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Petite anthologie de textes érotiques masculins par Jean Ferguson.

mars 25, 2020

MARC DE PAPILLON DE LASPHRISE

(Français, 1555-1599)

Poète et militaire puisqu’il fut capitaine, ses poèmes révèlent une personnalité attachante. C’est après une vie remplie d’aventures et de voyages qu’il va se consacrer à la poésie. Les Amours de Théophile et de Noémie font de lui un poète attachant et personnel. Il sait aussi à l’occasion être satyrique. Il est étonnant qu’il ne soit pas mieux connu. Ses amours tumultueuses pour les jeunes soldats de sa troupe y sont peut-être pour quelque chose.        

STANCES DE LA DÉLICE D’AMOUR

Je veux qu’en plusieurs lieux, mon ami soit ombré

D’un beau poil crépelu, poil que je tiens sacré,

Comme l’advant-courant le doux fruit que je cueille,

Et principalement je veux que son menton

Aye un petit duvet d’un blondoyant coton.

L’arbre est bien mal plaisant quand il n’a pas de feuille.

Oserais-je oublier ce que je veux surtout ?

Le fregon de mon four, bâton qui n’a qu’un bout,

Mon mignon boute-feu de ma flamme amiable,

L’ithyphalle gaillard qu’il ne faut amorcer,

Qui sans caresse peut un monde caresser,

De grandeur naturelle et de grosseur semblable.

Toujours prompt, vif, ardent, ayant un sang altier,

Et deux braves témoins, pour me certifier,

Qu’il est prêt, bien en point, gonflé d’ardeur féconde,

Encore que sa forme enseigne sa valeur,

Son chef, son front, son nez, n’est-ce pas un beau coeur

Qui sans cesse combat la plus grand’part du monde ?

JE VOUDROY BIEN, POUR M’ÔTER DE MISAIRE …


Je voudroy bien, pour m’oster de misaire,

Baiser ton oeil — bel Astre flamboyant.

Je voudroy bien de ton poil ondoyant

Nouer un nœud qui ne se peust deffaire,

Je voudroy bien ta bonne grace attraire,

Pour me jouer un jour à bon esciant,

Je voudroy manier ce friant :

Aux appetis de mon desir contraire.

Je voudroy bien faire encore plus,

Defendre nud le beau flux et reflux

De ta mer douce où l’Amour est Pilotte.

Je voudroy bien y estre bien ancré,

Et puis apres ayant le vent à gré,

Je voudroy bien perir en ceste flotte.

JOHN-ALLEN PATEUSHAM

(Gaspésie, métis d’origine Mi’ qmaq, 1940-)
John-Allen Pateuscham est un pseudonyme. Il s’agit d’un Métis né à Listigug, en Gaspésie. Il est associé aux enseignements chamaniques. Ses recherches sur les berdaches, qui ont été publiées dans diverses revues anglophones et francophones, font actuellement autorité. Il a notamment dévoilé l’aspect mal connu de cette pratique masculine dans le monde indien qui était fort répandue, selon cet auteur, dans les temps passés.   

Pateusham est très connu pour ses prises de position en faveur des amours entre adultes et adolescents. Pour cette raison, il n’a pas évité le scandale dans sa propre communauté et il a fait plusieurs séjours en prison au Canada parce qu’on l’a accusé d’avoir entraîné des garçons à la pratique de ses théories. Il est en exil aux États-Unis où il a trouvé des communautés discrètement plus ouvertes et favorables à ses thèses. Ses poèmes n’ont pas encore été publiés en leur entier quoiqu’ils soient très connus dans le milieu gay français et américain. Il passe facilement d’une langue à l’autre, voyageant beaucoup entre les continents. Pour cette raison, peut-être, c’est un poète d’une grande versatilité — dont l’œuvre est inégale à cause des influences qu’il doit assimiler —, il oscille entre la tendresse sans retenue, presque précieuse, et la confession amicale. Il a renouvelé le genre dans une version plus moderne des poètes aux accents verlainiens.

MON JEUNE AMOUR

J’ai conscience de ton regard posé sur moi

oiseaux tendres lumineux sillages

arc-en-ciel sur la tenture du temps

ô ma tendresse

ô mon désir de fabuleux rivage.


J’ai prescience d’un bonheur

qui me vient de ta présence

mon esprit s’agite en volutes

je reste coi au pays de ton être

ton regard me surprend en plein délire de toi

puissantes effluves de ton esprit

j’ai l’habit neuf de tes yeux qui m’enchantent.



Passe la fleur de ma passion

passe passe mon amour aux herbes du désir

nu sous ta chemise

pour la route couverte de soleil

mon coeur mon ardeur au pays de toi

plus désirable que mille millions de bonheurs.


Mon amour sur ton riche rivage

mon coeur cette île sauvage

où s’amusent tes baisers

j’ai une suprême envie de toi

je rappelle l’âme délicate de nos extases à venir

mais c’est l’écho de la jeune lune qui me poursuit

en code stellaire et j’ai beau courir avec le vent

pour qu’il rende au jour ton image

ta chère image ta belle image

mangée par ma bouche ô douceur

il me reste des mirages brouillés qui me font tant t’aimer.


Je marche vers toi dans la nuit jour fou

et mes pas sont des étoiles

aux plages silencieuses du temps

et j’ai tant de rires dans mes bagages de gais souvenirs

qui ne mélangent pas les rayons du ciel

avec ta grâce de lumière indomptée.


Je suis une référence

pour la doucereuse ferveur des nuits

je reçois la générosité de tes lèvres

la rivière de tes ardeurs

la merveille exquise de nos amoureuses tendresses

aux jours heureux

aux avenirs indécis

aux aurores métalliques

aux carrousels de ta présence.


Nous sommes le monde en soi

et personne ne peut l’oublier

au ciel sur la terre

notre esprit est majuscule

sur l’écrin de ton visage

coeur de poésie mon tendre amant

l’aube est douce et chaude est la nuit.


Je suis un délire vivant

qui cherche ton pays intime

nous refaisons sans cesse le monde

dans la jubilation de nos chairs.

J’ai tellement goût de toi

que je distingue mal le champ du rêve

chargé de tes yeux

les gestes appris dans tes bras

les vagues d’ondes au créneau lourd de tes baisers

plus je les écoute

plus je reviens au royaume de nos amours.


Les bulles de la joie éclatent devant tes pas

dans le sentier écarlate et moi je te suis

fou d’amour fou de désir

je cherche du doigt ton dernier miel

la chaleur de tes cheveux la nuit

et l’odeur de ta peau embaume mes frémissements.


Il y a plus d’oasis au fol pays d’eau

elles naissent dans l’empreinte de tes caresses

Sous la splendeur de ton regard

renaissent les sables les herbes et les fleurs

ma peau couverte de ces empreintes

je demeure dans les fils de ta tendresse

sous l’effleurement de tes mains je deviens beau.


J’ai longue mémoire de nos jeux

j’ai longue mémoire de notre idylle

notre harmonie en fine pâture

de nos extrêmes convoitises.

Mes rires sont des dieux marins

qui cherchent l’océan de tes attachements.

E PRÉFÈRE …


Au vent étourdissant des vastes espaces,

je préfère la caresse simple de ton haleine.


Aux mille odeurs enivrantes de la campagne,

je préfère le délicieux parfum de ton jeune corps.


À la tempête qui dévaste tout sur son passage,

je préfère tes colères soudaines qui me laissent pantois.


À la rumeur inquiète d’une probable guerre,

je préfère tes murmures et tes cris angoissés.


À l’humaine misère, aux difficultés,

je préfère tes douleurs d’ange ébouriffé.

Aux voyages les plus extatiques,

je préfère ta géographie intime.


À la lune romantique,

je préfère tes yeux lunatiques.

Oui, vraiment, je te préfère,

et ce qui n’est pas toi m’indiffère.

NOUS BAISONS DES GARÇONS …


Nous baisons des garçons bien nés

dans cette ville nordique.

Ils causent motos 49 cc, 100 cc

ou mieux, jolis étalons, 1050 cc ou encore

bien bandés, les rutilants 1200 cc.


Ils savent tenir un guidon,

les garçons que l’on aime;

ils savent que l’on doit museler

les canaux déférents:

l’extrême frontière du Plaisir.


Et sur de beaux motards aux cuisses évasées,

Sentant le cuir et les chromes,

je m’excite avec des gestes osés,

Mais je sais que pendant ce temps,

ils regardent ailleurs …

ANDRÉ

Dans la maison du temps pleine

de soupirs des bouches blanches,

tu brûles mon âme

et j’ai le souvenir d’une jeune queue de pie.


Je l’ai connue en lumineuses saccades

et j’ai bu à son oeil unique

la liqueur des jeunes bulles.


J’étais alors heureux

et mon haleine avait le parfum

de ta charmante toison douce.


Et toi, Splendeur de mon amour,

tu étais mon grenier charnel

plein de subtiles douceurs

où ma main par jeu passait sans relâche.


De balises amoureuses,

Qu’es-tu devenu, bel adolescent

Au regard, aux yeux francs,

qu’es-tu devenu?


Ma peine est immense

et pleure mon coeur

comme sur une plaine de gadoue bleue,

dans les lumières mortes

de la maison du temps.


Je
ne boirai donc plus

ta liqueur blanche,

le lait du silence?


Je vais mourir encagé dans un arbre.

Du jeune peuplier blanc

dont la tête touchait le ciel,

dont je caressais la tendre écorce;

sa peau jeunesse, pelure entière,

tiède de tant de douceur.


Mon âme s’effrite en vague successives:

je vais mourir sur une peau d’ours blanc

volé sur l’étoile naine du céleste sourire.

BELLE TOISON

Belle toison du temps jadis

que j’ai tant cherchée!

L’odeur m’en sublime encore les narines.

Ah! Que j’aimais en ce temps-là!

J’avais la précieuse habitude

de fréquenter mon bel amour

qui répondait au nom très banal

d’André … à qui je faisais découvrir

sa jeunesse, sa voix et son visage,

André du matin, André de l’aurore,

bel amour …

POÈME DÉDIÉ À UN GARÇON QUI S’EST SUICIDÉ

J’ai toujours à l’esprit son visage d’enfant;

oui, bien sûr, c’était à peine un adolescent.

Son regard m’a charmé; ses yeux couleur de menthe

m’ont fait regretter de n’avoir plus vingt ans.

Très gentiment, il m’a pris la main en disant:

« Viens-tu avec moi? Je pense que j’ai envie

de dormir dans tes bras. » Tendrement j’ai souri

À sa jeunesse oubliant le fossé du temps.


Il m’a suivi chez moi; nous nous sommes aimés.

J’étais gêné, je crois, de n’avoir plus son âge,

mais peut-être qu’il était trop sage

pour juger l’amour au nombre des années.


Quand il est reparti, j’ai aussitôt compris

qu’il ne reviendrait plus, ce garçon beau et libre.

Et il m’a chuchoté dans la rue pleine d’ombres:

« C’était bon de t’aimer, de t’avoir comme ami.. »


Je n’oublierai jamais le doux pays de son corps;

je voudrais tant revivre à nouveau cette joie

qu’il m’a procurée quand je n’y avais plus droit.

Non, je ne peux oublier le pays de son corps.

]’ai toujours à l’esprit son visage d’enfant;

oui, bien sûr, c’était à peine un adolescent.

Son regard m’a charmé: ses yeux couleur de menthe

m’ont fait retrouver la splendeur de mes douze ans.


STÉFANE

Sté, garçon-fleur

dont j’aime tant l’odeur,

tu as les yeux de mon plaisir,

tu es ardentes caresses

sur mon corps qui t’espère

dans la douceur et l’abandon.

J’Ai attendu longtemps ta présence tranquille,

ton silence essentiel

et je pense à toi.


Ce soir, j’aurais tout à coup besoin de tes mains,

de ta bouche inquiète et chercheuse.


Garçon-mélodie, ton corps instrument parfait

s’applique à des accords qui m’étonnent

et me comblent.


Tu sombres brusquement dans le plaisir

après t’être promené longuement sur l’arc

de mes désirs et des tiens.


Il jaillit ton pollen dans le jardin de l’été

plus délicieux que mille miels.

Tu en profites pour t’enliser

dans un vertige de soleil,

carrousel d’ombres et de couleurs.


Sté, garçon-plaisir,

je le crois bien,

je vais t’aimer encore et encore

pour te conduire jusqu’à l’aube.


Tu me fais naviguer dans les veines de ton beau corps,

géographie intime

où je me perds rempli de délices.

Sté, garçon gracieux,

garçon curieux,

garçon plein de mélodie,

garçon flûte de berger,


Sté, garçon brave,

tu as gagné,

je vais t’aimer jusqu’à l’extase.


STÉFANE, MON PAYS DE RÊVE
.


Tu es l’aube envahie d’herbes de lumière

comme cette tache en moi d’eau où brille ton visage aimé;

étang situé tout au bout de mon âme

dans ce coeur-pays que ravagent les désirs d’amour:

ce paysage de moi qui serait bien moins beau sans toi.


Je t’aime jusqu’à perte d’horizon;

ton corps m’est plus précieux que ma propre vie;

pourquoi faut-il tant t’aimer,

mon doux, mon cher jeune ami?

TRISTAN

Tristan, l’aube va naître

et nos yeux enfin se retrouvent

comme des perles de rosée

qui s’ajoutent l’une à l’autre pour n’en plus former qu’une.

Ton regard, hirondelles aux ailes moirées,

je l’attends ce regard de toi

qui m’ouvrira une porte du paradis perdu,

ce lumineux regard qui est ma force d’espérer

sans lequel je ne peux vivre,

sans lequel mes désirs ne sont qu’errances.


Tristan, mon bel amour,

ta lumineuse clarté a chassé la nuit traîtresse au visage noir.

Ta seule présence est un baume

et les mots que tu me murmures sont la mélodie

du plus beau des cantiques: il n’y a jamais eu pour moi

des sons plus agréables.


Je te retourne, j’écoute le bruit de ton coeur,

je suis pareil à quelqu’un qui a trop de bonheur.

Je frisonne du plaisir de ta main,

je respire de ta bouche.

Tristan, mon sourire,

Tristan, mon désir de chair et d’âme,

Tristan, mon si bel amour!

LETTRE POUR ÉRIC

Tu es parti, Éric,

sans écouter la peine de mon coeur,

toi qui étais plus que moi-même.

Depuis la vie s’écoule de moi

comme le filet du ruisseau oublié sous la fougère.


Au souvenir de tes yeux, j’ai un amertume étrange

qui me scie la gorge,

car, vois-tu, Éric, il n’y rien au monde

de plus cruel

qu’un garçon qui oublie d’aimer …

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