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Radioactif 506

septembre 25, 2022

Radioactif 506

Textes de 2008, p. 982

Les pervers de la morale.

Enfant, je n’étais pas pervers, car je ne savais pas ce qu’était la perversité.  Pour être pervers, il faut connaître le bien et le mal ; or, quand on est très jeune, le bien et le mal n’existent pas.  Il n’y a que le plaisir et la douleur, faire plaisir ou pas à ses parents.  Plus tard, à l’adolescence, nous vivons les valeurs des autres, en attendant d’être assez sage pour se créer sa propre échelle de valeurs.

Les adultes sont là pour transmettre les valeurs du passé, même si ces valeurs sont absolument débiles.  Pour la religion et la bourgeoisie, le sexe est un péché.  La femme est une tentation.  Connaître du plaisir à partir de tes sens, découvrir les sensations qui entourent le toucher et la vue, c’étaient supposément l’œuvre du diable.  Mais, pour tout être normal, le sexe est un plaisir que l’on a hâte de découvrir.  

Quand on est jeune, on essaie moins de comprendre que de profiter de ce que la vie nous apporte.     
 
Je n’étais pas chaste, car j’étais déjà trop curieux pour avoir l’âme noircie par les fabulations adultes en ce qui concerne la sexualité.  Même eux n’étaient pas responsables de leur étroitesse d’esprit, car ils avaient subi le même le lavage de cerveau que l’on subissait à notre tour.    
 
Je voulais voir, toucher, goûter.  Je voulais savoir, comparer.  Mais, je n’étais pas encore assez intelligent pour me demander ce qu’on faisait sur cette terre.  Je me contentais de vivre et d’explorer.  Un chatouillement dans le bas du ventre, l’excitation de pouvoir regarder quelqu’un d’autre que toi aux latrines, voilà la vraie vie. 

J’aimais découvrir les autres de mon âge, par simple curiosité, dans ce qu’ils avaient de plus intime. C’était une façon d’aller plus loin dans notre amitié.  De s’exclure de la banalité. Ce geste nous soudait éternellement ensemble.  Je connaissais de lui ce que personne ne savait de lui. C’était un moment miraculeux, un privilège apporté par la confiance et la fascination de l’autre.  Ce n’était pas un secret, mais un don de soi qui dépassait les normes que l’on ressentait même si on ne les comprenait pas.  Leur absurdité ne me touchait pas encore.      

Mais, j’étais pur. Je n’avais aucune mauvaise intention à me livrant à ces jeux de découverte.  Je savais déjà que la réalité est au niveau de l’énergie.  Je ressentais la vie sans me poser de questions.  J’adorais l’extase et la méditation.  Je pensais alors appartenir à Dieu, rien qu’à Dieu.  Et, j’avais assez peu d’imagination pour saisir ce que l’on prétendait mal.  Jouer aux fesses ce n’était pas manquer d’amour, c’était un cri d’amour.  Mes petits jeux n’étaient qu’une manifestation de mes amours, un attrait irrésistible, vivre l’ultime tentation. L’autre n’était pas un gros serpent, mais une petite couleuvre adorable.  
La pureté n’a rien à voir avec la chasteté ou même le sexe.  La pureté est du domaine des intentions.  La pureté, c’est de ne pas avoir péché, donc, de ne pas avoir manqué d’amour.  Être vierge d’intentions maléfiques.  Seuls les adultes sont assez pourris pour voir du mal dans la sexualité et faire un lien avec la pureté. .            

Avec la religion et la bourgeoisie, on a toujours présenté la sexualité avec honte et mépris du corps.  Le corps a toujours été source de mal. On rougissait ou on riait au simple mot merde, pipi, zizi.  Des choses dont il ne fallait pas parler.  L’intolérance religieuse a toujours reposé sur son besoin de tout censurer, d’avoir honte, de se mépriser.  On naît pécheur, on meurt pécheur.  Est-ce ça l’amour de Dieu?  

Je ne connaissais pas le cheminement humain.  Je ne pouvais pas deviner que la morale sexuelle avait été inventée par des malades (religieux et bourgeois) dans leurs délires religieux.  Il a fallu que j’aille en prison pour comprendre pourquoi on nous fait croire depuis des siècles que la sexualité est source de péchés et de honte.       

Pour moi, ce fut une entreprise mystique. J’étais étouffé par la culpabilité parce que je n’étais pas encore assez autonome pour concevoir que c’étaient eux les malades.  Je ne savais pas encore jusqu’à quel point la chasteté peut rendre débile parce qu’elle est contre-nature.           

La réalité est un élan.

Quand Dieu nous a créés, si jamais il a existé, c’était tout simplement une rencontre de deux formes d’énergies différentes. Une espèce de déséquilibre intérieure qui s’est installé dans les forces. Une attraction, une vibration.  Une vente pyramidale d’attributs ajoutés, intégrés, puisque toutes les fusions sont à l’origine de nouvelles créations.  La mutation perpétuelle.  Le jeu des trous noirs.  
Avant Dieu, la matière ne s’était même pas rassemblée pour former un atome. Un amas informe et sans vie, vue de l’extérieur. Puis, ce fut l’attraction, l’électromagnétisme, le nucléaire, l’explosion, le Big bang, disent les savants, l’arrivée du Créateur, disent les religieux.  L’effet des cordes disent les maniaques de l’infiniment petit.  C’est vrai dans les deux sens, mais en l’exprimant différemment, selon qu’on est scientifiques ou religieux.  Selon qu’on a une vision générale ou particulière.   
 
Si Dieu est quelque chose, que la matière existe depuis toujours, il est cette énergie, cette force d’attraction qui existe en tout.  La matière a pris vie, en devenant une présence, une forme d’attraction, une forme de vagues, de sons, d’images, à chaque nouvelle transformation.  Notre réalité n’est que le passage au cœur d’une de ces mutations.     

De chaque changement naît un nouveau modèle de monde.  Cette attraction existait-elle potentiellement à l’intérieur des forces existantes, de la matière même, depuis toujours et de toute éternité?   Aucun élément n’est neutre.   Le nirvana est la neutralité. Il n’existe pas ou ce serait un état stagnant, neutralisé, qui a été déstabilisé.

L’énergie noire? Une masse à jamais informe et sans vie.  Cet équilibre a été rompu par un déséquilibre qui cherche à se rétablir depuis ce temps.  Si c’est vrai les bouddhistes ont raison : nous cherchons à retrouver cet équilibre disparu.  La neutralité absolue.      

La mort est simplement un changement d’énergie, une mutation à une autre réalité, à une autre dimension.  La vie a-t-elle besoin d’une autre forme de corps pour se manifester?  Une tonne de belles questions.  Mais je crois que dans la réalité des Big bang, il y en avait déjà eu des milliards et il y en aura encore des milliards, bien avant que nous ayons disparus comme espèce.  C’est le processus normal de la vie : nous changeons.  Si nous ne changions pas, nous ne vivrions pas.       

Pour moi, Dieu c’est simplement l’introduction de cette nouvelle force à l’intérieur d’une matière qui sans ce processus d’attraction serait demeurée inerte.  C’est drôle, mais je ne crois pas que Dieu a créé la vie par son contact avec la matière. La matière est aussi éternelle que lui, mais sans lui, sans cette attraction qui constitue la vie, le changement perpétuel, le temps et l’espace, selon l’attraction et la répulsion, on ne serait même pas conscient d’exister.     

La conscience est un phénomène de mémoire.     

Il faut se mémorer le temps présent pour pouvoir le comparer à celui qui est disparu ou qui vient.  D’où nous vient ce pouvoir?  Était-ce déjà compris dans les pouvoirs de la matière?  Quand on meurt notre corps disparaît, il se sépare de l’énergie vitale.  Pourtant, si on prend un cheveu, on peut recomposer son ADN.  L’unité contient le tout.        
       
Dans ma petite tête, la libido est la force de l’attraction, donc, le processus même de la vie.  C’est la même chose que l’amour dont la sexualité n’est qu’une manifestation.  On est attiré par un autre sans même savoir pourquoi.  J’étais un petit peu différent, j’étais attiré par les autres, mais envoûté par leur affection, leurs rires, leurs pleurs.  Je ne faisais aucune différence entre un gars et une fille; mais je n’étais pas assez fou pour ne pas voir que la société en faisait deux « races » différentes.  Penser à une fille, l’embrasser, c’était péché à moins qu’on veule se marier et avoir des enfants.         
 
Plutôt que de nous apprendre à devenir des êtres responsables, on nous interdisait tout.  Il fallait même ne jamais en parler, sauf à notre confesseur qui, pour mieux jouir, voulait avoir le plus de détails.  Les filles étaient tellement tenues à distance que je ne suis pas surpris d’avoir voulu me comparer avec ce qui était plus près.      

Comme un petit pré-pubère, les filles ne pouvaient pas m’intéresser autant que les gars parce qu’elles étaient aussi rares que l’eau dans le désert.  Je ne m’en formalisais pas. J’étais satisfait de mon sort et j’aimais bien partager la différence avec mes pareils. Je n’étais pas hétéro, donc, je n’étais pas assez mâle pour croire que je portais l’avenir de l’humanité dans ma petite poche.         

Notre société est perverse.  Elle est le fruit des sectes spirituelles d’il y a des milliers d’années qui ne possèdent d’ailleurs que l’expertise, la connaissance dépassée de cette époque.  Une connaissance qu’on a jamais su dépasser, car on a jamais osé la remettre en question.     

Je me demande qui a eu l’idée de créer Dieu?  C’est évident qu’on peut concevoir la totalité de tout ce qui existe, mais en faire une personne, un être vivant, le vivant des vivants, il faut avoir une bonne imagination.  On nous cachait que des civilisations avaient eu d’autres dieux.  Ces dieux naissaient avec les peurs.  T’avais peur de l’eau, t’inventais un dieu à invoquer pour te protéger.  Si ces dieux étaient des mythes devenus plus grands pourquoi nos religions ne sont-elles pas simplement des mythes?  Une façon d’essayer de comprendre la vie.         

Notre manière de percevoir la spiritualité, l’inconcevable, l’électricité qu’est la vie ne fut-elle pas pervertie le moment où les hommes ont commencé à croire que le corps est un objet sans valeur?  Nos croyances reposent sur ce que ces gens ont imaginé, sur leur compréhension de la vie ; car si nous avons évolué techniquement, nous n’avons pas avancé d’un iota dans la compréhension de l’animal humain.  

En rejetant notre corps, les mystiques nous ont introduits dans la haine de ce que nous sommes.  Pour nourrir l’esprit on a pensé qu’il fallait faire des sacrifices pour nous punir de n’être que des hommes, des corps, des morts ambulants.  On a recherché l’éternité.           

C’est de ce dilemme qu’est née la différence des sexes.  De l’orgueil. 

L’homme le roseau pensant était bien trop supérieur aux autres, grâce à ses sacrifices et sa recherche spirituelle, pour s’attarder à la beauté de la vie charnelle, une distraction et pire une tentation.  Car nos grands mystiques ont dû apprendre que malgré leur retenue, la sexualité s’exprimait quand même.  Cette force surgissant jusque dans leurs rêves, cet appel à l’éjaculation, se voulait vivante malgré tous les efforts.  Une telle force ne pouvait qu’être presque divine, en chicane avec dieu, et c’est ainsi qu’ils ont créé le diable comme ils avaient créé des dieux.  Le fruit de leur ignorance.  Une telle peur qui dirige encore la majorité des humains, à travers la morale.             

Des préceptes fournis par des hommes qui voulaient contrôler leur petite nature et qui ont créés un langage pour exprimer leurs frustrations.  Des hommes si orgueilleux qu’ils ne pouvaient pas accepter qu’un jour ils mourront aussi.        

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