Radioactif 351
Radioactif 351
Texte de 2008
Économie.
Le Québec a-t-il vraiment évolué ou s’est-il dégradé? Ça dépend des domaines. C’est certain qu’il est bien différent et qu’il doit prendre les bouchées doubles pour continuer à prospérer. Quel sera le Québec de demain? Une chose est certaine, il sera à l’image de ce qu’on en aura fait maintenant.
C’est évident qu’après 40 ans, on doit refaire le point et se demander si on est sur la bonne voie. J’ai l’impression de revivre les mêmes problèmes qu’il y a 40 ans, le chômage, en moins, et la censure, en plus.
Je trouve qu’on ne s’occupe pas assez de la relève. Sur le plan économique, les mêmes secteurs qui étaient en crise hier le sont encore aujourd’hui. On invoquait l’Asie pour justifier nos malaises jusqu’à ce qu’on apprenne que les concurrents asiatiques étaient les mêmes compagnies qui œuvraient ici, mais qui portaient un nom différent à l’étranger. Les secteurs mous n’ont pas su se moderniser et ils voudraient que l’on paye pour leur insouciance. Pire, ce sont les secteurs du cheap labor.
Le seul moyen de combattre la concurrence mondiale est d’exiger que les compagnies venant des pays riches qui s’installent dans des pays pauvres ou en voie de développement soient obligées de payer le même salaire de base que dans leur pays d’origine. Ce pourrait être une règle promulguée par l’ONU.
D’autre part, en nous disant non comme pays, nous n’avons pas les reins assez forts pour protéger nos entreprises locales. C’est particulièrement frappant dans le monde agricole. Sommes-nous plus près de l’autosuffisance qu’il y a 40 ans?
Nous avons créé Hydro-Québec avec nos impôts et pourtant chaque année pour justifier une nouvelle hausse on nous dit qu’on paye moins qu’ailleurs. Je l’espère. Après tout c’est notre argent qui a été investi dans ce développement. Qu’attend-on pour avoir des autos électriques ? L’argent est-il redistribué plus équitablement?
On dirait que tout ce que l’on a construit comme peuple n’a servi qu’à rendre que quelques privilégiés plus riches. C’est une réflexion qu’on doit entreprendre. On fait un pays pour que les citoyens soient plus autonomes, plus riches, non pas juste pour créer une petite bourgeoisie. Le Québec indépendant doit pouvoir offrir mieux que ce que nous avons maintenant pour être attirant. On a évolué, mais pas encore assez. Les 15 prochaines années vont être des années difficiles, il faut s’y préparer avant que ce ne soit trop tard.
Le sexe dans mes livres.
Le sexe a toujours eu une place de choix dans mes livres et dans ma vie ; mais il n’y a pas que ça pour que la vie soit intéressante. Je crois fondamentalement que nous sommes sur terre pour découvrir les délices de la vie, la beauté de vivre et rencontrer d’autres âmes qui nous appellent pour mieux se découvrir mutuellement. La vie est belle à travers les autres comme elle peut être un enfer à cause d’eux.
Comment écrire et ne pas en parler? Même si je parle surtout de l’amour des petits gars, je pense avoir toujours été correct dans la description de cette forme d’amour qui est vécu par une très petite minorité de gens. Je me suis créé une morale à travers les années de manière à me sentir certain qu’aucun jeune ne soit blessé ou détruit par une mauvaise influence.
Par contre, je trouve que la censure est une forme de viol de leur conscience. La censure s’exerce surtout en ce qui concerne la sexualité parce qu’on croit les jeunes trop imbéciles pour comprendre et savoir adopter ce qui leur convient le mieux.
Chez les jeunes, le sexe est un jeu comme les autres et c’est ce détachement qui rend ces rapports aussi précieux. Leur faire croire que c’est mal, c’est les violer psychiquement.
Pour qu’un jeune consente à participer à des jeux sexuels, il doit avoir atteint une très grande confiance en toi, te percevoir comme son égal et posséder un amour très profond pour toi. C’est un jeu, mais c’est en même temps, un rite sacré.
C’est comme si le jeune savait d’instinct qu’il s’agit là d’un don total par sa profondeur. Les jeunes savent beaucoup plus ce qu’ils veulent que ce que veut bien nous le dire le système. Ils sont moins innocents, dans le sens d’imbéciles, qu’on nous le dit.
D’ailleurs, le système les utilise à ses guerres, il les fait travailler au lieu d’aller à l’école ; mais il nous fait la morale, dès qu’on veut les faire jouir. Les jeunes savent qu’en ces occasions, il n’y a qu’une chose qui compte : le plaisir de la découverte. Les moralistes veulent les protéger, mais les protéger de quoi, s’il n’y a pas de violence et que de l’amour?
Très souvent, mes nouveaux lecteurs ne savent pas à qui je m’adresse, ils ont l’impression que je suis en amour par-dessus la tête avec une déesse. C’est normal, car il ne se passe rien de différent durant les caresses que dans une relation amoureuse entre deux adultes hétérosexuels. J’essaie d’être clair, pour être honnête, tout en étant respectueux.
Je ne crois surtout pas dans leur prétendue pureté. Le sexe n’est que la cerise sur le sundae, car ce qui est excitant, c’est la beauté des visages, la vitalité, les rires, les senteurs, les jeux et finalement, les proportions. L’affection occupe presque toute la place. Je suis bien plus intéressé à le voir jouir qu’à ce qui m’arrive.
D’ailleurs, dans mon premier blogue avec MSN, j’avais des messages pour me féliciter pour ma capacité à décrire les sentiments amoureux. Je parle plus des sentiments qui entourent mes relations que ce qui se passent dans le lit parce qu’il me semble que c’est ce qu’il y a de plus important. J’ai remarqué qu’il y a un point de vue différent, selon que l’on est avec une femme, un homme ou un petit gars… et le genre de contact s’établit autrement à travers la complicité.
C’est peut-être moi qui le vis ainsi ; mais c’est une réalité.
Quand j’étais avec une femme ou un homme, je me sentais en général celui par lequel le plaisir arrive. Il y a peu d’échanges véritablement profonds. Les hommes sont exigeants quant à ce qu’on les suce le plus vite et le mieux possible. Ils veulent recevoir et ils ne sont pas très vite à te le rendre, sauf si tu vis avec eux. Là, le sexe est très différent. Ça devient un moyen de se faire plaisir l’un en t’autre.
À la longue, on découvre le petit gars qui a besoin de se faire cajoler et qui a réappris qu’il y a plus de plaisir à donner qu’à recevoir. Les femmes ont besoin de se faire croire qu’elles t’ont hypnotisé par leur beauté. C’est comme si elles se goûtaient elle-même à travers ton plaisir. Par contre, au début, jouir génitalement leur semble toujours un geste délinquant. Elles font semblant de ne pas y être intéressées, mais dès qu’elles ont franchi le porche de leur volupté, elles ne peuvent plus s’arrêter.
Quiconque a vécu la liberté sexuelle finit par ranger les plaisirs du lit bien derrière les plaisirs de vivre ensemble, de vouloir réaliser des buts communs et de rêver ensemble. Faudrait que je revois mes relations avec tous et chacun pour savoir si elles ne sont pas particulières à chaque individu plutôt qu’une règle générale.
Les années 1968-1973 furent celles où j’ai le plus souvent publié. Ceux qui suivent mon histoire depuis quelques mois ont pu lire tous les textes qui se retrouvaient dans Hymne à l’amour, le vice et la révolte. Je ne suis pas le plus grand écrivain pornographe, mais je suis un des premiers à aborder la pédérastie au Québec. On m’a déjà dit en riant que je serai un grand écrivain le jour où le lecteur aura une érection en lisant mon livre. J’en suis encore très loin et à vrai dire ça ne me tente pas particulièrement. Un excès de pudeur?
Je trouve assez comique d’entendre les jeunes d’écrire le SLAM parce que c’est étrangement ce que je proposais quand j’ai inventé la poésie de jet. Ça n’a rien à voir avec une éjaculation, comme certains esprits tordus ont pensé ; ça veut tout simplement dire que je ne me sentais pas un assez bon poète pour imposer mes textes et ma façon de les rédiger.
Le matériel dont je me servais à la base pour écrire était tout à fait différent de celui qu’on retrouve chez les pros, qui étaient alors beaucoup plus nationalistes que moi. Mes textes pouvaient parler de tout. En autant qu’ils exprimaient un sentiment. C’est ce qui comptait. Les hymnes ont raconté le début de mon expérience pédéraste. Daniel a tout chambardé. Grâce à lui, je suis passé de la culpabilité à l’affirmation.
Je me demande encore comment et pourquoi des éditeurs se sont intéressés à moi. On me trouvait génial. Comme c’est drôle ! Ce livre m’a ouvert les portes de la poésie quand je suis arrivé à Sherbrooke. J’étais peureux, mais j’étais fier de moi, même si je doutais encore de mes talents.
Quant à Oraison pour des salauds dans Chair de poule, il n’y eut comme vous l’avez vu aucun vers sur ma pédérastie.
D’ailleurs, mes amours étaient peu connus, excepté pour les gens qui m’entouraient. La révolution prenait toute la place dans mon petit cerveau. J’espérais en prenant ma retraite de tout reprendre ça où je l’ai laissé ; mais à force de me faire écœurer, j’ai de la difficulté à écrire autre chose que ces petits billets… Un passage obligé peut-être…
Quant à Réjean, publié avec les Auteurs réunis et lu par Ronald France, en 1969, aux Ateliers des inédits, àRadio-Canada, c’était une longue lettre d’amour écrite pour Réjean. Après l’avoir lu, il m’a dit avoir trouvé ça très beau, mais il m’a reproché la fin : « Petit prince, je t’adore » ; me disant qu’on adore seulement Dieu.
Comment ne pas aimer la vie quand d’aussi belles histoires d’amour se succèdent? J’ai simplement besoin d’en vivre une autre.
Sexe et amour.
L’amour est différent, selon chaque personne aimée. Si Daniel fut une période de pure folie, la recherche d’un fantasme vécu ; Réjean fut mon coup de foudre absolu. Dès que je l’ai vu, je fus hypnotisé. Son sourire me rendait fou. Il était le seul attrait, ma seule pensée, ma seule joie… infinie, illimitée ; mais tellement temporelle. Les coups de foudre envahissent l’âme et le cerveau.
Je travaillais à La Tribune à Sherbrooke et lui demeurait à Québec. Je lui écrivais lettres sur lettres, par l’intermédiaire de cette chère Mme Gosselin, car j’aurais voulu être avec lui à chaque seconde de ma vie. Je me torturais la conscience parce que je le désirais physiquement et lui était scrupuleux, religieux comme pas un. J’en étais encore à couper les cheveux en quatre parce que je ne voulais jamais faire un geste ou prononcer une parole qui aurait pu le moindrement le vexer et le rendre malheureux.
Je vivais la période de séduction et je jouissais juste à le voir dès que je mettais les pieds à Québec, même s’il savait me dire non, tout en ne fermant pas la porte à sa chaste chapelle. Qui connaît un pédéraste, sait que nous essayons par tous les moyens de fascination d’être accepté, de plaire à celui qui nous envoûte. Il n’y a jamais de limites raisonnables. On peut se saigner à blanc et très souvent on saigne notre portefeuille pour lui offrir tout souhait exprimé. Le moindre désir devient un ordre. Juste penser que je pouvais me rendre le voir valait plus que de remporter un million à la loto (remarquez que je ne l’ai pas encore gagné). Réjean, c’était mon firmament, ma minute d’extase devant mon dieu. Mais, Réjean était très scrupuleux, ce qui nourrissait encore plus mes désirs et mes culpabilités.
Je savais que j’avais fait de la prison pour un tel amour, mais j’oubliais tous les maux de la terre si je le voyais heureux à cause de moi. Je lui ai acheté une table de billard juste parce que c’était ce dont il rêvait le plus. S’il fallait que je lui dise un mot ou que je fasse un geste qui semblait lui déplaire, je croyais déjà qu’il me méprisait, qu’il ne pourrait jamais me pardonner ma pédérastie ; mais maintenant je suis certain qu’il s’en fichait éperdument.
J’en avais des semaines à me torturer; mais le voir sourire effaçait tous ces malaises. Ce n’était plus que de l’amour, mais une passion vive, un fer brûlant dirigé droit au coeur. Être avec lui, c’était encore mieux qu’être au ciel, c’était une béatitude inespérée. J’aurais abandonné mon travail si j’avais pu être quelques secondes de plus avec lui ; mais lui aussi allait à l’école. Il faut bien manger et manger ça se paye avec un salaire ou du moins, ce qu’on n’a pas donné à nos gouvernements.
Des amis qui l’avaient aussi connu me transportaient à Québec. Ils me savaient en amour par-dessus la tête. Je resplendissais trop le bonheur parfait pour que ce ne soit que d’aller à Québec qui me rende aussi heureux. Tout mon comportement me trahissait.
Ce fut toute une surprise pour eux quand je leur ai avoué que l’objet de ces délices c’était Réjean et non la fille qu’ils s’étaient inventée. Mais, ils ont trouvé ça tellement beau de me voir aussi follement amoureux, heureux, qu’ils en ont oublié que c’était un petit gars. Je tremble encore quand je songe à lui. Quelle flamme! !
Malheureusement, c’est le passé et que je le veuille ou non, je ne le reverrai probablement jamais. Être aussi profondément en amour, c’est la plus belle chose que l’on puisse vivre. Un vrai cadeau de Dieu. Un cadeau que je souhaite à tous, car une telle passion dépasse les orientations sexuelles et tous les plaisirs de la terre. L’amour est encore le plus grand cadeau dans la vie ; avec ou sans sexe. Ce n’est pas qu’une heure de plaisir, mais une éternité à se le rappeler…
J’étais très profondément en amour avec lui, mais j’avais tellement peur de lui manquer de respect, de l’amener à me détester à cause de mon besoin d’essayer de le toucher. Je lui écrivais des lettres dans laquelle je l’implorais de me pardonner d’être ce que j’étais.
Puis, un jour, sans savoir pourquoi, il m’a fait comprendre en se collant sur moi au cinéma que je pouvais commencer à vivre plus intensément et aller au bout de mes désirs. Finis les scrupules ! Je n’ai jamais su pourquoi il avait changé, mais je rappelle du plaisir que j’eus la première fois.