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Un sourire venu d’enfer 17

novembre 3, 2020

Un sourire venu d’enfer 17

Autobiographie approximative

Page  126 à 133

Cette saga, d’une manière, faisait l’affaire des deux parties. En ayant un tel dossier, je pouvais accuser la Tribune et prouver ce dont je l’accusais. Pour le journal c’était la chance en or de se débarrasser de moi sans que personne ne le sache. Il ne le publierait certainement pas.

Sur le plan politique, la gratitude n’a pas tardé.

Plusieurs péquistes me trouvaient trop radical. Certains, même s’ils étaient très rares, me croyaient un agent provocateur à cause de mes envolées au profit de la pédérastie, de mon amourajoie. L’un de ces derniers est même venu me voir pour me dire : « Qu’allons-nous faire de toi? Si, au moins, tu lâchais les petits gars.»

Belle mentalité ! C’étaient ceux que j’appelais mes faux prêtres. Ils toléraient que je conteste tout, sauf la religion. En étant plus catholiques que le pape, ils étaient incapables de voir vivre un autre individu plus librement qu’eux, surtout pas un pédéraste.

Ce n’était tout de même pas de ma faute si j’avais réussi à sortir de leurs malaises existentialistes. À force de défendre la pédérastie, j’en étais devenu fier.

Aucune révolution ne réussira tant qu’on n’aura pas le courage de rejeter notre façon d’aborder la sexualité. Même la gauche est trop bornée pour voir la nécessité de réajuster le tir.

Les faux révolutionnaires ne voient pas les liens entre les religions et l’état pour maintenir les Québécois dans le joug du Canada. Le respect d’une autorité qui nous ment est à l’origine de notre aliénation.

L’Église ne prenait plus parti pour un clan politique comme à l’époque de Maurice Duplessis. Elle était devenue plus hypocrite. Son rôle, tout particulièrement dans les Vauxcouleurs (Estrie), demeurait tout aussi néfaste. Il se manifestait surtout dans les lettres ouvertes et dans l’action de différents mouvements.

Dans notre région, le scrupule était la principale force religieuse. Cela permettait d’entretenir, grâce à la haine de la sexualité, le mépris du corps, donnant naissance à des sentiments de culpabilité, allant du masochisme pur et simple à l’obéissance aveugle.

Je connaissais l’influence de l’Église dans la vie politique; mais jamais je n’aurais cru qu’elle avait autant d’importance. Les religieux sont vite apparus comme le ciment de la société; car, leur philosophie constitue pour leurs sujets une façon de voir, de juger la vie et les événements. La religion ne repose-t-elle pas surtout sur la peur de la mort et de la sexualité? L’interprétation de la mort est un domaine purement spéculatif. Personne ne peut affirmer si ce que l’on prétend est vrai.

De tout temps, les systèmes politiques ont été soutenus par des religions, des philosophies, des conceptions ou des interprétations de la réalité. Les pyramides ont été possibles grâce aux croyances du temps sur l’immortalité et la divinité. L’Inquisition a été le meurtre légal de milliers de gens qui voulaient remettre en cause la foi de cette époque. Combien sont morts pour avoir osé prétendre que la terre est ronde? Le Christ lui-même n’était-il pas un révolutionnaire qui contesta aussi sa religion et se fit crucifier par ses paires ?

L’Église au Québec n’a jamais été indifférente à la politique du pouvoir. Elle a toujours soutenu le pouvoir des Anglais et appuyé leur domination tant qu’elle avait sa part du gâteau. Elle ne voulait pas que les gens s’instruisent parce qu’elle craignait de perdre son contrôle. En 1837, elle excommunia les patriotes. Elle leur refusait le droit d’être enterrés dans un cimetière catholique. Elle n’a pas changé depuis, car, aux élections scolaires, pour défendre sa confessionnalité, ses intérêts financiers, l’Église a permis de faire élire à la CÉCM tous ceux qui étaient contre la loi 101. Ces trahisons sont presque impossibles à calculer tant elles sont nombreuses.

Dans les Vauxcouleurs (Estrie), l’Église prenait la relève pour le conservatisme et la peur du changement, là, où le système politique avait échoué. Combien de péquistes sont plus catholiques que le pape et refusent ainsi de voir l’indépendance du Québec comme étant plus qu’un simple réajustement administratif du régime politique ?

L’indépendance, ce n’est pas seulement mettre Ottawa à sa place. C’est un changement de mode de vie dans lequel le plus important soit le respect de l’humain, de la nature, la tolérance, le vrai christianisme, comme il nous a été enseigné. Sauf, sur le plan de l’enseignement sexuel, l’Église a sa raison d’exister. La religion n’apporte pas que de la merde. Nos valeurs sont le résultat de notre foi chrétienne. Pour cela, l’Église doit séparer les affaires religieuses des choses politiques ou judiciaires.

Les religions ont presque toujours conduit au fanatisme et inévitablement aux guerres. Cela est encore vrai même de nos jours. Les religions sont intolérantes : hors de l’Église, point de salut. Avec l’Islam, c’est encore pire. On parle d’une Église de paix et d’amour et pourtant ses membres sont prêts à tuer pour la représentation de Mahomet qui n’est pas dieu, mais prophète. Donc, un homme comme nous.

Je me devais de combattre cet empiétement religieux dans des compétences qui ne la concernent pas. C’est aussi un élément important de la révolution.

Les systèmes politiques s’appuient sur les croyances religieuses pour s’immiscer dans la vie privée des gens. La foi est la plus grande justification des guerres, car c’est ce qui d’obéir à l’aveugle et devoir payer pour se faire pardonner d’avoir osé être humain un petit bout de temps. L’Église a gratifié l’esclavage noir et béatifié la guerre au Vietnam. Sans un appui religieux profond en ce sens, les États-Unis ne pouvaient pas justifier leur intervention militaire. Tout a été mis sur le dos du communisme. Quant au Canada, le défenseur de la paix, celui-ci vit grassement de la vente de ses canons et de ses armes de guerre. Le débat est donc forcément politique.

Quant à l’aspect moral, je n’avais pas besoin de réfléchir longtemps pour saisir l’importance de la vie religieuse dans la vie politique des Vauxcouleurs. (Estrie)

Il suffisait de me dire amourajeux (pédéraste), incroyant ou croyant pratiquant, pour que plus personne ne prête plus attention à mes paroles. Tu ne peux exprimer que le péché si tu es amourajeux.

Je n’ai pas à demander à qui que ce soit le droit de devenir amourajeux (pédéraste). Je le suis que j’aime ça ou pas. On est ce que l’on est et on doit apprendre à vivre avec. Ou on s’auto flagelle ou on essaie de trouver comment vivre de manière acceptable une de nos réalités. Les seules règles que je reconnais sont la non-violence et le consentement mutuel.

Je voulais simplement être accepté et respecté comme n’importe qui, pour ce que je suis. Je me posais déjà la limite la plus raisonnable, soit celle d’être assez honnête pour accepter le droit du petit gars à me dire non. Je ne pensais pas qu’à mon nombril. Je m’interrogeais très souvent à savoir si cela pouvait vraiment nuire aux jeunes. Je m’interrogeais, autant que le font bien des gens, quant à mon comportement et ses effets. Je vivais ma pédérastie en m’assurant que je ne nuisais pas à ceux que j’aimais.

Ma pédérastie dépassait les bornes des pantalons de « mes petites victimes» comme diraient les féminounes ou les curés. Toutes ces bonnes âmes chrétiennes exigent cependant la prison pour te faire comprendre la charité chrétienne. Ce sont des hypocrites qui nous prêchent le christianisme et qui n’ont rien compris de la compassion. « Tu ne jugeras pas », les féminounes ne connaissent pas ça.

On a qu’à écouter l’Église prêcher pour comprendre que le progrès n’est pas sa principale priorité. Les religions veulent toutes nous garder prisonniers de leur imaginaire passé, dans leur morale de constipés.

Cet amour des petits gars m’amenait à prendre conscience que l’économie de notre système autant que celle du système communiste repose sur la nécessité d’avoir des guerres. Or, aimer les petits gars implique d’éliminer la violence sur le globe terrestre pour diminuer la mort des enfants. Forcer un enfant à travailler en bas âge au lieu d’aller à l’école ou pire à être un enfant soldat, c’est mille fois plus condamnable qu’une pipe ou une caresse.

Pour satisfaire les exigences de la vie économique, il faudrait remplacer la violence physique faite à des millions d’êtres humains par un amour volontairement gai, qui soit apte tout autant que la violence à garantir un jour un mur contre la surpopulation. Évidemment, sont gais ceux que leur nature font qu’ils sont gais. Pas question de dénaturer qui que ce soit pour obéir à une idéologie ou un impératif économique.

Comment un système qui pousse tant d’enfants à la mort peut-il m’accuser de leur nuire en les faisant jouir ? Comment un tel système sans âme peut-il prétendre défendre les jeunes en leur imposant l’ascétisme sexuel? Pourquoi emprisonner ceux qui ne partagent pas cette morale? A-t-on le droit d’aimer jouir? Se faire sucer n’a jamais blessé qui que ce soit. Mais, le système trouve ça pire que de frauder la population de centaines de millions de dollars ou d’abuser violemment des vieux qu’on garde.

Être caressé, masturbé ou sucé n’a jamais détruit psychiquement une personne, à moins, qu’elle soit élevée dans un monde de scrupuleux, ce qui peut créer une distorsion entre ce qu’elle a besoin de vivre physiquement et ce que la morale exige. Il y a plus de gens mentalement malades parce qu’ils ne peuvent pas vivre leur sexualité qu’il y en a parmi ceux qui la vivent en plein épanouissement.

Il est invraisemblable d’être emprisonné pour ce plaisir alors que ces juges moralistes acceptent de créer une bombe à neutrons. Quels hypocrites ! Pour  les fanatiques, la chasteté est plus importante que d’échapper à la misère. Elle est même plus importante que la vie. Il faut être profondément malade pour le croire.

J’en voulais, que ce soit charitable ou non, aux libéraux parce qu’ils sont les pires vipères, qui n’hésitent pas à mentir pour conserver le pouvoir et ses profits. Ils sont aussi menteurs que le pape. Ce sont des requins pour qui le bien du peuple se confond à celui de leur portefeuille. Ils sont prostitués au pouvoir. Pour eux, l’argent a plus de valeur que leur âme.

J’étais de plus en plus fanatique. Possiblement aussi, de moins en moins équilibré. La pression était trop forte pour mes petites capacités. Pédérastie et politique mélangées, c’est plus qu’explosif, car ça te rend de plus en plus paranoïaque. Tous les autres semblent te juger et tu te sens attaqué par tout le monde. La réalité prouve que nos institutions sont strictement des moyens d’exploitation et de domination. Rendre une personne coupable, c’est la rendre vulnérable.

Ma révolution, c’était l’Amour et la Justice sociale, non pas de faire les jeux des libéraux en devenant violent,

J’étais convaincu qu’en faisant passer pour un provocateur, les libéraux me combattraient sur les fronts politique et sexuel. Tué sous un prétexte ou sous un autre, ça n’avait pas d’importance, je crèverais quand même. J’appuyais mes craintes sur la possibilité que Gaston Gouin eût vraiment été tué par la GRC, que par deux fois nous eussions eu des accidents qui ressemblaient plus à des attentats qu’à de véritables accidents; que je mangeais la raclée par la police tout en me faisant menacer par un chef de la petite pègre locale! Ce n’était pas des idées, mais des faits vécus. De plus, un felquiste que je soupçonnais d’être flic quand il m’a été présenté m’a demandé de lui indiquer ceux qui étaient aussi baveux que moi dans la région.

Pour ne pas devenir indicateur, pensais-je, je ne pouvais pas aller travailler comme journaliste à Montréal.

Dans les Vauxcouleurs, je connaissais assez de gens de toutes les options politiques pour ne pas me faire prendre et devenir un indicateur malgré moi alors qu’à Montréal, c’était différent, je ne connaissais personne et j’aurais dû faire confiance à mon instinct devenu de plus en plus paranoïde. J’ai donc refusé l’emploi que m’offrait Québec-Presse. J’avais peut-être tort. Le gars que je soupçonnais d’espionnage n’a jamais été dénoncé par personne. J’ai peut-être eu cette fois un excès de paranoïa. J’étais convaincu que cette peur m’empêcherait de faire un bon travail d’information journalistique.

J’ai décidé de ne plus jamais me mêler de politique pour le bien de la population ou avant de devenir fou ou servir sans le vouloir la police en étant trop connu d’eux.

Avec mes petites idées révolutionnaires, j’avais un champ d’action beaucoup trop large pour mes faibles épaules et surtout mon système émotif. La politique, plus la pédérastie, c’est difficile à porter. Étant pisseux de nature, j’avais tendance à devenir plus paranoïaque. Je paniquais facilement et, pour cette raison, il était

impérieux que je laisse la politique de côté; mais ça je ne crois pas que ça paraissait. J’étais plutôt perçu comme un fanatique entêté et baveux. On me prenait vraiment pour un révolutionnaire et, peureux ou pas, je vivais la révolution.  Tout ce que je voulais c’était le bien des gens de Vauxcouleurs.

À ma sortie du journal, j’étais non seulement peiné et révolté; mais j’étais tout aussi content d’une certaine manière. Enfin, je pouvais mettre un frein au fanatisme que l’on cultivait en moi, en essayant de faire de moi une petite vedette révolutionnaire. Une image que je ne méritais pas.

Pour survivre, car, tout est mené par les finances, j’ai dû d’abord prouver au comité de révision de l’assurance-chômage que j’avais abandonné mon métier pour rester honnête. Le témoignage-surprise du syndicat me fit avoir justice. Cette fois, les libéraux ne m’ont pas eu, même s’ils s’y préparaient. Je pouvais revivre.

N’ayant plus à m’occuper de politique, je pouvais enfin être strictement pédéraste.

La frustration avait multiplié mes besoins sexuels. J’ai commencé à courir les piscines pour me rincer l’œil, voir un peu de beauté dans la vie, tout en travaillant au deuxième numéro de L’R du Q, le journal étudiant du CÉGEP de Sherbrooke.

Dans une école, les étudiants avaient troué les planches entre les salles de déshabillage. J’ai décidé d’en profiter moi aussi jusqu’à ce que je me fasse écœurer par un des jeunes surveillants jaloux, j’imagine. En quoi, le temps passé dans ces salles le regardait-il à moins qu’il soit au courant des trous? Était-il le gardien de la morale? Il savait que ces trous existaient puisqu’ils m’accusaient de m’en servir trop longtemps.

Il me criait devant les portes:

  • Dépêche-toi, maudit fifi!

Ce qui n’empêchait pas le jeune, de l’autre côté, de confirmer mes doutes, de poser plus allégrement. Il savait que je le regardais et il s’arrangeait pour que je l’aperçoive au garde-à-vous.

À un autre endroit où, m’avait-on dit, les gens se baignaient nus, j’ai rencontré trois petits gars qui aimaient particulièrement jouir de leur corps.

Lynn adorait jouer dans l’eau avec moi. C’était à celui qui serait le plus bébé. Nous prenions des courses. Il me passait entre les jambes et me montait sur les épaules pour plonger. Le pot permettait encore plus de saisir le bien inestimable de cette liberté. Dans la pédérastie, tous ces petits moments sont aussi importants que les rapports sexuels. Ces séances de natation étaient des bouffées d’air frais extraordinaires. Enfin, je pouvais être libre sans me soucier de ce qui pouvait arriver.

Après ces jeux, Lynn, parfois avec certains de ses copains, venait chez moi. L’expérience se poursuivait avec frénésie. Le petit adorait écrire à la dactylo et écouter de la musique. Il était entièrement libre pourvu qu’il ne brise rien. C’était une nouvelle expérience comme avec Réjean.

J’attendais Lynn avec des battements de cœur. Il venait régulièrement et se comportait envers moi avec une liberté que bien des adultes mettent en doute parce qu’ils ne savent pas ce qui se passe réellement entre un jeune et un pédéraste.

Malgré ses onze ans, Lynn me dit un jour, alors qu’on se rendait en ville acheter quelque chose, qu’il voulait être mon épouse. Je n’aurais jamais cru qu’un tel rapport puisse s’établir dans la tête d’un si jeune garçon. J’en ai bien ri, mais je constate aujourd’hui que les jeunes savent très jeunes ce dont il question quand il s’agir de rapports sexuels. Seuls les adultes s’imaginent qu’ils sont encore, comme nous étions, quand on était jeunes, une bande de niaiseux. On n’avait même  pas  le  droit  d’y  penser  sans  passer  pour  des  maudits  cochons.        

Lynn savait qu’il pouvait tout obtenir, pourvu que la chose soit possible. Il lui suffisait de le désirer pour que j’essaie de le lui procurer. C’était comme Réjean ou les autres qui étaient devenus assez longtemps mes amants pour que s’établisse cette complicité. J’étais prêt à tout pour les rendre heureux. Comment pouvais-je alors être dangereux comme on le claironne partout dans le Québec ?

J’essayais d’établir un rapport d’égalité entre nous, de le traiter comme un adulte et de le laisser exprimer ses désirs. Aimer quelqu’un, c’est en être fasciné, c’est l’accepter comme il est, c’est vouloir son bonheur. Quand j’aime un petit gars, je pourrais lui donner ma chemise tant il devient important dans ma vie, cela ne pouvait pas être autrement avec lui.

Lynn est devenu dans ma tête l’image du monde désiré. J’ai écrit des poèmes pour lui ainsi que François, un autre petit gars qui m’attirait, mais avec qui j’avais de très rares contacts, qui se résumaient au désir, à la tentation.

Un journal gai a publié un poème que j’avais écrit pour marquer mes amours : La Lynnofrançoisie. Je voulais souligner ce qui me semblait essentiel de retenir de ces rencontres : le mariage de deux âmes peut créer une seule personnalité, le besoin de se faire plaisir réciproquement.

Jean, un jeune révolutionnaire qui habitait chez moi, avait toujours peur que les jeunes brisent sa dactylo. Il trouvait Lynn trop agité. Il ne pouvait pas supporter de me voir l’embrasser et lui témoigner une affection que les gens ne se sont pas encore habitués à voir entre un petit gars et un homme. On ne peut pas échapper à notre éducation primaire qui développe tout notre côté émotionnel.

Cette situation dégénéra assez vite en conflit. Jean détestait la pédérastie. Il ne tarda pas à me le rappeler.

Selon lui, j’étais un dégénéré, mais aussi un petit génie en politique. Il ne me cachait pas ce qu’il pensait. À cette époque, j’avais la malencontreuse idée, basée sur absolument rien de concret, de croire que Jean représentait à lui seul la pensée du Parti Québécois. J’étais en maudit, car même si je vivais cette liaison avec Lynn, je continuais à travailler comme un singe pour les Vauxcouleurs.

27

Jean, Lynn et moi

J’écrivais pour L’R du Q ainsi qu’un livre que l’on m’avait demandé aux Éditions québécoises. Le premier manuscrit a été refusé parce qu’il était trop intellectuel. Il comptait plus de 200 pages. J’ai donc repris la commande autrement et j’ai écrit plus tard, en compagnie d’autres colocataires, moins stressants, ce qui est devenu : Il était une fois dans les Cantons de l’Est. Pierre Brisson s’occupait des dossiers de fins de chapitres, alors que Francine Quinty faisait les petits dessins. Un livre qu’un de mes correspondants présenta au Salon du livre à  Paris comme étant un petit chef-d’œuvre d’originalité.

Je ne voulais pas d’un traitement spécial, mais je voulais que l’on me respecte, que l’on m’accepte comme je suis. Je ne représentais aucun danger pour les jeunes. J’avais même déjà consulté pour m’en assurer. J’avais beau être aux yeux des gens un maudit fifi, je n’étais pas dangereux. Je refusais de vivre toute une vie dans le mensonge. J’étais amourajeux (pédéraste) et je devais apprendre à vivre cela sans blesser personne, être une source de vie pour les jeunes et non u problème à cacher. Vivre dans la vérité est un garde-fou contre la violence et la maladie mentale.

On n’avait pas encore inventé l’expression pédophile. Elle est venue avec les féminounes parce que nous, les pédérastes, on ne croyait pas que ce rapport sexuel pouvait exister chez les femmes. Quelle erreur! Cependant, ces lesbiennes sont toujours les grands défenseurs de la pureté sexuelle qu’elle confonde avec la chasteté.  Donc, beaucoup d’hypocrisie et une haine sans limite des hommes.

On préfère parler seulement de pédophilie, ignorant tout de l’histoire et la pédérastie, pour que la population soit écœurée juste à entendre le mot, car la pédophilie touche des enfants et non des adolescents. On propageait cette peur pour écarter les enfants de leur sexualité. Je suis convaincu que si je n’avais pas connu cette peur, je serais devenu gai bien plus vite. On refusait de faire la distinction entre la pédophilie, un rapport entre une enfant de moins de 10 ans avec un homme ou une femme et un  pédéraste, un rapport strictement gai entre un homme et un jeune garçon de plus de dix ans.

Aucune personne ne peut accepter la pédophilie quoique dans certaines sociétés où on la vit sans violence, génitalement.  La pédophilie est une forme de tendresse qui crée des êtres humains plus forts, plus conscients de leurs besoins. On ne parle pas de pédophilie, mais du rapport mère-enfant, car elle procure un bonheur physique. Ici, on confond facilement pédophilie et sodomie, une expérience qui en bas âge ne peut pas être sans douleur.

Je considérais avoir risqué ma vie pour les Vauxcouleurs par amour pour les petits gars et je me condamnais à la misère en devenant chômeur par honnêteté pour cette région. C’est assez, non?

C’était un peu « sonné » comme point de vue, car, en fait, il y avait une forme de déséquilibre dans ce besoin de vivre le contraire de ce que la société est capable d’accepter et ma liberté. J’ai toujours trouvé le Québec maladivement scrupuleux face à tout ce qui touche la sexualité à cause de la présence de la religion partout. Que ce soit par scrupule ou que la société ait raison, la pression était telle qu’elle dégénérait dans une espèce de paranoïa. Mais, à certains endroits, je pouvais sentir que le rejet que je vivais était bien réel.

Je courais d’une certaine façon après les troubles, en voulant affirmer ce que je vivais contre tous, car la majorité des gens condamnaient mon point de vue sur la sexualité. Était-ce que je souffrais d’un complexe du sauveur ou avais-je vraiment du courage? Je n’en sais rien. Les gens se font mentir quant à ce qui se passe dans un lien pédéraste pour entretenir la peur, peur qui condamne la pédérastie. On ment aux gens pour les tenir dans cette peur.

Ma chicane avec Jean empirait. C’était de moins en moins tolérable, mais j’endurais tout ça en croyant que c’était pour la cause. Jean exprimait très bien ma servitude envers les Vauxcouleurs et le Québec. Il me demanda ce que je choisirais si un jour, l’avenir du Québec dépendait de moi et serait définitif, à partir de mon proche choix entre la pédérastie et l’indépendance du Québec. C’était une torture intérieure insoutenable. À qui serais-je fidèle? À moi ou au Québec? La vie était plus belle, plus douce quand Lynn était là.

Je voyais un élément très important dans mes relations avec Lynn : puisque Lynn était anglophone, ça m’assurait que je ne deviendrais jamais un fanatique. L’aspect humain demeure essentiel dans les luttes. Je devais toujours me rappeler que pour moi la plus grande révolution est l’amour.

Lynn n’était pas seulement anglais, mais le fils d’un homme aussi pauvre que moi, et dans cette solidarité, il ne peut pas être question de race, de langue, de religion. Nous devons tous nous aider. Son père était aussi un Québécois colonisé.

Pour moi, il y avait une différence très nette entre l’anglophone arrogant de Westmount qui veut nous obliger à nous angliciser et le travailleur anglophone qui souvent, de peine et de misère, essaie d’apprendre le français. La voix et les yeux de Lynn avaient autant d’importance que son sexe. Sa vitalité se transférait en moi. Je me demandais déjà pourquoi je n’avais pas un enfant. Je croyais que je serais, malgré ma pédérastie, le meilleur des pères.

Lynn était mon assurance de demeurer un être humain intégral. C’était la promesse de ne jamais trouver les besoins économiques plus impérieux que l’Amour. C’était ce qui restait en moi de l’enseignement religieux  et  même si je le niais, ça prenait encore un grand espace intérieur.

Pour Jean, comme pour la majorité j’imagine, j’étais un dégénéré, point à la ligne. Mais, je savais avoir une tout aussi une grande valeur sur le plan de la révolution. Je ressentais profondément ce paradoxe intérieur qui me déchirait.

Je suis devenu plus agressif avec Jean. Je me sentais tellement dévalué que parfois ça remettait en doute ma valeur personnelle. Suis-je vraiment qu’un cochon qui ne sait pas se contrôler? Il eut si peur de moi, car, je luis faisais croire que j’adorerais le sucer qu’il en vint à coucher en barrant sa porte pour s’assurer que je ne réussisse pas à m’y introduire. Ça me faisait vraiment rigoler de le voir paniquer devant mes effusions d’autant plus qu’il ne me tentait pas. C’était juste drôle de le voir à la fois m’admirer pour mes engagements politiques et me haïr tout autant parce que je suis pédéraste.

De cette bataille verbale, émotive, j’ai décidé d’écrire Laissez venir à moi les petits gars. Malheureusement, à cette époque, je n’en étais pas encore à l’affirmation de la beauté de la pédérastie. Je me sentais obligé de toujours essayer de me justifier, de me forcer pour ne pas me percevoir comme un criminel.

J’avais assez pensé aux autres, je voulais maintenant m’occuper de moi. Faire le point avant de devenir complètement fou, reprendre le contrôle de mes actes et cesser d’être le jouet de tout le monde comme un robot qui répond automatiquement à des thèmes précis. J’en avais assez d’être influençable, de toujours me sentir inférieur à tout le monde. Je savais que ce sentiment venait tout simplement avec ma pédérastie. C’était le prix à payer.

Afin de départager les chicanes, un nouveau pensionnaire est venu s’ajouter. Pierre ne s’entendait pas mieux avec Jean, car ce dernier avait la  maudite manie de voir les choses que d’une façon théorique, comme un pur intellectuel, alors que j’étais un gars de terrain, d’action.

J’étais peut-être déséquilibré émotivement à cause de ma pédérastie, mais au lieu d’avoir de plus en plus honte, je croyais dans la nécessité de me battre contre l’hystérie, la peur que l’on a du sexe au Québec. Comment un plaisir peut-il devenir négatif, une agression? Pourquoi fait-on semblant de croire qu’une relation sexuelle est un acte violent, si tu n’as pas l’âge fixé par les adultes, et surtout si tous les participants sont d’accord? Pourquoi un plaisir pourrait-il te traumatiser? C’est une réalité seulement dans la tête des aliénés qui acceptent ces règles sans même y réfléchir.

Un Haïtien qui nous rendait aussi visite plus souvent qu’à son tour s’est finalement ajouté au groupe.

Si j’aimais la poésie, j’admirais la facilité de cet Haïtien à se dénicher des filles. Il pouvait coucher avec trois filles, une à la suite de l’autre, dans la même soirée. Moi, je me demandais toujours si je pourrais éjaculer dès ma première femme. Je n’ai jamais rencontré un tel chanteur de pomme et un gars qui fasse l’amour aussi vite. Après ses prouesses, il lui fallait son éternel verre de lait.

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