Radioactif 493
Radioactif 493
Texte de 2008, p.934
Les étapes de développement.
Freud indiquait qu’il existe des étapes de développement de la sexualité chez tous les individus, quoique celles-ci ne se vivent pas d’une façon uniforme et au même âge pour chaque individu. C’est donc manquer de respect à la nature, de créer un âge de consentement.
La force de la libido personnelle et l’environnement sont des éléments prépondérants pour un développement normal.
Et, ta sexualité est fondamentale dans le développement de ta personnalité. La vie est faite du passage d’une période de développement à l’autre, et parfois, nous pouvons vivre une régression qui soit tout à fait normale.
J’ai toujours pensé que la pédérastie, tout comme la pédophilie, est une forme de fixation à une étape de développement précédent, la découverte du pénis, qui emprisonne l’individu dans un éternel besoin d’enfance, d’affection et de jeux. C’est comme si un doute permanent de ta valeur s’installait d’où la peur de passer à un autre niveau de relation avec les autres.
J’avais même surnommé les pédérastes des amourajeux pour indiquer l’aspect fondamental de cette orientation sexuelle éminemment peu répandue. La pédérastie s’exerce souvent comme un jeu, un jeu de l’amour.
En ce sens, même si l’individu n’y peut absolument rien, il est attiré que par cette fixation. Ce n’est pas en le traitant de malade mental (ce qu’on disait aussi des gais) qu’on lui permet d’évoluer. Au contraire, cette mésestime de soi apporte d’autres problèmes qui ne sont que de fausses solutions– l’ascétisme, par exemple — Ces solutions n’ont pas le résultat escompté. Plus un problème t’obsède, plus tu t’y enfonces. Plus on te pointe du doigt, plus t’as de chance de développer une paranoïa. Plus tu as de chance de développer d’autres phobies.
Comme on le sait, la sexualité chez les plus jeunes est une exploration pour répondre à la question « pourquoi ». C’est normal, c’est la période de la découverte, de la tentative de comprendre la vie et surtout de faire comme ses parents. Donc, pour les jeunes, le mal vient de l’esprit des adultes. Les scrupules sont comme une empreinte primaire qui guidera à jamais ta façon de percevoir.
En ce sens, les parents doivent répondre aux questions des jeunes ou être responsables du malheur de leurs enfants.
Selon notre morale collective, le silence et la censure ont toujours prévalu et c’est ce qui, à mon avis, constitue un viol de conscience, car ça tue l’autonomie individuelle. Être scrupuleux, c’est avoir honte de soi. Être exhibitionniste, c’est une trop grande valorisation de soi.
On n’a pas besoin de se promener nus à toute heure de la journée pour faire montre d’ouverture ; mais réagir comme si c’était la fin du monde dès qu’on voit un corps nu, c’est maladif. On devrait être fier de cet instrument extraordinaire qu’est le corps. Pour les religieux, disons que le diable a refusé la corporalité, ce qui constitua le premier et le plus grand des péchés. Ainsi, les pécheurs ne sont pas ceux que l’on croit ; mais ceux qui rejettent leur réalité, les scrupuleux, ce qui conduit nécessairement à une mésestime de soi et l’incapacité d’aimer. Au pire, c’est une paranoïa.
Vers cinq à six ans, les jeunes abandonnent carrément l’intérêt pour leur sexualité pour une raison fondamentale : en principe, il a eu réponse suffisante à leurs questions et en pratique, le jeu devient le centre de leur univers où s’implante tranquillement le plaisir. Le plaisir est fondamental dans le développement. Sans le plaisir, nous n’existerions pas. La vie doit être un plaisir en soi pour qu’elle ait un sens.
Puis, vers dix ans, en principe, le jeune découvre, grâce à ses hormones, que son petit zizi ne sert pas qu’à pisser ; mais aussi à procurer beaucoup de plaisir. Le plaisir passe de l’affection, de la tendresse à une forme plus recherchée, à la génitalité. Le plaisir est alors perçu à des zones plus spécifiques, quoique le corps entier soit demeuré objet de sexualisation.
Le sexe devient un plaisir qu’il cherche à partager et dont l’orientation sexuelle lui échappe totalement. Il n’y a pas de mal tant que tu respectes l’autre puisque ton désir est inconscient et qu’à moins de te servir de violence ce ne peut être qu’un plaisir qui se multiplie.
Dans mon cas, je dois avoir été adolescent jusqu’à 30 ans puisque jusque-là ma vie était complètement réglée en fonction de la survie et du plaisir. Quand tu es adolescent, c’est difficile de trouver un métier qui te convienne et qui te force à te surpasser. Peut-être que je me serais découvert homosexuel plus tôt si j’étais né dans un monde moins débile et plus ouvert. J’aurais peut-être été hétéro si j’avais rencontré la femme de ma vie. J’étais ouvert à tout.
Même si je n’ai pas eu de grands sermons pour me faire peur des homosexuels, ce que les adultes et les journaux affirmaient suffisaient pour que je m’en fasse une idée affreusement laide. Les homosexuels étaient des psychopathes et tout ce qui les intéressait c’était la sodomie. Pas d’homo, sans enculage. Puis, les poignets cassés se sont ajoutés à cette perception que la société véhiculait pour nous forcer à ne pas être homosexuel. La honte d’être différent devait nous servir de rempart aux tentations. Puis la culpabilité. Le plaisir est plus fort que la peur. La haine de soi et celle des autres. Alors, la religion devenait une raison d’haïr les autres plutôt que de les aimer. Et, c’est ce qui m’a le plus écarté de la religion parce que je préférais l’amour.
Avec le temps, le plaisir à cédé le pas à la responsabilité. Puis, en rencontrant Grand Gabriel je franchissais un autre pas. Je constatais que les gais peuvent être extraordinaires, très sensibles et amoureux du Beau. Et, un pénis, ça fait aussi partie du beau.
J’en avais un culte disproportionné par ma curiosité. Apprendre l’existence de la Grèce Antique, c’était comme apprendre qu’on m’avait menti depuis des décennies… De là, j’ai décidé de proclamer ma pédérastie : pour qu’elle soit comprise, pour combattre le fanatisme ani-homosexuel.
Je n’ai jamais nié que pour la multitude des gens cette attirance vers les petits gars est maladive, sale, mauvaise ou perverse. La vie m’apprenait le contraire et je préfère croire ce que je vis à tous ces mensonges qu’ils nous font avaler comme étant la Vérité. Les religions sont toutes malades quand il est question de sexualité.
Je ne sais pas pourquoi, mais parler de cul maintenant, c’est plus intéressant que la campagne électorale.
Grand Gabriel, le généreux.
Grand Gabriel n’était pas qu’un mentor. C’était aussi un amant très généreux. Avec lui, je bénéficiais du privilège de ce qu’apporte une renommée internationale, moi, qui doutais même de ma capacité à survivre.
J’ai toujours été financièrement pauvre. Je vis depuis toujours à la cenne près et je venais de découvrir comment il était facile de se faire cruiser dans les bars gais.
J’adorais être objet de la lutte à savoir lequel des deux ou plusieurs prétendants m’amènerait dans son lit. Il fallait être très gentil pour m’intéresser. J’étais jusque-là le petit gars « objet » et ça me plaisait énormément.
Grand Gabriel venait tout changer. Avec lui, je rêvais de stabilité. J’adorais me sentir aimer pour vrai.
Grand Gabriel était d’une générosité sans borne et m’offrait des repas tels que je n’aurais jamais su m’offrir. Il n’y a peut-être pas que les femmes qui se servent de la nourriture pour séduire. On ne désire peut-être pas ce qu’on ne connaît pas ; mais en faire la connaissance est une petite richesse, une petite tentation de plus.
Je n’avais pas besoin de me demander si je lui plaisais, ses regards répondaient à la question. Son attention pour mes progrès à l’université témoignait de son intérêt pour moi. Pourtant, je demeurais parfaitement libre. Il me savait pédéraste et incapable de résister à la beauté d’un petit gars.
C’était donc nouveau de croire que je pouvais avoir une certaine importance existentielle pour un autre individu, un attrait qui soit différent de la recherche exclusive de mon petit pénis. Grand Gabriel n’avait aucun intérêt envers la sodomie. Ce qui faisait bien mon affaire. Je déteste la sodomie. Je n’aime pas souffrir pour jouir.
Ce fut probablement important quant à ma capacité à jouer le rôle du «désiré». Contrairement, à ce que l’on disait, je ne ressentais aucune honte de me sentir parfois un petit prostitué, simplement parce que ce choix de vie me permettait au moins de vivre une nouvelle expérience et de me revaloriser. J’étais désiré. Une valeur profondément féminine, mais qui existe aussi chez les gars quand on se connaît et l’on sait l’admettre. J’aimais plaire. Aimer et être aimé est un besoin tout aussi essentiel à la vie que l’oxygène.
D’autre part, la «petite vite» était tout ce que m’avait apporté la drague dans les milieux gais. Voir et laisser voir. Au mieux une étude des chiffres 6-9. Tu allais avec des gars, tu baisais et le lendemain ni vu, ni connu. Next!
Avec Grand Gabriel, je me sentais aimé. Le lit avait bien évidemment une grande importance : on n’était pas deux masochistes qui ne se touchent pas. Le lit, c’était notre terrain de jeu. Mais, l’affection se poursuivait autrement en dehors du lit.
Mes études avaient autant d’importance pour lui que mes inondations éjaculatoires. Et, je me sentais grandi dans cette relation. J’étais en train de me transformer en adulte.
Je n’avais plus à me demandais comment un petit gars peut réagir à mes désirs. Cette fois, j’étais dans sa situation, j’étais le jeune. J’avais aussi toutes les raisons de constater la preuve que la pédérastie vécue avec amour est la plus belle des choses, même si elle est interdite. J’étais ravi d’être le «serin». C’est tellement bon de se sentir désiré.
Par ailleurs, nous avions tous les deux nos petits défauts. Nous aimions tous les deux le vin, bien manger et jouir de la vie. Nous buvions trop.
Quand Trudeau faisait des coups de cochon au Québec, mes brosses se terminaient dans un langage extrêmement violent parce que Grand Gabriel connaissait Trudeau. Ce n’était pas sa faute, ils avaient fréquenté les mêmes jésuites. Ils allaient au collège ensemble. Quand Trudeau a rapatrié la constitution canadienne et écrasé tous les désirs du Québec en trouvant toutes les hypocrisies possibles pour nous rejeter, je suis verbalement monté aux barricades. Ainsi, Grand Gabriel disait que si j’avais tué tous ses amis, comme je le souhaitais ce soir-là, nous serions morts noyés dans leur sang. Effectivement, nous nous étions tellement saoulés que le lendemain matin nous nous sommes réveillés dans les bras l’un de l’autre, couchés sur le plancher.
Grand Gabriel compensait mes grands élans révolutionnaires par sa patience et sa détermination à me maintenir à l’université. Il emporta d’ailleurs son pari. J’ai complété mes études. Et, j’ai commencé à trouver ridicule mes grands élans patriotiques, car je crois fondamentalement dans la non-violence et la démocratie.
Même si j’étais noir de rage contre Trudeau, personne ne bougeait et on avalait son arrogance. Comme on le fait présentement avec Charest. Grand Gabriel me calmait le pompon en me disant que Trudeau voulait l’indépendance tout autant que moi, mais à cause de sa position, il devait écraser le Québec pour garder l’emploi.
Grand Gabriel connaissait mes professions de foi pour ne pas dire mon fanatisme en faveur de l’indépendance du Québec.
J’avais réuni tous les changements dont je rêvais sous le terme vague de révolution.
Pour moi, la révolution c’était un synonyme absolu du mot « changement». J’étais envahi par le mauvais sort des individus et je croyais que je pouvais aider à le changer. C’est un des aspects positifs de la religion : créer un idéal.
D’autre part, toutes les réflexions m’amenaient à constater que la violence n’a rien à voir avec la révolution. La violence est l’acte des faibles. Elle sert le système parce qu’elle justifie la répression et les gens se tournent toujours plus vers la droite, vers le père répressif. Ils s’imaginent qu’il rétablira la sécurité, même si pour cela, il doit vendre votre linge sur la place publique.
Ce n’est pas pour rien qu’il y a des services secrets. Ils effectuent les coups de cochon pour les attribuer à l’ennemi. Ça justifie d’augmenter les impôts pour retrouver la sécurité. On retrouve cette tactique en prison et c’est comme l’anti-virus 2009. Tu dois payer pour te protéger de lui parce qu’il t’a infecté en te proposant de te protéger.
En d’autres termes, j’évoluais et j’en étais bien content.