Radioactif 283
Radioactif 283
07 décembre 2007
Jacques Hébert.
Le Québec vient de perdre un grand homme. Jacques Hébert est le premier auteur dont m’a parlé mon père. Un homme courageux qui aimait la jeunesse, comme moi.
08 décembre 2007
Daniel Roberge.
Ce petit Daniel que j’ai tant aimé l’espace d’une journée physique et des années sous forme de fantasmes, d’expérience quasi extraterrestre, tant elle était merveilleuse, je ne l’ai jamais retrouvé.
Cependant, plusieurs années plus tard, certainement plus de dix, j’ai vu un article sur le meurtre d’un jeune prostitué de Montréal, qui portait le même nom. J’aurais voulu infirmer ou confirmer mes appréhensions à l’effet que ce jeune tant adoré était bel et bien le même. Je n’ai jamais pu trouver les informations nécessaires pour en avoir une certitude.
Quoiqu’il en soit, ce reportage m’a bouleversé. Si je l’avais retrouvé, qu’il avait su jusqu’à quel point je l’aimais déjà, peut-être que nous aurions vécu ensemble assez longtemps pour éviter ce meurtre?
Je savais seulement son nom parce que je lui avais demandé juste avant qu’il me quitte. Aie-je eu une certaine responsabilité sur la tournure des événements puisque je l’avais connu beaucoup plus jeune? Une question normale quand t’as vraiment aimé quelqu’un. L’aie-je aidé ou nui?
Que ce fut lui ou non, la sécurité des gens qui se livrent à la prostitution individuelle devrait être assurée, une chose impossible tant que les lois feront un crime de la prostitution. C’est en ce sens que je trouve que nos lois sur la sexualité servent davantage à délimiter les territoires de la pègre et protéger les droits du crime organisé qu’à protéger les individus qui se livrent à la prostitution comme si cela ne pouvait pas être un choix de vie.
Qui sommes-nous pour les condamner ?
08 décembre 2007
Séduire.
C’était pour moi, quand j’ai travaillé dans les bars de Montréal, la première fois que je me sentais désiré par des gars de mon âge ou plus vieux. Moi, qui m’avais toujours perçu comme un laideron; c’était une révélation, une expérience adorable. Je pouvais séduire moi aussi, même si j’étais laid. Autant j’en étais fier, autant cela me faisait peur.
Je n’aurais jamais accepté un rendez-vous avec un étranger où j’aurais dû aller en dehors d’un endroit public. Trop pisseux ! Mais mieux vaut être pisseux que de le regretter plus tard.
Pour la première fois, je me sentais voulu, désiré, déshabillé des yeux. C’est adorable. Un sentiment presque d’orgueil, une fierté; mais on m’avait aussi appris à me méfier des inconnus. Sans être complètement paranoïaque, une certaine prudence est toujours de mise. Ça peut peut-être paraître quétaine, mais c’est juste s’aimer un peu, juste assez pour ne pas chercher le trouble. On ne sait jamais quelle sorte d’individu te court après.
Ce n’est pas une question de moralité, mais de prudence. Il ne faut pas tenter le diable.
08 décembre 2007
La prostitution.
Quand j’ai participé à des ateliers sur les homosexualités pour expliquer ce que je suis, un pédéraste, mes amours avec les petits gars, l’organisateur, le psychologue Alain Bouchard avait pu obtenir aussi le témoignage de jeunes garçons qui se livraient à la prostitution. J’en ai retenu deux choses qui me semblent essentielles.
D’abord, si tu es hétéro, que t’aimes les filles, sois assez intelligent pour ne pas aller avec des gars et ainsi détériorer l’image que tu te fais de toi. Ta petite nature finira bien par te rattraper et si tu commences à te mentir et à t’haïr, tu ne pourras jamais être heureux. Si tu veux des gars, fais-le, mais avec des gens en qui tu peux avoir une confiance absolue.
Quant à la drogue, n’oublie pas que tu ne sais jamais si ton cerveau en souffrira.
Dans mon temps, c’était encore moins important. On jouait aux fesses avec des gens que l’on connaissait bien et les drogues n’étaient pas encore assez fortes pour te rendre débile, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
Tout ce que te procurait le pot, c’était de te sentir physiquement différent, de pouvoir ressentir une érection prolongée, mille fois allongée, et des éjaculations qui te semblent contenir tout le fleuve St -Laurent. Ça en finissait plus et ça t’arrachait littéralement le bas du ventre. Une maudite bonne sensation. C’était loin d’être mauvais à ressentir. Oh que non !
Mais je ne prendrais aucun risque aujourd’hui. On ne sait quel poison on te donnera, car tout ce qui compte, c’est que ça rapporte le plus d’argent possible. Pas besoin de drogue pour jouir.
Une chose qui m’étonnait aussi : quand tu entrais dans un club gai t’avais l’impression de devenir une livre de beurre dans un marché de margarine. On te mangeait littéralement des yeux.
J’aimais bien les cruising bar. J’y travaillais avec passion. Heureux d’enfin exciter quelqu’un.
08 décembre 2007
Tomber en amour.
Même si on avait toutes les polices du monde au cul, les prisons les plus inhumaines, si t’aimes le sexe, c’est ce qui l’emportera. Cependant, ce n’est pas une raison pour prendre des risques inutiles et de parfois même de mettre ta vie en danger. Le cul sans amour, ça ne vaut pas la peine. Ça va durer un petit bout de temps, puis tu t’en écœureras comme toute chose que tu as en trop grande abondance.
Tomber en amour, ce n’est pas pareil. L’amour, c’est d’abord le désir sexuel, un corps jeune et beau qui t’attire; c’est le désir qui te fait palpiter et sauter le moineau; mais pour être valable, ce désir doit se transformer en échanges. Il doit d’une certaine manière se spiritualiser et finalement, si c’est l’amour, ça te rendra encore plus créatif, plus heureux. Il engendrera des projets pour faire plaisir à l’autre.
Le but principal de la vie, c’est d’expérimenter, de connaître; mais c’est aussi de chercher le bonheur. Et, le bonheur ne peut pas exister si tu te méprises. Tout ce que tu fais, tu dois pouvoir le regarder plus tard avec le sourire et fierté.
J’ai aimé être un objet sexuel. De belles expériences! Sauf que ça peut toujours virer mal si tu ne connais pas ton partenaire, ce qui m’est arrivé une fois, plus tard dans la vie.
Je ne croyais pas que des malades pouvaient jouir à te voir souffrir.
09 décembre 2007
L’intolérance.
Ce qui survient maintenant est un exemple éloquent de ce que je déteste de la morale bourgeoise que l’on veut nous imposer au Québec.
On dépense des millions sous prétexte de combattre la prostitution (un moyen comme un autre de se sortir de la misère) et on n’est même pas capable de financer adéquatement les mouvements qui viennent en aide aux itinérants. On laisse un jeune de 21 ans mourir gelé sur un banc de neige.
Cette situation illustre la stupidité des valeurs que nous a inculqué le système, à coup de lavages de cerveau. La peur du cul est plus importante que la vie. Je n’ai jamais pu comprendre comment on peut penser ainsi. Ce n’est même pas chrétien.
Si on mettait les mêmes millions pour s’attaquer aux vrais problèmes, on n’aurait pas de gens qui meurent de froid durant l’hiver.
Si la prostitution individuelle doit être permise, pas question d’accepter le proxénétisme. Cela est une forme d’esclavage et le sexe ne peut être intéressant que s’il est non seulement non violent, mais consenti. Le sexe en dehors de la procréation doit être une plaisir d’où l’essentiel consentement.