Radioactif
Radioactif 289
14 décembre 2007
Ma sensibilité.
En somme, quand j’étais petit, j’étais comme tous les autres, avec, selon mes comparaisons, une plus petite queue. J’étais aussi, semble-t-il, plus sensible et plus intellectuel. Il faut bien compenser.
Selon mes gardiennes, j’étais très espiègle, un petit démon qu’il fallait sans cesse surveiller, mais qui avait un sens inné de l’art de la séduction.
Je n’étais sûrement pas consciemment pédéraste dans cette partie de ma vie, car en dehors du jeu et de moi, il n’y avait que ma mère et les femmes que j’essayais déjà de séduire.
J’étais aussi assez gourmand. Aucun rapport apparemment, mais ce fut un appétit que j’ai canalisé ailleurs et autrement.
Ce tableau correspond aussi à ce qui se passait à l’école : j’étais un très bon étudiant, studieux, appliqué, sauf une semaine ou deux par année où j’explosais. Ça finissait toujours par mon renvoie de l’école et une réintroduction presque immédiate, grâce aux interventions de mon père et, surtout, parce qu’en général, on semblait savoir que ce n’était qu’une «passe». J’étais comme programmé.
Je ne devais pas réfléchir et prendre conscience que je faisais de la peine à mes institutrices, car dès lors, j’étais envahi par la contrition jusqu’à la moelle des os. Je me consacrais vite à ma contrition et aussitôt les institutrices auraient pu me faire manger dans leurs mains, tant j’avais besoin d’être pardonné.
Les garçons étaient déjà toute ma passion, je trouvais qu’ils étaient tellement beaux que je cherchais à voir le plus de visages possibles dans les catalogues Eaton, section vêtements à vendre.
Quant aux filles, elles étaient déjà, selon la société, le prérequis à la normalité. Tu devais avoir une blonde pour être un humain normal. Rien d’autre. Je ne savais pas de quoi parler avec elle, donc, elles m’étaient indifférentes. Certaines me plaisaient et savaient allumer le désir de leur compagnie.
L’école de l’époque vivait la folie. On prenait nos rangs, les gars d’un bord, les filles de l’autre. Après, on se demande pourquoi on devient homosexuel. Aucun rapport puisqu’on l’est déjà depuis que nos gênes ont fait le choix de notre sexualité. Il doit y avoir un changement à cause de la proportion qu’on accorde à différents symboles inconscients .
La réalité est une forme. La percevons-nous de la même façon?
14 décembre 2007
Ma faiblesse.
Sur le plan physique, je ne me rappelle rien de très particulier, à part mon gros nombril. C’est demeuré dans tous les sens du mot, ce qui me gênait, mais qui n’arrêtait pas ma propension à inspecter «live» la performance « ziziatique » de mes petits copains. J’étais fasciné par la beauté des visages et je me demandais quel corps pouvait bien y correspondre.
Pour mieux comprendre leurs réactions et les proportions entre pénis-corps, j’inspectais à l’oeil dans les manuels, et le toucher me permettait de vivre les réalités intangibles de ce monde.
Les différences raciales me passionnaient encore plus.
Plus vieux, j’y ai ajouté le goût, drôle de fascination et de questionnement.
Je ne crois pas m’être senti différent des autres jusqu’à ce que je participe à un concours de levée de poids et que je constate que même les plus jeunes de mes frères étaient plus forts que moi.
Les remarques de maman à l’effet que je ne devais jamais forcer, faire toujours attention à ma fragilité, parce que j’étais né « crevé», c’est-à-dire avec une double hernie au nombril devinrent des irritants.
Je me suis mis aux exercices jusqu’à ce que je puisse être fier de ma force comme tous les autres garçons. J’étais trop orgueilleux pour admettre ma faiblesse. Si j’ai été différent, ce n’est certainement pas à cause de mon enfance, mais en découvrant ma faiblesse sur le plan physique.
C’est stupide de se croire inférieur à cause d’un gros nombril, mais ce fut l’horreur de ma vie de jeunesse, du moins durant quelques mois ou années. Heureusement, nos costumes de bain nous couvraient pratiquement tout le corps.
14 décembre 2007
La peur des histoires.
Je dois convenir quel les histoires d’une de nos institutrices sur la mort et les morts revenus à la vie m’ont profondément marqué. Cela m’a vraiment très profondément perturbé. J’ai vécu une répétition de cauchemars à cause de ces histoires qu’aucun enfant ne devrait entendre, même sous prétexte de la religion.
J’ai vite essayé de concevoir ce que peut-être un espace infini et une éternité. À partir de ce moment, pour moi, il était essentiel d’immortaliser tout ce que j’aimais ou me plaisait. C’est d’ailleurs la première motivation de tous mes écrits : immortaliser tous ceux que j’aimais..
Ce fut assez déterminant pour avoir des répercussions, même dans mon premier livre publié, soit Hymne à l’amour, le vice et la révolte. Il avait fallu des années avant que le besoin d’éternité ne domine à nouveau mes besoins et se transforme en la nécessité de dédicacer tous mes poèmes.
Dans mon imaginaire, une dédicace permettait d’immortaliser les gens que j’aimais. Je pensais qu’en inscrivant leur nom dans mon œuvre, ils ne pouvaient plus disparaître de la mémoire humaine.
14 décembre 2004
La peur de la mort.
La mort ne fut pas une peur immédiate dans mon enfance. Tout ce que j’en percevais : les carcasses des vaches mortes, déposées dans les «solages» des maisons brûlées ayant appartenues aux premiers résidents de Barnston.
J’ai d’abord eu peur des morts plutôt que de la mort. Des morts qui pouvaient ressusciter comme on le racontait à l’école.
Cette peur existait encore quand mon grand-père maternel, Eugène Gauthier, est décédé subitement en se rendant aux toilettes.
Je devais avoir plus peur des histoires que de la mort, car j’aimais assez mon grand-père pour être certain qu’il ne reviendrait jamais nous faire du mal. Je m’en rappelais comme celui qui riait aux larmes quand il écoutait Une partie de plote, du père Gédéon. Ce fut le meilleur disque d’humour un peu salé que j’ai entendu.
Puis, ce furent les fantômes quand j’allais chercher de l’huile pour le poêle, dans le hangar attenant au magasin de mon père. Je faisais ce travail à la course et tremblant comme des grelots au vent. La mort comme telle ne me hantait pas particulièrement, j’étais trop jeune pour réaliser ce que ça voulait dire.
Cependant, dès que je me sentais mal, je me demandais si ce n’était pas le grand voyage. Mais, c’était une peur de très courte instance. Quelques expériences et ce fut la fin de ma peur. Si ce n’était pas arrivé avant, ça arriverait pas plus maintenant, me disais-je quand je me sentais bizarre.
Puis, la mort est devenue : « ne plus pouvoir revoir les gens disparus ». Un vide.
Quand je servais la messe et que je portais la croix aux funérailles, je manquais toujours de m’évanouir, ce qui forçait le curé à me remplacer.
C’était dû à l’odeur, la senteur de la mort, car la mort a une senteur.