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Radioactif 368

mai 7, 2022

Radioactif 368

Texte de 2008

L’appel de l’amitié.

Tout allait pour le mieux, je commençais à reprendre financièrement le dessus quand j’ai reçu un message que je devais me rendre à Vancouver parce que David était en prison et que personne ne s’en occupait. 

Je suis drôlement fait.  Je n’ai presque jamais de vrais problèmes personnels, mais je passe ma vie à sortir les autres de leur enfer. .  Je sais pertinemment que les mauvaises situations que je suis obligé de vivre parce que je suis pédéraste finissent toutes par être l’enseignement le plus profond et le plus précieux que la vie m’apporte.  Le rejet que je subis présentement dans le milieu littéraire, par exemple démontre la paranoïa sociale face à la sexualité.

Je me sens enrichi par mes expériences pédérastes.  Elles constituent une forme d’adoration et mes difficultés sont comme une ouverture vers une solution future : je suis nourri comme écrivain par ces événements et je ne comprends pas encore pourquoi je m’obstine à vouloir être un écrivain, comme si ça avait une valeur au niveau de la connaissance.  Je n’ai pas besoin d’être écrivain pour vivre. Ça ne m’occasionne que des dépenses et des humiliations. Je ne comprends pas pourquoi je continue de publier. Ce doit faire partie de ma folie.

Les mauvais moments se révèlent des prérequis à de nouvelles découvertes dans la façon d’interpréter le sens de la vie.  Je ne suis pas religieux, toutes les religions sont des rackets au même titre que la mafia, mais je crois très profondément à la spiritualité, c’est-à-dire à une dimension, un monde créé à partir de l’électromagnétisme ou une autre énergie qui donne naissance à la vie, l’intelligence et la consciente. C’est cette force que l’on appelle Amour.  La réalité n’est qu’une forme de perception. 

Par ailleurs, je souffre les problèmes des autres comme s’ils étaient les miens ; assez pour croire qu’en quelque part, tous les humais ne sont qu’un seul et même degré d’énergie (essence) qui se subdivise en unité particulière. 

L’âme est, disons, une sorte d’aimant.  Son champ d’action crée notre individualité.  Je ressens leur misère comme si je la vivais personnellement. 

J’entendais David crier intérieurement sa souffrance.  Aussi, aie-je décidé de laisser mon cours, le temps de lui apporter mon aide.  Je suis parti en auto-stop pour Vancouver. 

À mon arrivée, j’ai retrouvé un groupe de jeunes qui étaient les amis immédiats de David.  J’ai passé l’après-midi avec eux à boire et discuter.  Tout le monde était sur le cul d’entendre un gars affirmer carrément aimer les petits gars. Une des filles étaient particulièrement préoccupée de mon rapport avec les femmes.  Elle n’arrivait pas à comprendre que je les aime autant que les garçons, mais d’une manière tout à fait différente.  Comment comprendre qu’un pédéraste puisse les respecter autant ?  Selon elle, bien des machos auraient eu avantage à discuter des femmes avec moi pour apprendre à mieux les respecter. 

Je n’inventais rien, chez moi, un homme ne frappe jamais, jamais, jamais une femme ou un enfant, même si je reconnais que les parents peuvent parfois avoir recours à une claque sur les fesses quand c’est vraiment nécessaire et que toutes formes de dialogue est impossible.  Idéalement, aucun geste violent ne devrait exister, mais dans la réalité parfois, c’est irréaliste  On disait dans la Bible que la peur est le début de la sagesse .  Tant que cette peur provoque une prise de conscience.  Cette jeune fille, à cause de mon âge, me surnomma Pépé.  

Épître selon St-Jean Ti-moineau.

Les Américains auront beau coucher avec la Bible entre les jambes ou sur la poitrine, la foi a pris chez eux le corbillard de l’oubli.  La foi doit nécessairement nager dans un fort courant d’idéal pour respirer et se situer dans la vie quotidienne.  Les liturgies sont des moyens pour nous impressionner, nous pénétrer émotivement, mais avec les nouveaux médias de communication, un frisson hebdomadaire ne suffit plus pour nous conduire à la foi.  Le grégorien ne peut plus nous faire autant vibrer et se mesurer avec tous les crimes décrits dans les journaux.  Nous sommes devenus des voyeurs sados-masochistes

Nos vies sont virtuelles.   Américains, (nous en sommes) nous avons mis dans un seul et même moule une goutte de foi et un gallon d’une morale sexuelle bourgeoise et débile ; tuant ainsi les raisons fondamentales pour lesquelles les religions existent : donner un sens à sa vie.

Et, nous avons étouffé. Les religions sont devenues avec le temps un discours sur la morale presque strictement sexuel, oubliant que leur vraie raison d’exister est d’apprendre à aimer, créer un idéal de vie et découvrir son Dieu, si on en veut un. 

Sauf en Amérique du Sud, où le politique (le pouvoir économique) s’est investi à travers le religieux, l’implication des religions dans la vie quotidienne des gens a été rejetée.               

Comme Richard Martineau nos grands penseurs n’y voient qu’un immense paradoxe (ils ont une vue parcellaire) parce qu’ils refusent de reconnaître que ce n’est pas la religion que les gens ont rejeté au Québec, mais la doctrine sexuelle catholique et protestante.          

Les gens en ont plein le pompon de se faire mener par le bout du nez jusque dans leur lit et d’instinct ils ont compris que ce n’est pas ça qui donne un sens à leur vie.  Nous vivons à une époque de grand transfert entre «l’amour absolu du nombril, son individualisme ou son narcissisme» et le «besoin essentiel de participer à l’évolution humaine», un engagement qui contredit ce que nous ressentons le plus profondément : notre impuissance et notre insignifiance.  

Pour que la foi ait un impact sur ta vie émotive, il faut que tu ressentes un petit «frisson de l’âme» quand tu participes aux rites religieux.   En oubliant l’essentiel, les pratiques religieuses sont devenues un moyen d’exorciser la peur de la solitude.  Ce besoin social tout aussi important que de se nourrir fut totalement obnubilé. 

Impuissants, les hommes, pour survivre, ont dû en tant qu’individu appartenir à une société et de facto laisser le pouvoir entre les mains de quelques « bandits légalisés par la loi du plus fort » pour diriger le sort de l’humanité. 

La démocratie est une longue expérience de conscientisation que nous ne faisons qu’entreprendre.  La catastrophe planétaire éminente nous donne deux choix : exiger une part de responsabilité individuelle plus grande et réelle ou avoir assez peur pour retourner aux religions qui nous prêchent les fins du monde depuis des siècles.  Les gens désertent les églises parce que les religions sont en panne d’idéaux motivants. 

Après des millénaires, la misère l’emporte sur la charité.  Les religions sont comme nos féminounes du Québec, enlisées dans leur obsessionnelle peur du sexe, oubliant entre autres l’essence même du christianisme : aime ton prochain comme toi-même pour l’amour de Dieu.  Erreur qui aboutit à l’échec du christianisme.

Le monde est encore prisonnier de la survie.  Les richesses sont concentrées entre les mains de quelques-uns et la mémoire collective fait que l’on ne peut plus croire que les prières, seules, y changeront quelque chose.   Aussi, le système se sert encore plus de répression pour insuffler les commandements de Dieu dans le comportement individuel ; mais les greffes produisent souvent des rejets. 

La nature est essentiellement une forme d’équilibre qui déborde la libido.  Elle n’accepte pas de compromis hypocrites.  Le grand péché mortel de l’Église fut d’essayer de régir la sexualité individuelle jusque dans les moindres détails et pour régler le problème on a remis la responsabilité de notre sexualité au système judiciaire, dominé par l’arrière-garde conservatrice et encore plus répressive. 

Écœurés, les Québécois qui ont envoyé promener les religions dans les années 1970, se rappellent encore la raison fondamentale de ce rejet, mais se rendent compte que la religion n’était pas que des «préceptes sexuels » , même si c’était la seule chose dont ils entendaient parler par les religieux dépassés par l’arrivée du féminisme, positif et affirmation de la femme, ainsi que le droit  à l’orientation sexuelle, soit d’être homosexuel ou gai.  On a changé de nom pour que l’idée passe plus facilement…

Ça explique exactement ce qui se passe aujourd’hui : on cherche ce qui nous a échappé dans cette libération, oubliant que notre manque d’identité nous a emprisonnés dans des contradictions politiques qui finissent par nous mettre dans la figure notre manque de courage. 

On doit retrouver les racines qui nous identifient, nous unifient, nous donnent une personnalité.  Certaines femmes encore plus esclaves de la morale sexuelle d’antan règlent le problème en se jetant dans les bras d’une religion encore plus exigeante et sexiste, comme par masochisme.  Elles deviennent musulmanes pour mieux cacher leur honte d’être sexuées.  Elles se cachent derrière un voile qui cache ce mauvais corps qu’on ne saurait voir. 

Ce n’est pas étonnant, puisque la majorité des femmes sont déjà prisonnières de la mode, donc, soumises au regard de l’autre.  Cette religion qui veut dominer le monde se fait un devoir d’être vécue sans changer un iota par rapport à ses débuts, ce qui la rend encore plus déphasée.  Mais, elle offre la sécurité sous forme d’immobilisme et dans une structure où la femme est moins que rien, mais où la « vérité » est éternelle et immuable. 

L’histoire est une réalité, surtout depuis l’invention de l’écriture qui contredit cet immobilisme de la pensée.   

Pour le reste, on devient de plus en plus des Américains d’Hollywood, donc matérialistes, hypocrites, insensibles à la violence.  Le profit est le nouveau dieu parce qu’il procure la puissance et le pouvoir.  Et derrière le besoin d’échapper à notre vide, on cultive une passion pour les drogues et la violence parce qu’elle est une source intarissable de profits.  Une consommation assurée.  Un gouffre sans fond. Ionesco est un prophète moderne.

Avec les nouvelles lois pour gérer l’ancienne peur sexuelle qui persiste à travers les nouvelles féministes réactionnaires, les féminounes, on se retrouve dans une forme d’Inquisition qui fera son temps : le temps « Bush ».   La base fondamentale de cette situation grotesque est notre éducation.  Le besoin de bien paraître et de s’élever dans l’échelle sociale à tout prix. La surconsommation par le jugement des autres est une nouvelle religion portée par les médias de communication. 

Nous nous cherchons, mais nous sommes trop paresseux pour penser par nous-mêmes, donc, nous cherchons de nouveaux gourous à travers les journaux. 

Je pense que j’aurais fait un excellent curé.  Non seulement j’ai les doigts longs et agiles ; je suis un adepte inconditionnel de la communion à travers les générations ; et, j’ai un petit côté doctrinaire qui m’agace.  Il ne me manque que ma montagne puisqu’on veut déménager le mont Orford dans le comté de Johnson. Il faudra penser d’y ajouter des abris pour que les piétons puissent s’y rendre, surtout si on décide de construire un casino entre la montagne et la pointe Merry qu’on pourrait appeler « le Christmas», où règnerait la liberté de jouir de la vie et se souhaiter un «Merry Christmas», même durant le congé de Pâques. 

En dehors des griffes de la police casquée du fédéral, on pourrait recommencer à rêver d’avoir du plaisir à vivre.  Et, si on ajoute toutes les fêtes religieuses comprises dans le nouveau programme scolaire, on pourrait vivre de fête en fête à tous les jours de l’année ou presque. Est-ce une société des loisirs en perspectives?  J’opte pour les jeux favoris de mon enfance.  La flûte de Pan, surtout …!

Chez les trafiquants.

La rencontre de l’après-midi avait atteint sa cible.  Le soir, on m’amena dans le groupe auquel David appartenait.  Couché tôt, quelques filles sont venues presque nues pour tirer un joint avec moi.  Ça ne me tentait pas, je préférais dormir.  Si ça avait été de jeunes garçons, j’aurais certainement été plus sensible à leur démarche et on aurait certes pu s’entendre quant aux échanges à compléter. 

Le lendemain matin, à mon réveil, j’entendis des filles discuter de moi.  Elles partageaient leur inquiétude avec des gars, affirmant qu’elles n’avaient jamais vu un gars refuser les avances de filles qui se présentaient presque nues dans son lit et lui offraient de passer la nuit ensemble.  Comment et pourquoi pouvais-je demeurer insensible à leurs charmes? , se demandaient-elles.  Elles finirent par convaincre celui qui semblait être le chef du gang.  Il sortit un revolver qu’il plaça sur la table, affirmant qu’il saurait bien trouver.   » Si c’est un policier, il va regretter d’avoir mis le nez ici. »

Puis, une des jeunes filles se rendit dans la chambre voisine où une autre jeune fille demandait ce qui se passait et pourquoi on parlait avec autant de colère.  Les deux revinrent à la cuisine, où je fis mon apparition quelques minutes plus tard.  Dès que j’apparus dans le porche, celle que j’avais rencontrée l’après-midi d’avant se mit à rire.  Tout le monde se demandait bien pourquoi elle trouvait la situation aussi hilarante.  Elle s’exclama : «Pépé !  Voyons, c’est Pépé ! Ce n’est pas un flic, c’est un ami de David.  S’il n’a pas couché avec vous, c’est simplement parce qu’il était fatigué, mais surtout, j’imagine, parce qu’il aime les garçons. ».

Sa révélation calma le jeu, mais ce fut à mon tour de leur reprocher que personne ne se soit rendu en prison pour visiter David. On m’expliqua qu’une telle visite pouvait mettre tout le monde en danger.  Puis, on me dit comment l’incident était survenu : David avait consommé avec des amis quand la police arriva et décida de les fouiller.  Elle trouva un peu de drogue et un  » jack knife » sur David, mais l’officier n’arrivait pas à le faire fonctionner.  David, toujours baveux, en riant du policier, lui a demandé de lui prêter et il le lui fit claquer au nez d’un coup de doigt. Ce qui lui valut trois mois de prison.  Personne n’y allait, car ça mettrait le groupe en danger. «La filature, ça existe me fit-on remarquer». 

Je ne suis pas un bandit, un vendeur de dope ou rien de ce qui peut être illégal, sauf mes amours, donc, je ne peux pas comprendre d’instinct ces mécanismes de gang.  Mon ami était en prison, je me devais de l’aider, lui, seul, dans une province où tout le monde parle une autre langue et déteste les francophones.  C’était tout ce que j’avais pensé.  

Plus tard, je me suis bien amusé avec le jeune Gerry qui pissait dans son froc juste à l’idée d’avoir un pédéraste qui s’intéressait à lui.  Mais, j’avais le moyen pour l’intéresser.   Après avoir fumé abondamment, avoir ri comme des fous en regardant des bandes dessinées, nous avons décidé de gager.  Inutile de préciser ce que fut l’enjeu.  Il fallait se rendre voir le film « The Exorcist », le plus gelé possible et trouver quelque chose qui soit encore plus épeurant.  Nous avons fait l’exercice ensemble. 

Au retour, j’ai proposé l’histoire suivante : un gang de gars gelés avec une once de pot dans leur poche se rendent voir ce film qui a rendu presque tout le monde fou de peur.  Pendant le spectacle au lieu d’avoir peur, les gars se mettent à rire sans pouvoir s’arrêter ; mais ils ont repéré, par leur attitude, des policiers en civil sont assis juste derrière eux. 

J’ai remporté le concours.  Je devais retourner à Dawson Creek, mais j’avais pu un sou.   

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