Thérèsa 13
Simoneau. Théâtre 28
Thérèsa 13
Mécontents de la tournure des événements, un petit groupe de mineurs commencent à se rencontrer dans de petites réunions de cuisine afin de discuter de la situation.
Quand l’abbé Corriveau l’apprend, il décide de faire son homélie sur la foi et l’espérance.
Il termine en disant qu’une dame lui a dit qu’un petit groupe de communistes s’agitent à la mine.
Abbé Corriveau
Devant une œuvre de Dieu, le diable ne peut demeurer indifférent. Il exhorte tout le monde à prier encore plus.
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Un après-midi, en prenant sa marche, l’abbé Corriveau croise une dame avec sa petite fille. Le vent soulève la robe de la petite. Le prêtre s’arrête. Il prétend que si tout va mal à la mine, c’est que la robe de la petite est impudique. Il fait remarquer qu’elle ne lui descend qu’aux genoux.
La dame est insultée. Elle entre chez elle en pleurs. Son mari décide de se rendre chez le curé pour lui dire sa façon de penser.
Il le trouve presque gelé au pied de son escalier, incapable de se relever. Il aide le vieux prêtre, mais ne lui dit rien avant de partir.
Mineur
Le diable lui a sauvé la vie.
Il se rend chez les Caouette.
Le mineur
Vous ne trouvez pas qu’on a assez de misère sans endurer les scrupules de l’aumônier. Il est en train de devenir fou à force de voir du mal partout. Le cul des autres le préoccupe autant que s’il avait 16 ans.
Caouette
Vous n’avez qu’à le laisser parler. Vous êtes assez vieux pour faire la part des choses.
J’ai beaucoup trop de préoccupations pour m’arrêter à tous ces détails.
Le mineur
La mine pourrait l’installer ailleurs. Il n’arrive plus à franchir les marches. Il les descend sur les fesses.
Une chance que je l’ai trouvé, il serait mort gelé en bas de ses marches.
Caouette
La mine n’a pas les argents nécessaires pour le loger ailleurs. On ne peut pas empêcher les gens de vieillir.
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Un dimanche après-midi, un groupe de mineurs se rencontrent chez Ferland. L’impatience est palpable.
1 mineur
Je commence vraiment à me demander si on n’est pas en train de se faire fourrer avec cette histoire de mine d’or. C’est vrai qu’on trouve beaucoup d’or, mais on n’en voit jamais les résultats.
2è mineur
Ça coûte trop cher d’opération. Personne ici ne connaît ça. Tu ne me feras pas croire que c’est normal de creuser un tunnel de trois pieds de haut pour aller chercher une petite de veine d’un pouce ou moins.
Le pire, dès qu’on l’a trouvée, on fait un pied et on la perd. Impossible de la relocaliser.
1 mineur
L’ingénier Cloutier m’a dit l’autre jour qu’il ne peut pas chercher où il veut. C’est Caouette qui décide. Il prétend que Ste-Thérèse lui dit où chercher.
3è mineur
Pour l’instant, on travaille comme des fous. Creuse pis creuse.
Pascal est encore retourné chez lui sur la dépresse. Il n’a pas arrêté une seconde. En as-tu vu de l’or, toi, aux 500 pieds ? Pas moi.
Caouette ne doit pas savoir ce qu’il fait et Cloutier ne peut rien changer.
Si la paye n’entre pas bientôt, je sacre le camp moi aussi.
1 mineur
De la patience, les gars, de la patience! Malgré tout, moi, je crois au père Caouette. Il a fait construire ce village-là pour nous. C’est autant dans son intérêt à lui que le nôtre que ça marche.
Le printemps est fini. Avec l’été, il va rencontrer de nouveaux investisseurs et la paye va entrer.
Cloutier est assez intelligent pour lui faire comprendre qu’on ne mène pas une entreprise avec des bondieuseries.
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Lors d’une réunion spéciale, le Dr Noël est nommé directeur.
Dr Noël (s’adressant à Caouette)
J’ai été nommé exprès pour vous surveiller de près. Je veux savoir si la mine est aussi riche que vous le dites.
Pendant que je serai là, je ne veux pas seulement entendre parler du bon Dieu. Je veux voir l’or. Il faut que ça puisse être mis en production le plus tôt possible.
J’ai un oncle, près de Boston qui est prêt à investir des centaines de milliers de dollars, si je lui garantis que la mine est un bon investissement.
Il est un ami personnel de l’archevêque qui se dit aussi très intéressé de s’embarquer par le billet de la Propagation de la foi, bien entendu.
Vous avez un an ou deux pour faire vos preuves. Pour commencer, vous devriez engager des contremaîtres qui connaissent les mines, pas d’anciens fermiers venus du Québec. On aurait peut-être plus de chance de rendre l’entreprise rentable.
Ces paroles ne tombent dans les oreilles d’un sourd. Deux semaines plus tard, trois mineurs de Timmins sont embauchés pour diriger les opérations. Les mineurs de la Thérèsa sont offusqués. Ils mijotent de faire la grève. Averti, Caouette rencontre un représentant des mécontents.
Fortin
Nous comprenons que vous ayez voulu avoir des gens qui se connaissent mieux en mine que nous, mais nous n’acceptons pas que ces nouveaux patrons nous engueulent en anglais. On est français et on veut travailler dans notre langue.
Caouette
Les consignes sont claires. Ils ne peuvent parler anglais qu’entre eux.
Fortin
Ou avec vous et ceux de votre famille.
Nous trouvons ça méprisant de vous entendre baragouiner dans une autre langue dans notre dos, comme si vous aviez quelque chose à nous cacher.
Caouette
Écoute bien Fortin. Ici, on est en Ontario. On vit selon les lois de l’Ontario et je me fiche éperdument dans quelle langue je deviendrai riche.
Fortin
C’est justement là que le bas blesse… La Thérèsa a été créée pour devenir un village catholique et francophone dans une mer d’anglophones. Pour donner en exemple la beauté du catholicisme et de la langue française.
C’est ce que vous nous avez toujours dit.
En remettant la direction de la mine entre les mains d’Anglais, vous trahissez l’essence même de la Thérèsa.
Caouette
Qu’est-ce que t’en sais? Vous êtes tous francophones à ce que je sache … même les contremaîtres! Ce n’est pas parce qu’ils parlent anglais qu’ils sont Anglais.
Fortin
La règle est claire. Le travail, c’est en français. Pas de cachette. Ce n’est pas parce que tu parles la langue des colonisateurs que tu es supérieur aux tiens. T’es juste sur le point d’être un vendu de plus. L’assimilation, c’est comme ça que ça se fait par petites étapes.
Mais, on n’est pas là pour discuter de l’avenir de notre nation, s’il en reste un, avec tous les vendus et les arrivistes qui veulent devenir millionnaires même au coût de leur culture.
Tout ce qu’on a à dire, c’est que la prochaine fois qu’on se sert de l’anglais pour nous engueuler ou nous cacher ce qu’on devrait nous dire, c’est la grève.
Caouette réalise que cette fois c’est sérieux. Si les mineurs mettent leur projet à exécution, comment pourra-t-il justifier le projet et la situation aux actionnaires qui viennent tous du Québec et dont la plupart sont de fervents nationalistes ?
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Les Caouette se rendent à Drummondville, au Québec, pour assister à une réunion du Club Thérèsien. Les investisseurs sont toujours très nombreux et toutes les rencontres sont de type familial.
Les organisateurs pensent aux femmes, en organisant une cérémonie religieuse et aux enfants, en créant des compétions sportives.
À Drummondville, on a même invité le grand Antonio pour tirer un autobus avec ses cheveux.
Dans son discours Caouette dénonce l’infiltration de communistes tant à la mine que chez les investisseurs. Il parle même de sabotage. Il fait appel à la solidarité et à la foi dans la divine Providence.
Les dirigeants du Club Thérèsien sont assis à l’écart.
Robidas
Qu’est-ce que cette histoire de communistes ?
Leblanc
C’est comme les péchés. Une nouvelle invention pour culpabiliser ceux qui doutent. Tu ne penses pas comme Caouette, t’es un communiste.
Émile Simoneau
Invention ou pas, c’est le début de la fin.
Nous, les Canadiens-français, n’avons jamais su nous tenir d’un bloc comme les Juifs et les Anglais. Faut toujours qu’on se divise et c’est pour ça qu’on se fait toujours botter le cul.
On a deux gouvernements. Pourquoi? Parce qu’on a deux bandes de bourgeois à nourrir. La première croit qu’on ne peut rien faire sans les Anglais et tètent Ottawa pour créer leur petit royaume.
Puis, il y a ceux qui pensent qu’on peut s’en sortir mieux si on est seul et assez responsable pour s’occuper de nos affaires.
À qui penses-tu que ça profite que l’on soit toujours divisé ainsi? On peut bien être pauvre… on se fait voler par deux niveaux de profiteurs.
Reste à savoir si ceux qui mènent le font pour notre bien ou pour leurs poches. Si on veut survivre, je suis bien d’accord qu’il faudra apprendre à se serrer les coudes.