Radioactif 601
Radioactif 601
21 Mai 2011
Coupable de quoi ? Plaider coupable de quoi ?
Mon amie Clara (un nom fictif) ne veut même pas que je me rende en ville, car elle est certaine qu’en y mettant les pieds, je serai arrêté. Elle me propose que l’on se rencontre dans un restaurant à l’entrée de la ville.
Elle veut que je plaide coupable pour que Mathieu n’aie pas à témoigner contre moi. Plaider coupable à quoi ? Non seulement il ne s’est rien passé d’assez immoral pour prétendre que je l’ai forcé à quoique ce soit, sauf si on est mormon, car, pour eux, il suffit de penser pour déchaîner les foudres de Dieu.
D’où venait la plainte ? Nous étions revenus. Mathieu était très content d’avoir fait le voyage avec moi. Je ne peux tout même pas me garrocher en enfer parce que j’ai souhaité avoir un rapport sexuel avec lui. On n’est pas à l’époque de l’Inquisition pour se torturer sur nos moindres intentions. On ne se rend pas malade à se torturer à la recherche de péchés et de désirs charnels.
Je ne l’avais ni sodomisé, ni caressé indument, ni sucé, ni même masturbé. C’est quoi leur problème.
Quand je suis parti en voyage le problème de kidnapping des enfants était réglé. Les enfants avaient retrouvé leur domicile qu’on avait nettoyé durant des journées. La petite fille retrouverait bientôt sa mère chez les Mormons et tout le monde était bien de bonne humeur.
À la demande de Jean-Paul, j’ai écrit une plainte qu’il a logée contre la police pour arrestation illégale des enfants. Il a signé et envoyé le document.
Je pouvais me reprocher tout au plus avoir rêvé que Mathieu aime se laisser caresser ; mais ce n’était pas arrivé. Je ne savais même pas ce que l’on me reprochait. Pourquoi était-on allé chez moi en mon absence ? Je n’ai jamais volé, ni fait aucun trafic illicite.
Pas de policier à la maison, donc, on avait drôlement paniqué pour rien. Il fut entendu que je me rendrais au poste de police avec un avocat le lendemain.
Tout ce que j’avais appris : Mathieu avait dit devant son père et une travailleuse sociale (une amie personnelle de Michaël Jean, future gouverneure du Canada et ennemi du FLQ) que je l’avais touché sexuellement.
Pas étonnant après avoir été prisonnier dans une famille d’accueil durant une fin de semaine et voyant tout le branle-bas qui l’entourait que Mathieu essaie de mettre fin aux conversations spéciales pour l’amener à avouer qu’il s’était passé quelque chose. Il avait sûrement exagéré pour que ça prenne cette tournure.
Par la suite, Mathieu a été interrogé durant des heures et des heures pour créer un dossier. Ils en ont écrit deux au cas où. Dans l’un d’eux, je m’étais couché dans son lit, derrière lui, et je me collais de manière à ce qu’il puisse très bien sentir mon bandage. C’était complètement idiot puisque la seule fois où nous avions couché ensemble nous étions dans des sacs de couchage séparé et à cause des médicaments et de la souffrance de ma blessure à l’épaule, je ne bandais plus depuis mon accident. Je ne pouvais même pas me masturber puisque c’était mon bras droit qui était gravement blessé. Je ne pouvais pas le grouiller d’où ma visite au physiothérapeute.
Le temps passait et je n’entendais plus parler de rien. En me rendant à mes cours, à l’école Percival, je fus demandé au beau du directeur. Là, on me dit que j’étais accusé d’actes criminels. Je perdais immédiatement mon emploi.
Quand je suis retourné chez moi, une station de radio affirmait que j’avais touché une petite fille à l’école. Mathieu n’a jamais fréquenté Percival.
J’étais déjà démoli. Être accusé d’un plaisir sexuel au Québec, c’est aussi pire que d’avoir tué. C’est malade, mais c’est ainsi.
23 Mai 2011
Jean-Paul est forcé par la police de m’accuser.
J’étais à la maison, le soir, avalant très difficilement les événements quand Jean-Paul est venu me voir.
Selon ce qu’il me racontait, il avait été vu par la police qui exigeait de lui de signer une plainte contre moi, sinon on lui faisait perdre la garde de Mathieu. Jean-Paul affirma avoir signé à regret parce qu’il tenait à cette garde, même s’il passait son temps à se chicaner avec Mathieu.
Je l’ai consolé en lui disant que si j’avais été dans les mêmes conditions, j’aurais fait exactement la même chose. J’étais sincère en plus.
Jean-Paul me dit alors : « Ça va être tout un procès. Le politique contre la religion. Il me pensait politiquement très bien ancré alors que je n’étais qu’un petit penseur qui ne faisait que donner son opinion. Je n’ai jamais eu beaucoup d’influence politique. On m’écoute poliment parce que je me prends pour un autre. Plusieurs pensent que je suis complètement fou, même si ce que je prédis arrive toujours une dizaine d’années plus tard.
Il ajouta que j’aurais contre moi toute la force de l’argent des Mormons pour m’écraser et qu’ils étaient extrêmement riches. Selon lui, les Mormons soutenaient son épouse qui voulait à travers ce procès reconquérir la garde de Mathieu.
Le lendemain soir, Jean-Paul arriva avec Mathieu. Le petit était extrêmement nerveux. Il se promenait dans le salon et criait (presque) que c’était la faute de son père. Il l’accusait d’être gai. Je trouvais ça très drôle parce que Jean-Paul frémissait à la vue d’une femme à plus d’un mille de distance. Comme tous les hétéros à forte libido, il les sentait venir et trépignait dès qu’elles lui plaisaient. Plus aux femmes que lui, c’est impossible. Et Mathieu repartait de plus bel qu’il serait placé, mais jamais, jamais, il n’irait vivre avec sa mère. Je ne l’avais jamais vu dans un tel état. Il paniquait.
Pour le calmer, je l’arrête de se promener. Je l’assois à côté de moi, je lui fais la bedaine à Mathieu, c’est-à-dire que je lui flotte la bedaine, ça le sécurise et ça le fit rire. Comme prévu, toute la tension est tombée. Mathieu se sentait à nouveau en sécurité. Évidemment, la principale question pour lui était à savoir si je l’amènerais toujours en voyage ?
Je lui ai dit qu’il n’avait qu’à dire la vérité et que je ne voyais pas pourquoi on ne pourrait pas repartir ensemble. Jean-Paul en profita pour lui dire que je ne lui en voulais pas. Ce qui était exact. Plus j’y pensais, plus c’était idiot que Mathieu ait été amené au poste de police. Quel petit gars n’aurait pas eu peur, ne se serait senti coupable de quelque chose, s’il avait été ainsi kidnappé ?
Mathieu est reparti tellement heureux qu’il semblait danser en retournant à l’auto avec son père. La mère de petit Gabriel, du haut de la fenêtre du deuxième étage, n’en revenait pas de le voir aussi exubérant après m’avoir rencontré.
Quant à moi, je pensais de plus en plus que si cela arrivait, ce n’était pas qu’une affaire de mœurs. En Europe, des ministres du gouvernement belge tombaient à cause de Dutroux. On l’accusait de pédophilie. Ce qui n’est pas tout à fait exact puisque Dutroux s’occupait de commerce international de petites filles, donc, une affaire d’argent, plus qu’une affaire de pédophilie puisque la pédophilie se passe habituellement entre deux personnes..
Il était évident que le déchaînement de la presse créait une telle ambiance que mon cas devenait hors-proportion. C’était pire du fait que je savais que beaucoup de politiciens du Québec étaient gais et quand le système de morale est emballé, les nuances n’existent plus. On crée la panique. La panique justifie la répression. C’est un élément essentiel pour éliminer, grâce à la peur et au désir de vengeance, ceux qui ne nous plaisent pas dans la sphère publique .
Ce fut le principe de l’Inquisition et des nazis. Comme le dit un invité de Tout le monde en parle : la morale est le cheval de Troie pour instaurer un système d’extrême droite.
Pour plusieurs, j’étais un radical. À l’école, on s’amusait même parfois à faire croire aux élèves que j’étais encore un ancien felquiste. Certains jeunes le croyaient tellement qu’on m’a même demandé dans un cours si c’était vrai que j’avais posé des bombes à Montréal avant de venir travailler à Val-d’Or.
C’était ridicule, mais ça poignait. Certains s’amusaient même à faire parvenir des lettres de bêtises aux ministres fédéraux en signant mon nom. Je ne l’aurais su si on ne me l’avait pas raconté plus tard.
Dans les milieux nationalistes, on me croyait du groupe des purs et durs au Parti Québécois, ce qui ne faisait pas leur affaire parce que je ne concédais rien à la droite.
Même Lucien Bouchard m’avait fait savoir qu’il ne voulait pas que je fasse de vagues au congrès du Bloc. Le directeur de l’école, M. Mike Henderson, un peintre de grand talent, disait qu’à cause moi, l’école anglaise Percival était de plus en plus perçue comme un jardin magique pour l’indépendance.
Il disait que de plus en plus de parents de nos élèves étaient indépendantistes. Et, on venait de perdre le référendum. On en était à la vengeance. M. Parizeau fut la première victime.
Si on voulait tuer mon influence comme professeur, rien de mieux que de m’accuser de pédophilie. T’es automatiquement un homme mort. Le système savait que je suis pédéraste, sauf à Val-d’Or, car je n’aurais pas pu enseigner une seconde, si on l’avait su. Je ne l’ai jamais caché, mais je n’en ai jamais parlé, sauf avec Jean Ferguson et quelques amis intimes. Par contre, je l’écrivais depuis longtemps.
J’ai commencé à craindre qu’on m’accuse pour atteindre le député André Pelletier, car celui-ci était assez invulnérable. Voulait-on par ricochet semer le doute à son égard puisque j’écrivais souvent certains de ces textes lors des élections, mais peu de gens le savaient. J’avais un très profond respect pour cet homme d’une grande sincérité. Je ne voulais pas qu’il soit mêlé de près ou de loin à ce qu’il m’arrivait. Je lui ai donc demandé de ne pas intervenir quoique je veuille qu’il soit au courant de tout ce qui se tramait.
Plus le temps passait, plus ça semblait un coup monté de nature strictement politique. Comme moi, ceux qui m’entouraient commençaient à sentir qu’il y avait plus de politique dans cette affaire que l’on y avait d’abord cru.
C’est dans cette situation nouvelle que mon amie me dit que je devais payer puisque j’étais le seul felquiste qui n’avait pas été attrapé et condamné au début des années 1970. Je devais maintenant passer à la caisse. « Ça fait des années qu’on veut te mettre la main au collet, penses-tu qu’on serait assez fou pour abandonner le morceau.
24 Mai 2011
Enquête préliminaire.
Si tout ça c’était passé en juin, ce n’est qu’en septembre, une fois l’école commencé que l’on m’accusa formellement. D’une minute à l’autre, je n’étais plus prof. D’une seconde à l’autre, les radios locales prétendaient que j’avais commis des actes sexuels à l’école contre une petite fille. Rien de vrai, mais c’est la manière dont se déroule normalement ces événements.
Nous avons au Québec un amour fou pour le jaunisme journalistique, ce n’est pas pour rien que les médias sont aussi populaires. La vérité n’a aucune forme d’importance, surtout pas en Cour.
À l’enquête préliminaire, Mathieu affirma que je lui avais touché une fois. Que j’avais mis mes doigts sur son pénis, je ne les avais pas bougés et retirés aussitôt. Cet incident s’était vraiment arrivé à ma grande surprise parce qu’il n’avait pas serré sa ceinture comme il le faisait toujours. Pas de fellation, pas de masturbation. Pauvre gars ! Il avait manqué quelque chose.
Le sexe ne fait pas mal, tout au contraire, c’est un plaisir pour ceux qui ne se sont pas fait laver la tête par la morale judéo-chrétienne. Une morale basée sur la mésestime de soi, la honte d’être sexué, une porte à la maladie mentale, car ainsi tu es forcé de vivre à l’encontre de ta réalité physique.
On ne t’apprend pas à respecter les désirs des autres, mais à te priver de tous tes désirs en dehors de la fécondation. C’est la base, la pierre angulaire de toutes les pensées de droite. La droite aurait de la difficulté à survivre si elle ne préconisait pas cette morale qui nous garde tout le temps dans l’habit du pécheur repentant. On ne savait pas encore si des accusations seraient suivies d’un procès, ce n’était pas encore décidé.
J’avais rencontré un avocat qui m’a dit que si j’avais 10,000$ je m’en sortirais, sinon je ferais de la prison. Je n’avais pas l’argent. L’avocat partit pour une cure de désintoxication et fut remplacé par un autre, supposément son mentor. Mais c’était un incompétent de classe supérieure.
Par un drôle de hasard des vendeurs de drogue s’étaient installés dans l’appartement voisin, dans la même maison que moi. J’en ai entendu un dire à travers les murs qu’il se la procurait chez la police. Aussi, quand le député Pelletier me téléphona, je l’ai immédiatement averti que la ligne devait être tapée et qu’il était préférable qu’il demeure en dehors de ce procès.
C’était de plus en plus évident que c’était un coup monté de toutes pièces. Bizarre, mais ce même gars que j’ai entendu a été sauvagement battu peu de temps après.
Jean-Paul voyait déjà un grand spectacle : le politique contre les millions des Mormon, les alliés de son épouse.
M. Pelletier était enragé contre moi avec raison. Il craignait que l’on se serve de ce procès pour entacher la cause souverainiste. Je croyais aussi que c’était la principale raison pour laquelle on avait monté un tel piège.
La fin de semaine, un jeune homme que j’avais vu une fois avec Petit Gab, frappa et s’installa sur le bord de mon sofa dans le salon, le suppliant de le tuer. Je ne savais plus quoi faire. Dans ma situation, que diraient les gens de me voir en sa compagnie ? Finalement, je l’ai aidé, à se rendre à l’hôpital, en l’appuyant sur mon épaule. Il avait une over dose. J’ai cru qu’il allait mourir.
Tant pis pour ce que les gens pourraient en penser, la vie d’un jeune était en danger. Pour moi, c’était tout ce qui me décida de la manière de réagir. Malgré la poursuite judiciaire, j’aimais encore trop les jeunes pour en laisser un dans la misère.
N’en reste pas moins que tu te sens profondément humilié quand de tels événements se produisent. Tu n’as plus le courage de te battre. Tu peux te vanter que tu es pédéraste tant que ça ne porte pas à conséquence, quand les actualités le crient tu es moins brave. Tout le monde veut la peau des pédophiles et au Québec, on n’est pas assez intelligent pour faire la différence entre la pédérastie et la pédophilie. .T’as beau être brave ou baveux, tu marches la crotte au cul.
De toute façon, le système est la mafia et la mafia est ce qui est le plus puissant chez les humains.
25 Mai 2011
Perdre son emploi pour une affaire de cul.
La pire chose qui pouvait m’arriver dans la vie (à part la mort de ceux que j’aime) venait de se produire. Je n’avais plus d’emploi. Même si cette accusation n’avait absolument rien à voir avec l’école, je fus congédié sur le champ.
J’ai perdu mes deux seules raisons valables de vivre : le journalisme et l’éducation. Avec la mort de Rouhed, j’ajouterais la paternité. Ce procès m’apprenait à nouveau à me percevoir comme un raté.
Je croyais impossible d’être reconnu coupable pour un incident d’aussi peu d’envergure. Mathieu n’était pas traumatisé, bien au contraire, il voulait revenir en voyage avec moi. Il ne lui manquait qu’une semaine pour avoir l’âge de consentement. Je croyais que les Québécois étaient assez intelligents pour faire la part des choses. C’était mal les connaître.
Quand il est question de sexualité, ils deviennent complètement fous, rétrogrades, à l’image même de la morale religieuse qui les a sculptés.
Leur vision de la sexualité est la pierre angulaire de leur foi dans la droite. C’est leur attachement religieux puisqu’ils ne pratiquent plus. Un moyen de s’assurer de ne pas aller en enfer. Un geste rétrograde dirigé par les féminounes qui manifestaient d’ailleurs contre moi. Comment les femmes peuvent-elles devenir l’égal de l’homme si elles ont toujours honte ?
Moins les Québécois seront fiers d’eux, moins ils seront tentés par l’indépendance du Québec. C’est le but non-dit des campagnes pour dénoncer.
Se croire un héros ou une héroïne, en te proclamant une victime morte de honte et à jamais meurtrie.
On ne doit jamais parler en mal de son peuple, mais il y a des vérités qui doivent se dire si l’on veut que le peuple évolue. Dans leur tête, c’est moi le dépravé, le cochon. C’est un jugement d’ignorants, mais c’est celui d’au moins 99 pourcent des Québécois.
Puisque je vivais de paye en paye, il ne me restait plus qu’à quitter Val-d’Or, car, je ne pourrais pas payer mon logement dans de telles conditions. Je me suis installé chez un ami à Montréal, à condition que je ne parle jamais de politique à la maison. Ce fut d’ailleurs lui, sans se le savoir à mon opinion, qui fut la source des accusations qui viendront en 2018.
Une amie à Montréal avait organisé une espèce de séance soit disant pour m’aider, mais surtout j’imagine pour trouver des points pour me faire condamner, car elle a soutenu qu’on lui avait dit qu’avec de bons résultats » elle serait amené à Ottawa en limousine ». À partir de ce moment, j’eus la conviction que tout ça n’était qu’un « coup monté » politique.
Avant ma condamnation, mon bon ami Jean Ferguson se mit à rire de mon interprétation politique du procès. Il prétendait qu’au contraire, avoir organisé le coup avec Jean-Paul. Il prétendait que c’était strictement une question d’argent. C’était ridicule, car j’ai passé ma vie cassé ou à emprunter pour survivre, même quand j’enseignais. Il le savait, c’était un de mes banquiers. Ce n’est que plus tard que j’appris que l’on avait exigé 90,000 dollars au Dr Lemaître qui était aussi accusé d’avoir touché un garçon. Il fut assez intelligent pour s’en aller en France. Comment cette nouvelle s’était-elle ramassée à Radio-Canada ?
Mon avocat fut tellement mauvais que j’eus de la difficulté à ne pas m’endormir durant mon propre procès. Il posait des questions tellement stupides qu’on aurait dit qu’il ne faisait que tenir le temps pour les journaux.
Les accusations de près de 30 attouchements tombèrent à moins de trois cas possible quand Mathieu eut expliqué sa version des faits. Il semblait ne pas se rappeler que la bedaine à Mathieu, je faisais ça devant tout le monde, or, difficile d’être indécent. Ça le faisait rire. C’est vrai qu’il me tentait de plus en plus. Mais, on ne met pas encore les gens en prison pour des tentations.
Le juge a même supplié mon avocat de lui fournir ne serait qu’un élément pour me défendre pour m’acquitter, mais mon avocat n’en fit rien. Il m’avait demandé si je lisais Roger Peyrefitte. Non seulement je le lisais, mais nous nous étions rencontrés à Paris. Je l’avais envoyé promené parce que je le trouvais trop bourgeois. J’ai fait quelques conneries de la sorte dans ma vie. Des stupidités dues à l’ignorance et au fanatisme.
Mes élèves, plus d’une trentaine, m’offrirent de venir témoigner en ma faveur. J’étais un prof fou, mais aimé. Certains voulaient même battre le jeune qui demeurait chez moi, car il croyait que c’était le « stool ».
Personnellement, je n’en voulais pas à Mathieu. Qu’aurais-je fait si à 14 ans j’avais été enlevé par la police ? C’était tellement ridicule. On nous surveillait pour qu’on ne puisse pas se parler au Palais de justice, mais juste avant d’être condamné, le soir précédent, Mathieu est revenu pour s’assurer qu’il pourrait venir quand même venir avec moi en voyage. Les adultes, les féminounes, elles, paniquaient. Ce sont des malades.
Apres mon procès, on s’en est servi de l’introduction de mon livre « L’Homo-vicièr » pour faire la première page du journal local. Ma photo en grandeur de page accompagnée de la citation : « Jamais rien, ni personne, ne m’empêchera d’aimer les garçons de mon choix, que ce soit permis ou pas ». Évidemment, on ne remettait pas celle-ci dans son contexte.
Pour me confirmer dans ma thèse de la vengeance politique, le jeune qui demeurait chez moi, gelé à l’os, tenta de m’attaquer au couteau, affirmant que j’étais un vendu. « Puisque j’étais du FLQ, disait-il, j’aidais les Anglais». Où était-il allé chercher ça ? Petit Gabriel ne connaissait rien à la politique et il savait que je ne voulais pu fumer de pot.
Pendant des années, chaque fois que je m’investissais en politique, il commençait à me battre. J’avais toujours mis ça sur le dos de la maladie mentale, mais à la longue ça me rendit de plus en plus paranoïaque.
Tout était si stupide. On demanda un avis présententiel et à me regarder durant cinq minutes, la dame décida que j’avais le profit du pédophile. Elle prétendit que L’homo-vicièr, un de mes romans traitaient de merde alors que je n’en ai jamais parlé. Elle confondait un livre de Jean Ferguson sur les pets avec le mien. Elle affirma que je pensais que j’étais investi d’une mission. (Ça aurait dû être de combattre l’imbécillité). À ma surprise, même si l’amie de Michaël Jean était mêlée au dossier, jamais Radio-Canada n’en fit allusion. Par contre, mon ami Marc Lachance fut une victime de ce chantage et se suicida. Il écrivit d’ailleurs qu’il voulait que son suicide soit dénoncé comme un meurtre.
Je me serais bien suicidé. J’y ai pensé. J’ai même essayé comment ça se déroulait, mais j’ai changé d’idée à la dernière minute. Me tuer, c’était leur donner raison. J’avais une avocate extraordinaire pour aller en appel et elle croyait comme moi que tout ça n’avait pas de sens.
Condamné, mon avocat au procès m’avertit qu’en prison, je ne jouirais d’aucune protection, ni des prisonniers, ni des policiers. Il me demanda si c’était vrai que j’avais dit à Pierre Laporte qu’un jour au Québec on serait fier d’être pédéraste et honteux d’être fédéraste. Il m’affirma que mon procès était éminemment politique et me dit qu’à son avis, j’avais fait la seule erreur d’avoir parfois été seul avec Mathieu.
Je lui ai raconté qu’en Colombie-Britannique, au moins dix ans auparavant, j’avais chanté en sortant de mon procès : « Prenez un verre, buvez en deux, à la santé des amoureux. Et, merde, à la reine d’Angleterre qui nous a déclaré la guerre ». Elle t’a entendu, s’est-il exclamé.