Radioactif 339
Radioactif 339
Texte de 2008
L’autre côté.
Durant cette période, un soir, je devais demeurer à Scotstown pour la nuit et je devais coucher dans une tente avec un groupe de petits gars. Leur mère me faisait confiance.
J’ai bu comme un trou et le soir quand j’ai retrouvé la tente, les jeunes avaient décidé que j’étais de trop. « Pas de fifi avec eux ». Vexé, je suis retourné sur le pouce à Sherbrooke. J’en ai marché une claque, puis comme à mon habitude, j’ai entamé une grande discussion avec Dieu.
Je lui reprochais la guerre au Vietnam et de laisser des petits gars mourir dans cette atroce réalité. » Si j’avais un de ces enfants avec moi, lui, au moins, il serait heureux plutôt que le mourir dans cette guerre absurde. Ce serait beaucoup mieux pour lui. «
Une prière qui a duré longtemps et que j’ai crié très fort. Assez fort, pour qu’il m’entende puisqu’une dizaine d’années plus tard, j’ai rencontré et tombé en amour avec une petit vietnamien, venu ici pour échapper à la guerre.
Une des plus belles complicités de ma vie avec Dieu. Certains diraient un « signe », mais Scotstown fut aussi des moments de tortures morales.
Un soir, alors que faisais mon round up, c’est-à-dire qu’à tous les soirs, au journal, on téléphone à la police, aux pompiers, aux ambulances pour savoir s’il est survenu quelque chose dont on n’avait pas été informé. Et, j’y appris que mon ami Claude Robidas était décédé dans un accident d’auto en revenant du Lac St-Jean. Claude était hétérosexuel et ne connaissait pas mon amour pour les petits gars. Ce n’était pas nécessaire.
Quand il arrive des choses comme ça, tu commences par paralyser, tu refuses d’y croire, tu fabules toutes sortes d’autres situations ; mais la réalité finit par te rejoindre. Ce fut un coup très dur à encaisser.
Une autre expérience émotive fut que les femmes de cette localité refusaient que leurs enfants soient amenés en autobus à l’école à Bury, plusieurs milles plus loin, au lieu de rester à l’école locale, car c’était un voyage trop exigeant vu leur âge. Elles faisaient tout ce que je proposais : pétition, marche, etc. Elles décidèrent, avec mon appui, puisque j’informais les gens à travers mes articles de ce qui se passait, d’occuper l’école. Elles se ramassèrent en cour et furent condamnées à une amende qui fut en partie payée par la vente d’une peinture de Frédéric.
Je me sentais coupable de les avoir incitées à affronter la direction de la commission scolaire, mais elles n’étaient pas de cet avis. » Nous sommes assez vieilles pour assumer nos décisions. »
Le directeur de la commission scolaire responsable de cette décision perdit son emploi, mais les enfants ne revinrent pas à l’école à Scotstown. N’empêche que je me suis fortement culpabilisé de leur avoir recommandé d’occuper l’école de Scotstown.
Quand j’entreprenais une lutte avec quelqu’un contre le despotisme, je me sentais absolument responsable de mes conseils.
Mes grands amours.
Scotstown est un symbole parfait de ce que signifiait affirmer ma pédérastie.
Cette ville était paralysée, il fallait trouver une solution pour la sortir de sa torpeur économique. Aussi, en aie-je discuté avec l’artiste Frédéric qui y vivait, en plus d’avoir un appartement à Sherbrooke.
À ma surprise, quand je suis allé à Scotstown, j’ai découvert que Frédéric avait beaucoup d’appuis dont le fils de l’ancien président de la Thérèsa. Claude Robidas. À force de discuter, il fut entendu que Frédéric organiserait une immense murale avec les enfants. Une idée née de mes amours. Frédéric était l’un de ceux qui savait que j’avais entrevu un petit gars qui me plaisait énormément et me faisait battre assez le cœur pour m’engager à fond de train pour sauver les gens de Scotstown de la misère économique. Le jeune a-t-il déjà su qu’il me fascinait autant? Je ne le crois pas.
Pour être en amour, je n’ai pas besoin de viagra, ça se passe à un autre niveau, surtout dans ma tête. Je jouis juste à contempler la beauté du jeune qui m’intéresse. Je capote, s’il me sourit ; je deviens fou, s’il me parle ; imaginez le reste, si on devient ami et qu’on s’engage dans une relation d’amitié. Tout doit se dérouler en fonction de sa façon d’agir avec moi. Pas question de forcer qui que ce soit, mais dès les débuts, je tiens à ce que les choses soient claires pour ne pas me faire dire après » je n’avais pas compris ».
On sait immédiatement par la réponse non verbale du jeune s’il est intéressé ou non. Tout réside particulièrement dans le plaisir indicible de sentir très profondément chacune de ses émotions et d’arriver à ne faire qu’un avec lui au niveau des ondes de communication. Une contemplation ou une adoration de la beauté qui surgit par sa simple présence. Vivre à travers et pour le plaisir de l’autre.
C’est ce qui motivait de plus en plus chacune de mes actions. J’étais prêt à mourir pour assister le jeune de qui je tombais amoureux, pour le rendre heureux. Il pouvait me ruiner ça n’avait pas d’importance. Je savais que ce sentiment ne pouvait pas toujours exister, donc, l’instant présent prenait toute la place dans ma vie. Le jeune devenait le centre, le cœur de tous mes intérêts. Il était tout. C’est un peu une forme d’autisme, en ce sens, que cet émerveillement se suffit à lui-même et crée une bulle d’amour qui nous met en retrait de toutes les saletés du monde.
Les gens qui vivaient autour de moi le devinait que j’étais en amour sans même que j’aille un mot à le dire.
Frédéric disait : « Si on veut savoir si un petit gars te plaît, avec toi, on ne regarde pas si ton pantalon gonfle, on te regarde les yeux. C’est la première fois que je vois un gars bander des yeux.»
Inutile de dire que Scotstown était devenu super-important. J’y allais souvent et je suivais chacun des développements. Nous avions trouvé une vocation touristique et culturelle pour Scotstown.
Un soir, nous devions assister à une pièce de théâtre, Oliver Twist, organisée par les anglophones. Durant la pièce, le plancher a cédé et tout ce que nous avons vu ce sont les jeunes et les décors s’enfoncer dans le vide. J’ai eu peur comme tous les spectateurs. Heureusement, personne ne fut blessé.