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Le jeune espion (6)

mai 5, 2020

Chapitre 2

Un début d’été mouvementé

À son arrivée à la maison, à St-Camille-des-Champs, Jean-François fut stupéfait de ne trouver personne dans la cuisine. Il entendit cependant des voix inconnues et des bruits insolites, provenant du salon. « De la visite ? Gaston, un employé du magasin, ne m’en a pourtant pas parlé. Il était probablement trop occupé à amuser Colette. Une vraie mouche à merde quand elle est avec lui. »

Jean-François enviait la patience et surtout la tendresse avec laquelle Gaston traitait Colette. Non seulement prenait-il le temps de répondre à toutes ses questions, mais il la consolait, si elle avait le malheur de se plaindre de la faim ou de la longueur de la randonnée ? Il allait jusqu’à imiter toutes sortes de personnages pour la distraire.

Jean-François aimait particulièrement se rappeler un événement qui le fit longtemps rire.

« Ça aurait été drôle si elle lui avait pissé dessus », songeait-il, en riant aux éclats. Il revoyait le visage décontenancé de Gaston, quand la petite, assise sur ses genoux pour faire semblant de chauffer l’auto, se mit à crier : « J’ai envie de pipi. Vite, j’ai envie de pipi. » Gaston, tout énervé, dut arrêter la voiture et porter en vitesse la petite Colette à l’extérieur, pour qu’elle fasse ses besoins.

Plus il s’imaginait Colette lui dégoulinant dessus, plus Jean-François riait bruyamment. Il n’y avait jamais rien eu d’aussi drôle que la tête que fit Gaston aux cris de Colette, sauf la fois où son père, en plein chapelet, avait laissé échapper un pet comme on n’en avait jamais entendu, un pet à faire trembler toute la maison.

Jean-François aimait bien la compagnie de Gaston, surtout quand, malgré son âge, Gaston racontait des contes comme l’avait fait, pour lui, Ti-Charles Bergeron, à l’époque où son père l’employait au magasin général, à la place de Gaston. La tradition avait continué, malgré le changement d’employé. Ces contes avaient toujours quelque chose de fascinant, car le conteur mettait toujours Jean-François dans la peau du héros. Dans les contes racontés par M. Bergeron, Jean-François était toujours une sorte de héros mystique qui combattait les plans du diable. Il était bien différent, cependant, du Ti-Jean de l’ONF. Au cinéma, Ti-Jean était devenu le plus fort des petits gars d’un pays qui ne fut jamais le sien. « Le Canada est le pays des Anglais, le Québec, celui des Français. », pensait Jean- François.

Jean-Paul apparut dans la porte du salon. « Tu ris tout seul, maintenant. Serais-tu devenu fou ? J’ai toujours dit que l’instruction, ça rend dingue. »

Jean-François n’eut pas le temps de s’expliquer que Jean-Paul lui dit : « Tu n’as pas vu la surprise ? Viens au salon ! Tu seras étonné ». Pour être étonné, Jean-François le fut. Quand il se pointa dans la porte du salon, il aperçut le téléviseur que son père venait d’acheter.

Une dizaine de jeunes du village étaient assis devant l’appareil, silencieux, venus écouter le Père Ambroise Lafortune raconter un de ses souvenirs de voyage, mais les parents étant absents, on avait changé de canal. Il y avait une émission où la fille en vedette était plus belle.

Malgré son ravissement, Jean-François demanda où était sa mère, car, comme à l’habitude, le voyage lui avait creusé l’appétit.

  • Elle est allée aider Mme Vachon. Elle  aura un bébé et ça se présente très mal, répondit Jean-Paul, ayant, à cause de la télévision, retrouvé soudainement et temporairement, ses dix ans. Elle m’avait demandé de te préparer un macaroni au fromage, mais je l’ai oublié. Le film à la télévision était trop captivant : deux adolescents amoureux qui ne pouvaient pas se marier, à cause d’une chicane de famille et de statut social. « Ils sont complètement idiots, ces parents-là. », lança un des garçons devant le petit appareil, révolté par la stupidité des règles bourgeoises.

Jean-François comprit qu’il n’y avait qu’un moyen de souper : se le préparer lui-même. Jean-Paul était trop excité pour abandonner le petit écran, qui venait de faire son entrée chez les Bégin. Inutile de dire que les voisins s’y pressaient, les Bégin étant les seuls à bénéficier de cette invention au village.

Après s’être empli la panse, Jean-François retrouva le groupe de jeunes, qui ne s’aperçurent même pas de son arrivée. Enfin, ce n’était pas si grave, puisqu’un nouveau film commençait.

Jean-François voyait pour la première fois un couple d’amoureux se dévorer des lèvres. « Pourquoi montre-t-on comment faire des péchés mortels à la télévision ? » se demanda Jean-François, persuadé que les péchés d’impureté dont on parlait sans cesse n’étaient possibles qu’en compagnie des filles. Cependant, il ne savait pas exactement ce qu’était un péché, croyant qu’il s’agissait surtout de s’embrasser.

Le film terminé, sa mère n’était toujours pas revenue.

Son père, cependant, fit son apparition.

  • Allez, les enfants, il est assez tard. Tout le monde retourne chez soi, vous reviendrez demain, et vous, vous allez au lit. Tiens, Jean-François, mon homme. T’as fait bon voyage ? Au lit, toi aussi, car, demain, j’ai besoin de toi au magasin.

Jean-François ne portait plus à terre, jamais son père n’avait été aussi aimable avec lui. Ne lui avait-il pas passé la main dans les cheveux, un vrai miracle d’affection ?

Jean-François allait se coucher avec Benoît, quand Jean-Paul, son aîné d’une année, l’invita dans son lit.

  • Viens. Je dois te parler de la plus belle fille de St- Camille. Si tu la voyais, tu serais éternellement jaloux de moi.

Jean-Paul raconta sa romance, sans s’apercevoir que Jean-François n’en avait entendu que les premières strophes, puisqu’il s’était aussitôt endormi.

Immédiatement après le déjeuner, Jean-François se rendit au magasin retrouver Gaston, qui y était déjà depuis longtemps. Le travail ne manquait pas. Il fallait remplir les tablettes, épousseter le dessus des cannes, balayer le plancher et laver les vitres.

  • Jean-Paul ne vient pas t’aider ? Demanda Gaston, consterné par la paresse de cet adolescent.

Benoît fit son apparition, mais il profita du premier moment d’inattention de Gaston pour filer chez ses amis. Pour lui, la vie était déjà un jeu, une mentalité qu’il développera avec les années.

Vers dix heures, Gaston, impatient, demanda à Jean- François d’aller chercher Jean-Paul.

  • Il a assez dormi, finie la grasse matinée pour ce grand flanc mou ! S’il dort encore, tire-lui un verre d’eau. Tu me le ramènes ici, ça presse.

Quelques minutes plus tard, Jean-François fit irruption dans la chambre, sans avoir frappé à la porte. Il aperçut Jean-Paul, nu, bien bandé, le pénis d’une main qui allait et revenait à toute vitesse, alors qu’il regardait le portrait d’une fille. Jean-François n’avait jamais entendu son frère gémir de cette façon.

Jean-Paul s’arrêta net et chercha à se cacher avec une couverture. C’était trop tard. Jean-François l’avait vu et les couvertures étaient tombées près du lit. Impossible de les ramasser assez vite pour le couvrir. Pris au piège, Jean-Paul oublia ses scrupules, et, sourire aux lèvres, lança à Jean- François, encore embarrassé :

  • Déshabille-toi et saute dans le lit, nous verrons lequel viendra le premier.

Jean-François, intrigué, se demandait bien de quoi voulait lui parler son frère.

Jean-François, quoique ravi du spectacle, était certes plus niaiseux que ne le pensait Jean-Paul. Il restait immobile et se contentait d’admirer béatement, remarquant d’abord que le pénis de Jean-Paul n’était pas circoncis, un peu plus long et un peu plus gros que le sien. Il avait aussi beaucoup plus de poil.

  • Que fais-tu là ? Demanda Jean-François.
    • Je fais pleurer mon moineau.
  • Qu’est-ce que c’est ? Un nouveau jeu ?
  • Regarde bien, dit Jean-Paul. Tu prends ton pénis comme ceci, entre tes doigts, et tu le branles ainsi, en allant-revenant, du haut vers le bas, sans t’arrêter. C’est follement amusant. Ça te chatouille partout dans le corps.

Jean-Paul poursuivit plus lentement, mais sans gêne, sa masturbation, sous l’œil intrigué et fasciné de Jean- François.

  • Ne reste pas là, à me regarder, ça me déconcentre et je vais débander. Viens ici ! Aide-moi plutôt à jouir. C’est un million de fois meilleur quand c’est quelqu’un d’autre qui te le fait.

Jean-François prit la relève. Il fut vite excité par la respiration de son frère. Il nota surtout n’avoir jamais senti quelqu’un trembler et frémir autant que lorsqu’il posa la main sur le ventre de Jean-Paul, continuant avec l’autre, à pratiquer l’exercice qu’il venait d’apprendre.

Jean-François mangeait des yeux chaque nouveau mouvement de son frère aîné. Il observait chaque nouveau frémissement, chaque contraction de ce corps. Des contractions qui faisaient cligner des yeux et gémir comme s’il ne pouvait pas s’en empêcher.

Jean-François prenait aussi conscience pour la première fois, du plaisir de sentir la douceur de la peau d’un autre humain. Ces caresses l’excitaient comme s’il les avait lui-même reçues. Quant à Jean-Paul, il frétillait littéralement de plaisir.

Jean-François était étonné du plaisir que procurait un jeu aussi simple. Il ne comprenait pas pourquoi ça l’excitait autant et surtout, pourquoi il était bandé lui aussi.

Son extase fut complète quand il vit jaillir le sperme.

  • Qu’est-ce que c’est que ce jus-là ? Demanda-t-il,

posant les doigts sur le liquide suspect.

  • Berk ! De la gélatine !
    • C’est de la crème, grand niaiseux ! Jean-François porta ses doigts à son nez.
    • Que ça pue ! Et, c’est tout gluant…

Jean-François s’essuya les doigts avec un  mouchoir qui traînait sur le bureau, tout en maintenant sa grimace.

  • Mais si tu savais comme c’est agréable, quand tu viens. Tu devrais essayer, tu verras, lança Jean-Paul. C’est follement amusant. Veux-tu que je te le fasse ?

Jean-François ne savait trop quoi penser. Il aurait bien voulu et aimé pousser l’expérience à bout et de puiser comme dans un livre, aux connaissances approfondies de Jean-Paul en la matière, mais il se rappela que Gaston les attendait avec impatience. Il somma son frère de se dépêcher à s’habiller et de se rendre immédiatement au travail.

Il quitta la chambre, après avoir lancé un avertissement.

  • Tu devrais faire attention pour ne pas te faire surprendre à nouveau, mais cette fois par Maman. Elle n’aimerait pas ta tenue et je ne crois pas qu’elle apprécierait ce nouveau petit jeu autant que moi. »

Jean-François savait que sa mère, comme bien des femmes, avait dédain de tout ce qui a rapport au sexe. Il se rappela que l’hiver avant son départ, lui et ses frères s’étaient massés, pour être au chaud, près du poêle dans la cuisine, en attendant d’aller à la toilette. Comme cela arrive très souvent, sinon presque toujours, ils avaient tous un bandage de pisse. En les apercevant, sa mère les avait traités de cochons. Elle était enragée. Jean-François avait alors cru qu’il est mal de bander. Mais comment s’en empêcher ? Ça se fait tout seul !

  • Maman frappe toujours avant d’entrer, répliqua aussitôt Jean-Paul, mais Jean-François avait déjà refermé la porte.

Jean-François était abasourdi par ce qu’il venait de voir. Il était étonné d’avoir non seulement participé aux ébats de son frère, mais d’avoir adoré cela.

Sans le savoir, le sexe cessait d’être dans sa tête le danger que la société prétend qu’il est. Jean-François ne pouvait pas comprendre comment un tel plaisir peut être perçu comme une agression. Le sexe devenait au contraire un plaisir extraordinaire, pour ne pas dire, sans pareil ; mais il n’avait pas le temps de réfléchir plus longtemps à ce nouveau plaisir. Il se souvint vaguement avoir souvent aperçu, dans le dortoir du juvénat, des couvertures sauter probablement dans l’exercice de ce même sport. Le sport favori des adolescents…

Il reprit la besogne entreprise au magasin sans perdre un instant. « Encore un petit effort et tout sera terminé, avant même l’heure du dîner. »

Jean-Paul ne fit son apparition au magasin qu’une demi-heure plus tard. « J’avais un coup de téléphone à passer à Yvette », dit-il pour s’excuser.

  • C’est le temps d’aller dîner, proclama Gaston. Jean- Paul, tu garderas le magasin. Le travail ne t’a sûrement pas encore mis en appétit.

Jean-François était sur le point de monter à la cuisine, quand Gaston le saisit par le bras et l’amena derrière une des étagères, face à une grande boîte que Jean-François venait à peine de déplacer sans regarder à l’intérieur.

  • J’ai quelque chose à te montrer. Un petit cadeau. Les religieux du collège prétendent que tu deviendras prêtre, si tu continues à manifester autant de ferveur religieuse.

Jean-François était intrigué. Il n’avait jamais songé sérieusement à cette vocation, mais il ne l’avait jamais démentie pour faire plaisir à sa mère.

  • J’ai pensé t’offrir, poursuivit Gaston toujours aussi mystérieux, ton premier autel, afin que tu puisses dès maintenant t’entraîner à dire la messe.

Et, Gaston sortit de la boîte un autel miniature, tout sculpté dans le bois, un vrai chef-d’œuvre, des heures de travail.

Jean-François fut profondément touché. Une larme de joie jaillit bien malgré lui. Il aurait embrassé Gaston s’il n’avait pas été aussi gêné. Que dire devant une telle preuve d’amour ? Jean-François examina l’autel, tout en remerciant Gaston, tout sourire. Jean-François était au paradis. Que ce fût un autel n’avait pas d’importance, ce qui comptait, c’était l’amour mis pour la fabriquer, le travail exigé pour lui faire plaisir.

Fous de joie, ils montèrent tous deux à la cuisine, apportant le précieux cadeau.

La famille était réunie autour de la table. Jean-François plaça, à l’émerveillement de tous, ce touchant présent de Gaston. Gaston fut chaleureusement remercié. La mère de Jean-François s’approcha et embrassa les deux hommes.

  • Inutile de te dire dorénavant à ce que je rêve comme avenir pour toi, mon petit Jean-François. Gaston vient de le faire d’une façon bien plus éloquente que moi.

Jean-François s’attrista en songeant que sa mère n’aura jamais la joie de le voir monter à l’autel. Sans vouloir être hypocrite, il ne voulait pas non plus la peiner.

« Elle le saura bien assez vite », se dit Jean-François, heureux  de  la  voir  déguster  les  chances  qu’un  jour son grand rêve puisse se réaliser.

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