Xénéphon 1
Xénéphon 1
Xénéphon: la vache révolutionnaire
Il y a des guerres pour créer des frontières. Des frontières, des divisions, des catégorisations, pour empêcher les hommes de s’aimer; car si tout me monde s’aimait et s’entraidait, ce serait la catastrophe pour les capitalistes, communistes, exploiteurs de tout acabit : il n’y aurait plus de guerre.
La vie aurait fait peau neuve. Il n’y aurait plus de misère.
Aujourd’hui, la vie est comme un bol de navets. Rouge. Elle ne coupe jamais la faim. Tu dois en manger, car si tu t’obstines à la refuser, nous pourrions te soupçonner de ne pas aimer les marinades.
Que veux-tu? Nous n’avons qu’une vie à vivre. Il faut la vivre jusqu’au bout… Aime ça ou pas!
Tu te réveilles un bon matin… avec le soleil… autour de toi… dix affamés de soleil… et pourtant il n’y en a qu’un.
Tu regardes en haut : deux bidons de lait. Formidable! Mais tu ne les a pas encore touchés qu’un grand maudit vienne te crier:
— Tu ne laisseras pas ce petit monstre te tâtonner! C’est fini. Tu bois du lait en conserve.
Ce n’est pas grave. Monter, descendre, avancer, reculer, c’est ridicule. La vie est une spirale.
Tu grandis. Tu ne peux pas t’en empêcher. Tu désires faire des enfants. Tu as mûri, tu as durci. Tu te trouves très important : tu fais des choses que tu ne pouvais pas faire avant.
Par exemple, tu te lèves à huit heures le matin. Pas une minute de plus. Tu serais en retard à l’usine. Jusqu’au jour où les patrons se rendent compte que tu es en retard sur les machines. Ils te congédient. Ils te remplacent par une machine. Tu ne dis pas un mot. Tu seras plus important. Tu seras un assisté social. C’est la seule profession où l’homme à sa place et ne peut être remplacé. L’homme est un embarras pour ceux qui veulent faire plus de profits. Il veut toujours être payé davantage comme s’il participait à une couse avec le coût de la vie.
L’homme congestionne l’économie avec son idée de partage!
Les journaux le crient tous les jours. Les autorités perdent la tête et te vendent leurs usines à l’enchère. Tu es devenu un oiseau migrateur. Tu recommences jusqu’à ce que tu aies ton voyage. Tu t’inquiètes. Tu te demandes pourquoi on n’a pas encore songé avant : de ne créer que des machines… Tu pourrais te mettre le derrière à l’eau et te la couler douche durant que les industriels paieraient les impôts.
Mais non, il faut encore travailler. Ce doit être la faute de dieu. Il ne peut pas se passer de sacrifice.
Tu prends une bonne dose de drogue et tu te promènes. Tu rencontres toutes sortes de gens. Xénéphon, le premier, le brave d’entre les braves.
La semaine passée, il s’est levé dans une assemblée. Il a dit à tous les assistants :
— Je suis écœuré…
C’est un avant-gardiste. Il s’est rassis et il n’a pas dit un mot depuis. Il ne sait pas pourquoi il est écœuré. Il n’a plus rien à dire. Il est dépassé.
Xénéphon a bien voyagé… dans le temps… c’est un bouddhiste. Il a vécu plusieurs vies. L’autre jour, il racontait sa plus belle expérience : celle de vache sacrée.
Il demeurait alors à Bombay. Xénéphon se promenait dans les rues comme un roi. Vache orgueilleuse et un peu malicieuse, il s’emmerdait de ne jamais avoir de problème ou de ne jamais jouer de tour aux autres.
Il entra dans un grand magasin et s’amusa de jeter par terre toutes les étagères. C’était un magasin de fusils. Le propriétaire était à genoux devant lui :
— Beau Xénéphon, je t’en prie par tous les dieux, va faire ton carnage ailleurs.
Xénéphon rigolait. Il avait antérieurement vécu en Amérique. Dans le temps, il était chrétien et croyait dans la puissance humaine.
L’homme était à genoux devant lui/elle, un homme réincarné en vache, qui posait comme une belle vache.
Xénéphon était un dieu éveillé, c’était toute la différence. Xénéphon savait très bien que le pauvre marchand serait trop bête pour lui tirer dessus. Il s’est retourné, il a levé la queue et il est reparti en lui disant :
— Toi, mon vieux, tu ne peux pas en faire autant.
Xénéphon avait la tête dure. Il voulait absolument libérer son peuple de la religion.
Il s’est rendu rue Principale, rencontrer ses compagnes.
— Mes amies! Vive la révolution! Vive les Indes libres! L’humanisme vaincra. Et cessera mon pi d’être délaissé. Et, de la chaleur manuelle s’envolera ma vessie-blocus-manus comme le froid sibérien, sous le contrôle automatique des fournaises de l’enfer.
Toutes les vaches se sont agitées. Plusieurs ont promis de le suivre dans sa révolution. Xénéphon avait parfois des allures de bœuf.
Xénéphon s’engagea dans la rue. Il était fier. Soudain, par intuition, il s’est retourné… il était seul. Pas une maudite vache n’avait grouillé.
Xénéphon était en maudit.