Radioactif 87
Radioactif 87
28 Août 2007
La pauvreté.
En 1950-60, nous étions pauvres.
Nos écoles étaient de petites bâtisses carrées, chauffées à la truie et avec des toilettes extérieures. Les gars se faisaient une gloire d’avoir réussi à lancer une balle de neige aux fesses de telle ou telle fille.
Papa ne discutait pas avec ses enfants. On était trop jeunes.
Il aidait tout le monde de la paroisse sans qu’on le sache. Sa bonté l’a même forcé à devoir se rendre travailler au barrage, à Carillon, pour conserver le magasin qui ne suffisait pas à nourrir ses six gars et deux filles.
Même s’il m’amenait partout, j’avais l’impression qu’il ne s’occupait pas de moi.
Parfois, il levait la voix et ma mère se mettait à pleurer. Que je le détestais alors. Le temps m’a appris que parfois maman pleurait pour rien, la fatigue que voulez-vous.
Une fois, j’ai souhaité qu’il soit malade. Nous étions chez Pope à regarder les bœufs monter les vaches. On nous avisa que papa venait de faire sa première crise cardiaque. Je t’assure que je priais là, j’avais peur que ce soit ma faute. Que je m’haïssais.
À sa mort, j’ai cru faire une dépression tellement tant ça m’a affecté. On venait juste de commencer à être des amis sincères. Il n’acceptait pas que je sois pédéraste. Pour lui, un pédéraste c’était un pervers. Il pensait que j’étais trop intelligent pour vivre dans cette bassesse. Cela ne nous empêchait pas de nous aimer. On le sentait, même si on ne se le disait pas.
28 Août 2007
Mon père Émile.
Mon père m’a toujours étonné, même si on était parfois loin de se comprendre.
Politiquement, il était unioniste au Québec et Conservateur, au fédéral. À son avis, les mercenaires francophones à la Trudeau étaient encore pires que les Anglais. Plus hypocrites !
Ainsi, très jeune, je me suis ramassé dans bien des activités politiques avec lui : campagne électorale de Daniel Johnson, père, et de Barrette, le candidat du peuple avec sa boîte à lunch, prouvant que même un ouvrier pouvait devenir premier ministre.
J’ai été secoué par la mort de Paul Sauvé. Avec lui, je nous croyais capables de créer le pays du Québec, même si je n’étais pas rendu là dans ma réflexion. Je le ressentais.
Ça été la même chose avec la Thérèsa Gold Mines. Je me rappelais certaines activités que même maman avait oubliées. C’est ainsi que je lui parlai d’une pièce de théâtre, jouée à Lennoxville, dans laquelle il y avait des Indiens. Je m’en rappelais parce que j’avais été très déçu qu’il n’y ait pas de jeunes Indiens nus. La pièce avait été écrite par des gens de Magog.
C’était un souvenir assez précis, car j’ai retrouvé l’auteur à Magog quand j’ai fait mon enquête sur la Thérèsa vers les débuts de 1980.
7 juillet 2021
Mes parents ont été des êtres extraordinaires comme la majorité des humains. Papa s’est beaucoup investi dans l’aide de son prochain et surtout à la promotion de l’éducation.
Grâce à lui et les autres commissaires, Barnston fut la première école primaire à être construite au Québec. Avant, c’était les petites écoles de rang. J’ai demandé en référendum que l’école St-Luc fut renommée l’école Émile Simoneau, mais ce fut refusé. Quelle reconnaissance !
Mes parents n’ont pas eu à souffrir de mon amourajoie avant ma vingtaine, car c’était une réalité que je ne défendais pas encore et que je vivais en secret.
Jeune, je ne me suis jamais interrogé sur mes goûts sexuels. Je préférais les garçons, c’était clair comme de l’eau de roche. J’étais très curieux de savoir comment certains étaient physiquement constitués. C’était comme une obsession quand je les voyais; mais la très grande majorité de ceux-ci n’ont même jamais su que je me posais des questions sur la beauté de leur zizi.
Ce n’est qu’à l’adolescence, quand j’ai compris que se masturber c’était la même chose que se crosser, que j’ai commencé à me poser des questions quoique ce fût évident que pour les adultes tout ce qui approchait le mot sexe devenait les flammes de l’enfer et le bouquet de la perversité.
Toutes les lectures sur le sujet disait que non seulement c’était mal d’aimer quelqu’un de son propre sexe, mais que c’était une forme de maladie mentale. Ce n’est pas très encourageant pour commencer ta vie.
D’une manière, je n’arrivais pas à comprendre pourquoi un Dieu d’amour que j’adorais à tous les cinq minutes devenait du jour au lendemain celui qui t’a créé, mais qui t’as en même temps damné. Pourquoi étais-je ainsi? Je ne le voulais pas. J’ai combattu cette tendance du mieux que je pouvais dès que j’ai compris que c’était mal; mais comme aurait dit Mme G. « la petite nature est ce qu’il y a de plus fort en nous. »
Mes parents eurent à faire face à cette épreuve quand je fus arrêté pour la première fois. Ils ont voulu me rendre visite sur mon lieu de travail, un petit hebdo à Lac-Etchemin, quand ils ont appris que j’avais été arrêté pour des raisons d’ordre sexuel.
Ce fut un choc terrible. Est-ce que j’ai été responsable de la maladie de cœur et ainsi de la mort de mon père? Je ne saurai jamais quoique ce soit survenu beaucoup plus tard alors que j’avais eu la chance de renouer les contacts avec lui. Je sais que Papa aurait accepté que je sois homosexuel, mais pas amourajeux. J’ai ensuite passé ma vie à essayer de comprendre où est le mal dans l’amourajoie. J’en ai conclus que ce sont les religions qui ont inventé cette histoire pour dominer chaque individu.
Après la mort de mon père, j’ai fait un rêve dans lequel mon père est venu me dire que je n’étais pas si mal que ça. Il y avait un mur avec de drôle de couleurs. J’ai dit à mon père que c’était un mur de merde. Il m’a demandé d’avancer. C’étaient des arbres, puis des branches qui étaient recouvertes de diamants comme il arrive parfois avec le givre et mon père me dit que chacune de ses branches étaient un de mes amours.
Quand on s’est battu pour plus de justice pour les homosexuels, j’ai pris la défense extrême, soit celle des amourajeux en faisant mon coming out dans SORTIR. J’ai toujours écrit sur le sujet dans l’unique but de comprendre et de dénoncer que l’on croit que le sexe est plus important que la vie.