Radioactif 266
Radioactif 266
26 Novembre 2007
La folie du péché.
C’était complètement fou de croire autant dans la religion, j’en conviens ; mais en même temps, j’étais le produit naturel d’un petit gars trop émotif et trop curieux pour se contenter de se faire dire que le sexe, c’est le vice absolu, le pire des défauts.
J’étais brisé. Aujourd’hui, on dirait qu’une telle dépravation ou tel comportement de notre société est impossible. C’est tout le contraire.
Avec les nouvelles lois religieuses de Harper, un gars de 18 ans précis qui aurait un rapport avec un autre garçon consentant de 15 ans et 364 jours pourrait être considéré comme un pédophile et être incarcéré comme je le fus à 20 ans. Plus malade, plus contradictoire avec les droits de la personne, c’est impossible.
Heureusement, qu’il y eut l’humour et d’une certaine manière, Madeleine, qui même si elle était très scrupuleuse ne pouvait s’empêcher de me rentrer dans un mur pour mieux sentir mon petit bâton trop élevé. Elle était aussi une personne brisée par l’idiotie des règles sexuelles de notre société.
Cette stupidité sociale m’a tombé dans l’œil encore plus, quand le père de mon amie Françoise décida de la faire interner, soigner de force, parce qu’elle était tombée en amour avec un Belge, je ne l’acceptais pas. Je souffre plus à voir souffrir un autre qu’à souffrir moi-même.
Par contre, le sourire du petit David illuminait ma vie et m’assurait que ce ne serait jamais dangereux avec lui. Son amour de se faire caresser me prouvait que l’amour est plus fort que l’idiotie.
Ainsi, une nouvelle force surgissait dans mes poèmes : Satan.
Je pouvais dorénavant dire son nom sans peur, même avec un peu d’admiration pour son audace. Il était parfois aussi hypnotique que dieu qui boudait toute forme de vie si elle était amusante. Je commençais à percevoir les contradictions.
26 Novembre 2007
La sainteté malade.
Je me demande si j’aurais ressenti aussi longtemps le besoin de m’affirmer pédéraste, si je n’avais pas fait de prison à 20 ans.
Une chose est certaine, j’en suis sorti plus fou qu’à mon entrée.
Il eut une période où je m’haïssais jusqu’à vouloir me suicider. Je me promenais avec des petits pois dans mes souliers, je priais les bras en croix et je me faisais des silices pour me dompter de mon vice.
Tu ne pouvais pas en parler sérieusement à personne. Sujet interdit à la maison. Et Dieu était sourd, il ne me donnait aucun signe que je changerais, bien au contraire, on aurait dit qu’il savait multiplier les tentations.
À l’école, tu ne trouvais aucun livre pour t’expliquer ce qui se passait en toi. Tu te croyais possédé par le diable. Tu te demandais pourquoi. Ce que tu avais fait pour mériter ça.
Les livres que tu trouvais prétendaient que l’homosexualité était une maladie mentale. À les entendre parler, juste à voir un sexe, les enfants étaient traumatisés à vie. Pourquoi étais-je aussi captivé par eux? Il fallait que je sois terriblement vicieux pour ne pas pouvoir y échapper. Les voir, c’était pour moi, comme percer un mystère, sauter un interdit qui m’empêchait de bien connaître le propriétaire d’une aussi belle âme. Cet amour me permettait d’entrer dans son âme par la jouissance qui animait ses yeux et son souffle tout au long de l’exercice.
Tout ce qui n’était pas procréation dans les saintes limites du mariage était un péché mortel et quand j’étais petit je ne voulais pas aller en enfer. J’en cauchemardais.
Mais, tout aussi fou, j’avais absolument confiance en Dieu : cette épreuve ne pouvait pas m’être infligée pour rien. La valse entre dieu et Satan. Le plaisir et la punition.
26 Novembre 2007
Daniel.
Puis, un jour, en m’en allant travailler, j’ai rencontré dans le métro un petit gars qui me faisait les yeux doux. Il ne pouvait sourire qu’à moi, nous étions seuls dans cette partie du tramway. Je lui manifesté mon intérêt et par signes nous avons vite convenu que nous nous plaisions.
Quand je débarquai pour aller au travail, il sortit aussi du train et vint me parler. Il voulait un peu d’argent. Nous nous sommes entendus de nous rendre dans un restaurant et plus précisément, à la toilette. Nous avons de là convenus de nous rendre à mon appartement.
C’était la première fois de ma vie qu’un rêve se réalisait jusqu’à ce point, plus réel que tous mes fantasmes. À la maison, il se déshabilla et complètement nu, il s’étendu sur mon lit et nous…
Après l’avoir embrassé, je réagissais comme si je l’avais tué tellement je me sentais coupable. Il rigolait de mes scrupules et bougeait le nez à chaque fois que l’on s’embrassait. J’avais peur de l’avoir amené avec moi en enfer. Je l’aimais déjà trop pour vouloir l’entraîner dans un mal qui le rendrait à jamais malheureux. Il partit en me promettant de revenir avec sa blonde. Il ne revint jamais.
Durant des jours, le l’ai cherché. Il s’appelait Daniel et il venait de changer ma vie.
À ma grande surprise, je reçus une lettre de Normandie. Je venais de gagner un concours de poésie et on viendrait me remettre les prix dans une cérémonie à Québec. J’y suis allé avec ma mère, un moyen de me faire pardonner d’être un abject cochon, comme je me percevais d’ailleurs.
Cette simple rencontre avec Daniel enflamma tous mes textes et c’est ainsi que j’écrivis Hymne à l’amour, le vice et la révolte. Je me disais que si on m’arrêtait, je pourrais le revoir, car il serait mon témoin à charge.
Plusieurs années plus tard, je lisais qu’un gars portant ce nom avait été tué en exerçant la prostitution. Était-ce lui? Une question qui m’a hanté.