Radioactif 496
Radioactif 496
Texte de 2008, p. 947
Tuan : un signe du ciel.
L’apparition de Tuan, après avoir subi les affres d’un viol, était pour moi un signe du ciel. Dieu avait-il entendu mes cris plusieurs années auparavant contre l’assassinat des enfants dans la guerre au Vietnam ? Serait-ce une coïncidence? Une chose est certaine, sans ce viol, Tuan ne serait jamais apparu dans le décor, car je ne me serais jamais rendu dans cet hôtel. C’est comme si Dieu m’avait dit : «Le voilà ton petit Vietnamien. Maintenant montre-moi ce que tu peux en faire et prouve-moi que j’ai tort. »
De retour chez moi, je fus extrêmement surpris d’apprendre que l’ami de Tuan, un peintre de grand talent, acceptait de tenir une exposition à Sherbrooke. Je me devais de l’organiser ; mais le plus étonnant, on me demandait si je voulais que Tuan soit de l’expédition. Bien évidemment, ce fut oui.
Puis, l’hiver vint. Tuan et ses amis se présentèrent. J’étais déjà séduit par la vitalité de cet enfant qui faisait connaissance avec la neige pour la première fois de sa vie. Si j’avais écouté Tuan, il se serait probablement pétrifié en bonhomme de neige, car il aimait tant ça qu’il ne voulait plus entrer à la maison. Ce fut un moment divin dans ma vie.
Un moment qui se solda par une très longue et profonde amitié. J’ai alors rêvé de lui servir de père pour la première fois. La demande fut adressée à ses parents, mais la grand-mère qui, dans cette culture a le dernier mot, a accepté que Tuan vienne passe ses mois d’été avec moi alors qu’il vivrait le reste de l’année avec sa tante en Ontario. Sa grand-mère disait que si la tante tombait malade, Tuan serait là pour la secourir grâce à mon aide. L’été serait un cadeau du paradis, il le passerait avec moi. Que demander de plus à la vie ?
Puisque Tuan avait réussi à apprendre l’anglais dans l’espace d’une année, je trouvais inhumain qu’on le force à apprendre le français dans un si court laps de temps, à peine quelques mois. Avec la loi 101, il se devait de fréquenter une école française. J’étais parfaitement d’accord, mais je voulais qu’il ait un sursis. Comment se débrouillerait-il ?
Avant même d’avoir la réponse de ses parents restés au Vietnam, je demandai au gouvernement du Québec qu’il puisse être exempté durant une année de l’école française pour lui permettre de s’adapter à une langue qui est très difficile à apprendre. Je me disais qu’en passant une année avec moi, il serait capable d’au moins commencer à dialoguer avec les autres jeunes à son entrée à l’école.
On ne le vit pas de la même façon : comment un radical de mon espèce pouvait-il demander une telle faveur ? Je devins presqu’un traite. Puis, la réponse de la famille mit fin à cette saga. Je l’adoptais partiellement, durant l’été seulement. J’adorais le petit et il me le rendait bien. Tuan manifestait un plaisir évident à me retrouver. Il adorait venir avec moi au Lac St-Jean, chez des parents. Le bonheur était parfait de part et d’autre.
La responsabilité.
Vivre responsable d’un enfant, c’est très différent de la simple pédérastie comme je la vivais alors que j’étais plus jeune. Ce n’était plus que d’essayer de passer les doigts sur une petite queue, en examinant le visage de l’élu. C’était s’en occuper à plein temps.
Quand tu vis une pédérastie qui n’a de sens que dans les relations sexuelles, c’est un partage de plaisirs, mais il manque une dimension que notre société force à tuer. L’adulte cherche à devenir semblable au petit parce qu’ils se sentent complètement au même niveau. Tout est jeu, profonde amitié. Et, parfois une excursion du côté sexe n’est pas exclue, c’est alors un jeu comme les autres. Les deux sont parfaitement consentants. Prétendre qu’il y a une forme de domination, c’est non seulement faux, mais c’est ne rien comprendre.
Évidemment, les gens qui ont une approche de surprotection diront que les jeunes sont trop jeunes pour décider. Ils voudraient que les jeunes soient aussi niais qu’ils le furent. La libido est le coeur de la personnalité de tous les individus. Sans violence, le sexe est une force très positive contrairement à ce qu’on nous enseigne avant même d’être né.
Aujourd’hui, les jeunes se font emplir moins facilement d’autant plus que la science contredit complètement les stupidités religieuses concernant le sexe.
D’une manière, le pédéraste adulte agit exactement comme un enfant et ressent les choses comme s’il avait cet âge. Une communion parfaite avec l’enfance. Voilà pourquoi j’ai appelé ça de l‘amourajoie.
En prenant sur mes épaules de m’occuper de Tuan, ma relation avec lui prenait une toute autre tournure. Je me rappelle qu’il devait venir d’Ontario me trouver à Montréal, un premier voyage seul, en autobus. J’étais très excité et je craignais qu’il lui arrive quelque chose. Mes amis ont bien ri de moi. Ils me disaient :
« Écoute, il s’est sauvé d’une guerre, il s’en est sorti avec les pirates sur son bateau entre le Vietnam et le Canada, il a parcouru des milliers de milles, et toi, tu t’inquiètes parce qu’il doit voyager seul dans un autobus au Canada, de Toronto à Montréal, sans escale . Sois sans crainte, s’il a pu faire tout ça avant, il saura bien trouver moyen de te rejoindre.»
En plus d’être affreusement beau, Tuan était un petit bonhomme extraordinaire, extrêmement intelligent. Ça se lisait dans ses yeux sans cesse en feu. Il n’y eut aucun problème durant le voyage et j’ai dû constater que j’étais devenu un peu féminoune. Je m’inventais des dangers.
J’expérimentais seul, pour la première fois, le sens d’une responsabilité dans une relation humaine. Pendant qu’il était avec moi, il ne devait rien arriver qui le blesse. Il était sacré. J’en étais responsable. Je ne devais accepter rien que je n’aurais pas accepté pour moi-même. Pendant des années, nous sommes allés passer nos vacances dans une famille de mes cousins au Lac St-Jean. C’était le bonheur total.
Plus le temps passait, plus la vie m’offrait de bonheur. Tout le monde me connaissait et quand on me voyait avec un petit, on savait qu’il ne pouvait qu’être heureux en ma compagnie. Chaque geste le manifestait. Que d’impatience entre deux lettres quand il retournait en Ontario. Cette amitié dura jusqu’à son mariage bien des années plus tard. Ce qui prouve bien que la pédérastie n’écarte pas le petit gars de sa nature profonde.
Quand Meech est arrivé, que le référendum annonçait la possibilité d’un Québec indépendant, Tuan devenu un homme, et un peu ivre, à la fin de la soirée, pleurait comme un veau. Il croyait qu’il serait impossible de se revoir après le référendum puisqu’on lui faisait croire qu’il y aurait une frontière entre le Québec et le Canada. Je comprenais sa peur, car il l’avait vécue au Vietnam.
Ces mensonges politiques ont permis de semer la peur. Notre système est à l’image des religions qui se nourrissent d’hallucinations pour diriger par la peur. Quand tout va bien, il invente ses crises pour reprendre plus de pouvoir. Et nous, les caves, on paye pour et on tremble comme une feuille d’érable au vent.
Un autre élément extraordinaire de cette rencontre divine fut la découverte du bouddhisme. Tuan était bouddhiste. Il ne connaissait aucune de nos culpabilités ou inhibitions sexuelles. La culpabilité ou l’obsession naissent de la frustration.
Dans cette philosophie, le sexe est strictement naturel ; malheureusement, je ne saurais dire qu’elle est sa position face à l’homosexualité.
Je me souviens avoir discuté du sujet avec un jeune asiatique gai de Montréal qui m’avait dit que cette philosophie ne s’attardait pas au sexe ; mais qu’elle avait une autre obsession : le travail, le dépassement. Ce qu’il prétendait encore pire.
C’est un peu comme les musulmans, non seulement ils doivent vivre selon le Coran, mais les curés du temps de Mahomet ont inventé toutes sortes de livres saints pour prétendre devoir établir une vie quotidienne selon Dieu. Cette bêtise a donné naissance à la Charia et toutes les aberrations que l’Islam véhicule. Si Mahomet est un prophète, jamais Allah ne nous a demandé de vivre exactement comme lui afin que nous devenions nous aussi des prophètes.
La religion est un commerce très payant… Tuan n’avait pas l’esprit corrompu par la religion.