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Le temps des cauchemars.

mai 24, 2020

L’arnaque ou le piège de la GRC.

                         Prix Naji Naaman (Liban) .2010

L’ordre, donné à la Gendarmerie Royale du Canada et aux services secrets de l’information du Canada, venait de haut, du bureau du premier ministre du Canada lui-même : il fallait retrouver tous les ex-felquistes et s’assurer qu’aucun ne remplisse de fonction sociale importante ou milite pour la cause de l’indépendance du Québec. Si c’était le cas, il fallait sans faute trouver moyen de les inculper dans un quelconque crime, fût-il imaginaire         .

Le but de cette opération était de prouver comme en 1970 que le Parti Québécois, un parti politique démocratique favorable à l’indépendance du Québec, comptait des membres qui ont déjà cru dans l’emploi de la violence pour le triomphe de leur idéal. On voulait pouvoir resservir l’accusation d’être un parti politique sali par le terrorisme de certains de ses membres.  

L’opération était née pour deux raisons : la réception récente d’un communiqué du Front de Libération du Québec, en Abitibi, en réponse à la provocation raciste des radicaux anglophones de Montréal, communiqué probablement inventé par la GRC elle-même, et la possibilité de renforcer leurs accusations de fascisme contre le milieu nationaliste francophone.        

Le fédéral voulait prouver à tous les pays du monde que le Canada est un pays tellement démocratique qu’il permet aux sécessionnistes de s’exprimer à l’intérieur même de ses institutions, mais en même temps, il devait provoquer les radicaux sécessionnistes de façon à justifier l’emploi de l’armée contre ces derniers dans l’éventualité où un référendum entérinerait la décision du Québec de devenir un pays. Faute de felquistes, puisque ce mouvement est mort dans les années 1970, la GRC devait en inventer un.       

À Val-d’Or, Charles Denis était la cible idéale : il était soupçonné d’être un ex-felquiste, sûrement un sympathisant, et il s’acharnait (même s’il était contesté à l’intérieur des associations patriotiques, sous prétexte qu’il était trop radical) à travailler à l’avènement de l’indépendance du Québec. Il avait même fait parvenir une lettre au premier ministre du Canada, affirmant que de déclarer illégale la sécession du Québec, c’était une incitation à la violence. Pour lui, ce procédé fédéral revenait à appeler les Québécois à devoir prendre les armes, si jamais ils persistaient dans leur rêve. Mais, cela ne suffisait pas. Comment et pourquoi l’incriminer? Il fallait de toute évidence et rapidement le « frimer », comme on dit dans le jargon policier.       

Ce n’était pas facile bien que Charles eut deux handicaps fondamentaux pour s’intégrer à la société : c’était un vrai radical de la liberté, de la non-violence et un libre-penseur. En d’autres termes, un peace and love authentique qui rêvait d’un pays dont la devise pourrait être : Vivre et laisser vivre sans violence.    

Sa conception de la vie tenait à son penchant naturel à l’anarchie…   « Si Dieu, pensait-il, a créé l’homme libre, s’il a puni Lucifer qui contestait ce droit, c’est qu’il refuse que la morale soit dictée par les autres en son nom.   Donc, la liberté est le besoin de plus fondamental de l’homme, un élément tout aussi indispensable qu’aimer et être aimé. »        

Pour Charles. L’anarchie n’était pas le chaos, mais plutôt d’avoir atteint un degré de responsabilisation tel qu’un individu n’a plus besoin de lois pour lui dire comment agir. « La vraie liberté est celle qui se veut responsable de la réalisation du bonheur de l’espèce humaine, en se réalisant soi-même au maximum au profit de l’homme. » Il était viscéralement contre le capitalisme sauvage, car dans ce système, on ne craint pas de tuer hommes, femmes, enfants pour le profit. Quand on a de l’argent et le pouvoir comme seules raisons de vivre, on n’hésite pas à fomenter des guerres pour aboutir à ses fins. Bien des pays d’Afrique en étaient un exemple cuisant.      

Charles était aussi amoureux de la vie, confiant dans l’évolution humaine, il était convaincu qu’il fallait toujours combattre la violence, la pauvreté et le pouvoir abusif. En somme, un poète engagé, devenu un homme d’affaires généreux.   

Pour gagner sa pitance, Charles avait créé une firme d’import — export très prospère, ce qui lui permettait à l’occasion de venir en aide à des familles dans le besoin. Il savait que les systèmes communistes et capitalistes sont finalement la même idéologie, issus des mêmes créatures qui rêvent d’un gouvernement planétaire, d’où toutes ces formes de mondialisation inventées pour rendre l’homme de plus en plus pauvre et esclave de la finance internationale. L’uniformisation.

Il savait aussi qu’en tant qu’individu, même le plus instruit, il ne pouvait rien faire, car la lutte à l’exploitation de l’homme par l’homme ne sera possible que dans un contexte de solidarité mondiale quand l’Homme sera plus important que les profits. Quand tous les pauvres de la planète refuseront de consommer au-delà des besoins de la survie, que la guerre qui permet au système économique de survivre sera impossible, faute de combattant.     

Un autre élément sans doute important pour le système était que depuis trois ans, Charles vivait avec Stéphane, un jeune anarchiste de 19 ans.

Les policiers pensèrent d’abord (ils n’auraient jamais pu faire autrement, ayant toujours par déformation l’esprit tordu) qu’il serait possible de prendre Charles Denis dans une histoire de mœurs. Pour les policiers comme pour les travailleuses sociales de la Direction de la protection de l’Enfance et de la Jeunesse cette nouvelle Gestapo de la morale conventionnelle, il était impossible pour un adulte de vivre avec un adolescent, sans que ce dernier ne soit exploité sexuellement comme si le jeune ne sait pas ce qu’il aime ou non. Leur point de vue est tellement vicieux que toute générosité est suspecte, voire criminelle. Ces nouveaux curés s’imaginent que tous les enfants en contact avec un adulte sont potentiellement en danger. Des malades. L’Inquisition a pensé ainsi durant des siècles.

Cette avenue semblait prometteuse, car quand il s’agit de crime à caractère sexuel, le système est tellement fasciste qu’il ne respecte même pas ses propres règles de droit. Ainsi, tu peux tuer et être présumé innocent, mais dans le cas d’une relation entre un jeune et un adulte, l’accusé est présumé coupable en partant. Dans ce cas, à cause des préjugés sociaux, de l’âge mental de la masse quand il s’agit d’émotions, même la Charte des droits peur être transgressée : plus de droits à l’orientation sexuelle, plus de droits à la vie privée, même plus de droits de dénoncer cette situation ou d’en parler favorablement en tant que pédéraste, d’où l’abolition de la libre expression. Pédéraste, tu es condamné à être pourchassé, à ne pas avoir droit à ta réhabilitation, si tu crois cela nécessaire, en d’autres mots, tu es condamné à la mort sans que l’on ait le courage de t’abattre. 

La police et la Gestapo que constitue la DPJE sont devenues les curés de l’Inquisition moderne, au nom de la protection des enfants. Une surprotection qui ne voit qu’un côté de la médaille.        

Les procès sont « holistiques », c’est-à-dire que les préjugés sont tels que même si tu es innocent, tu es condamné parce que la pensée populaire ne croit que la version de la prétendue victime. On oublie les dangers qu’engendreront socialement et en violence cette surprotection… surprotégé un enfant difficile, c’est le meilleur moyen de le corrompre. C’est en fait rendre l’amour illégal pour un certain groupe d’exclus qui condamnent avec autant, sinon plus de véhémence, toutes formes de violence faite aux enfants, mais qui ne croient pas que l’affection et la tendresse représentent un danger. Même si ça signifie des attouchements sexuels… l’amour ne peut être que positif.     

Comment peut-on encore aujourd’hui accepter, excepté là où il y a violence, que la police puisse encore de nos jours, intervenir dans les affaires de mœurs? Quelles économies ce seraient que de démanteler toutes les escouades de la moralité, de cesser de subventionner tous les mouvements fascistes féminins comme Assaut sexuel secoure au lieu de couper dans les services essentiels, telles l’éducation et la santé ou encore la recherche des personnes disparues.

Faute de motif pour intervenir vraiment contre Charles Denis, la police se servit d’un indicateur pour tâter le terrain, en invitant Stéphane à boire. La soirée ne laissait aucun doute : Stéphane ne dénoncerait jamais Charles, car il était viscéralement hétérosexuel et il ne croyait pas, comme on amène tous les jeunes à le croire, qu’une expérience gaie fait de toi automatiquement un gai. « Charles ne m’a jamais touché. Et ce qu’il fait ne me regarde pas. Mais, je sais qu’il est gai. », avait-il affirmé.    

Stéphane maintint tout au long des discussions de la soirée que s’il n’avait pas connu Charles, il serait sûrement encore en prison et encore plus sûrement mort. En l’endurant, tout en essayant de l’amener dans une meilleure voie, Charles lui avait permis de comprendre l’artiste qui sommeillait en lui, à reprendre confiance dans ses forces et tenter d’oublier ce qui reste toujours des erreurs de jeunesse.

Par ailleurs, l’indicateur de police apprit que Charles acceptait parfois de fumer du pot avec Stéphane et ses amis. C’était le seul moyen d’accuser Charles Denis. Son péché mignon… aimer les plus jeunes.    

Le samedi, le même indicateur, un certain Paulo Choquette, fixa rendez-vous avec Stéphane et Charles. Ils devaient toute la soirée prendre bière sur bière. Et, essayer de fournir un élément de plus pour préparer son arnaque.       

À la fin, Paulo avait su gagner autant la confiance de Charles que de Stéphane. Il leur fit part de ses problèmes à ranger ses meubles en entreposage pour quelques jours, le temps de trouver un nouvel appartement. Évidemment, Charles, toujours prêt à aider les autres, l’invita à les placer chez lui. Même s’il partait pour les Indes, Stéphane pourrait lui indiquer où les placer.

Deux jours plus tard, la police se pointait chez Charles Denis, saisissait des tableaux, des films et surtout les meubles de Paulo, bourrés de cocaïne.         

Stéphane fut traumatisé par cette perquisition et cette saisie. La surprise était d’autant plus grande qu’il faisait alors l’amour, dans sa chambre, avec Micheline, une situation miraculeuse survenant à un moment où il en sentait un très profond besoin, comme chez bien des adolescents. « Se vider le paquet, ça éclaircit les idées.»

Même s’il brava les policiers, Stéphane en avait une peur bleue. Il savait que ceux-ci sont capables de tout pour obtenir des aveux. Plus jeune, Stéphane avait été battu par les policiers qui lui disaient ensuite d’aller se faire consoler par son vieux en se faisant manger la bitte par lui? Les policiers étaient convaincus que Charles avait pris Stéphane comme amant.       

Stéphane avertit aussitôt Monique, la petite amie de Charles, de cette intrusion policière et des accusations qu’on portait contre lui. 

Monique en saisit Charles et lui demanda de revenir vite des Indes pour se défendre. À son arrivée, Monique était tellement convaincue que Charles était coupable « la police ayant, disait-elle, trouvé de la cocaïne dans ses meubles » qu’elle lui suggéra de plaider coupable. Évidemment, Charles s’y refusa. Il était innocent et il ne se condamnerait pas lui-même au nom de je ne sais quel masochisme.

Charles se rendit au poste de police en compagnie de son avocat. Comme il était entendu, il ne dit absolument rien, ce qui est bien frustrant quand t’es innocent et que tu dois payer une fortune pour garder ta liberté.    

Le policier l’avisa qu’il devait analyser la preuve avant de décider avec le procureur s’il y aurait des poursuites. Pour Charles , cela signifiait que la police et le procureur analyseraient s’il y avait moyen de faire plus d’argent avec cette cause… Charles savait que le système judiciaire est si profondément pourri que souvent les causes sont étirées pour permettre aux juges et aux avocats de se faire plus d’argent.

Le temps passa. Aucun signe de vie. Charles en conclut que tout était entré dans l’ordre. Lors d’un souper avec son avocat, celui-ci lui dit qu’aux yeux de la police, seuls Paolo ainsi que Stéphane pouvaient l’inculper dans cette histoire de drogue… Il n’y avait aucune autre preuve.   

S’il est vrai que Charles avait déjà à l’occasion fumé son joint avec Stéphane, il était tout aussi vrai que jamais il n’avait ni même songé, ni même fait le commerce de drogues, en se servant de son commerce comme couverture, ce dont on l’accusait… Pour lui, le commerce de drogues équivalait à l’assassinat pur et simple des jeunes « le meurtre des cerveaux »    . 

À Val-d’Or, la police fermait les yeux sur ce trafic écœurant, d’où, avec l’homophobie de cette région, la croissance de la schizophrénie et de suicide chez les jeunes. On prétendait même que la guerre des gangs – Punks, Yo et Skinheads – avait été résolue, alors qu’un policier fournissait aux indésirés toute la drogue qu’ils voulaient de manière à ce qu’ils s’éclatent tellement qu’ils en crèvent ou se suicident. C’est une façon facile de s’en laver les mains… une façon moins dangereuse pour les autorités… et qui fournit de bien plus belles statistiques. 

Charles était loin de penser que cette affirmation voulant que Stéphane était le seul témoin incriminant le troublerait à ce point. 

Ce dernier s’était passablement réhabilité depuis trois ans. Car, comme certains adolescents, il avait tâté à la petite criminalité par défi bien plus que par goût. Plus de vols, plus de bagarres, car il avait été de douze à seize ans, un adolescent à problèmes, toujours ou presque aux prises avec la justice. Mais il avait compris la folie de ses comportements et il avait radicalement changé. Il s’était même mis à la poésie, une poésie anarchiste, mais d’un style tout à fait original. Il s’était aussi mis à travailler le bois et il faisait de belles choses qui se vendaient assez bien, même s’il n’arrivait pas encore à en vivre. Sa vie d’artiste était bien engagée. Charles se fichait bien que Stéphane ait encore besoin de lui financièrement. Il savait qu’au Québec les écrivains et les artistes crèvent de faim, à moins d’être du petit groupe de privilégiés qui raflent toujours les bourses… les mâles adorés des féministes. Il aimait profondément et sincèrement Stéphane, admirant les efforts qu’il faisait pour se réinsérer dans la société.

Un samedi après-midi, Stéphane fut invité chez un ami à une partouze.    

Stéphane se contenta de boire de la bière alors que les autres profitaient de la dernière livraison de PCP. Ils en mirent dans la boisson de Stéphane par jeu ou par malice. À la fin de l’après-midi, Stéphane perdit complètement la carte.      

Manipulé par la drogue que l’on avait jetée dans son verre, on se mit à parler bizarrement du FLQ, si bien que Stéphane se mit à paranoïer et croire que Charles était, comme le prétendaient certains, un traître à l’indépendance du Québec puisqu’il était un ancien felquiste. On sait que d’ici le prochain référendum sur l’indépendance du Québec, il faut être de la GRC ou du moins complice du gouvernement fédéral pour essayer de faire renaître le FLQ de ses cendres. Sans violence, le fédéral ne peut pas militairement occuper le territoire québécois sans démasquer son esprit fasciste à la face du monde entier. Puisqu’on parlait faussement de Charles comme felquiste actif, celui-ci devenait automatiquement un ennemi du Québec. Ça n’avait pas de sens puisqu’au moment où Charles avait connu le FLQ, c’était des patriotes qui se battaient pour le Québec.

Stéphane, complètement givré, se précipita au restaurant Del, où Charles s’était rendu souper avec Monique. Stéphane était décidé à lui faire la peau. Une fois à l’intérieur du restaurant, Stéphane se précipita vers la table de Charles, armé d’un couteau. Des usagers conscients du danger le saisirent. Stéphane criait à Charles, ahuri : « Viens, mon Christ, je vais te la faire la peau. Sale traite! Tu es un Anglais. Je vais te tuer. ! » Charles n’y comprenait rien, tant qu’il ne sut que Stéphane avait été drogué.      

Évidemment, la police fut mandatée sur les lieux. Stéphane, en pleine crise, essaya de se défendre et frappa accidentellement un policier. Stéphane fut amené au poste et les policiers exigèrent que Charles s’y rende aussi afin de déposer une plainte de tentative de meurtre. Ce à quoi se refusa Charles par amitié pour Stéphane.    

Stéphane fut enfermé dans une cellule. À son arrivée au poste, Charles entendait les cris de son jeune protégé ainsi que le bruit qu’il faisait en se jetant sur les barreaux de la porte de sa cellule.        

Charles savait que les drogues dures affectaient la santé mentale de Stéphane pour l’avoir vu dans cet état juste avant qu’il décide d’en finir avec toute cette vie de jeune délinquant. Cette fois-là justement, il était presque mort d’une overdose qui avait engendré un début de crise cardiaque.        

Charles paniqua devant le refus des policiers de conduire Stéphane à l’hôpital. Il lui était intolérable de penser que Stéphane puisse se tuer dans un excès de démence causée par la drogue. Charles  retourna chez lui en pleurant. Que faire devant la stupidité d’un système qui se fiche que n’importe qui se tue pourvu que les preuves recherchées soient obtenues. 

Devant la détresse et la souffrance de Charles, Monique décida d’intervenir auprès des services de santé pour lesquels elle travaillait. Elle obtint le transfert de Stéphane à l’hôpital. Mais, toujours drogué, le jeune homme déguerpit deux heures après son entrée. Allait-il recommencer ses menaces? Quelque temps plus tard, il téléphona chez Charles. Il le menaçait de nouveau et lui demandait de se présenter au poste de police avec une bonne somme d’argent et des aveux de culpabilité. Charles en fut abasourdi. Il décida d’entrer en communication avec Bernadette, la mère de Stéphane, dans l’espoir de trouver là un certain secours.    

Avant même que Bernadette n’arrive chez lui, Stéphane se pointa chez Charles. Il lui annonça qu’il quittait l’appartement qu’il partageait avec lui, sous prétexte qu’il ne voulait pas être assassiné par Charles. Le jeune homme prit soin de prendre tous les couteaux et il quitta l’endroit, les yeux injectés de sang. « Ainsi tu ne pourras pas me tuer »., lança-t-il à l’adresse de son protecteur.

— Mais qui t’a mis des histoires de fou pareilles dans la tête » objecta Charles, complètement abattu.        

— Les femmes le disent. Tu es un dangereux criminel. Tu veux séduire toutes les femmes pour ensuite pouvoir tuer tous les garçons et prendre le contrôle de l’univers. Tu es l’antéchrist!    

Stéphane n’avait pas quitté la maison que Bernadette fit son apparition. La discussion porta longtemps sur l’état de santé mentale de Stéphane. Il était aussi allé chez sa mère auparavant pour la menacer puisque selon lui, elle appuyait Charles dans son plan pour l’assassiner. Charles savait que Stéphane, drogué, avait essayé de violer sa mère, mais il avait été trop lâche pour en avertir la police. Il croyait qu’une intervention de celle-ci créerait un danger supplémentaire pour Bernadette. Avait-il raison ou était-il vraiment devenu un lâche?     

Plusieurs heures plus tard, Stéphane fut retrouvé en piteux état. Une fois l’effet de la drogue dissipé, redevenu lucide, il avait tenté de se suicider tant il avait honte de ce qu’il avait dit à Charles et de s’être attaqué à sa mère.

Voyant la situation, Charles et Bernadette entreprirent des démarches en vue de forcer Stéphane à se faire soigner. Mais en vain. Ils avaient beau essayer de faire comprendre aux autorités judiciaires qu’ils ne voulaient pas le faire enfermer dans une institution pour une longue période, mais l’aider et lui sauver la vie. Surtout l’aider avant qu’il ne soit trop tard. Mais les médecins considérèrent Stéphane comme sain d’esprit.         

— Comment peut-il être sain d’esprit, objecta Bernadette, quand lors de sa visite chez moi, il prétendait que l’armée avait envahi la ville, que les Martiens étaient débarqués?

Ils en vinrent à se demander si ce n’était pas le corps médical qui était atteint de folie puisqu’il prétendait que Stéphane avait un discours parfaitement cohérent. Ou peut-être bien que les médecins eux-mêmes tremblaient dans le complot pour se débarrasser de Charles? Cette idée était tellement grosse, invraisemblable…

Charles et Bernadette étaient révoltés d’entendre les infirmières affirmer qu’elles ne pouvaient rien faire tant que Stéphane n’aurait pas tuer Charles ou quelqu’un d’autre ou qu’il se soit suicidé. Elles prétendaient aussi qu’à cause de la drogue et de la violence, il s’agissait d’un cas relevant de la police et non de l’hôpital alors que de son côté, la police prétendait qu’elle ne pouvait rien sans avoir de plainte formelle pour tentative de meurtre. Charles savait très bien que porter une plainte équivalait à tuer Stéphane, ce qu’il refusait de toute son âme, quitte à être accusé de n’importe quoi.

— Faut-il être malade pour attendre de tels événements avant d’intervenir? S’offusqua Charles. La prévention, ils ne connaissent pas ça?        

Pour Charles, les services de santé mentale étaient encore plus perturbés que Stéphane pouvait l’être. Il était évident que Stéphane se sentait pris au piège : il se croyait harcelé et menacé de mort par la police, s’il ne dénonçait pas Charles, et, d’autre part, il croyait que Charles voulait le tuer puisqu’il était le seul à pouvoir l’accuser et le condamner. Par respect pour Stéphane et comprenant son dilemme intérieur, Charles permit à Stéphane de rencontrer les policiers chez lui. « Du moins, pensait-il, il n’aura plus cette peur et ne tentera plus de se tuer… tant pis si je dois faire de la prison. »       

Le harcèlement policier, l’agent double Paulo Choquette, tout concordait à une seule thèse : le complot politique. Ne fallait-il pas être plus sale que la saleté pour accepter de risquer la vie d’un jeune homme afin de l’épingler, lui? Charles savait qu’il n’y avait aucun lien entre lui et le communiqué du FLQ, mais il savait que le système est bien capable de l’inventer.       

Quelques jours plus tard, Stéphane vint lui demander de réintégrer l’appartement. Charles accepta puisqu’il savait que Stéphane n’était pas responsable de ses actes et de ses gestes.

Dès lors, les rapports avec Monique changèrent. Elle était plus distante. Elle voulait vivre sa vie. Cela intriguait Charles. « Peut-être a-t-elle peur du scandale? C’est dans le malheur que tu reconnais tes vrais amis. »      

Charles n’était pas homme à lui en vouloir : on n’impose pas sa peine aux autres. Il accepta à regret la décision de Monique. Cette séparation le blessa plus qu’il ne l’avait prévu. Il était offensé de l’acharnement qu’on mettait pour le détruire, lui qui avait toujours essayé de venir en aide aux autres. Il souffrait de l’absence de Monique.

Un matin, Charles se rendit prendre son éternel café au restaurant. Il était seul dans sa section. Deux personnes discutaient de l’autre côté du mi- mur. Il reconnut la voix de l’agent double, Paulo, et à sa grande surprise, celle de Monique.

— Non, disait-elle, je ne regrette pas d’avoir coopéré avec toi. Tu es celui que j’aime le plus sur terre. Pour t’aider, je ferais n’importe quoi. J’irai témoigner contre Charles, s’il le faut. Il n’a que ce qu’il mérite… Je dirai en cour reconnaître le canapé comme étant celui de Charles.       

— Il risque des années de prison pour un crime qu’il n’a pas commis. J’ai placé la cocaïne dans les meubles.    

— Ça ne change rien! Maintenant, je t’ai découvert.     

— Tu le condamnes par amour pour moi?

— Oui et non. Mais, c’est surtout parce que je ne lui pardonnerai jamais comme femme de m’avoir humilié. Et, on le sait, la recherche du pouvoir et de la vengeance de certaines femmes est insatiable.   

— Humiliée?       

— Certainement! Il aime Stéphane plus que moi. Maintenant, il doit payer pour son choix. . 

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