Radioactif 239
Radioactif 239
La recherche du petit prince.
J’essayais de trouver des réponses aux problèmes qui me touchaient , tout en apprenant à écrire. J’avais fait un livre qui s’appelait La recherche du petit prince ainsi que de nombreux poèmes, genre Bise sidérale. J’essayais d’écrire une étude profonde sur l’avenir du pays et à ma grande surprise tout débouchait sur l’indépendance, même si j’étais fédéraliste comme tout le monde à cette époque. Pour moi, c’était évident que la sexualité était le grand mal. Mes poèmes le braillaient à chaque mot. Comment échapper à cet enfer intérieur ? Comme les adolescents tout se brassage ne se faisait qu’à l’intérieur de moi. Dans la vraie vie , à la pension, c’était la joie de vivre, le contraire de mes grandes réflexions qui sont d’ailleurs déposées aux Archives gaies du Québec, à Montréal. C’est aussi à cette époque que j’ai reçu l’appel d’Éric Kierans et que je me suis mêlé aux libéraux . J’étais un fidèle de René Lévesque, mon héros.
10 Novembre 2007
Changer le monde.
Cette période d’étude en fut aussi une d’écriture. C’était une telle passion que je ne me promenais jamais sans crayon. Le monde ne vivait que par le bout de la plume. Je prenais des notes sur tous les petits bouts de papier qui me tombaient sous la main. C’était la grande recherche, obsession d’améliorer la vie de la société. Moins je m’acceptais, plus ce désir croissait. Dans certains écrits, je suis loin d’être fier de moi, mais je peux mettre ça sur l’idée folle de vouloir un jour être premier ministre pour créer un pays qui élimine la misère et permet à tous d’être des créateurs. Quelle stupidité ! J’arrive juste à survivre et toutes les moumounes du Québec constipent dès qu’elles entendent mes poèmes.
10 Novembre 2007
Le petit David.
Cette peur de pouvoir éventuellement devenir violent est morte avec ma visite à Roy-Rousseau. C’était complètement farfelu, mais quand tu aimes, tu t’assures de ne pas être un quelconque danger. Il fallait aucun doute. Par contre, j’étais moins convaincu de ma supériorité intellectuelle. Il suffit que tu parles quelques secondes avec bien des gens pour constater que tu ne connais pas grand-chose et qu’il y en a des milliers de cerveaux supérieurs à toi. Ma crainte est certainement morte avec le petit David. Quand je travaillais le soir, à mes études, le petit David apparaissait. S’il voulait discuter, jouer à un jeu quelconque, il était vêtu comme en plein jour. Il s’installait près de moi et attendait que je lui demande ce qu’il voulait. Et, on jouait ensemble. Quand il venait me retrouver , nu sous son pyjama, il s’installait près de moi et attendait patiemment que je m’occupe de lui. Aucune question à se poser. J’avançais la main et s’il souriait . Je savais ce qu’il cherchait. Aucune question à se poser. J’avançais la main, il souriait . Tout était dit. Je savais quel plaisir lui fournir…
10 Novembre 2007
L’abondance.
Mon retour à l’école fut très pénible à assumer. Les emplois que tu trouves permettent à peine de survivre. Il suffit qu’il y ait une fin de semaine plus tranquille pour que tu te ramasses dans l’eau bouillante. Que tu le veuilles ou non quand t’as quitté tes parents tu dois te débrouiller pour survivre. De plus, les mouvements qui se vantent d’aider les jeunes étaient particulièrement absents. Ils trouvent toujours une raison pour ne pas t’aider. Par contre, les gens chez qui j’étais pensionnaire étaient assez formidables pour comprendre ma situation. J’ai réussi ma onzième année et par la suite, seuls les jésuites acceptaient de me recevoir. Mais qui dit jésuites, dit : tu payes tout de suite. Parce que je n’avais pas d’argent, j’ai décidé d’aller passer le chapeau au bureau du ministre de l’Éducation, Paul Gérin Lajoie. Ça ne m’a pas donné grand-chose sur le coup, sauf que les journaux se sont emparés de l’événement et le gouvernement a fini par me donner une bourse d’études, même si j’étudiais au niveau secondaire. Étudier chez les Jésuites, c’est tout une aventure. Ce sont tous des « bollés » et ils sont très exigeants. D’autre part, j’avais rencontré une jeune fille de qui je suis devenu le prétendant . Ce fut probablement une de mes premières passes de longévité sans petits gars. Ma vie sexuelle correspondait aux vœux de notre très saint peuple, même si très rarement encore je courais parfois les toilettes pour un peu d’excitation. Une vision et j’étais au paradis. Un toucher, je devenais fou. Une aventure et j’en avais pour des semaines à me mémoriser chaque seconde. Je n’ai jamais compris pourquoi c’est ainsi. C’est un peu débile, mais c’est l’adrénaline totale. Le risque d’être refusé, écœuré même, les milles passes pour te faire comprendre et les efforts pour saisir ce langage verbal, comprendre la réponse. Tout un programme sur l’intensité des regards, l’interprétation des gestes. La grande séduction… Pas question de te tromper, car tu peux te ramasser en prison. Tu dois bien interpréter l’autre.
10 Novembre 2007
Dépressif.
Une des choses les plus importantes que j’ai apprise chez les Jésuites : oublier tout ce que la religion m’avait enseigné et repartir à neuf. J’ai compris que la Bible n’a rien de la parole de Dieu, car elle fut écrite par un groupe de scribes d’Israël pour que les gens de ce peuple se rappellent ce que la vie leur avait enseigné. Dépressif, j’ai commencé à prendre les pilules prescrites et parfois je dois l’avouer je trichais un peu en ingurgitant au préalable une petite bière ce qui me rendait euphorique. C’est ainsi que j’ai écrit une partie de mon meilleur livre L’homo-vicièr. C’est à mon avis, le meilleur que j’ai fait , car c’est une parodie de la vie du début à la fin , mais avec une réflexion sur le vrai sens de l’existence. Je me suis particulièrement amusé lorsque j’ai écrit la partie où je me sers de All you need is love pour essayer d’y développer une philosophie. Le soir où j’ai imaginé cette partie, j’étais allé danser avec Mireille et je buvais un peu. Nous nous étions entendus de nous livrer toutes les pensées les plus drôles qui nous passaient par la tête et nous fumes emportés par cette chanson des Beatles. Elle a pris toute la place dans mon explication de la vie et ce fut la première fois que j’ai écrit que le bien et le mal sont une seule et même chose : la couleur envoyée dans un prisme qui les divise, selon leur contraire. L’une n’existerait pas sans l’autre. L’homo-vicièr m’a sauvé la vie, car, son humour m’a fait oublier tous les problèmes du moment, même s’il m’a indirectement coûté mon renvoi des Jésuites. Non seulement j’avais eu l’audace à Noël d’écrire un texte contre les examens dans le Garnier, mais j’ai écrit un autre billet dans lequel j’affirmais que les enfants ne doivent rien à leur parents. Puisque ces derniers doivent agir par amour et donc par gratuité. Puis, j’ai eu la folie de parler de mon aventure en prison dans ce journal étudiant. Les Jésuites n’en pouvaient plus. On ne m’a pas jeté dehors, on a exigé que je paye alors que je ne le pouvais pas encore. Ce qui revient au même.