Thérèsa 4
Théâtre 19
Thérèsa 4
La Thérèsa. Le film.
INCIPIT
1-
On entend frapper à la porte. Maggie ouvre, une tasse de café à la main. Elle a juste le temps de se tasser pour laisser passer Ti-Jean.
Maggie
Mon Dieu! T’es bien excité. Qu’est-ce qui t’arrive ?
Ti-Jean danse sur place. Il est fou comme un balai.
Ti-Jean
J’ai été accepté! Accepté!
Maggie
Accepté où ?
Ti-Jean
Au Conseil des Arts… J’ai une bourse pour enquêter sur la Thérèsa Gold Mines. Tu sais la mine en Ontario dans laquelle mes parents ont investi dans les années 1950.
Maggie
Faut fêter ça. Comment vas-tu t’y rendre?
Ti-Jean
Sur le pouce. Même avec une subvention, je dois faire attention à mes dépenses. J’ai même trouvé un vieil enregistrement d’un bulletin de nouvelles de Radio-Canada sur la mort du président de la mine, M. Alphonse Caouette.
Maggie
Amène ça tout de suite, qu’on écoute ça au plus vite.
La télévision
M. Alphonse Caouette s’est éteint, hier, à la suite d’un cancer. M. Caouette, on le sait, a été le président fondateur d’une petite mine d’or, à Longlac, dans le Nord-Ontario, au début des années 1950.
Même si la Thérèsa Gold Mines a été abandonnée après une faillite, il y a quelques années à peine, cette petite mine d’or a permis que le Nord-Ontario devienne, grâce aux structures politico sociales mises en place par le clergé, le plus grand foyer francophone hors Québec.
M. Caouette avait aussi fait sa marque par son attachement aux autochtones de cette région, ce qui explique une aussi grande présence de ceux-ci à ses funérailles.
Ce personnage légendaire est né à St-Ignace, au Québec. Avant d’être président de la Thérèsa, M. Caouette était contremaître à la compagnie de chemin de fer Canadien National, en Ontario.
Avec la mine, il voulait en collaboration avec les plus hautes autorités religieuses de la région, créer un endroit réservé exclusivement à des mineurs catholiques et français afin de prouver aux Canadiens anglais que les Canadiens français ne sont pas des saoulons et des sacreurs. Quant au clergé, il rêvait de la reconquête du Canada par les francophones
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2-
On revoit Ti-Jean dans une automobile avec un vieux monsieur.
Conducteur
Qu’est-ce que tu fais par ici? Des pouceux n’y en a pas des tonnes dans le coin. Trop dangereux de se faire manger par les mouches…
Ti-Jean
Je viens faire une recherche sur une vieille mine du Nord-Ontario : la Thérèsa Gold Mines.
Conducteur
Je ne connais pas. Pourtant, je connais l’histoire de mon coin. Savais-tu qu’autrefois, vers les années 1940-50, les Canadiens-français avaient un grand projet de création d’un nouveau pays? On voulait l’appeler l’AURORA. Il aurait inclus le Nord-Ontario jusqu’aux Basses-Laurentides. C’était un projet de l’Ordre de Jacques-Cartier, la Patente. Ça te sonne une cloche? L’Aurora était une autre version de la Laurentienne du curé Labelle.
Le plus drôle, on voulait exclure Montréal. Une ville, c’est le vice, les étrangers, l’infâme.
Ti-Jean
Ne connais pas.
Conducteur
Dommage. Ça aurait été un bon sujet. Qu’est-ce que tu vas faire avec l’histoire d’une mine qui n’a même pas réussi? Pour intéresser les gens, il faut du sang et du cul.
Ti-Jean
J’aurai qu’à trouver moyen d’en inventer.
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3-
Ti-Jean arrive à Longlac. Même s’il est 20 h 30, il ne fait pas encore noir. Il se rend seul au restaurant francophone de la place. Des vieux sont assis dans un coin, dégustant une bière, alors qu’un groupe d’Indiens sont installés dans l’autre coin.
Serveur
Boire ou manger? Je ne t’ai jamais vu dans le coin.
Ti-Jean
Je viens de Montréal. J’enquête sur l’histoire d’une vieille mine : la Thérèsa.
Serveur
Je ne la connais pas.
Ti-Jean prend son café. Son sac à dos est sur une chaise et sa caméra sur la table. Un jeune Indien arrive.
Jeune Indien
Tu vas à la chasse? Chanceux! J’aime ça partir dans le bois, surtout que cette année, il n’y a presque pas de mouches pour te dévorer les oreilles.
C’t’as-toi, la caméra? Prends ma photo.
Ti-Jean accepte. Il prend ses affaires et sort pour prendre la photo.
Ti-Jean
J’enquête sur l’histoire d’une vieille mine. Je sais qu’il y avait des Indiens, car dans les films que l’on nous montrait, il y avait toujours des Indiens. Mais tu ne peux pas le savoir, t’es trop jeune.
Jeune Indien
Mon grand-père la connaît sûrement. Il était le chef de notre tribu à cette époque. Si tu veux, je t’y amènerai demain. Où restes-tu? Je vais dormir chez toi.
Ti-Jean
Il faut le demander à tes parents.
Jeune Indien
Impossible. Ils sont partis à la pêche. Y a des tonnes de dorées dans les lacs ici.
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4-
Ti-Jean et le jeune Indien regardent la télévision dans une chambre. Le jeune Indien se prend une bière dans le frigidaire de la chambre.
Ti-Jean
Qu’est-ce que tu fais là? T’es bien trop jeune pour boire.
(Fastfoward)
Le jeune Indien fait comme si Ti-Jean n’existait pas. Il consume quatre bières durant le film. Tout à coup, il se lève, se déshabille flambant nu et se jette ainsi sur le dos dans le seul lit de la chambre. Ti -Jean le regarde. Ferme la TV. Il se couche tout habillé près de lui. Le lendemain matin, Ti-Jean est réveillé par le bruit de la douche. Le jeune Indien reprend ses vêtements comme si de rien n’était.
Ti-Jean
C’est dans vos mœurs de coucher nu?
Jeune Indien
Non, mais c’est plus confortable.
Ti-Jean
T’as pas honte?
Jeune Indien
Honte de quoi? Pourquoi? Personne ne vient au monde habillé. Et, t’es un gars à ce que je sache.
Ti- Jean
Mal, c’est mal !
Jeune Indien
Quel con t’a fait croire une telle imbécilité? Les péchés ont été inventés par vos religions pour vous contrôler. Les religions vous lavent le cerveau. Elles vous font croire ce qu’elles veulent bien parce que vous chiez dans vos culottes à la pensée de mourir un jour et d’aller en enfer.
T’es bien comme les autres blancs. Un hypocrite. Vous tuez sans remords tous ceux qui sont différents de vous sur la planète, mais vous vous culpabilisez dès que vous voyez un sein ou une queue en liberté… Bande de malades!
Ti-Jean
T’as sûrement raison… Péché pas péché, t’es sublimement beau à regarder.
Ti-Jean et le jeune Indien partent pour la réserve afin de rencontrer son grand-père. Un des premiers témoignages sur une centaine qui expliquera vraiment ce qui s’est passé.
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