Radioactif 495
Radioactif 495
Texte de 2008, p. 943
La libération.
La libération est un très long chemin, un voyage dans l’incertitude, l’aboutissement d’une expérience de réflexion.
C’était normal que je ne réussisse pas à réaliser tous mes rêves, car ils ne dépendaient pas tous « que » de moi. Et, même si je l’avais voulu, je n’étais pas peut-être pas prêt moi-même à ce combat.
L’évolution se construit dans le temps, à travers les expériences bonnes ou mauvaises. Et, mon appétit pour la liberté était encore diffus et illimité. On a beau lire et apprendre, il y a des leçons que seule la vie peut apporter. La connaissance passe nécessairement par l’expérience.
L’indépendance du Québec est de toute évidence le moyen approprié pour améliorer le sort de tous les Québécois ; mais dans une démocratie, tu n’es pas le seul à prendre la décision, surtout si tu élimines la violence pour y parvenir. En ce sens, j’étais comme des millions d’autres qui mettaient la main à la patte et s’impatientaient du temps requis pour ce changement fondamental. Nous y sommes presque déjà parvenus. Mais, la majorité semble l’avoir oublié.
L’indépendance n’est pas qu’un rêve ; c’est vouloir créer un endroit sur terre où vivre pleinement notre culture, ouvert à celle des autres, et aménager un pays où, autant que possible, il n’y aura plus jamais de pauvreté. Un jour, l’humanité sera un pays, mais on en est encore bien éloigné.
Le début des années 1970 fut une période où j’étais plus fanatique. Il était un peu normal d’être excité par le vent de changement qui soufflait sur toute l’Amérique. La libération était comme l’air que l’on respire. La censure disparaissait. La religion perdait son monopole de la morale. La science nous prouvait qu’on s’était fait berner.
C’était un parcours inévitable pour mieux apprécier le sens du mot démocratie. Une formule qui exige une très grande tolérance et une ouverture aux autres, car, chacun raisonne selon sa propre expérience de vie. C’était aussi l’adolescence avancée, même si j’étais déjà journaliste. Une période où les exploits, les tentatives de toutes sortes prenaient toute la place. Il faut se connaître pour apprécier les autres.
Une période qui connaissait déjà la corruption du système économique et politique, mais qui savait aussi que l’évolution a pris des milliards d’années juste pour nous amener à être un animal. Donc, il faudra aussi des millions d’années avant que l’homme sache vivre dans le bonheur.
La vie était un nouveau carrefour. J’étais encore aussi pédéraste que je le serai en partie toute ma vie, mais avoir passé une année avec un petit gars sans le toucher simplement parce qu’il ne semblait pas aimer ça donnait une nouvelle dimension à cet attrait irrésistible. Au-delà du sexe, il y avait une forme intellectuelle, émotive de jouissance bien supérieure. Platon avait donc raison? Se retenir n’apportait-il pas une amitié encore plus profonde? Ma liberté prenait des leçons de responsabilités.
Si on commençait à s’interroger sur ce qu’est la pédérastie, le discours de certaines féministes (qui est devenu celui des féminounes) amenait de nouvelles interrogations.
À les entendre parler, les jeunes n’aimaient pas leurs expériences sexuelles et mimaient sans cesse le consentement par peur de l’adulte. J’avais beau creuser tous mes souvenirs, rien ne correspondait à cette prétention. Pourquoi fallait-il mentir ainsi? Était-ce parce qu’on prétendait que les homosexuels s’attaquent aux enfants? Et, pour maintenir cette peur de la liberté sexuelle en-dehors de l’hétérosexualité, il fallait faire croire que le plaisir retiré d’une aventure sexuelle devenait automatiquement une souffrance qui faisait du plus jeune la victime automatique.
Dans toute ma vie, tous les jeunes qui m’ont fréquenté ont toujours été heureux de ce que l’on vivait. Comment peut-on prétendre qu’une fellation est douloureuse. Il faut mentir pour ça. Ce n’est peut-être pas le cas de la sodomie cependant. Mais, c’est vrai qu’on peut le regretter quand on tombe ensuite dans une atmosphère pudibonde où ce besoin devient le mal parfait. La honte peut conduire à la culpabilisation.
(Quand l’Église s’est mise à payer pour faire oublier que ses officiers faisaient le contraire de ce qu’ils enseignaient, devenir victime devint une affaire plus que payante. 12-09-2022) .
Il fallait entretenir les mythes de peur et de montres, c’est plus facile à faire accepter.
Pourtant, si les jeunes avaient peur, c’était plutôt des adultes qui pouvaient les surprendre en s’amusant. La peur des jeunes est une pure projection de la peur des adultes pour tout ce qui touche le mot sexe et tout ce qui l’entoure. On y alla même de publicité à la télévision pour apprendre aux jeunes à avoir peur, à se méfier d’être suivi, la peur absolue de l’étranger qui ne pense qu’au sexe. Une paranoïa qu’on transformait en hystérie.
Pourquoi chercher à créer autant de peur? Tout le monde ne se fait pas violer, tout le monde ne déteste pas connaître un peu de plaisir et d’affection.
Leur discours était difficile à suivre. Si un pédéraste prenait des mois avant de partager sa sexualité avec un jeune, c’est qu’il devait gagner sa confiance pour y parvenir comme s’il était impossible que ce soit simplement par respect pour ce que désire ce jeune.
Si le pédéraste lui offrait des cadeaux, c’était pour le séduire, « l’enfirlawper », comme si ce n’était pas possible de vouloir juste faire plaisir à celui que tu aimes. Tout devait reposer sur le mal, sur des intentions malveillantes. Une vraie forme de jalousie qui te pousse à toujours croire que tout ce que l’autre fait est toujours mal. Une projection. Si un jeune aimait ces jeux sexuels, on ne pouvait pas se servir de peur pour les dissuader. Toute la rhétorique féminoune s’écrasait. N’importe quel pédéraste sait que certains jeunes adorent baisser les culottes et sentir la suite…
Puis, grâce à Grand Gabriel, je commençais à perdre les peurs que je m’étais inventées en écoutant ce qui se passait en dehors de mon petit mon monde. Je ne croyais plus que tu tombes en amour avec quelqu’un par malveillance. Parce que t’es égoïste. Je pouvais enfin comprendre ce qu’un jeune pouvait ressentir quand il était en ma compagnie. Le fait de ne plus être aussi culpabilisé, la sexualité reprenait l’espace qu’elle aurait dû occuper durant toute ma vie. On n’utilise que très peu de temps pour penser sexe quand on a autre chose à faire.
Pour une première fois, je travaillais sans relâche afin de créer les ressources dont j’aurais besoin pour accomplir mon travail d’enseignement. Je ne me contrôlais pas encore entièrement, mais je devais apprendre à nuancer la tentation et la chute, comme disaient les curés. Les réflexions ne portaient plus seulement sur les gestes, mais sur les motivations. Je me serais menti si j’avais cru que ma pédérastie était étrangère à mon amour pour l’enseignement. Mais, pour pouvoir enseigner, je devais apprendre à maîtriser mes doigts et me fermer la gueule, vivre en hypocrite.
Un silence qui appuie les valeurs féminounes, car en ne les répudiant pas, tu aides à les consolider. Elles obtiennent des millions pour faire valoir leurs idées.
Cet amour, cette passion prenait un nouveau visage avec le temps et les expériences. Mon abstinence n’avait rien à voir avec la culpabilité, mais je découvrais qu’au-delà du physique, les jeunes sont une énergie extraordinaire. En plus de vibrer sur la beauté physique, sans le laisser voir, j’apprenais à vibrer sur la présence, la révélation de la beauté de l’esprit. Je les aidais à devenir des adultes responsables et libres.
C’était formidable et ça valait vraiment la peine d’apprendre à me retenir et passer à une nouvelle dimension de l’amour. Je les regardais pour me stimuler et je me masturbais le soir pour ne pas en avoir trop envie.
C’est ainsi qu’ait née en moi la notion du consentement. Il ne peut y avoir plaisir que si les deux partenaires jouissent des gestes de leur rencontre. Tu ne peux pas donner de plaisir, si l’autre ne le perçoit pas comme un plaisir.
C’est probablement la raison pour laquelle les psychiatres ont diagnostiqué quand je suis allé les rencontrer que je n’étais pas un danger pour un garçon. Ce qu’a réaffirmé le juge qui m’a condamné en 1996, ajoutant que j’étais un danger pour les institutions du pays et les neuf mois de prison qui sont allés avec, mettant aussi fin à ma carrière d’enseignant.
J’ai adoré enseigner parce que j’ai adoré mes élèves. En 15 ans, il n’y a même pas eu l’ombre d’une dénonciation, mais cela n’a pas suffi pour que je puisse à nouveau enseigner. J’ai demandé à André Boisclair alors ministre de l’immigration, de pouvoir enseigner le français aux adultes et il m’a répondu de ne même pas envoyer mon cv. Aujourd’hui, on engage des enseignants sans diplômes et moi avec ma maîtrise, je rêve à ces beaux moments de ma vie alors que j’étais perçu comme un être humain.
Pourquoi cette injustice? Elle existera tant que la majorité croira que la sexualité est un crime en soi dès qu’il n’obéit pas aux normes acceptées par la très grande majorité.
Le consentement mutuel est à la base de toutes les relations humaines qu’elles soient sociales ou sexuelles.
J’ai proclamé ma pédérastie comme un appel à la tolérance et j’en ai payé le prix.
Par contre, aujourd’hui, les homosexuels ne sont plus considérés comme des abuseurs d’enfants et, comme moi, plusieurs ont pu adopter des enfants qui bénéficient de cette ouverture d’esprit. En ce sens, j’ai servi à quelque chose.