Journal intime 10
Journal intime 10
12 décembre 2019
Castration.
Bizarre! Je suis venu au monde à reculons. Deux hernies et un nombril qui refusait de se cicatriser. Comme si je n’avais jamais voulu vivre.
D’ailleurs, de mon enfance, je ne me rappelle que de sensations. La peur née de mes cauchemars et la douleur de mes maux de jambe.
J’étais un peu comme un autiste. Dans mon scénario, je me sentais isolé.
J’ai sans doute été marqué vers deux ans par la mort prématurée de ma sœur aînée d’une année, Ti-Pitou, comme l’appelait maman.
Une gardienne m’a raconté que l’on a dû me faire garder parce que j’essayais toujours de lui faire manger des bananes dans son tombeau. Je ne m’en rappelle évidemment pas, mais j’ai dû très profondément l’aimer.
Je me suis demandé bien plus tard, si la mort de ma sœur n’avait pas créé chez moi une peur bleue de la castration. Est-ce que j’ai cru que Mariette était morte parce que c’était une femme? Je n’en sais rien, mais cela expliquerait bien des choses.
À l’école, en première année, j’étais tombé amoureux de mon institutrice. Un jour, elle me garda en retenue puisqu’elle voulait comprendre ce qui se passait avec moi. J’étais debout devant elle, je balançais le pied, jusqu’à ce que lui crie : « toi, pis ton Camille, j’en ai assez! » Et, je suis parti en courant.
Fou! Probablement pas, mais j’étais déjà émotivement fragile. Je croyais tout ce que l’on disait.
Ayant appris que mon institutrice voulait se marier à Camille, je m’étais présenté chez le curé pour m’opposer à cette union. Ne disait-on pas que l’on pouvait empêcher un mariage pour de bonnes raisons. Je voulais simplement qu’elle m’attende parce que j’avais décidé que je voulais la marier.
À ma confirmation, j’ai dit à l’évêque qui nous demandait ce que l’on voulait devenir que je voulais être pape. Rien de moins.
La vie a été comme l’eau dans les chutes Morency. Une descente si vivante, si vertigineuse que je n’en ai jamais saisi le sens. Mais ce fut un merveilleux moment.
Le sens de la vie est une accumulation d’informations. Nous sommes individuellement une goutte d’eau de l’océan du savoir universel. Nous vivons pour raconter notre expérience particulière. Cela ne veut pas dire qu’il y a des gens pour nous écouter.