Radioactif 382
Radioactif 382
Texte de 2008
Les attraits de Suzanne.
Sans le vouloir, la politique m’avait encore attrapé. Mais survint, un événement encore plus important sur un plan personnel.
Un ami me présenta Suzanne qui, tout comme moi, croyait dans la doctrine éducative de Summerhill. Elle avait deux enfants : une petite fille de neuf ans, Yanie, et un garçon de dix, Patrick.
Je n’aurais jamais cru que cette rencontre bouleverserait aussi profondément ma vie.
Au début, j’étais un peu paranoïaque. Suzanne connaissait les felquistes. Elle les avait rencontrés à la Maison du pécheur, en Gaspésie, mais elle était aussi membre en règle du parti libéral. Une équation que j’avais bien de la difficulté à m’expliquer.
Au début, je me sentais plus comme un spectateur. C’était la première fois que je rencontrais des enfants éduqués selon les principes de ma bible en éducation: Libres enfants de Summerhill.
Suzanne les envoyait déjà à la seule école libre qui existait au Québec. Inutile de dire que cette expérience me ravissait, mais je ne serais jamais attendu qu’elle arriverait à me séduire autant.
Avec Yvette, c’était Non, rien de rien, d’Édith Piaf, qui marquait notre relation. Avec Suzanne, ce fut Il était une fois dans l’Ouest. Sans parole. Une musique extraordinaire pour faire l’amour, un peu gelé.
Les jours passèrent et je devins de plus en plus une partie intégrante de la famille. Suzanne m’avait ébloui.
La liberté sexuelle en éducation.
Libres enfants de Summerhill, c’est un livre publié à la suite d’une expérience en éducation, en Angleterre. En général, selon cette vision, il ne faut pas pousser les jeunes à se morfondre dans des cours à l’école ; mais répondre à leurs intérêts, quand ils en manifestent le besoin. Trouver leur goût et les nourrir aussi abondamment possible. Cette approche est fondée sur la confiance envers les enfants.
L’école n’est plus du bourrage de crâne, mais le plaisir de la découverte, de la découverte de soi ou à partir de soi. Malgré les retards de notions académiques qui peuvent nous sembler très importantes, dont l’absence nous fait même paniquer, l’enfant est capable de les rattraper très rapidement. Il suffit qu’il soit intéressé et que ça réponde à un besoin dans sa vie. Souvent, les jeunes reprennent en un ou deux ans, ce qui prend des années à emmagasiner ordinairement. Pourquoi ? Parce qu’ils sont intéressés. Aussi, parce qu’il n’y a pas de morale sexuelle contraignante.
L’éducation sexuelle sert à répondre à ses questions, à se comprendre et prendre ses responsabilités au fur et à mesure que le jeune évolue. Apprendre à respecter l’autre.
La curiosité des jeunes quant à la sexualité est tout à fait normale et doit être ainsi perçue par les adultes éducateurs. Pas question de voir de mal, là, où il n’y en a pas ou de mentir pour faire semblant des protéger d’un danger qui réside seulement dans l’ignorance.
Les adultes n’avaient pratiquement rien à dire. Ils géraient et réglaient les conflits qui surviennent en agissant comme modérateurs.
C’était une interprétation très radicale de la liberté dans l’éducation des enfants, même beaucoup plus grande que dans le livre sur Summerhill. Une éducation qui était même plus osée que je le pensais quand je songeais aux réformes que l’éducation devrait vivre.
C’est, dans certains cas, la meilleure formule pour contrer le décrochage scolaire quoiqu’il faille maintenir une structure, une exigence de base quant aux notions à devoir apprendre. Évidemment, penser l’éducation selon cette philosophie, ça déborde le cadre général de l’école. Il faut être cohérent et vivre cette liberté dans la vie quotidienne pour ne pas détruire tout ce qu’on prône de liberté individuelle à l’école.
La liberté de pensée est un mode de vie, une vision de la vie.
Elle fait peur à tous nos dirigeants. Par exemple, la nudité. Nous considérions, Suzanne et moi, qu’il est tout aussi normal de vivre nus que de vivre habillés. Le besoin détermine si on doit l’être ou pas. Ça semble niaiseux, mais c’est une modification essentielle à notre système de pensée occidental : créer ses propres valeurs.
Vouloir vivre nu, quand ça nous plaît, à la maison, par exemple, c’est une révolution en soi. Une révolution, car c’est tout simplement en dehors de tout ce qu’on a appris, donc, acquis comme vérité fondamentale et héréditaire. Comme si on naissait habillé.
C’est une révolution parce que c’est rejeter toutes les valeurs bourgeoises rattachées à la pudeur.
La pudeur est une notion orgueilleuse, élitiste, fondée sur sa prétendue supériorité. Une maladie basée sur le besoin de se sentir tellement supérieur qu’il ne faut plus être naturel. Une notion d’aristocratie dans ce qu’il y a de plus vil, en établissant une hiérarchie des êtres humains. À part de devoir se protéger selon la température, tout n’est que conventions sociales. On croit devoir s’habiller parce qu’on ne peut pas se donner le droit de penser par soi-même et vivre autrement que la majorité.
C’est évident que la plupart du temps, dans notre monde, on doit vivre habillé. Je serais le premier à avoir des réticences à vivre toujours nu. L’hiver, c’est froid. En plein été, sur une plage qu’est-ce qui nous oblige de devoir se vêtir? Sommes-nous si cochons qu’on ne puisse vivre nus sans devenir des prédateurs sexuels violents? Si c’est le cas, on a des problèmes mentaux. Pourquoi faut-il avoir un costume de bain quand on va se baigner? C’est plus indécent de porter un costume que d’être nu, car pour réagir ainsi, il faut avoir honte de son corps et condamner la vue des autres. Rien de justifiable. On invente un «mal» qui n’existe pas. Une obsession religieuse.
Cette notion d’école libre rejoignait ma conception à l’effet qu’on apprend plus rapidement en ayant du plaisir.
J’admirais Suzanne qui partageait cette vision de notre réalité. Je n’ai jamais fait les premiers pas pour conquérir une femme, tout simplement parce qu’en ayant été rejeté tout le temps quand j’étais jeune, je ne voulais plus perdre mon temps, dépenser des énergies et surtout être à nouveau déçu.
J’étais paranoïde dans le sens que j’avais appris à boire pour oublier les humiliations d’être rejeté par les filles.
Yvette, à Lac-Mégantic, Hélène, mon égyptienne de Sherbrooke, étaient des exceptions. Elles m’avaient harponné et j’en étais très satisfait. L’aventure en valait la peine. Toutes ces femmes avaient une réalité en commun : elles ne croyaient pas dans la répression sexuelle. Elles étaient capables même sexuellement de se sentir égale à un homme. Elles l’étaient d’ailleurs comme toutes les femmes. C’étaient toutes d’authentiques féministes.
Cela m’avait même donné l’idée d’avoir un enfant, mais comment faire sans avoir à endurer la mère : les femmes sont en général trop scrupuleuses. Elles prétendent détester le sexe et pourtant toute leur démarche tourne autour de leur besoin de séduction et de leur jalousie. Je ne faisais pas d’effort pour comprendre les femmes puisque ma pédérastie compensait largement ce besoin émotif et la nécessité de me croire normal.
Puisque je pouvais maintenant « cruiser » un homme sans honte, j’étais devenu plus épanoui car j’acceptais cette part de féminité en moi.
Suzanne a simplement eu le tour de venir me chercher dans ma carapace de gars qui avait mis un «X» sur la gent féminine.
Par expérience, je savais que je pouvais être parfaitement heureux sans femmes. J’avais tellement d’autres préoccupations, en ayant recommencé à me politiser, que je n’avais pas de temps à perdre à me casser la tête pour plaire.
Avec Suzanne, nous étions un monde en phase d’exploration, d’expérimentation quant à l’éducation. Comme l’avait écrit un grand écrivain français : tous les éducateurs sont des pédérastes conscients ou non.
Pour me plaire, il fallait avoir une ouverture d’esprit telle qu’on en retrouve rarement. C’était le cas de Janou St-Denis, Gilbert Langevin et Gaétan Dostie. Des êtres extraordinaires.
Pour m’intéresser, il fallait avoir cette ouverture d’esprit. J’ai toujours détesté vivre dans une société bornée. Je choisissais mes amis.