Petite anthologie des textes érotiques masculins par Jean Ferguson.
EUBOULOS
(Athénien, IV’ s, avant J. C.)
Poète, il composa plus de cent comédies légères. Il s’est plu dans la parodie. Celle que nous avons choisie ici concerne le fait qu’en Grèce, le compagnonnage guerrier était encouragé, compagnonnage qui faisait de meilleurs combattants, il y eut même un bataillon sacré des Thébains formés de couple d’amants.
LA GLOIRE DES THÉBAINS
La guerre de Troie a duré dix ans
et personne n’a jamais vu là
une seule prostituée.
Les guerriers s’enculèrent
pendant ces dix années,
Ce fut une triste campagne :
pour prendre une ville
Ils rentrèrent chez eux
avec des culs bien plus larges
que les portes de la ville conquise !
BÉNIDICT FISET
(Gaspésie, Québec 1898-1953)
Ce singulier poète, bien en avance sur son temps, un peu prophète dont les poèmes furent publiés à compte d’auteur pour un cercle restreint d’amis après sa mort, fut d’abord et avant tout un guérisseur notoire et estimé. Il a ‘vécu à Petite-Rivière-du-Loup, en Gaspésie, au Québec.
Demeurant seul, on ne lui a connu aucune liaison féminine, il prenait toujours avec lui un garçon ou deux qu’if initiait à son métier de forgeron et, sans doute, s’efforça-t-il de leur donner un peu de culture littéraire, en leur proposant des lectures, car il possédait une bibliothèque bien fournie. Cependant on n’ébruita pas ce fait, car lire, à celle époque, dans la Gaspésie profonde, était jugé comme une activité suspecte et fort peu utile.
GARÇONS ANGÉLIQUES
J’ai mis l’archange joli au poteau de la torture.
il se plie, se tord, se plaint et cherche une échappatoire.
Il soupire, il délire, l’archange si beau, mais je le tiens
par son aile aux plumes lisses et chatoyantes.
Il pleure sa force envolée, son aile luxée :
il craint de ne plus jamais voler.
Devant son désarroi, je cède soudain :
— Va-t’en, bel ange si doux,
vers des cieux inconnus de moi.
J’oublierai ta peau parfaite,
tes cheveux de soie,
ton beau profil
et ton nombril plein de rubis.
Mais je t’en prie, ne me vole pas mon ange gardien
déguisé en garçon candide :
j’ai besoin de lui pour survivre.
LES GARÇONS PLEURENT
Les garçons pleurent dans le vent
parce que je leur ai volé leur tendre olifant.
C’est la cavalcade de ma déraison
Sur des visages pleins de sons.
Je vais essuyer vos larmes
et je vous donnerai des musiques d’étoiles.
Peut-être alors le sourire reviendra-t-il
Sur vos jolies lèvres d’espérance?
FRAGILE BEAUTÉ
Je me souviens de ta fragile beauté,
du silence adulateur qui t’entourait
dans la douceur de moi.
Je t’ai aimé plus que la vie
au point que les anges m’en ont fait reproche.
Pour la terre; j’ai oublié le ciel
et je restais insensible à la cohorte des vivants ;
pourtant j’avais démontré de très bonne heure
beaucoup d’intérêt pour les habitants du paradis.
J’ai couru après ton amour
comme un fou,
et j’ai connu tant de bonheurs.
Mais je m’exprime si mal
en ce coin de moi,
car je me souviens encore de ta fragile beauté.
ÉTERNITÉ
De mon regard insistant,
je te fixe pour l’éternité,
l’éternité de toujours ;
j’y décèle ton odeur pareille à celle des pommiers en fleurs
et je n’ai qu’une envie : goûter tes jeunes fruits
comme aujourd’hui.
Je prends tes lèvres au parfum de safran,
je m’attarde à tes oreilles au goût de pêche.
Je hume ton haleine plus délicieuse qu’une brise de mai.
Enfant très aimé, j’ai le désir constant de toi,
de ta beauté extrême…
J’ai l’espoir que tu souhaiteras toujours
les caresses de mes lèvres et de mes mains
sur tous les replis les plus infimes de ton corps
dans cette éternité où tu fixes mon regard,
dans cette éternité de toujours
où nous serons seuls à jamais,
mon amour délicieux,
mon trop aimé
mon extrême affection.
JE SUIS AMOUREUX D’UN GARÇON JOLI
Je suis amoureux d’un garçon joli
aux yeux doux et pénétrants…
Ce beau Brummel adolescent a-t-il un coeur?
Le bel adonis me donnera-t-il autre chose que de l’espoir?
C’est la question que toujours je me pose
lorsque naît la rose de l’amour
dans le jardin secret du premier regard.
Or, cette fois, je reçois ses baisers
et ses caresses langoureuses.
Son nom est une douceur à mes lèvres.
Michel, le beau, le tendre éphèbe
se satisfait de ma présence et de mou corps.
Il est mon délice et il occupe ma tendresse
mieux que dans mes rêves les plus fous.
Michel, tu me rends heureux,
mais est-ce que cet amour durera, dis-moi ?
Il m’enveloppe de ses yeux caramel
et me dis avec candeur :
— Je t’aimerai toujours
et je ne pourrais jamais t’oublier.
…même si un jour, je pars…