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Les derniers amours de Platon 4

juin 6, 2020

La jalousie d’Alexandre.

Malgré toutes ses luttes et sa bravoure légendaire, Alexandre le Grand souffrait d’un certain malaise intérieur. Ses soldats parlaient plus de Diogène que de lui. Ça le mortifiait de plus en plus. Il sentait son estime personnelle devenir peau de chagrin. Ça créait comme un poids dans sa grandeur. Et quand t’es grand, il y en a pour plus longtemps à tomber. Demandez-le à Newton qui remercie Dieu, tous les jours, que la pomme qui lui tomba sur la tête fut très petite et plus qu’à moitié pourrie.

Pour l’oublier, Alexandre s’arrêtait sous les chênes et méditait sur la malédiction des chaînes. Un roi est-il un esclave de ses sujets ou les sujets sont-ils les esclaves de leur roi ? Alexandre venait le premier de poser le problème de la poule et de l’œuf.

Comment un gars, caché dans un baril, nu comme un ver, peut-il être plus populaire que lui, le grand soldat, le maître des armes ? Même Attila défrisait quand il entendait son nom. Diogène devait sûrement avoir un autre secret. Était-ce les mathématiques ou la philosophie ?

Alexandre décida de mener une expédition incognito dans le pays des îles afin de connaître la vérité. Ce fut son premier « coming out ». En le faisant en Grèce, loin de ses soldats, il ne pouvait pas soulever leurs rires, s’il se déshabillait. Eh oui ! Alexandre avait une toute petite quéquette, toute ratatinée du bout. Rien pour créer un  culte du pénis royal. Cette petite gêne faisait que parfois il mastiquait et prononçait mal certains mots, ce qui lui créait de nouveaux problèmes, car il écrivait aux sons.

Alexandre fut d’abord très surpris que les gens ne souffrent pas tous d’embonpoint en Grèce, car Alexandre croyait qu’il s’agissait d’un pays où la bonne chair était au rendez-vous. Il pensait que la Grèce c’était la Graisse. Le français a toujours tellement été précis que même son orthographe change la face de la terre.

À son arrivée en Grèce, Alexandre apprit immédiatement que seul Platon jouissait d’autant de renommée que Diogène.

C’étaient deux approches différentes de la jeunesse. Des modes d’agir qui avaient été sculptées par des siècles de pratique concrète. Diogène allait droit au but : il parcourait les gymnases où les jeunes dieux de la lutte s’exhibaient nus, alors que Platon se tenait près des cours d’école, incapable de décider qui de ceux-ci feraient l’objet de ses tendres amours. Il prêchait la vertu pour passer inaperçu.

Depuis Platon, on sait que la tempérance rend l’individu mentalement stérile et vicieux. Les grands vertueux ont toujours un vice caché.

Pour savoir la vérité, avant de se présenter à Diogène, Alexandre envoya son meilleur espion : « I know better than you », un parent d’Iznogoud.

La grande chatouille

Alexandre était presque désespéré d’apprendre comment lui, le grand, le maître incontesté du monde, pouvait se sentir tout petit à côté d’un philosophe qui habite à l’intérieur d’un tonneau.

La valeur d’un homme réside-t-elle dans ses exploits militaires ou dans la valeur de sa propriété ? Qu’est-ce qui nous rend fiers et heureux quand on meurt ? Qu’est-ce que les gens ont pensé de nous ? Quels souvenirs leur mémoire du passé garde-t-elle de nous ? Sommes-nous heureux d’avoir vécu ?

C’est une question fondamentale, que l’on croie ou non à la vie après la mort. Si tu crois qu’il n’y a rien, le vide absolu, même pas la conscience de ce vide, un vide vide, tu n’as que l’instant présent qui compte. Mais, si tu crois que l’éternité est formée des souvenirs que tu as semés dans la tête des gens, c’est différent. Tu dois dépasser tout ce qui se fait, pour survivre quelques siècles, et enfin atterrir dans le Petit Robert des noms propres. Et, évidemment, il y aussi, les naïfs, ceux qui croient ce que les religions enseignent sur l’après-mort.

  • Est-il indispensable de conquérir le monde pour avoir l’impression d’avoir réussi quelque chose  dans  sa  vie ? Se demandait Alexandre.
  • Diogène avait un tonneau et en public, il sourirait toujours, lui. Il n’avait pas à se demander qui essaierait de le tuer.

La popularité nous garantit-elle de passer dans l’éternité ? Nous permet-elle de nous promener dans les rues sans devoir porter un masque ? Suffit-elle à nous nourrir de satisfaction ou a-t-on l’impression d’être un zombie ? Un acteur permanent de sa propre personnalité ?

Alexandre se sentait dépressif quand de telles questions jaillissaient en lui. Il était même un peu maniaco-dépressif. Parfois, il enviait les truites dans les eaux du ruisseau, près de son camp. Des soldats l’avaient même vu nager dans trois pouces d’eau, se prenant pour un poisson qui avalait un ver de terre. Il en fut très malade. Notre pauvre Alexandre venait tout juste de faire connaissance avec l’opium.

Puis, de nouveau en forme, le lendemain, Alexandre chevauchait le champ de bataille comme s’il était un astronaute qui regarde la terre à partir d’un hublot… peu d’espace dans sa tête était occupé par la modestie.

Une seule chose changeait dans sa vie : à chaque victoire, il devait ajouter une nouvelle épouse pour agrandir son territoire. Une politique d’unification des territoires, mais qui, avec la jalousie, ajoutait aussi un meurtrier potentiel.

  • Plus les couches sont grandes et variées, plus ta propriété l’est aussi, pensait Alexandre.

Alexandre avait appris, grâce à son second espion, Nez fourré partout, que Diogène jouissait d’une popularité de plus en plus considérable depuis qu’il changeait constamment de tonneau comme habitat naturel.

Les gens venaient même d’Eurasie pour contempler ses nouveaux tonneaux. Sans le vouloir, Diogène venait de lancer la mode de se promener sur la rue Principale. C’était bien avant que les tonneaux inspirent le design des chars pour pavoiser.

Alexandre convoqua ses généraux pour trouver un moyen de déposséder Diogène de son tonneau « jupe fleurie », car sa réputation faisait ombrage à la sienne.

Alexandre savait que pour devenir dieu, il faut d’abord être un mythe, et, ne passe pas à la mythologie qui veut.

Un petit futé suggéra à Alexandre d’organiser une grande fête qui exigerait la tenue d’un concours de grande chatouille.

Qui pourrait se faire chatouiller le plus longtemps sans éclater de rire ?

Avec un tel concours, Diogène devrait nécessairement quitter son tonneau. Là, les gens pourraient voir tous les défauts de son corps, dont son manque de bronzage sur les fesses.

Alexandre envoya son diplomate favori, Personne n’y résiste, auprès de Diogène. Il était convaincu que très bientôt, le punk Diogène perdrait son tonneau et de ce fait, sa réputation. Mais, Personne n’y résiste avait oublié de camoufler sa proximité avec Alexandre, d’où fut-il retenu à chaque auberge où il mettait le pied. Aussitôt averti, évidemment, on voulait se servir de lui pour entrer en communication avec Alexandre.

Alexandre dut se contenter quelques décennies plus tard d’apprendre que son diplomate était encore en route pour rencontrer Diogène qui portait maintenant le « tonneau-baleine » pour mieux avaler les jeunes bancs de petits poissons qui s’agitaient devant lui.

Ainsi, pendant qu’Alexandre découvrait les castes et le harem dans les Indes, Diogène en était déjà à la recherche d’une nouvelle forme de couple à Athènes.

« La fellation ne constitue pas nécessairement les bases permanentes d’une union », avait-il constaté. Comment remplacer le sommet des plaisirs par la nécessité de combattre la solitude en vieillissant ? Sans le savoir, Diogène venait de lancer l’idée de vivre en couple.

Pendant qu’Alexandre ruminait sur le concubinage, Diogène, lui, en avait déjà assez des règles de la tempérance, selon lesquelles le petit mignon devait refuser le plus longtemps possible pour avoir bonne réputation.

« C’est un jeu d’élasticité de trop dans les relations amoureuses », affirmait-il, partout où il passait.

Bouddha a immédiatement joui, dans les cieux, quand il entendit Diogène, car ce désir correspondait à ses recherches sur la bonne tension à utiliser dans le tir à l’arc.

Platon désire Diogène.

Platon désirait de plus en plus Diogène, mais il ne savait pas ce qu’il devait inventer pour enfin l’avoir dans ses bras. Voir est une chose, toucher en est une autre, pensait Platon.

Platon n’en dormait plus et l’arrivée d’Alexandre n’arrangeait rien.

Diogène était jeune, d’une grande beauté, et surtout, il était inaccessible à tous les amourajeux5 de son époque.

Platon ne pouvait plus lutter à cause de son âge. Il devait se contenter de rêver. Et, tous les amourajeux du monde, nécessairement gais, rêvent de rencontrer un petit dieu qui les projette dans les vapeurs exquises de la grande tendresse.

Platon connaissait de plus en plus la séduction, à la base de l’amourajoie. Il savait qu’il ne suffit pas de beaux cadeaux pour séduire son amant, mais qu’il faut ajouter une grande connivence dans le plaisir d’être ensemble. Un amour, une passion animent toujours l’amourajoie.

Platon se voyait déjà dans le tonneau de Diogène, roulant sa bosse, plus habile qu’un pâtissier, plus compétent qu’un serrurier, ouvrant Diogène au plaisir de la séduction et de l’expérience.

Platon n’ignorait pas que plus on vieillit, moins on pogne. Question de dégénérescence de la beauté.

Il lui fallait donc inventer une nouvelle astuce d’autant plus, que plus il vieillissait, moins il avait d’audace.

La dernière fois, il avait passé au moins un mois à contempler un beau petit grec sur le bord de la plage. Tout

ce qu’il avait réussi, c’est de lui serrer l’entrejambe, en faisant semblant d’être aveugle et de vouloir attraper un cerf-volant. Ce geste lui valut un bras cassé et il dut se faire poser un nouveau dentier ; car le petit avait des amis jaloux. Pire, le petit n’avait même pas remarqué la douceur de la main légère qui l’avait à peine touché, comme un regard, pendant quelques secondes.

Pourtant, il n’existait pas encore de féminounes pour ravager les esprits et prétendre qu’être « stoolest un geste qui ne s’est pas dégueulasse en soi. On gagnait, alors, plus d’être un héros, qu’à jouer la victime pour avoir une plus grande compensation. La mafia du chantage n’avait pas encore atteint le sommet que connaîtront les petits Américains envers l’Église catholique… une nouvelle guerre de religion entre les catholiques et les protestants, sous le masque de la pudeur.

C’est ainsi que l’on sut que la tempérance continuait à faire des ravages. Certains qualifiaient le geste d’inapproprié alors que d’autres parlaient d’une passion mal dissimulée.

Platon prenait un temps fou à se décider, mais quand il passait à l’action, ses doigts devenaient plus agiles que tous les seigneurs de la couture. Il savait s’introduire, là où aucun autre n’aurait le privilège de pénétrer.

Quelle tempête intérieure ce fut, lorsque pour la première fois, ses doigts sentirent les soubresauts d’un petit pénis qui découvrait les joies d’être cajolé !

Platon faisait de plus en plus une obsession de voir et toucher Diogène. Réminiscence qui lui permettait de combattre son Alzheimer.

Tout le monde savait que Diogène ne se laissait jamais toucher, sauf pour lutter. Il se gardait ce privilège pour exciter ses petits partenaires.

Aussi, Platon profita-t-il de la tenue d’une grande fête, visant à se rappeler la mort de Socrate, pour se donner une raison d’approcher son idole. Il fit inviter Diogène à la cérémonie.

Pour s’assurer que le bel Alexandre ne soit pas présent et constitue un concurrent redoutable, Platon fit envoyer une lettre à Alexandre, l’invitant au mont Olympe.

  • Alexandre se croira appelé des dieux. Ainsi, il ne viendra pas à la commémoration de la mort du grand maître Socrate.

Débarrassé d’Alexandre, Platon aura plus de chance d’approcher Diogène. Alors, il lui racontera pour la mille  et unième fois comment se tordait Socrate après avoir avalé son poison.

Alexandre était trop occupé à faire la guerre pour agrandir son territoire et, du même coup, l’étendue de sa réputation, pour comprendre cette astuce de vieil amourajeux. Platon nomma cette arnaque : le faux-bond. Ce n’est pas d’aujourd’hui que la philosophie est une astuce.

Et c’est ainsi, avec une ruse parmi tant d’autres, que Platon put s’approcher de Diogène, espérant cette fois  jouir d’un toucher là où ça compte, au lieu d’un simple coup d’œil.

5 – amourajeux : pédéraste.

6 – stool = dénonciateur.

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