grèce Antique) d’où il est assez incroyable que les auteures d’ici ne sachent pas la différence.  Un moyen de faire condamner le second par la fusion au premier ?  Il s’agit d’Olivier ou l’incroyable chagrin, de Nicole Fontaine, chez Hurtubise.    

Ce roman tente de nous faire voir la perception qu’ont les féministes de ce phénomène, phénomène qui existe depuis la nuit des temps, mais dont on n’ose pas parler de peur d’être accusé  d’approuver ou de minimiser la réalité.  A-t-on le droit d’aimer ou être ami avec un pédéraste?  La censure maintient l’ignorance et la peur.  La littérature tue la censure, si elle est libre.  Et ce livre est surprenant.

L’ostracisme qui entoure toute forme de rapport sexuel entre un ado et un adulte est encore présent dans notre société dite «ouverte».  On le retrouve dans ce livre.  Malheurs à celui ou celle qui pourrait essayer de vivre la pédérastie.  Cet aspect saute aux yeux quand madame Fontaine parle de la peur d’Olivier, même si, à son avis, elle confond cette peur avec la culpabilité, car en plus d’avoir aimé un petit gars de onze ans à l’étranger, Arun, il aime aussi Clara, qui attend même un enfant de lui.  Bel effort pour la dramatique. 

Olivier se suicide-t-il par amour, voyant l’impossibilité de continuer avec Clara qui ne l’acceptera jamais?  Il est conscient qu’une telle expérience dynamite sa vie actuelle et future.  L’ostracisme fait que personne ne cherchera à le comprendre, étant de mise de le condamner automatiquement.   Finalement, le suicide n’est-il pas la seule vraie, bonne et efficace solution?  Comme disait un ami pédéraste avant de se suicider : je voudrais que l’on interprète mon suicide comme un meurtre.  Est-ce que Clara l’a quitté parce qu’il est paraplégique, qu’il ne peut plus faire l’amour ou parce qu’elle ne peut pas lui pardonner son orientation sexuelle, son aventure pédéraste?         

Tous les ingrédients sont disposés pour offrir une saine réflexion, en dehors de l’émotivité et l’aveuglement religieux.  Ce qui est intéressant avec le livre, il fait taire les préjugés à l’effet que le petit gars est traumatisé d’avoir été «violé», ce qui n’est pas le cas, puisqu’Arun, vit la suite de cette relation avec un amour profond pour Olivier, un amour partagé par sa famille.  Un abus ne demande pas la permission et s’il n’est pas consenti, il finit par éclater au grand jour.  Dans ce cas, le jeune est bien content de cette relation.  Est-il le seul?  Est-ce parce qu’il vit dans une société plus ouverte?  Les traumatismes naîtraient-ils de la condamnation sociale?  Le suicide est-il une lâcheté quand il n’y a aucun moyen de vivre heureux parce que les autres ne peuvent pas accepter ce que vous êtes?

Est-ce donc notre société qui erre dans l’erreur?   Dans le monde d’Arun, on accepte la pédérastie.  L’auteur tue ainsi un des mythes inventés : il n’y a pas de viol puisque c’est normal dans son pays.  Qu’est-ce qui est plus sain : vivre en pleine liberté et bonheur, selon la réalité de la nature ou vivre dans un monde qui condamne sans procès toute sexualité selon l’âge, selon les normes judéo-chrétiennes et qui ne laisse que le suicide comme solution?  Les suicides et les fugues pour des raisons sexuelles chez les jeunes du Québec ont pourtant de quoi faire réfléchir.  Est-ce une raison suffisante pour en discuter sans se faire crucifier, si on ne partage par l’opinion populaire? 

D’accord ou pas, ce livre a, au moins, le mérite d’amener un «soupçon de possibilité de discussion» même si on sent, à sa lecture, qu’il faut voir un salaud dans Olivier.  Mais, au moins, on en parle.  On coupe avec la censure comme solution à la réalité sexuelle des humains.  La tolérance a bien meilleur goût.          

Le troisième livre est plus philosophique et non moins intéressant puisque son auteur sera probablement bientôt le premier ministre du Canada, M. Michael Ignatief  Surprenante présentation pour un indépendantiste?  Non, simplement réaliste.  Ce livre s’intitule La révolution des droits, publié chez Boréal.          

M. Ignatief poursuit une réflexion philosophique très intéressante.  Il proclame d’abord que les droits individuels doivent l’emporter sur les droits collectifs, car ces droits sont justement là pour protéger les individus contre les «abus» de la majorité.  Est-ce que M. Ignatief respectera ses valeurs, en éliminant les changements au code criminel qui violent les droits des jeunes individus à vivre la vie sexuelle de leur choix tant que c’est, sans violence, sans domination et intimidation?  En portant l’âge de consentement à 16 ans, ne prive-t-on pas ainsi tous ceux qui sont moins âgés de ce qui est le plus fondamental dans le développement de leur personnalité : la sexualité?  Ils ne peuvent évidemment pas réclamer ce droit.    

Par la suite, il nous entraîne sur les droits des autochtones (quel vilain mot pour remplacer indien, un mot beaucoup plus beau) et des Québécois.  Là encore, il nous réserve quelques surprises.  Il proclame l’existence de trois nations au Canada. Il semble d’avis qu’il ne faut pas de chevauchements quant aux pouvoirs entre le fédéral et les provinces.  Il donne raison à la loi 101, il croit comprendre que le différend entre les Québécois et les Anglais du Canada est basé sur une interprétation différente de l’histoire.       

Que devons-nous en retenir?  Si les Anglais du Canada croit, comme le dit M. Ignatieff que nous, les Francophones, devrions nous réjouir de la victoire des Plaines d’Abraham parce que l’Angleterre a protégé le droit à notre langue et notre religion, leur rappellera-t-il que la milice britannique a alors brûlé les maisons et que ce droit a été cédé parce que l’Angleterre avait peur que le Québec s’allie avec les révolutionnaires qui voulaient créer les États-Unis? 

De l’opportunisme politique.  Malheureusement, on ne le saura pas avant son élection, mais son point de vue mérite d’être analysé, car il est différent de ce que nous avons entendu jusqu’à maintenant.  M. Ignatieff est un intellectuel.  Que fera-t-il quand il sera question d’agir ? 
     
Ce livre doit être lu pour comprendre la pensée de M. Ignatieff.  C’est de bonne guerre, mais la question fondamentale demeure : qu’est-ce qu’il fera de ce qu’il a de nouveau à apporter?  Si on aime les discussions philosophiques, ces trois livres ont de quoi nous occuper pour encore bien longtemps.              

Avant d’écrire l’article d’aujourd’hui, j’aimerais vous référer à celui que j’ai écrit sur Nipox, mon autre blog.  Ce n’est pas pour me plaindre, mais pour faire comprendre à quel point la censure au Québec est devenue une force littéraire et politique. 

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