Aller au contenu principal

Un sourire venu d’enfer 36

novembre 22, 2020

Autobiographie approximative

pp. 292 à 303

Un matin, les gardiens ont commencé leur grève de zèle. Nous étions retenus dans la salle commune plutôt qu’en cellule. La tension montait. Cela entraînerait- il une manifestation? Qu’arriverait-il? La violence s’insinue facilement dans de telles occasions. Des prisonniers appelaient à la révolte. Nous étions sur les 100,000 volts.

Les gardiens aimés dans notre secteur sont venus faire leur tour et assurer tout le monde que nous n’aurions pas à payer pour leur action. Ils ont presque aussitôt réussi à faire baisser la tension. Cette journée de grève se passa bien. Nous avons même été plus libres qu’à l’habitude.

En prison, le sentiment de frustration est si grand qu’il ne faut presque rien pour que la situation dégénère en violence.

Un autre événement a attiré mon attention. Un groupe de jeunes ont fait danser un vieux robineux. À cause des applaudissements, celui-ci s’exécuta comme s’il devenait une vedette.

Les gardiens l’ont amené dans le trou, malgré nos protestations. Il n’avait rien  fait de mal, sinon de détendre l’atmosphère.

Un autre prisonnier cherchait à obtenir son transfert. Il était malade dans la tête de toute évidence. Pourquoi lui refusait-on d’aller dans une autre prison où il serait soigné? La pire chose qui existe en prison est le comportement des normaux vis-à-vis ceux que l’on croit fous. Quant aux crimes sexuels, les accusés sont en danger perpétuel d’être sévèrement battus, d’où sont-ils aujourd’hui dans une aile de protection.

Le tour de la libération de Roger était arrivé. Il me demanda de l’accompagner seul à sa cellule, où il me fit ses aveux.

  • J’ai un aveu à te faire. Je ne suis pas professeur. Je suis prêtre. J’ai été reconnu coupable d’avoir eu des relations sexuelles avec une petite fille, mais je suis innocent.

Le problème ce n’est pas qu’il ait eu une aventure si elle était partagée, mais qu’on a des lois assez folles pour ne pas faire la nuance entre une aventure consentie et jouie par les deux partenaires et une relation où il y a violence ou domination claire.

C’est ainsi au Québec parce qu’on refuse de revoir nos notions sur la sexualité. Pour nous, tout ce qui est sexe en dehors de la procréation demeure le péché par excellence. On se fiche de ce que la science nous a appris. On préfère des lois qui reposent sur l’ignorance et la répression. On voit la sexualité comme la répression nous l’a appris.

Il m’expliqua comment s’était déroulée la soirée et comment il a été faussement accusé. Ça fait tellement longtemps que je ne me rappelle pas si ça avait du sens. Avec l’attitude de la société face à ces situations tout le monde a intérêt de mentir. On ne cherche pas le bien des accusés et encore moins celui des victimes. On ne veut qu’interdire toute forme de sexualité en dehors de ce que l’on a décrété normal. Plaisir et violence sont synonymes dans la tête de ceux qui appliquent la loi.

Roger connaissait Jérôme Choquette parce que ce dernier venait de se convertir à un nouveau mouvement charismatique. Je comprenais maintenant pourquoi nos discussions portaient surtout sur la religion.

J’étais renversé. Roger était prêtre. Il a conclu la discussion en affirmant qu’il m’avait trouvé bien courageux de m’entendre raconter mon aventure avec les petits gars, sans peur, ni honte. Je suis pédéraste et je l’assume, car, il faut trouver une solution humaine à savoir comment vivre cet état qu’on ne choisit pas, mais qu’il faut endurer jusqu’à notre mort, bien malgré nous.

Est-ce qu’un aveugle passe son temps à brailler sur son sort ? Absolument pas. Il faut agir de la même façon. Faudrait-il être malheureux toute notre vie pour un choix qui ne nous appartient même pas ou trouver une manière de la vivre sans créer de problème? C’est la peur du sexe de la société qui est complètement folle.

C’est pourquoi j’en parle dans mes écrits. Pour qu’on y réfléchisse. Cependant, je suis bien d’accord avec mes ex-psychiatres, la société est dangereuse pour les pédérastes, car elle devient folle dès qu’il est question de sexualité.

Nous souffrons d’une mauvaise éducation quand il est question de sexualité. Nous vivons à plein tube les effets de l’histoire de la répression sexuelle. Nous sommes les victimes du fascisme qui existe envers tous ceux qui sont différents. Le petit groupe à haïr pour se défouler.

Les prochains jours ont été beaucoup plus longs, car j’avais perdu trois amis. Augusto ne voulait plus me parler parce que j’avais dit que les immigrants nuisaient au Québec en envoyant leurs enfants dans des écoles anglophones. Il ne voulait rien comprendre.

Pour les immigrants, la tentation anglophone est grande. Cela signifie une plus grande possibilité d’emploi et un élément de plus pour favoriser leur passage ailleurs au Canada ou aux États-Unis, le pays qui les attire vraiment. Ceci dit ne veut pas dire que tu es contre l’immigration. J’étais bien peiné qu’il ne saisisse pas la nuance. J’ai longuement discuté avec le Cid et son ami Gérard, le jeune marginal de Drummondville, qui me l’avait présenté.

Gérard me demanda si, en manifestant toujours seul, je ne faisais pas, sans le vouloir, le jeu du système. Je ne pouvais pas voir comment cela serait possible. Je préférais agir seul justement pour ne pas impliquer personne d’autre. Et surtout, si cela était possible pourquoi serais-je derrière les barreaux? Je serais plutôt payé.

Gérard a vite convenu de la justesse de mon raisonnement. Pourtant cette question m’a trotté dans la tête pendant quelques jours. Elle méritait d’être posée… on ne sait jamais. J’ai la conscience très fragile de ce côté-là. J’aurais été le plus malheureux des gars s’il avait fallu qu’il subsiste un seul doute après cet examen de conscience.

Je ne pouvais pas me tromper, le bilinguisme ne sert qu’à protéger la minorité anglophone au Québec. Il permet à la majorité anglophone canadienne d’espérer qu’un jour le Québec sera aussi anglais que le Manitoba. Il suffit de voir leurs efforts contre la loi 101 pour comprendre que c’est vrai. Quand Trudeau défend-il le fait français? Pourtant, Ottawa subventionne les mouvements qui s’attaquent à la loi 101. Comment espérer qu’un jour le Canada respecte les francophones quand tous les partis fédéraux rejettent les propositions culturelles de la Commission Pépin-Robarts?

Le fédéral a toujours cherché à angliciser le Québec à petites doses. Il force le Québec à privilégier les anglophones. Il entraîne les immigrants vers les écoles anglaises et permet une anglicisation lente, mais constante des francophones par le biais de la radio et de la télévision. Comme cela a été fait dans l’Ouest canadien. Si le Parti Québécois ne fait qu’un terme, ce sera la fin du Québec français, l’assimilation ayant déjà de bonnes racines.

Le fédéral agit en provocateur. Il sait qu’il n’y a qu’un moyen d’empêcher à long terme l’indépendance du Québec : la guerre. Sans un autre octobre 1970, le fédéral est fini, si les Québécois se tiennent debout et votent pour leur indépendance.

Je ne pouvais pas faire le jeu du gouvernement libéral en l’informant sans le vouloir, sur des plans de libération, je ne suis au courant d’absolument rien. Tout ce que je dis est strictement mon opinion personnelle et je ne suis pas comme Ryan, guidé par la main de Dieu.

Rhinocéros, j’ai déjà eu cette discussion avec un gars que je croyais correct dans la Tribune, de Sherbrooke. « Tu peux toujours te faire avoir, sans le savoir. »

Suzanne aurait-elle été complice de la police? Impossible. Elle n’était pas membre du Parti québécois, mais je l’aurais plutôt classée dans la go-gauche.

Un événement plus important s’est produit. J’ai été fasciné par un petit Haïtien qui devait être déporté lui aussi, sans qu’il y ait de raisons majeures. Le fédéral n’a pas de cœur avec les immigrants francophones. Les immigrants n’ont aucun moyen de se défendre : pas d’avocat, pas d’appel. Un autre racket.

Ce jeune haïtien était demeuré au Québec après ses études. Il acceptait son sort et ne voulait aucune intervention extérieure.

Je l’aurais bien rencontré dans un petit coin, à l’abri des regards. Je vous jure que je ne lui aurais pas fait mal. Il n’y a que les imbéciles qui croient qu’une pipe peut te traumatiser.

Pas de chance. J’ai dû me contenter de l’examiner dans la douche commune, en attendant de le remplacer. J’ai toujours été attiré par les jeunes de couleurs et les autochtones. Ils ont les fesses fermes, super belles à regarder et sont très jeunes déjà bâtis comme des étalons. Je les trouve très envoûtants quoique je préfère une petite bite.

Avec l’été, nous avons pu nous servir de la piscine. J’en ai profité pour serrer un peu le petit haïtien, en jouant avec lui dans l’eau. Ils ont la peau encore plus douce que la nôtre. La sienne était extrêmement intéressante à caresser, en luttant. Par la suite, il fut plus facile de se rencontrer, car il semblait bien aimer ma présence et mes caresses.

La mode estivale était de se griller au soleil. C’est alors qu’on a inventé l’histoire des vacanciers venus se dorer la bedaine à Bordeaux Beach. Cela neutralisait chez plusieurs la honte d’être en prison. L’humour a une force incroyable sur le psychisme humain. J’ai rarement vu un chien s’étouffer de rire. Le pouvoir du symbolisme.

J’ai rencontré un drôle de bonhomme qui prétendait illégal d’être emprisonné pour ne pas avoir payé ses billets de circulation ou de stationnement. Si c’était vrai, notre aile aurait été vidée d’au moins 80 % de ses effectifs. C’est dire que le système respecte la loi quand ça fait son affaire.

Finalement, il devait dire la vérité, car il fut libéré. C’est d’ailleurs lui qui m’a montré les articles de lois qui faisaient que mon procès avait été illégal, à cause la présence des enfants en dehors des témoignages. Poursuivre un accusé après qu’un premier juge se soit récusé, c’est du harcèlement.

Il ne me restait pas beaucoup de temps à faire. Les deux mois s’étaient bien passés. À ma surprise, j’ai été invité à rencontrer un des chefs de la mafia de Montréal qui était là à cause de la CECO.

Il m’a confié avoir été coffré non seulement parce qu’il avait refusé de reconnaître Cotroni comme parrain, mais aussi, et surtout, parce qu’il était membre actif de l’Union nationale. Selon lui, ce serait la raison principale pour laquelle il n’aurait pas bénéficié de la même clémence que les autres. Il se disait ainsi un prisonnier politique.

À ma connaissance, il avait été condamné à un an pour outrage au tribunal parce qu’il refusait de témoigner. On m’a dit que dans la pègre, si tu témoignes t’es un mort en sursis. Selon mon père, quand tu es avec eux, tu n’en sors que les deux pieds par devant.

Je n’ai pas trop bien tout compris ce mafieux quand il affirmait que le parti libéral a toujours utilisé des moyens pas trop propres pour gagner les élections. Il a même prétendu avoir déjà été enlevé et séquestré par les libéraux, lors d’une campagne électorale.

Prisonnier politique ou non, cela ne m’enlevait pas mes préjugés sur la pègre. Je ne pourrai jamais appuyer l’existence d’un mouvement qui utilise la violence pour gagner de l’argent.

  • Nous ne sommes qu’un groupe d’homme d’affaires, disait-il.

Au fur et à mesure qu’il parlait, je me demandais si la mafia n’est pas qu’une secte à l’intérieur du système judiciaire qui opère à l’échelle mondiale.

Les incendies criminels à Montréal nous font s’interroger quant aux liens entre la mafia, les incendiaires et le gouvernement municipal, puisque ces incendies permettent de créer des aires de stationnement? L’immobilier est aussi une part importante des activités de la mafia, surtout concentrées autour du blanchiment d’argent, grâce à la construction de condos.

Pourquoi l’enquête sur les viandes avariées a-t-elle servi qu’à éliminer un concurrent francophone, à Magog ? Les autres compagnies anglophones utilisaient les mêmes moyens, mais on n’en a jamais entendu parler.

Pourquoi si les juges ne font pas partie de la mafia ne sont-ils pas tués? Ce ne sont pas les raisons qui manquent pour la mafia? Pourquoi si la loi n’est pas un racket pour faire travailler le plus d’avocats possible, et le plus longtemps possible, la loi n’est-elle pas périodiquement réécrite de façon à être modernisée?

Selon lui, je devais accepter de me prostituer un peu, car, du côté du pouvoir, je pourrais agir plus efficacement.

  • Ce n’est pas en te battant inutilement que tu feras passer tes idées. L’important, ce n’est pas d’avoir des idées, mais de leur faire rapporter de l’argent.

Pourquoi le hasard faisait-il que je rencontre en prison un organisateur conservateur, un ami du ministre de la Justice du Québec et deux autres prétendus prisonniers politiques? Ça fait beaucoup de hasards.

Est-ce qu’en étant politisé, j’attire automatiquement vers moi tout ce qui tourne autour de la politique ?

Même si Bourassa avait une chienne de moi, je ne faisais quand même pas branler le gouvernement à moi seul.

Quelques jours avant mon départ sont arrivés trois syndiqués, emprisonnés pour avoir  incité à la violence.  Je trouvais  ça dégueulasse,  mais  je n’y pouvais rien.

Un  nouveau  mot  était  maintenant  utilisé  dans  les  conversations  en  prison :

révolution.  Et,  ce  n’était  pas  moi  qui  l’utilisais  toujours  ou  le  plus souvent.

Les gars lisaient mon livre et riaient de me voir engueuler les libéraux. J’ai appris, comme tout le monde en prison, que Jérôme Choquette démissionnerait bientôt. Cela me semblait plus qu’invraisemblable, mais j’ai fait parvenir l’information au journal Le Jour. Quand tu as été journaliste, une primeur, ça veut toujours dire quelque chose.

Jusqu’à quel point les libéraux étaient-ils liés à la pègre pour qu’on sache en prison plusieurs jours d’avance ce qui se produirait dans la vie politique du Québec ?

Si le dernier message que j’ai eu alors n’était pas politique, c’est moi qui rêve. C’était à peu près ceci : « Ne refais jamais de politique, sinon tu n’auras pas besoin d’avoir fait quelque chose pour retourner plus longtemps dedans. »

C’était court, net et clair. Tu fermes ta gueule ou tu passeras ta vie en prison.

J’ai pensé que la prochaine fois on essaiera dans un coup monté de faire croire aux gens que j’ai été violent avec des petits gars ou qu’on fera sauter quelque chose en me le mettant sur le dos.

À ma sortie de prison, je n’ai pas pu récupérer le seul dollar qui me restait pour

survivre et que j’avais à la cantine. C’est comique de te faire voler par les gardiens de prison.

Quand je suis retourné à la maison, même si j’aimais encore Suzanne, mes doutes paranoïaques avaient tellement pris d’ampleur qu’au début je n’arrivais même plus à éjaculer. J’étais physiquement atteint.

Je ne voulais pas la laisser, j’en étais incapable; mais je ne pouvais plus croire de façon absolue qu’elle n’était pas mêlée à ce piège politique.

La politique avait encore une fois brûlé ma vie.

Alors qu’avant je m’en sortais plus baveux et plus brave, cette fois, j’étais grugé par en dedans.

Je n’arrivais pas à rattraper les énergies perdues.

J’étais écartelé entre mes opinions politiques et ma famille artificielle.

Cela ne m’empêcha pas de multiplier les démarches pour obtenir la libération du Cid, ce que nous avons obtenu assez vite.

J’avais perdu mes capacités au lit. Une bonne partie des Américains souffrent d’une maladie qui consiste à avoir peur d’aimer, l’amour étant devenu symbole de souffrance. Je devais en être atteint. Les Américains, obsédés par le mythe du mâle, trouvent leur bandage plus important que d’aimer la personne qui les accompagne dans leurs relations sexuelles. Cette peur de ne pas venir à temps ou de ne pas pouvoir bander était nouvelle, mais surtout très embarrassante.

38

L’amourajeux.

À ma sortie de prison, j’étais heureux, mais brisé.

J’ai rencontré un ami poète avec un petit blond d’une grande beauté. J’en fis presque une crise de jalousie. C’était décevant de réagir aussi bêtement, car, cet ami était un excellent poète de la libération et un ami que j’admire.

Entre deux actes de paternité, j’ai travaillé avec Pierre Brisson à la rédaction d’un nouveau recueil de poésie.

La littérature jusqu’à ce que le Québec soit indépendant est un moyen, un outil d’information, de prise de conscience pour faire comprendre aux gens le comment et le pourquoi les fédérastes essaient de nous écraser.

Quand l’indépendance sera faite, l’écrit aura perdu son caractère d’urgence, sa carcasse temporelle. Il deviendra rêve, création, recherche.

Ce sera fini les sermons et il faudra vivre la vie par la racine pour toucher davantage l’universel. Il faudra chercher plus en profondeur pour comprendre ce qu’est d’être un humain.

Ce petit livre de poésie L’amourajeux affichait mes convictions et mes peurs.

La vie de franc-tireur a des problèmes qui lui sont propres, surtout, quand tu n’y es pas préparé. Je voulais les exorciser en les nommant. Je n’étais pas encore l’homme libre que je suis devenu. Je souffrais de la morale avec laquelle on nous avait intoxiqués. Je devrais plutôt dire avec le silence que l’on nous imposait sur tout ce qui touchait la sexualité. On apprenait sur le tas, à partir de nos expériences parce qu’on ne pouvait pas faire confiance aux adultes qui devenaient       hystériques        juste       à       dire       le       mot        « cul       ».                                

J’aurais aimé que quelqu’un me dise que j’ai tort de me sentir aussi inférieur parce que je suis différent, pédéraste. J’avais besoin d’être rassuré sur mon authenticité comme si un pédéraste ne pouvait pas évoluer et être un individu aussi bien que n’importe quel autre. J’aurais voulu me sentir épaulé, mais ce n’est jamais venu.

Le bouquin fut d’abord refusé aux Herbes rouges avant d’être présenté à l’Hexagone. C’était important, surtout à l’Hexagone. C’était pour moi être reconnu comme poète. J’avais hâte de connaître le verdict.

L’Hexagone accepta le manuscrit. Le temps passait sans publication. Elle était retardée, disait-on, pour des raisons financières. Mon éditeur y ajouta ensuite ses préoccupations personnelles pour excuser le retard. Gaston Miron avait toujours une peine d’amour en sursis ou en trop.

Le livre a été scindé. La partie exécutée par mon frère de mots, Pierre Brisson, fut publiée alors que la mienne mourut sur les tablettes. Avec le PQ au pouvoir, il était, disait-on, dépassé. Comme si le PQ avait réalisé l’indépendance.

J’ai bien mal pris ces refus. Avant j’écrivais parce qu’on me demandait d’écrire. Je travaillais comme un fou sur mon écriture, d’autant plus qu’au début j’étais plus que pourri en français. Je me sentais comme quelqu’un qu’on a utilisé le temps que ça faisait leur affaire. Ça n’a pas tellement changé depuis.

Janou St-Denis avait-elle raison en disant n’avoir jamais trouvé une goutte de poésie dans mes textes. Par contre, elle avait l’ouverture d’esprit lui permettant de me laisser m’exprimer. Jamais Janou ne m’a refusé le micro. La droite jubilait de rage, mais elle croyait dans ce qu’elle disait.

C’était une authentique poète, elle. Une grande femme de la littérature qui m’a fait beaucoup réfléchir sur ma position face aux femmes. Je n’ai rien contre les féministes, au contraire, elles ont fait évoluer le Québec à une vitesse extraordinaire; mais les féminounes, elles, essaient, sans même sans rendre compte, de nous faire revivre dans la merde religieuse quant à la sexualité. Une haine et une honte maladive de son corps. Les féminounes sont les récupérées…

Je revivais mes éternelles angoisses quant à mon talent littéraire. Une fois de plus, je croyais n’être qu’un imbécile qui se leurre quant à son talent. J’avais mal à la plume. L’imagination crevait avec le goût de crier. Un autre espoir venait de s’écraser dans la fenêtre de la réalité.

J’ai pris une décision. Dorénavant, j’écrirai parce que j’adore ça. Je complèterai mes livres pour aller sur les tablettes. Ce sera mieux ainsi. Ce sera moins frustrant. Ça ne donne rien de se casser la tête, de travailler un an et parfois plus pour te faire dire non par tous les éditeurs.

Au Québec pour réussir, il faut être un loup et être dans le bon clan, celui qui est au pouvoir.

La plume a eu très vite raison de mes complexes d’infériorité. Je n’avais pas décidé de tout laisser tomber que déjà j’écrivais un nouveau roman L’État de Grâce. Ce fut refusé par Jean Basile, sous prétexte qu’il faudrait trop travailler pour le rendre académiquement acceptable.

La prison avait tout de même fait son œuvre. Je pouvais maintenant constater sans paniquer que ma vraie prison ce n’était pas Bordeaux Beach, mais la société. Tout ce que je pense est toujours mal, car, à la base on y retrouve une perception de pédéraste. Tout ce que je fais est toujours mal aux yeux des autres. La peur d’être seul, d’avoir tort, et surtout de mal aimer m’envahissait.

Je me sentais bien solitaire devant mon juge le Québec, le système politico judiciaire. Je me sentais cuit comme un homard par la vie elle-même. Plus je me révoltais contre cette injustice, plus je me divisais contre moi-même. Je gueulais contre le manque de radicalisme des autres alors que j’avais peur, je paniquais. Dans les gestes pour me dompter, la société n’y allait pas d’une manière virtuelle. Je me ramassais dedans; mais j’arrivais encore à échapper à une très profonde culpabilisation.

Quelque chose me disait qu’ils exagéraient et qu’ils étaient incapables de comprendre en dehors de leur petit nombril, de leur petite réalité. Je sentais que ma perception de la vie vraie était de plus en plus exacte. Elle me condamnait de moins en moins, sauf, à la solitude. Avec les enfants, grâce à l’école libre, j’étais jusqu’à ce que les adultes s’en mêlent, l’ami, l’égal, le Simopette. Mais en tant que père de Patrick et Yanie, j’étais l’autorité. Le père poule. Je voulais forcer Yanie à suivre une diète parce que j’avais peur que plus vieille elle souffre de ne pas avoir su contenir son appétit. J’étais aussi celui qui avec Patrick avait peur d’être amourajeux pour ne pas le traumatiser. Je ne savais plus où mettre les doigts.

Mes croyances l’emportaient pourtant sur tout ce que l’on inventait pour m’écraser.

J’avais peur d’irriter Patrick. S’il connaissait mon attirance pour les autres garçons, serait-il jaloux? Se sentirait-il abandonné, trahi? On ne sait jamais ce que les jeunes se mettent dans la tête. Ils sentent les choses différemment et plus facilement que les adultes. C’est d’ailleurs pourquoi il est facile pour eux de nous juger avec une précision chirurgicale. Disons immédiatement pour qu’il n’y ait pas de confusion : il ne sait pas passer une seconde ou un geste qui fut génital entre moi et Patrick.

Pour lui, j’étais un bon gars, je ne voulais pas le décevoir. C’est ainsi que la paternité nous entre tranquillement dans la peau.

Je suis juste quelqu’un de plus lent sur le plan émotif que les autres. J’en suis resté à définir la sexualité comme un plaisir. J’aurais été au ciel si j’avais vécu dans la Grèce antique, qui soit dit en passant, même si elle acceptait l’esclavage, était plus évoluée que le Québec poigné dans sa peur de la sexualité.

Je n’étais plus sûr de rien. J’étais toujours divisé entre mon nouveau statut de paternel artificiel et ma réalité sexuelle. Quand tu es pédéraste, tu ne peux pas le changer. Tu nais ainsi et tu meurs ainsi, du moins, quant aux désirs. Tu ne peux qu’apprendre à le vivre comme du monde. J’avais retrouvé mon insécurité des années 1963, comme lors de ma première sortie de prison.

No comments yet

Laisser un commentaire

Entrer les renseignements ci-dessous ou cliquer sur une icône pour ouvrir une session :

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueueurs aiment cette page :