Radioactif 461
Radioactif 461
Texte de 2008, p. 839
Entre Dieu et le diable.
Ma jeunesse s’est, en fait, déroulée entre la peur de l’enfer et la passion. Était-ce parce que je n’étais pas assez vite pour comprendre ou étais-je trop obsédé par le plaisir pour répondre au désir d’un Surmoi éclaté, gonflé à bloc ?
Une chose est certaine, les sacrifices mettaient en évidence mon besoin de devenir quelqu’un de bien ; mais je ne portais pas de lunettes pour rien. Je les usais à chercher à voir ce qui n’est pas habituellement montré et à toucher ce qui était encore plus interdit.
Quel plaisir quand Satan déjouait mes plans de sainteté et me présentait une tentation en or. Je voyais le hasard que j’avais cherché à provoquer se réaliser, même s’il me coûterait peut-être l’éternité. La tentation eut l’avantage d’exercer ma patience, ce qui me fut ensuite très utile. Malheureusement, ce combat entre ce que je saisissais de la vie et le désir incommensurable de plaisir ne pouvait que me faire disjoncter.
Je voulais la sainteté en déculottant le petit Dominique Savio, en me prenant pour Don Bosco, près de son lit, les doigts sous les couvertures entre un petit ventre tout chaud et le bord d’un caleçon serré. Haletant comme un loup qui a couru après tout un pâturage durant toute la nuit et qui se grise enfin de bonheur en sentant un petit excédentaire qui s’étire en faisant semblant de rêver.
Ha ! Les belles nuits, les attentes à la latrine, la folie au pluriel qui nous tord les tripes et nous envahit dès que l’autre s’approche et se livre au jeu du je ne sais pas, mais j’aime bien ça ; du petit regard qui prouve la complicité étouffée dans un sourire qui en dit long.
J’avoue que cette obsession avait un petit quelque chose d’anormal, un petit « kik» obsessionnel, compulsif que tu ne retrouves dans rien d’autre, même pas dans les magazines de pornographie. La complicité. Le feeling de résoudre le mystère du combien beau est l’autre. Des proportions. L’extase. Les nerfs qui s’emballent. Le corps qui frémit de la tête au pied. Le plaisir du défendu, du sacré, du caché qui se révèle. L’impression d’être invité à partager l’étonnement, la magnificence, la beauté d’un corps nu à travers des yeux et un sourire qui s’illuminent au fur et à mesure que perdure le plaisir défendu.
Puis, les remords d’un pécheur faussement repentant. La peur d’être un menteur invétéré en se prenant pour quelqu’un qu’il n’est pas. Le mépris de sa faiblesse. De son manque de volonté. La honte se son péché dissimulée derrière le plaisir de recommencer en se promettant de changer. Les troubles d’une petite conscience qui se demande ce que Dieu peut bien faire dans ces cas-là. File-t-il pour nous grogner ou être notre complice? Préfère-t-il qu’on se jette à genoux pour lui demander pardon ou partage-t-il avec nous le plaisir?
Des gestes qui provoquaient la conscience qui cheminait entre la fascination, le regret et la prière. Si dieu est bon, il ne peut que rire de ces problèmes de conscience de petit gars qui découvre une libido mille fois supérieure à sa capacité à dompter sa petite nature? Qui a raison : ma foi en son Amour ou les règles religieuses? Une insécurité qui se jumelle avec la découverte du métier, du moyen qui te permettra de courir dans la grande jungle humaine sans mourir de faim. Une faim toute culturelle. Une table qui creuse l’appétit de tout savoir et du moi « je ne sais rien faire». Qui te rend encore un peu plus inférieur dans la masse du savoir, qui augmente un peu plus ta laideur dans le miroir du quotidien. Mais cet enfer, cette peur, n’est rien à côté de se sentir inférieur aux autres, d’être une espèce de bouffon de la bravoure. Un petit cul qui se lève sur ses ergots pour crier en s’imaginant que son cri sera assez fort pour faire trembler la terre ; mais qui en réalité, sait qu’il n’a pas grand-chose à montrer. Qui est-on, si on a rien inventé? Si on a laissé aucune marque en mourant ? Quel est ce besoin, ce rêve qu’on nous a inculqué à coups d’exemples durant notre enfance ?
Ça ne sert qu’à nous faire passer à côté de l’essentiel : être heureux. La religion manque ainsi le bateau. Elle devrait seulement nous aspirer vers le haut ; mais avec ses maudits péchés, elle nous rend aveugle à la beauté qui nous entoure, elle sert à nous haïr.
Je ne sais pas si un jour ceux qui inventent les religions seront conscients qu’elles sont devenues négatives, des sources d’orgueil, d’égoïsme, de violence plutôt que des chants d’admiration envers la vie et le Dieu qu’elle proclame.
C’est à se demander si pour les religions, Dieu n’est pas qu’une invention pour personnes naïves ou attardées? Si Dieu est Amour, connaît-il le plaisir de se coller à un autre? Il sait que le plaisir en couple ou en groupe vaut bien mieux qu’une simple masturbation… pour Lui d’énergies, on s’entend !
Mais, jeune, on s’amuse tellement que tous ces problèmes nous apparaissent comme un jeu d’une autre dimension. La vie est un grand champ de football. Chacun sa folie. Moi, j’ai réussi à transformer un dieu qui me bottait le cul en un dieu de bonté et de beauté. Une folie qui somme toute est assez agréable à vivre. Pas de péché de la chair, pas de violence, ça donne un gars qui finalement n’est pas si pire que ça …
Avec le temps, non seulement Dieu ne me condamnait plus ; mais il était devenu un complice, tel un petit gars. Je l’avais déculotté de ses scrupules que les religions le forçaient à porter. Je sentais que Dieu aimait bien ça. Puis, mes nouvelles expériences m’ont amené à partager mon vice avec un petit qui voulait se faire de l’argent. Vingt-cinq sous, ce n’est pas beaucoup ; mais c’est déjà trop. Jouer aux fesses, c’est aussi sacré que d’aller à la messe , c’est partager un plaisir, un secret, une intimité. Faire semblant d’aimer ça pour se faire payer après, c’est être une putain à retardement. Mais au moins la putain, elle, est assez honnête pour reconnaître que c’est un échange en partant.
En dedans (prison), j’ai recommencé à croire les bêtises crées pour les hommes qui ne peuvent pas contenir leur libido et finissent par devenir des montres par frustrations. Comme le curé d’Ars, j’hallucinais les miracles et les visons, fruits de mes hontes et de mes remords. Comment croire qu’un autre ait pu souffrir de nos gestes alors qu’on en ressent que du plaisir ? Seuls les psys fuckés par la religion, les serviteurs serviles, pouvaient tenter une réponse qui me parvenait. Mais, heureusement, il y avait encore Jeannot que je trouvais beau ; le contraire de Pierre, qui frustré, aurait voulu que je lui mette les mains entre les jambes pour s’amuser un peu ; mais qui privé de ce plaisir n’avait plus qu’à me battre parce qu’inconsciemment il m’en voulait de ne pas lui prodiguer ce plaisir. Oui ! Être scrupuleux, c’est avoir l’esprit étroit.
Comme le dit la science : les religions sont les prisons de l’esprit. Et, comme la nature est plus forte que les digues que les curés ont essayé de nous monter dans le cerveau, j’ai retrouvé le goût de revivre ces plaisirs défendus. Et, j’en remercie le ciel !
Mes angoisses sont mortes avec mon premier coup de poignet à ma sortie de prison qui fut aussi une dague dans l’agenda de ma sainteté. En niant le mal qui existe que dans la tête des pervers, qui voient du mal partout, j’ai retrouvé confiance en Dieu. Était-ce une illusion? Me mentir?
Comment savoir si j’étais vraiment un non violent, car on ne peut pas à la fois servir le Dieu-Amour et la violence? Je venais de me débarrasser des mensonges des religions, donc, de tout ce qui touche leurs interprétations de la sexualité pour conserver une bonne dose de foi dans une spiritualité qui ne se mêle pas de la vie du corps. La prison m’a fait comprendre que les fous étaient ceux qui dénonçaient le sexe vécu quand il n’est pas associé à la violence.
La sexualité est multiple. Elle peut donc s’exprimer de la même façon pour tous. Plus je prenais conscience de ce que la science nous apprend à son sujet ; plus je prenais conscience de notre aliénation.
Plus tu crois sans te poser de questions, moins tu as la foi. T’es juste trop niaiseux, plus fanatique, plus conservateur. Il n’y a aucune différence entre un fanatique religieux du Québec, des États-Unis ou d’Iran. Il y a alors un lien direct entre la religion et la politique.
Le but de la religion est de te faire accepter d’être exploité, supposément parce que tu es un ange déchu, un corps vivant.