Thérèsa 10
Simoneau. Théâtre 25
Thérèsa 10
Le soir, tout le monde est convié à une assemblée spéciale. Mgr Lambert et M. Caouette distribuent les payes.
On décide de danser un peu. L’institutrice va chercher son magnétophone et ses disques. Mgr Lambert se révèle le roi de la grande valse.
M. Caouette en profite pour faire remarquer à son épouse, durant un «slow», que Mgr Lambert a les mains bien agriffées aux fesses de l’institutrice.
Mgr Lambert couche chez les Caouette où, le matin, il dit sa messe sur le bord du foyer.
Mme Caouette lui demande si le slow n’est pas une danse diabolique étant donné la façon dont les femmes sont prises par les hommes.
Mgr Lambert est catégorique : les péchés d’impureté n’existent que s’ils sont faits sans le consentement de l’autre.
Mme Caouette affirme n’avoir jamais entendu dire ça.
Mgr Lambert essaie de lui expliquer qu’un péché existe que si on est conscient, Il y a péché que s’il est accompli dans le but spécifique de mépriser Dieu.
Mgr Lambert
C’est bien normal qu’il y ait tout un éventail de points de vue, selon que l’on est plus ou moins scrupuleux.
Rares sont ceux qui méprisent Dieu puisque Dieu, c’est l’Être suprême, celui à qui on doit tout. Donc, d’une certaine façon, les péchés mortels n’existent pas à toutes fins pratiques.
Mme Caouette (sèchement)
Pour moi, un péché, c’est un péché.
Mgr Lambert
Un esprit qui refuse de s’ouvrir pourrit vite d’asphyxie. Cette stagnation tue l’âme. L’âme ne peut pas se nourrir que de pourriture, d’absence, de vide, de pseudo-péchés. Elle a besoin de mouvement, de vie, de liberté et d’amour. Ce sont tous des synonymes.
Le péché, ce n’est pas une caresse, un geste d’amour. Le mal, c’est l’absence de l’amour.
Mme Caouette
On ne doit pas avoir la même religion.
Mgr Lambert (cinglant)
Tout fanatisme, tout intégrisme religieux est condamnable et méprisable quelle que soit la religion. L’essentiel est d’aimer Dieu et son prochain.
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Le lendemain soir, Mgr Lambert se rend chez les mineurs célibataires. Ces derniers sont à se raconter des histoires cochonnes quand il arrive. On peut sentir partout le malaise des hommes quand ils l’aperçoivent.
Mgr Lambert
Pourquoi ne continuez-vous pas? Vous pensez que je suis trop niaiseux pour les entendre. Tiens. Je vais vous raconter l’histoire d’un gars qui veut se marier…
À la fin, tous rient comme des fous.
Ephrem
Êtes-vous capables de m’expliquer Monseigneur pourquoi tous les membres du clergé en Ontario sont ouverts, aiment faire des farces, même grivoises, alors qu’au Québec, le clergé est complètement constipé.
Emmanuel
Au Québec, le clergé mène tout le monde par le bout du nez. Ici, ils auraient trop de misère. Alors, il nous donne un peu de liberté pour nous garder. Je les vois mal dire à un bûcheron qu’il n’a aucune chance de salut parce qu’il sacre ou qu’il boit.
Le clergé partage le pouvoir avec les bourgeois. Au Québec, Duplessis mange dans la main du clergé. Le système, c’est la pire des mafias parce qu’il permet à la bourgeoisie de se nourrir légalement, en exploitant le peuple, en lui faisant croire que c’est son bien. Par contre, aucune force n’est aussi grande qu’un peuple uni, comme une famille unie. Si les plus forts veulent être respectés, ils doivent respecter les plus faibles.
Regarde les Caouette, ils sont pires que les curés. Sa femme surtout. L’été, le chapelet à tous les jours devant la statue. C’est exagéré. Et, ne t’en fais pas, ils ne vivent pas dans la misère.
Caouette est comme tous les hommes. Il s’imagine avoir du pouvoir, mais le vrai, le seul boss, c’est sa femme. Elle le mène par le bout du nez et, lui, pour l’avoir, elle, il accepte de ne plus exister.
Mme Caouette étant le scrupule incarné, Caouette l’est aussi.
Ephrem
C’est bizarre pareil. S’il y a quelqu’un qui se fait écraser dans la Bible, c’est bien les femmes. Pourtant, elles sont les premières à revendiquer qu’on vive comme des eunuques. On dirait qu’elles ne peuvent pas s’accepter comme êtres sexués. Juste le mot cul les rend malades … Comme si elles ne jouissaient jamais. De vraies psychoses ambulantes. Toujours paranoïaques, dès qu’il y a un homme autour … Elles sont devenues tellement folles qu’on ne peut même plus faire une farce cochonne s’il y a une femme autour.
Mgr Lambert
Elles ne sont pas toutes comme ça, sinon elles auraient déjà un contrôle absolu.
Être trop scrupuleux, c’est plus gravement malade que pas assez. Cela signifie qu’on accepte que d’autres définissent pour nous ce qui est bien ou mal ainsi que notre raison de vivre.
Ephrem
Si tous les curés étaient comme vous, peut-être que la vie serait plus endurable. Mais, il y a toujours les purs de la tolérance zéro et automatiquement de l’intelligence zéro.
Des hommes et des femmes qui ne vivent que pour la beauté de leur corps et la force de leurs muscles, tout en ayant un esprit borné. Ce sont des gens incapables de se développer l’esprit. Ils ne sont pas foutus un brin de comprendre combien il serait paradisiaque de vivre dans un monde de tolérance.
Vivre et laissez vivre. La vie privée est sacrée tant qu’elle respecte l’autre.
Mais avouez que si tout est péché, c’est plus facile de contrôler le monde, n’est-ce pas? Plus il y a de règles, plus il y a de chances qu’un grand nombre les transgresse. La culpabilité, c’est le germe de l’esclavage, du colonialisme.
David
Tu vas un peu loin, mon gars. Dieu, dans sa sagesse, ne nous a pas donné ses
commandements pour rien.
Éphrem
Dieu est un esprit. Quand il dit comment agir avec notre corps ou nos sentiments, il parle à travers son chapeau ou plutôt les curés parlent pour lui. On lui fait dire, ce qu’il n’a jamais voulu dire.
J’ai bien de la misère à croire qu’il soit aussi écœurant qu’on nous le montre dans la Bible. D’ailleurs, toute les Églises sont multimilliardaires.
Mgr Lambert
En fait, il n’y a qu’une seule règle vraiment importante. Aime-toi comme tu aimes ton Dieu et aime ton prochain comme toi-même pour l’Amour de Dieu. Dieu est amour. C’est ça, l’essentiel.
Mgr Lambert retourne chez les Caouette avant de quitter la mine.
Mgr Lambert (aux Caouette)
Si j’étais vous, je me méfierais d’Éphrem. Il comprend trop vite. C’est un gars dangereux.
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Le mineur qui va chercher la boisson s’engage sur la rivière.
À un moment donné, la glace se rompt et il s’enfonce avec son chargement dans l’eau.
Heureusement, un de ses camarades l’entend crier et le sauve. Il l’amène dans une famille à Longlac pour se sécher et y passer la nuit.
Le lendemain matin, puisqu’il n’est pas entré, c’est la battue générale pour le retrouver. La recherche est complétée quelques heures plus tard, grâce aux traces retrouvées dans la neige et sur la glace. En voyant le trou, on le croit mort. C’est la tristesse au village.
Le midi, il arrive avec son ami sauveteur. C’est la consternation à la mine.
Caouette s’informe. Il a des doutes, avant même que les commères aient ouvert le bec.
Caouette
Que faisait un mineur dans le bois au coucher du soleil ?
Les mineurs décident de cacher aux Caouette que celui-ci achète de la boisson pour toute la communauté, personne n’a le droit de boire comme l’exige un gros actionnaire, les Lacordaire.
Les femmes, réunies pour laver leur linge dans un coin de la salle commune aménagée à cette fin, prétendent que cet accident est un avertissement divin. Un homme saoul, c’est un batteur de femmes potentiel. Elles décident d’en parler aux Caouette.
Il est évidemment expulsé sur le champ, même si avant de monter à la Thérèsa, il a vendu sa ferme.
Il vendait la boisson pour améliorer le sort de ses sept enfants. Il sait d’où vient la dénonciation. Il est furieux.
Avant de partir, il se rend à la salle des lavages voir ces dames.
Mineur (furieux)
Vous êtes de belles salopes avec vos grandes langues sales !
Vous pouvez bien vous grattez le cul sur les bancs de la petite chapelle à tous les matins, je suis certain qu’un jour vous aurez à payer pour tout le mal que vous avez fait à ma famille.
Solange
Tu n’avais qu’à suivre les règles. Nous avons fait notre devoir. Quand on est montées ici, ce n’était pas vivre en enfer. Ici, ce sont les femmes qui mènent, même si on est que quelques-unes.
Mineur
Un jour vous paierez pour votre manque de charité. Des âmes pures comme les vôtres, ça salit la beauté de la création par leur présence. Vos langues, vos sales langues, mangeuses de prochain, ce doit être pour ça qu’Êve a été chassée du paradis. Comment peut-on vivre dans une société assez débile pour encourager de se couillonner ?
Quand j’étais petit, un «stool», c’était un sale. Ça demeure un sale, que ce soit un homme ou une femme. Un «stool», ça mérite d’être exclus de tous. C’est de la pourriture ambulante. Il n’y a que la police, une race foncièrement obsédée par le crime, et les féminounes, une race foncièrement paranoïaque, qui peuvent rêver d’une société où les mouchards ont une valeur quelconque… Un mouchard, ça vaut moins que de la merde.
Vous pouvez continuer de bouffer votre prochain, d’avoir peur de tout ce qui est mâle. J’ai compris, moi, que les hommes n’existent plus dans la structure de certaines familles, l’état les a supplantés comme pourvoyeur.
Maintenant, il suffit de remplacer l’homme comme géniteur et vous aurez votre pouvoir tant recherché : le pouvoir absolu.
L’homme n’aura plus d’espace à occuper. Ce sera la dictature du matriarcat. Voilà longtemps que j’ai compris.
Votre système crée des lois sachant qu’aucun homme digne de ce nom ne pourra les respecter à cent pour cent. Vous culpabilisez celui qui les enfreint afin que les hommes justifient eux-mêmes leur sentence. Ils deviennent leur propre prison. C’est habile.
Mais, vous échouerez parce que vous n’avez jamais su accepter qu’un humain ait un corps. Vous serez des anges déchues tant que vous n’aurez pas compris cette vérité de la nature. Une vérité que le patriarcat a su exploiter avant vous, mais contre vous, en inventant les modes.
Les femmes ne seront pas libres et heureuses tant qu’elles n’auront pas échappé à ce que le patriarcat avait créé pour les emprisonner : le péché de la chair et la femme tentation.
Notre société ne saura pas survivre, si elle ne comprend pas qu’il faut abolir ces deux modes d’esclavage pour en arriver à une égalité entre l’homme et la femme, à l’indifférenciation des rôles, des sexes afin de vivre un véritable partenariat.
L’Homme, avec un grand H, est sur terre pour être heureux …
Solange (s’approche et parle à voix très basse)
C’est pour ça que tu dois disparaître de notre communauté. Tu as compris, le pouvoir de chantage qu’auront dorénavant les femmes. Bientôt, il n’y aura que les femmes au pouvoir avec leurs hommes qui se prennent pour des femmes.
Les vrais hommes seront totalement bannis, annihilés, INEXISTANTS, de la structure familiale. Vous devrez vous trouver d’autres trous.
Solange
Que tu le veuilles ou pas, tant que la femme contrôle l’éducation des enfants, c’est elle qui a le pouvoir de transmettre la culture qu’elle veut. Tu pars parce que t’es un danger pour nous, les femmes.
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