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Radioactif 366

mai 5, 2022

Radioactif 366

Texte de 2008

San Francisco

Quand nous sommes revenus du Mexique, David a commencé à être sérieusement malade.  Nous nous sommes présentés dans un centre chrétien, un Jesus Save, pour manger et dormir.  J’étais furieux non pas parce qu’il fallait absolument prendre une douche, même si David suait de fièvre ; mais parce qu’un des membres du personnel se servait de cette consigne pour se rincer l’oeil d’une façon impudique. 

Qu’il veuille nous voir nus, pas de problème, mais sans avoir l’air d’être un voyeur compulsif.  Le lendemain, ce même monsieur refusa que David reste pour la journée afin de se soigner.  Nous sommes partis et fort heureusement, grâce à la carte d’assurance- maladie du Québec, David a pu être soigné dans un hôpital de San Francisco.  Il souffrait de la tourista.  

Je ne sais comment, il se déverrouilla intérieurement,  mais il m’a annoncé qu’il avait rencontré quelqu’un avec qui il irait vivre durant quelques jours.  Quand on s’ouvre un peu l’esprit, les réticences morales disparaissent et nous permettent de vivre bien plus heureux.  

Je suis donc parti seul pour les champs de coton, mais je n’ai pas trouvé d’emploi et je suis retourné à San Francisco.  Une ville formidable

Je me suis installé chez un homme qui recevait des touristes gais, grâce à la réputation des Québécois dans cette ville.  

San Francisco est une très belle ville et pour lui donner un peu plus de cachet, je suis arrivé nez-à-nez avec une parade du nouvel an chinois, le jour même de mon anniversaire de naissance.   Je me suis aussi rendu à l’université Berkeley où j’ai pu constater que la bibliothèque avait une copie de mon livre Il était une fois dans les Cantons de l’Est. 

C’est aussi à ce moment que j’ai appris que mon père, Émile, avait subi une crise cardiaque et qu’on avait peur pour sa vie.  Il était à l’hôpital.  Je ne pouvais pas retourner assez vite pour le voir si ça tournait mal, car je n’avais plus assez d’argent pour prendre l’avion. 

J’ai constaté, pour la première fois de ma vie peut-être, jusqu’à quel point je l’aimais.  J’aurais voulu lui dire, mais c’était impossible.  Aujourd’hui,  je déplore énormément le fait que l’on rencontre souvent des gens que l’on aime bien, on vit quelques années en leur compagnie, puis la vie nous sépare et la première chose qu’on sait elles sont mortes.  L’amitié est certainement la chose la plus importante dans notre vie, après nos enfants.  Il faut savoir profiter de leur présence,  car personne n’est éternel. 

Je suis revenu à Vancouver en autobus, après avoir subi aussi les affres de la tourista.  Plutôt que de mourir de peur, je me suis amusé à me voir un grand écrivain succombé envahi par la fièvre des mots, mourant assis sur une toilette.  J’ai monté les escaliers en rampant, tant j’avais mal au ventre, puis, sur le bol de toilette, je me suis mis à écrire un long texte que je voulais drôle.  J’ai aussi terminé un poème, en annonçant la fin du président Nixon, car j’avais à travers les brises découvert l’existence du prochain Watergate.   Idiotement, je finissais mon poème en disant : Monsieur le président, il est temps que vous mourriez. On n’est pas toujours très brillant dans sa façon d’écrire.  C’est mon cas. Tel que rédigé, j’aurais pu être arrêté, pour le moins interrogé et peut-être incarcéré, parce que je parlais de Watergate comme d’un attentat.

J’aurais peut-être été mieux d’attendre d’avoir moins la fièvre pour trouver les bons mots.  Mais, bonne nouvelle, l’écriture redevenait le centre de ma vie.  Je ne sais pas pourquoi j’attache autant d’importance à l’écriture. 

Un moyen de parler dans le vide ? Ou de se donner l’impression de vivre.

Retour à Vancouver.       

Avec le retour à Vancouver, c’était aussi faire face à la réalité de notre société : pas d’argent, pas de plaisir, une survie parfois difficile.  On nous apprend vite que plus tu es instruit, plus tu as de chance de t’en sortir ; si tu as un bon emploi, garde-le, car les gens qui font les lois sont tous très bien payés et trop trous- de-cul pour se rendre compte qu’ils font leur argent en épluchant les plus pauvres. 

Plus les professionnels s’engraissent, plus leur solidarité ressemble à une mafia ou une dictature ; plus le coût de la vie augmente et plus le monde de la classe moyenne s’appauvrit… la valeur ajoutée … le pouvoir d’achat …  Qui touche les plus grandes exemptions d’impôts : les multinationales. 

Les pauvres ne servent qu’à engraisser les riches.  Je devais travailler, mais le travail est en contradiction directe avec la liberté d’aller traîner dans les bars.  Le plaisir a aussi ses limites.  Il me prend souvent le goût d’être responsable et utile à la société, même si je suis pédéraste

Un soir, en prenant une petite bière avec un groupe de jeunes venus du Québec, j’ai eu le malheur de proclamer les grandes vérités qui me sautaient à la figure à la suite de mon voyage au Mexique. « Le vrai bonheur, c’est la solidarité entre les gens plus que la richesse.  Par contre, nous sommes peut-être des révolutionnaires, mais nous sommes surtout des bébés gâtés. La pauvreté au Québec ou au Canada, on ne connaît pas ça dans le rang des révolutionnaires.  La vraie pauvreté, ce sont les enfants autochtones ou les gens dans la rue qui la vive.  Ces gens qui n’arrivent pas à obtenir les services promis par nos gouvernements pour faire croire qu’ils sont attentifs aux besoins du peuple.  On les élimine des programmes avec des règles bourgeoises. 

Pendant que les gens crèvent dans la rue, sans le minimum, nos gouvernements donnent des subventions aux plus riches à coups de millions.  Pas besoin d’être marxiste pour constater cet état de fait. 

La révolution, finalement, c’est de permettre à tous de pouvoir partager, même le bonheur.  Et, le bonheur est totalement individuel et particulier.  La seule vraie révolution, ce sont les droits de l’homme. 

Les dirigeants politiques, économiques, judiciaires ou religieux ne pensent qu’à leurs petits intérêts mesquins.  Et, ce sont pour ces intérêts qu’ils se font protéger par les autres, ce qui nous mène aux guerres. 

La révolution tu ne peux pas la faire en dehors de chez toi.  La vraie révolution ne peut pas utiliser la violence parce que c’est une spirale à laquelle personne n’échappe.   La révolution ne s’exporte pas ; à l’étranger, tu n’as pas la même langue, donc, tu peux difficilement comprendre ce que ressentent les gens.  Ensuite, parce que par ta culture, tu n’attaches pas les mêmes valeurs aux mêmes choses. 

Chez les pauvres, la solidarité est essentielle à la survie.  C’est une valeur fondamentale.  Elle permet d’être heureux, même si tu n’as rien dans les poches.  Tu dois tout partager pour survivre.  La solidarité des pauvres repose sur l’égalité des êtres.  Il n’y a plus de races, d’orientation sexuelle, de fins ou de fous; il n’y a que des êtres qui se battent pour survivre. 

On ne peut pas faire l’indépendance du Québec seulement pour des raisons financières.  Dans le pire des cas, on est encore mieux que dans bien des pays du monde au complet.  On doit la faire pour des valeurs uniques à nous, pour permettre de mieux vivre, pour être plus libre. 

La révolution, pour moi, se définissait de plus en plus à trouver le meilleur de tout ce qui se fait partout dans le monde pour l’Importer au Québec et l’appliquer, même encore mieux qu’ailleurs.  La révolution, c’était de faire du Québec un paradis terrestre. 

La révolution, c’était améliorer le sort de tous les Québécois, leur donner une chance de vivre heureux, selon leurs critères de bonheur ; n’importe quoi, sauf la violence.  

Je n’avais pas fini ma très profonde réflexion sur la révolution moderne qu’un des jeunes à ma table m’a sauté dessus, car pour lui, prétendre qu’on était des bébés gâtés comparativement aux gens du Mexique, c’était une aberration.  J’étais devenu un traître.  La censure philosophique existe autant à gauche qu’à droite.  On se fait autant laver la cervelle d’un bord que de l’autre.  La révolution, c’est  de s’ouvrir l’esprit

Aujourd’hui, personne n’accepte ma position sur la sexualité et pourtant, elle ne fait que correspondre à la réalité humaine

Un jour, on sera d’accord avec ma façon de l’aborder, car les règles actuelles nous viennent de la religion et de la bourgeoisie.  Deux choses qui se transformeront ou qui disparaîtront. 

On est rendu tellement bourgeois que l’on se refuse les éclats de rire dès qu’il est question de sexe.  On oublie que le seul maître de ton corps et de ton esprit, c’est toi, et personne d’autre.    

Prince Rupert

Nous vivons dans un monde fou, fou, fou.  «Instruisez-vous, vous aurez plus facilement du travail.» C’est ce qu’on nous dit tous les jours pour nous inciter à aller chercher le plus de diplômes possible. Pourtant, ma candidature pour travailler n’importe où, dans n’importe quoi, dès que ça payait, soulevait des doutes chez les fonctionnaires. 

On me refusait en disant :  » il est impensable qu’un gars qui fut journaliste accepte de travailler dans une usine ou dans une mine. Ça cache sûrement quelque chose. »  C’était totalement idiot parce que pour m’en sortir, j’ai travaillé comme bûcheron, briqueteur, dans une usine de jouets, la construction, le ménage dans un sauna gai, le déménagement, la vente, les sondages, et même desserveur dans des clubs.  Il n’y a pas de sots métiers.  Tout ce que je voulais c’est un endroit qui nous respecte et qui paye assez bien. 

Je ne me suis jamais permis de refuser une offre d’emploi et j’ai toujours été reconnu comme un bon travaillant … J’aime travailler comme j’adore écrire.  Non seulement travailler ça passe le temps, ça permet d’avoir de l’argent pour se payer une petite bouteille de vin les fins de semaine et surtout, ça nous donne une raison de vivre.  C’est moins stimulant que d’avoir des enfants, mais ça me suffisait pour l’instant. 

Le plus important, c’est d’être fier de ta vie, de t’accepter comme tu es. 

Malgré ces frustrations, je suis parti pour Prince Rupert parce qu’on cherchait des travailleurs généraux. 

En route, j’ai remarqué la présence d’un petit gars qui accompagnait un vieux monsieur. Cette petite beauté me reluquait sporadiquement.  Je devais avoir un beau sourire puisqu’il a quitté son compagnon qui me semblait très intéressé par sa petite flûte à bec pour venir s’installer dans mon banc. 

Comme un ange, il s’est installé près de moi.  Il n’a pas perdu de temps et m’a vite fait comprendre que ce changement était un acte d’espérance dans le « ose » qu’il m’avait lu au front.  J’ai immédiatement embrayé dans les sillons de la charité et je lui ai démontré que j’étais bien un des rois de la pipe.  Ce fut assez agréable pour qu’il m’invite à m’installer chez lui, mais mon horaire en avait décidé tout autrement. 

Puisqu’on ne voulait pas m’embaucher dans les postes ouverts à Prince Rupert, j’ai accepté de me rendre à Dawson Creek pour apprendre la cuisine dans une école de métiers. 

Au moins, j’étais payé et je ferais ce que j’avais souvent voulu faire : apprendre la cuisine. C’est quand même mieux que rien. 

4 mai 2022

On m’a aussi refusé un  emploi comme enseignant parce que j’avais trop de diplômes.  Aujourd’hui, on manque de professeurs et on engage des gens qui ne connaissent rien à l’enseignement. J’ai enseigné 15 ans sans la lueur d’une dénonciation contre moi pour des raisons sexuelles.

On a bien trop peur de la sexualité pour rien. Les gars détestent l’atmosphère scrupuleuse de nos écoles.  On ne peut même pas faire une farce sans que les profs deviennent fous.

À partir de 12 ans, pour la plupart, tu sais ce que tu veux et les adultes seraient renversés s’ils savaient la vérité, à savoir que bien des jeunes savent mieux « cruiser » que bien des adultes. Il n’y a que les adultes et leur perversité qui se demandent si leurs enfants ont des pensées ou relations sexuelles avec leurs petits camarades, d’où la loi idiote d’interdire une relation sexuelle entre des jeunes d’âges différents. Une débilité conservatrice et maintenue par les libéraux.

La sexualité prend de l’importance au fur et à mesure que ton corps change et devient celui d’un homme. Ta première éjaculation est un événement fabuleux ou désespérément angoissant parce que tu ne comprends pas pourquoi ce qui t’arrive. Le silence sur la sexualité est un poison pour la majorité des garçons et des filles qui sont assez intelligents pour voir qu’il se passe quelque chose de différent dans leur vie.

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