Mario 4
Mario 4
J’ai vécu avec les mutants. Ils m’ont appris à parler.
Les mutants étaient d’éternels enfants venus d’on ne sait de quel univers. Ils avaient emprunté des corps de gamins pour jouer avec nous et parfois, comme les chiens, ils nous guidaient dans d’étranges univers. Je me rappelle d’eux une chanson :
Crachez sur cette société
Exigez d’elle tout ce qui est possible.
Hors la mort toute frontière est abolie
Voyez et créez le monde comme le voient les enfants.
La terre a dans ses veines des champs sans clôture
des montagnes droites comme des falaises qui attendent l’escalade
dans son sein des prairies plus riches que les palettes au soleil
sous son masque des enfants qui regardent qui écoutent
des enfants qui se donnent la main et s’embrassent sans rougir
des enfants qui n’ont pas encore compris que la survie exigera
« la mort »
Les enfants pour manger ne deviennent-ils pas machines?
Les enfants présents abdiquent la connaissance pour le savoir
ils perdent l’égalité primitive et se sectionnent
ils se divisent se décomposent accordant aux organes pétrifiés
des étiquettes de valeurs, des jugements et des choix
« Société de décomposition »
Au nom de la morale, de la jalousie et de la possession
les jambes roses des gamins sont arrachées des champs
leurs lèvres écumantes sont à jamais soudées
leurs corps allègres sont brûlés, sacrifiés
« Société désincarnée »
pour sauver l’esprit la chair est mise à mort
pour nourrir l’esprit le corps est incendié
animaux voraces, sans visage, comme des usines
» Société dépravée »
Nous voulons pour les enfants qui verront l’incroyable
d’un monde où l’âme sera le corps, où le corps sera l’âme
un monde sans possession, un monde de relatif
un monde sans main, un monde de baisers
« Monde de la communion »
où boire à l’Être sera l’ineffaçable présent.
Ère de la beauté du corps enfant, du feu de l’âme.
Les mutants riaient de me voir tendre l’oreille sans paraître absorbé par ce paysage qui déjà poussait en moi ses longues herbes. J’ai été élevé dans ce paradis de liberté à travers les lances funèbres de mon entourage. J’ai vécu jusqu’à dix ans dans ce paradis qu’avec la haine on me dérobe. J’ai chanté l’unique préface qui réveille à la Liberté. Cette préface, taillée dans le verre et qui, à compter de ce jour, marquera le Temps du début. Pour l’instant, je m’enfonce dans le miroir de notre mort-prison pour créer à trois l’Amour. J’avais tant de choses à dire auparavant, je les ai criées. Maintenant, le verre est brisé et file le temps de l’alchimie du verbe. Je voyagerai quinze ans dans ton âme. Un voyage qui vaut bien tous les voyages à la lune.
Le temps du réveil aura été brutal. Ce n’était plus un jeu d’enfant, mais la triste réalité des adultes où l’amour est condamné. D’ailleurs, chez les adultes, un enfant est toujours coupable d’une désobéissance quelconque.
Mario! Mario! Je t’aime. Je ne t’ai pas trahi. Pourtant, les vaches gueules de vipères avaient réussi à répandre en moi le doute de ma propre identité. L’innocence de mon enfance coule entre leurs dents comme un fleuve de sang. De l’enfant que je suis, on a fait un monstre… ils ne savent comprendre que je suis endormi à toutes leurs réalités terrestres. Je suis le voyageur spatial qui s’entraîne dans la cour de l’arrière-boutique, chez lui, dans son propre univers de beauté et de drames. Je suis à jamais cramponné à mes rêves et la sueur du jour m’étouffe quand je sors.
Qu’importe! Pour les adultes, je suis un monstre et leur seul intérêt est de me le faire croire.