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Un sourire venu d’enfer 44

novembre 30, 2020

Autobiographie approximative

pp. 367 à 373

De la pédérastie à la paternité

À la maison, mes rapports avec Robert s’étaient à nouveau améliorés. Il venait plus souvent à la maison. J’aurais aimé qu’il me parle de son père pour savoir ce que je représentais exactement dans sa vie. Quant aux petites Haïtiennes, à cause des classes, elles venaient moins souvent. Leurs travaux scolaires étaient plus exigeants. Je vivais presque une vie rangée. Je m’ennuyais un peu.

Que je le veuille ou non, mon désir d’être père avait démesurément augmenté avec Patrick. Sans m’en rendre compte, cette expérience avec lui avait imprimé en moi le désir d’être responsable d’un petit gars et surtout de l’aider à devenir grand. Par contre, la paternité donnait naissance à un nouveau problème : un père ne joue pas aux fesses avec son petit gars, car ça peut le mélanger.

Un pédéraste est un ami très intime, très complet; mais ce n’est pas un père parce que le père doit se servir de son autorité et l’autorité est le pire ennemi de la pédérastie. La paternité exige d’être un cran différent de la pédérastie, car elle ne permet pas une intimité aussi complète que la pédérastie. Par contre, sur le plan de la survie, la paternité est plus engagée et plus responsable. La relation pédéraste est plus d’ordre émotif et d’échanges. Elle est condamnée à ne pas durer, ce qui est tout à fait différent de la paternité. Et, il faut s’assurer que la séparation ne traumatisera pas émotivement le jeune.

Le père est considéré plus comme un pourvoyeur. Il doit donner de manière tout à fait gratuite, alors que la pédérastie repose sur l’amour qui s’établit entre les deux amants. Un échange. La fonction n’est pas la même; la fin, non plus.

Je n’étais peut-être pas encore rendu à ma dernière prise de conscience.

Avec le temps, Ted devenait de plus en plus écrasant. Il voulait savoir comment se présentaient les élections.

Je ne lui faisais pas complètement confiance à cause de la violence de son discours et surtout parce qu’il était issu des Jeunes Canadiens, un mouvement que les journaux ont décrié comme étant complètement infiltré par la GRC.

Devant mon peu d’intérêt à tout lui raconter, Ted décida d’employer les grands moyens. Sa violence verbale, loin de me faire ouvrir la trappe, me portait à être encore plus méfiant.

Cette situation rendait les élections encore plus électrisantes.

Le jour du scrutin, alors que je travaillais pour Gérald Godin dans un bureau de vote, Robert Bourassa fit son entrée. Il donnait la main à tous ceux qui y travaillaient.

Quand il s’est présenté à moi, j’ai refusé de lui serrer la main. Bourassa est devenu un peu plus rouge et son entourage sembla tout à fait décontenancé. Bourassa fit quelques pas, puis se retourna vers moi et dit :

  • T’as bien la face du parti que tu représentes.
  • Laisse faire mon Bourassa, tu as assez écrasé les gens de l’Estrie, des Vauxcouleurs, que jamais on ne t’oubliera.

La représentante libérale trouvait que mon geste n’était pas très poli, mais elle se dit étonnée de l’attitude de Bourassa.

  • Ce n’est pas la première fois que des gens refusent de lui serrer la main aux élections, mais jamais je ne l’ai vu réagir aussi violemment. Habituellement, il leur passe la main dans les cheveux en leur disant que le « péquisme » leur passera.

Je lui ai expliqué que Bourassa et Jean Marchand étaient, selon ce qu’on m’avait raconté, les responsables de mon renvoi à La Tribune de Sherbrooke.

« Ils ont fait pression pour me faire perdre mon emploi, mon assurance-chômage et mon bien-être social. C’est à mon tour d’essayer de lui faire perdre son emploi.»

La dame dit comprendre ma réaction et m’avoua que ses enfants étaient tous membres du Parti Québécois.

À la fin de la journée quand Bourassa réapparaissait dans le décor, il se tenait à l’autre bout de la salle.

Le soir, je n’étais pas encore sorti que les résultats étaient déjà connus. J’avais peur que les libéraux volent les boîtes de scrutin et qu’ils en changent le contenu. Cela c’était déjà vu. C’est toute la confiance que j’ai dans l’honnêteté des libéraux.

À mon arrivée au rassemblement des partisans de Gérald Godin, j’ai été accueilli par la grande nouvelle. Je n’osais pas le croire :

  • Godin élu, le Parti Québécois majoritaire.

J’aurais pleuré de joie, mais la surprise était trop grande pour y croire. Même si depuis une semaine, j’étais convaincu que le Parti Québécois serait élu, à moins que les libéraux réussissent à voler les élections ou fassent un coup de cochon sans précédent, ça semblait tenir du rêve.

Au cours de la même semaine alors que j’entrais à pied à la maison, je me fais klaxonner. C’était le Cid, le Mexicain que j’avais contribué à faire sortir de la prison de Bordeaux qui m’appelait.

Le Cid m’a dit avoir reçu sa citoyenneté canadienne grâce à mes démarches et la collaboration du journal Le Jour. Non seulement il était maintenant citoyen canadien, mais toutes les accusations qui avaient été portées contre lui avaient été retirées.

  • Je demeure dans le comté de Mercier et j’ai voté pour le Parti Québécois. J’ai longuement hésité. Les libéraux nous disaient que si nous votions pour le Parti Québécois, nous serions tous déportés dans nos pays d’origine.

Un soir, en allant mené Bourassa dans un restaurant grec, je l’ai vu en compagnie des manias de la pègre. Voyant avec quelle belle famille il se tenait, j’ai décidé d’appuyer le PQ, me dit-il.

Était-ce vrai? Je n’en sais rien, mais le chantage a toujours été la base de la politique des libéraux contre l’indépendance.

Les libéraux sont les vrais terroristes.

45

Enfin du travail!

Quelques jours plus tard, je me trouvais un emploi dans un bain sauna, rue St- Laurent. Je nettoyais les planchers. J’aimais beaucoup ce travail, car bien des petits vieux me faisaient des yeux doux.

Par contre, les ordres étaient formels, sous menace de congédiement : en aucun temps, nous ne devions accepter qu’il y ait racolage dans les corridors. Nous devions aussi empêcher quiconque d’y introduire de la drogue.

J’y travaillai un petit bout de temps, renouant avec mon désir de plaire aux vieux. Ce désir s’affirmait au point de concurrencer ma pédérastie. Cette démarche de putain ne me rendait-elle pas aussi heureux tout en étant moins dangereuse?

Deux jours après, mon départ du bain sauna, j’ai rencontré un confrère de travail qui m’apprit que la veille, la police avait fait une descente. Puisque je venais de partir, certains ont même pensé que je m’y étais infiltré pour la police. Après lui avoir exposé ma position, il a vite conclu que ces rumeurs n’avaient aucun sens. Je détestais alors trop la police pour collaborer avec elle. Si j’avais été un indicateur, je n’aurais pas fait deux fois de la prison. Il s’engagea à passer le message auprès de mes anciens patrons.

La descente de police a été effectuée sous prétexte qu’il y avait de la drogue. Dans ses recherches, la police a effectué sans raison pour 2,000 $ de dommages matériels. La police avait agi en véritable sauvage. Ils savent se comporter en écœurant quand ils ne sont pas forcés de répondre de leurs actes.

La police de Montréal se comporte vis-à-vis les homosexuels (gais) comme de vrais  hitlériens.  Si  elle  pouvait  tous  nous  tuer,  elle  le  ferait  probablement volontiers avec la bénédiction des Drapeau-Ryan. Elle ne respecte même pas la loi des droits de la personne. Elle brutalise et s’excuse ensuite, si l’opinion publique manifeste une certaine réprobation.

Ted ne voyait pas ma décision de travailler chez les gais du même œil. Il était irrité que je ne profite pas de l’accession du PQ au pouvoir pour me dénicher un emploi. Il a décidé de me faire comprendre à coup de gifles que ma place n’était pas dans un bain sauna.

Pour la première fois de ma vie adulte, j’ai répliqué aux coups. Je lui ai sauté dessus et je lui ai montré, sans le frapper, que j’étais aussi fort que lui. Je me contentais de le retenir par terre.

J’interprétais son geste comme étant celui d’un indicateur de la GRC. À force de me faire critiquer et écraser, j’avais peut-être développé une petite paranoïa, basée sur la sous-estime de « moi ». J’ai décidé d’entreprendre des démarches pour aller vivre ailleurs.

Pourquoi Ted voulait-il que je travaille absolument au gouvernement? Quelles informations espérait-il?

Ma décision de déménager a été sans retour quand un ami me demanda ce que je faisais avec un indicateur de la GRC. J’étais encore bien plus énervé.

Ted a changé de tactique. Ted a laissé son travail d’éboueur et il a trouvé un emploi comme animateur dans un projet « Canada au travail ». L’employeur  était la Fédération des Unions de familles, un mouvement de droite.

Ted a proposé que je sois approché pour le seconder dans ce travail, ce qui fut fait. Ce mouvement de droite était dirigé par un ancien de Sherbrooke qui me connaissait de réputation.

J’hésitais parce que j’étais maintenant convaincu que Ted était un indicateur; quoiqu’aussi souvent je me disais que c’était complètement impossible. Je me méfiais de ma paranoïa qui, qu’on le veuille ou non, est une forme de maladie mentale.

Quant à mon futur patron, les pressions étaient nombreuses. Tout le monde lui conseillait de ne pas m’embaucher.

Il a décidé de risquer sa chance, et moi, après réflexions, j’ai opté pour le fait que je ne pouvais pas vivre toute ma vie sur le bien-être social. Je devais travailler. J’étais certain de trouver un moyen de travailler, être efficace, tout en n’ayant pas

à craindre de me faire espionner par Ted.

J’ai commencé mon travail en l’orientant sur le problème qui me semblait le plus urgent à résoudre : le logement.

J’ai travaillé six mois à la Fédération des Unions de famille : le temps d’organiser un colloque sur le logement et de publier avec Parti pris, mon livre sur le logement : Avant de se retrouver tout nu dans la rue, un livre essentiel pour comprendre le problème du logement. C’était la première fois qu’un livre traitait du sujet.

Ted mit tous ses efforts pour torpiller le sommet sur le logement et le récupérer pour la go-gauche. Je paniquais au travail, sans exprimer mes doutes sur les allégeances de Ted, d’où j’écopais de tous les reproches des patrons de l’Union des familles.

À cause de mes doutes, je ne pouvais pas trop compter sur Ted. J’étais convaincu qu’il ne ferait pas son travail pour faire échouer mes efforts. Au colloque, il n’a même pas vérifié la qualité du son, ce qui entraîna l’effacement complet de tous les vidéos qui avaient été tournés.

Les patrons me percevaient de plus en plus comme un extrémiste. J’étais le premier soupçonné dès qu’il y avait une menace d’avoir un témoignage marxiste.

Je voulais seulement laisser tout le monde s’exprimer. Quand les responsables des mouvements de go-gauche empiétaient sur le temps des autres, j’étais immédiatement perçu par les patrons comme celui qui avait tout manigancé en ce sens. Ils songèrent même à me congédier sur-le-champ.

Après discussions, ils durent convenir que j’avais simplement fait montre de sagesse en n’intervenant pas, laissant ainsi le débat prendre de la qualité en profondeur. Cela avait aussi permis un compromis qui empêcha le colloque d’éclater en plein milieu des discussions tant les tensions étaient grandes.

En plus d’avoir toujours été dans l’eau bouillante, j’ai produit Avant de se retrouver tout nu dans la rue dans un temps record, quoiqu’il ait des centaines de pages de plus que prévu. Parti pris n’appréciait pas que le manuscrit ressemble plutôt à un dictionnaire brouillon. J’étais convaincu que dans les circonstances personne n’aurait pu faire mieux.

J’ai réussi à écarter Ted en l’orientant sur un autre projet touchant les mères monoparentales alors que je travaillais sur celui que j’avais créé. Je ne l’informais jamais, ce qui fit monter les tensions entre nous à un tel point que les dirigeants ont cru que le projet n’arriverait jamais à se rendre à terme.

Ce fut une expérience extraordinaire, mais épuisante. Je me sentais déjà brûlé après six mois. Malheureusement, la Fédération des familles ne voulait pas me réengager pour poursuivre l’expérience en septembre. La raison état bien simple: je publierais avec Parti pris mon livre Laissez venir à moi les petits gars.

C’était pour le moins que l’on puisse dire incompatible avec leur philosophie. La Fédération est un mouvement de droite et ce livre est une dénonciation de l’hypocrisie et de l’oppression inhumaine de l’Église face à la pédérastie.

Comme il fallait le prévoir, un pays qui se pourfend à se prétendre le royaume de la liberté d’expression me forçait à me taire et avaler ma pilule.

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