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Un sourire venu d’enfer 42

novembre 28, 2020

Autobiographie approximative

pp.353 à 358

Robert était de plus en plus fréquemment chez moi. On se sentait de plus en plus en plus attaché l’un à l’autre. Pour l’encourager à faire du sport, je lui avais acheté ainsi qu’à ses deux petits copains, chacun une paire de patins seconde main. Cela leur faisait plaisir, car on aurait dit qu’il n’avait que très rarement des cadeaux.

Un matin, où j’avais la libido un peu plus élevée, j’ai demandé à Robert, moyennant un petit cadeau, de me montrer sa petite quéquette. Ce qu’il accepta volontiers. Il revint cependant assez vite à la charge en me demandant de lui acheter cette fois un costume complet de gardien de but. Je ne pouvais pas faire face à une telle dépense. Je n’ai jamais compris comment des parents peuvent acheter autant de choses à leurs enfants. Il faut être millionnaire pour être parent.

  • Tu ne pourras pas faire autrement que de me l’acheter.
  • Comment ça?
  • Je vais dire à ma mère et à toutes les mères du quartier que nous avons fait ensemble ce matin.

Les jeunes savent quel pouvoir ils ont quand ils évoquent une relation sexuelle entre un adulte et un jeune, c’est pire que la bombe atomique. Tout le monde devient fou.

J’étais furieux d’autant plus que j’avais affreusement peur. La prison n’est jamais une perspective intéressante. Robert ajoutait les autres femmes, car il savait que s’il en avait parlé à sa mère, tout ce qui serait arrivé : il n’aurait pas pu revenir me voir. Le voisinage rendait le chantage plus efficace. Toutes les femmes ne sont pas aussi intelligentes que sa mère. Elle était libérée, mais elle n’aurait jamais accepté qu’il revienne s’il n’aimait pas ce qui se passait. « Si tu n’aimes pas ça, tu n’as qu’à ne plus y aller ». Il avait prévu le coup.

Comment me défendre d’un petit gars qui se sert de nos relations pour me forcer à lui faire des cadeaux mirobolants? Je ne pouvais pas le frapper, c’est absolument contre mes principes. D’ailleurs, je l’aimais trop pour envisager cette solution.

Par contre, je ne pouvais pas céder, c’était l’encourager dans une voie qui l’aurait conduit directement à la délinquance. Que faire? Je croyais aussi que sa mère, connaissant nos relations, l’empêcherait probablement de revenir, ce qui m’attristait encore plus. L’affaire mourrait là, mais je ne pourrais plus vivre cette amitié avec Robert. Je pensais aussi que si elle se mettait en fusil, on ne sait jamais comment réagissent les femmes, je serais « caput », si elle en avisait la police. Il était sûr que la police en voyant mon dossier se ficherait de mes conceptions sur la liberté sexuelle. Loin de chercher la vérité, elle essaierait de m’accabler et me mettre longtemps dedans.

Plus j’y pensais, plus je paniquais. Je ne me reprochais rien, mais je ne suis pas assez fou pour ne pas saisir le danger et ne pas savoir que les gens deviennent complètement fous dès qu’il est question d’un rapport sexuel entre deux gars qui ne sont pas du même âge.

J’ai opté pour une solution à la Summerhill. Une solution de force. J’ai averti Robert que je ne lui achèterais pas l’équipement simplement parce qu’il faisait du chantage.

  • Quand tu aimes quelqu’un, tu n’agis pas ainsi envers lui.

La bombe était temporairement désamorcée. J’ai réussi à clore l’opération quand ses petits copains lui demandèrent s’il était vrai que je l’équiperais pour l’hiver.

  • Je l’aurais fait si j’avais été capable et si Robert n’avait pas essayé de me faire chanter avec ses histoires de cul. Aussi, il n’aura rien.

Ses petits copains se sont rangés de mon côté. Ce n’est pas un moyen à employer pour avoir des cadeaux. Robert venait d’apprendre que tu peux aimer quelqu’un pour son physique autant que pour son caractère. D’ailleurs, Robert avait tellement une petite queue qu’il n’aurait certes pas voulu que le jeu des regards s’élargisse. Quant à moi, il n’était plus question de recommencer. Je n’avais jamais vu une si petite quéquette à cet âge. Et surtout, je ne pouvais plus y faire autant confiance.

On m’a toujours dit que j’étais demeuré un enfant, d’où cette possibilité de vivre en toute égalité, d’une façon tout à fait sincère avec les jeunes, sans chercher à profiter du fait que je suis un adulte. Peut-être est-ce parce que j’étais trop naïf ou que dans ma tête, l’égalité humaine ne repose pas sur le sexe, la couleur ou l’âge? L’égalité est inscrite dans le fait même d’être humain et ça se résume à la phrase évangélique de ne pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’il nous soit fait.

J’ai vécu ma sexualité comme l’explique Freud. J’étais très curieux, un adepte des comparaisons; mais je ne comprenais pas pourquoi les adultes viraient fous dès qu’il était question de sexe. Pourquoi tous les jeunes avec qui je partageais mes curiosités sexuelles étaient-ils très heureux d’y avoir participé alors que l’on prétendait que ça les traumatisait? Je n’y voyais réellement rien de mal. Le mal existe-t-il seulement dans la tête des adultes?

Je ne comprenais pas l’obsession des adultes. Ils manquaient de mourir dès qu’on posait une question sur le sujet. Probablement que ce silence est le premier responsable du fait que la masturbation était devenue chez moi un élément compulsif dans le développement de ma personnalité. Par contre, ma relation avec les filles était pire puisqu’elle me conduisait à l’alcoolisme.

Qu’est-ce qu’il y a de mal dans le fait de tomber en amour avec un petit gars? Alors que l’Évangile prônait l’amour presque à chaque phrase, tomber en amour avec un petit gars et vouloir partager son intimité devenait un péché mortel. Va donc voir pourquoi. Remarquez que même aujourd’hui je me pose la même question. Plus je cherche, plus je découvre que notre haine du sexe est absolument débile. Avec les expériences, j’ai compris qu’il faut avoir du fun en cachette et que rien n’est mal si on ne se fait pas prendre.

Robert m’apprenait simplement que les jeunes peuvent te manipuler autant que les adultes. Il savait qu’il pouvait faire sauter le quartier juste à en parler; mais il ne semblait pas mesurer tout le mal que ça ferait autour de lui. Comment sa mère réagirait dans un tel tôlé, car elle passerait bien évidemment comme mère indigne alors que c’était une des meilleures mères que j’ai connues.

L’étroitesse d’esprit est quasi planétaire quand il question de sexe, car nous nous sommes tous fait laver la cervelle dès l’enfance par les religions. On commence à condamner le sexe dès la petite enfance, en criant au meurtre dès qu’un jeune se promène nu. Pas besoin de scènes interminables, les jeunes perçoivent mille fois mieux le langage non verbal que les adultes. Juste à voir et entendre les parents, ils savent, tout en ne comprenant pas, qu’ils font quelque chose de mal.

Puisque les prémisses des parents sont fondées sur l’ignorance de l’enfance et une imagination absolument sautée quant à ce qui est bien et mal, il est évident que la tradition n’a eu qu’à maintenir ses erreurs et en faire des dogmes pour que chaque individu soit à la merci des règles religieuses et entame la vie avec un vif sentiment de mésestime de soi. On savait qu’en interdisant les jeux sexuels, puisque tout le monde naît sexué, tout le monde se sentirait redevable à la religion de les sauver de l’enfer. On ne pouvait pas prôner un châtiment sur terre (sauf pendant l’Inquisition) alors on inventa la vie après la mort, ce qui devenait la justification de tous les interdits et la naissance de toutes les peurs. Aujourd’hui, le système judiciaire a pris la place des religieux dans l’interdiction du plaisir charnel.

Je ne comprends vraiment pas pourquoi on peut rester figer à l’intérêt que représentent la forme et la longueur des quéquettes. C’est une curiosité d’enfance. Pourquoi y rester fixer? C’était un de mes comportements que je ne comprenais pas et qui ont servi pour me culpabiliser. C’est une obsession complètement folle.

J’ai l’impression que c’est tout simplement parce que ma curiosité ne fut pas rassasiée, un refoulement qui ne s’est jamais réalisé assez fortement pour éliminer le besoin. Mon homosexualité à cet âge m’était encore inconnue. Il s’agit définitivement d’une des expériences qui m’a fourni le plus de satisfaction partielle, tout en étant la plus frustrante, car elle ne se réalisait que très rarement. Plus c’était rare, plus ça m’obsédait. Pourtant, ça ne fait de mal à personne et ça rend fou de rêves. D’où venait cet intérêt? Des questions demeurées sans réponse.

C’est probablement que dans notre société, c’est quelque chose de défendu. La curiosité sexuelle prend une importance qu’elle ne devrait pas occuper dans notre vie, car ce n’est qu’une curiosité qui voudrait être satisfaite. On ne passe pas sa journée à penser au sexe. Même si je suis supposément un obsédé, le sexe occupe qu’un petit pourcentage du temps qui lui est consacré dans une journée et parfois même des semaines.

Avant douze ans, ça ne voulait rien dire, sinon des jeux comme les autres. J’aurais été incapable de comprendre d’une manière ou d’une autre. Ma peur est apparue quand on se mit à discuter des meurtres de petits gars, à voir la violence à la télévision et ne pas comprendre pourquoi les Indiens étaient vêtus dans les films alors qu’on apprenait que les missionnaires étaient rendus fous par la nudité des autochtones. Pourquoi cet illogisme? Qu’est-ce qu’on nous cachait de si grave et de si important?

Pour moi, voir le corps nu d’un petit compagnon c’était plutôt un objet d’adoration. Je voulais voir, toucher quelqu’un que je trouvais beau. Pourquoi disait-on que c’est cochon? Cela créait en moi une curiosité encore plus globale de l’autre. Je voulais savoir si ces réactions concordaient avec son allure. J’étais admiratif devant certains autres petits gars ou un vieillard. Je voulais tout voir, tout sentir de lui parce que je sentais qu’il y a quelque chose qui m’échappait et que je voulais découvrir à tout prix. Ça dépassait le corps, c’était comme le besoin d’intégrer l’autre pour mieux partager ses sentiments. C’était comme la vie, une beauté que tu ne peux vivre que si tu la possèdes de l’intérieur. Est-ce que le linge constituait un empêchement de contempler la beauté dans son essence? Un mur qui t’empêche de tout partager de l’autre? Jusqu’à un certain point, mais surtout du côté de la complicité. La complicité rapproche.

Devant un plus vieux, j’ai un peu le même sentiment qui est ordinairement plus asexué, plus intellectuel. Est-ce ça l’amitié? Je trouve certains vieux et vieilles d’une très grande beauté. On dirait que ces personnes arrivent dans un regard, dans une larme, une moue à te faire sentir tout leur désespoir ou leur bonheur, toute leur fatigue, tout cet écrasement, cette impuissance et cette résignation d’être condamné à la solitude et une mort proche.

Dans les deux extrémités de la vie, on dirait que les choses essentielles de l’esprit sont plus faciles à percevoir. Est-ce parce que le désir n’y est pas ou est- ce simplement parce que je suis plus sensible ?

Je ne percevais rien de mal dans mes obsessions, car je ne faisais que tomber en amour avec la beauté des visages. Quand le reste faisait surface, c’étaient des prières et des prières pour cesser d’avoir ces idées folles. La morale religieuse rend fou.

Ma relation avec les jeunes élevés librement était la suite normale de ce que j’avais vécu plus jeune. Mon problème avec les filles s’était tout simplement résorbé avec leur absence dans ma vie. Pas de femme, pas de problème. Mais, il y a plus de femmes que d’hommes dans notre société. Impossible de faire comme si elles n’existent pas. D’autant plus, qu’elles dominent présentement tous les domaines reliés à l’art, l’écriture et l’enseignement. Il faut agir comme elles le veulent sinon on est mis de côté. C’est leur manière de se croire égale aux hommes. Les remplacer au pouvoir.

J’essayais de vivre sans elle et ainsi éviter les problèmes. Les femmes sont trop compliquées. Elles ne comprennent rien aux hommes et voudraient que l’on pense exactement comme elles. Elles nous repassent les sermons des curés contre la sexualité en pensant qu’elles sont ainsi progressistes. Elles ne se rendent même pas compte qu’elles voudraient nous faire vivre comme ce que les vrais féministes progressistes ont combattu. Je peux critiquer, je suis un peu comme elles.

Je ne faisais pas encore de nuance entre la pédérastie et être gai, mais je sentais qu’il y en avait une. Le fossé s’est agrandi quand les féministes réactionnaires inventèrent le terme pédophile. C’était un moyen pour écraser sa progéniture et de propager sa peur de femmes qui n’acceptent pas la sexualité parce qu’elles ont peur. Aussi, confondent-elles être « cruisé » et être violé.

Les termes de relation intergénérationnelle n’étaient pas encore inventés. On invente des termes pour définir des situations, ainsi, on doit en inventer d’autres au moindre changement. Les mots servent à définir l’orientation morale.

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