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Radioactif 321

mars 17, 2022

Radioactif 321

Texte de 2008

Censure.

Il y a des moments dans la vie où on laisserait tout tomber.  C’est un matin de même.  Je suis vraiment écœuré.  J’irais prendre une marche avec Benji, mais il pleut, les chiens ont l’avantage de ne pas te juger… sur ta sexualité. 

Je constate que je n’existe plus dans la liste des auteurs du Québec, c’est du moins ce que m’a donné ma recherche sur le site de l’UNEQ, le syndicat des écrivains du Québec (à moins que je me sois trompé, je suis très poche sur ordinateur). 

Surprenant que la droite ait autant de pouvoir au Québec.  Le Québec serait-il devenu à l’image des États-Unis et leurs républicains?   Selon leurs perspectives, en mars je serai totalement disparu de la carte des écrivains.  Ils travaillent fort en ce sens comme dans le roman de George Orwell 1984, l’état avait le pouvoir de faire disparaître toutes traces d’un individu dont il ne voulait plus entendre parler. 

Tant pis pour moi, j’aurai écrit tous ces livres pour rien.  Heureux que quelques-uns aient eu du plaisir à me lire avant de disparaître.

Pour que l’on puisse agir ainsi, il faut une unanimité extraordinaire. Je dois être un des gars les plus haïs du Québec. 

Je vais continuer d’écrire pour vous jusqu’à ce que mon barre ici aussi.  Écrire, est un geste d’amour.  Le don de soi

Que l’expérience soit bonne ou mauvaise. Avec ou sans talent.  Y a des avantages à une telle saloperie.  Je ne dépenserai plus d’argent pour essayer de publier, ce qui épuisait toutes mes ressources, et puisque je suis trop vieux pour commencer à « cruiser », je ne dépenserai plus pour aider qui que ce soit. . 

Je vais abandonner la rigueur d’une biographie (ce que je fais déjà) et je vais me laisser aller dans des coups de cœur comme si je discutais avec des gens que je connais et que j’aime bien.  Des gens en qui je peux avoir confiance parce que je ne mets pas leur  » vol ou leur viol de conscience  » en danger.  Vive la liberté !

La mort de Madame Alice Gosselin.   

Je suis allé en visite chez Madame Alice Gosselin.  J’étais en amour par-dessus la tête avec Réjean et je filais une période de bonheur parfait, même si j’étais toujours dévoré par les peurs engendrées par mes scrupules. 

La nouvelle qu’elle m’annonça avec tact m’a atterré : elle avait un cancer et il ne lui restait plus que quelques mois à vivre.  Quelle chose affreuse à apprendre ! 

Un soir, durant les événements d’octobre 1970, je me rendais avec mon ami Réginald Dupuis donner du sang pour répondre à un appel d’urgence puisque j’avais la catégorie demandée.  Une automobile fonça dans le camion dans lequel j’avais pris place à l’arrière.  Bizarre, je revenais juste de me relever, car quand je m’étais étendu, j’avais la tête exactement où l’autre auto nous enfonça.  Je me suis retrouvé avec une immense bosse au front et à l’hôpital.  Tout à coup, j’ai eu une peur affreuse.  Ma vie se déroula dans une fraction de seconde et Dieu me jugeait.  J’ai tout revu ce qui m’était arrivé avec les résultats de mes gestes. Je m’en voulais pour le mal que j’avais fait à autrui.  Non seulement je voyais mes gestes, mais leur répercussion. Un jugement qui venait de l’intérieur comme si Dieu était en nous.  Je me sentais affreux et je me suis mis à prier. 

Quand je suis sorti de l’hôpital, je me suis rappelé que Madame Gosselin m’avait juré de venir me dire, après sa mort, si Dieu existe.  J’ai immédiatement compris qu’elle venait de mourir. 

À ses funérailles, j’ai constaté que ma montre, celle qu’elle m’avait donnée avec Réjean, s’était arrêtée exactement au jour et à l’heure de son enterrement.  Bien évidemment quand on m’a dit chez-moi que j’avais eu un téléphone de Québec, je savais que c’était pour m’annoncer cette triste nouvelle. 

Aussi curieux que cela puisse paraître, il m’arrivait de me mettre à penser à des gens sans trop comprendre pourquoi. Ils prenaient tout d’un coup beaucoup d’importance et d’espace dans mes pensées.  Et, presqu’invariablement, on m’appelait pour m’apprendre leur mort.  Ce fut entre autres le cas de ma marraine, Médora Turgeon. 

Réjean déménagea et je le perdis de vue.  À cette époque, j’avais une peur bleue d’être celui qui pourrait le rendre malheureux.  Je suis très sensible au nombre de gens qui se sont suicidés et que j’avais bien connus.  J’ai toujours eu une peur affreuse d’avoir la moindre responsabilité dans leur malheur.  

Pédéraste, on n’a pas besoin des féminounes pour faire des examens de conscience.  La vie quotidienne s’en charge. Malheureusement, on n’est pas dans la tête de ceux qu’on aime et on doit se fier à ce qu’ils nous disent pour interpréter leur acceptation ou leur refus, leur sourire et leur bouderie.  Le seul moyen de définir s’ils aiment que vous viviez ensemble un si grand amour, c’est qu’ils soient heureux de vous voir. 

Ma mort.

Dans les dossiers de l’UNEQ, on m’a vraiment complètement fait disparaître: aucune mention, même pas mes livres où je ne dis pas un mot de pédérastie. 

C’est comme si on m’annonçait ce matin que je suis mort.  Disparu. Oublié.  Quelle saloperie!  On dirait qu’on est en maudit que je ne me sois pas suicidé.  Je me sens comme si on venait non seulement de m’assassiner, mais qu’on ait fait disparaître toutes traces de mon existence, de mon meurtre. Je ne croyais pas que ça faisait aussi mal. Nos moralistes sont des écœurants !

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