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Un sourire venu d’enfer 34

novembre 20, 2020

Un sourire sorti d’enfer 34

Autobiographie approximative

pp. 272 à 282

Puisque les jeunes ne rêvaient que de Suzanne, j’ai appris à garder à regret mes désirs pour moi. Ce n’était pas grave : j’ai passé ma vie à désirer inutilement ou à ne pas avoir l’audace de prendre ce qui m’était offert. Je ne voulais pas les brusquer, même si j’espérais qu’un jour, ils auraient autant d’intérêt pour moi. C’était presque inscrit dans la nature puisque de façon générale les gars vont plutôt rechercher une femme. Un besoin qui les emporte vite à l’adolescence. Tous les jeunes veulent se sentir normaux.

C’était très frustrant de voir les jeunes s’exciter sexuellement devant le mot liberté et d’être privé de pouvoir en profiter véritablement. Suzanne me reprochait d’être hypocrite, car souvent, disait-elle, en jouant, je touchais aux jeunes. C’étaient des touchers pseudo accidentels que j’aimais bien. Je suis certain qu’ils n’avaient aucune influence néfaste sur les jeunes qui, au contraire, aimaient les provoquer, surtout en voulant lutter. Ils profitaient autant que moi du fait que je me laissais faire sans crier au meurtre. Vu de l’extérieur, c’était différent.

Avec cette liberté, les jeunes étaient plus volubiles, plus curieux, mais aussi plus créatifs. Ils étaient plus chaleureux et plus rassurés quant à leur possibilité de tout nous raconter et de se mettre l’âme à nu.

Nous étions au ciel, nous venions de trouver une maison, près du Richelieu.

De plus, c’était un vrai miracle : je n’étais pas paranoïaque du fait que Suzanne, pour  nourrir  les  enfants,  avait  jusqu’à  que  là  travailler  pour  le  parti  libéral.

Je comprenais ses préoccupations. Les enfants sont toujours plus importants que n’importe quelle idéologie. Mère, seule, c’est une vie exceptionnellement difficile. Souvent le mari ne paie pas la pension alimentaire qu’il doit payer ou le bien-être refuse de continuer à verser des prestations à cause d’un emploi à temps partiel. Les fins de mois, même si je contribuais maintenant aux dépenses familiales, étaient extrêmement difficiles.

Devant toutes ces explications, je trouvais ridicule d’attacher trop d’importance aux peurs et aux idées politiques. D’autant plus que je considérais plutôt Suzanne comme une anarchiste, une féministe enragée plus qu’une vraie libérale. Elle m’introduisait à un monde formidable : l’éducation.

Nous travaillions à la préparation du déménagement avec fébrilité. C’était merveilleux. Nous aurions  une  maison  à  nous.  Et,  j’aurais  ma  famille  à  moi. J’étais enfin devenu comme les autres.

Le dimanche, les petits gars se sont chicanés. Cela arrivait souvent, car, les plus grands essayaient toujours d’imposer leurs jeux à Patrick. Il voulait cette fois que Patrick partage leurs vols. Patrick leur a résisté, convaincu qu’il pouvait compter sur moi pour sa protection.

Le vase a débordé quand Patrick a aussi refusé de partager son sac de croustilles.

Pour se venger de lui, nos trois beaux merles sont allés raconter à leurs parents que l’on vivait souvent nus à la maison. C’est en soi très banal, il n’y a rien de grave à être nu. On n’est pas né tout habillé. Mais, les parents hystériques ont appelé immédiatement la police.

Patrick est entré à la maison complètement fou de peur. Il pleurait. Il criait :

  • La police va venir vous chercher.

Nous avons essayé de lui calmer les nerfs le plus vite possible.

  • C’est ta faute aussi, gros Christ. Si l’autre jour, t’avais laissé entrer dans la maison Daniel et Réjean, il n’aurait pas bavassé.

Je leur avais interdit d’entrer, car nous étions encore nus et nous ne voulions pas mettre fin à notre déjeuner.                                           .

Il fallait à tout prix rassurer Patrick et Yanick. Éviter que cette situation les traumatise. J’avais une peur affreuse. Je ne me pardonnerais jamais d’avoir rendu des enfants malheureux.

Le soir, Daniel et Réjean sont venus à ma rencontre alors que je retournais au logement chez Suzanne. Ils m’ont offert des croustilles, tout en confirmant que leurs parents avaient appelé la police. Ils étaient ravis que je ne sois pas fâché après eux.

Au cours de la semaine, nous avons commencé le déménagement. Le samedi, un ami venait nous donner un coup de main avec sa camionnette.

Entre temps, Suzanne avait été chargée de rencontrer un de ses amis, avocat, afin de savoir ce que nous pourrions faire pour nous tirer de l’impasse. Celui-ci aurait recommandé de plaider coupable avec explications, sous prétexte, que dans ces cas c’est le seul moyen de ne pas être roué de coups de la part de la police.

Nous étions très occupés le samedi après-midi à déménager quand les détectives sont arrivés à la maison. Nous avons été interrogés séparément.

À ma grande surprise, Suzanne était à dire aux policiers, quand je fus amené à la cuisine, que je travaillais encore pour Québec-Presse, même si je n’étais pas payé. Je me suis demandé ce que venait faire ma collaboration politique exceptionnelle dans cette affaire. Voulaient-elles leur signifier qu’on était des gens importants? Drôle de défense. Les policiers étaient du poste 4, réputés mener les opérations d’ordre politique; mais nous habitions dans le quartier sous le ressort de ce poste de police. Que fallait-il en conclure? Suzanne voulait sûrement nous protéger en leur affirmant que je suis journaliste, mais elle avait aussi sa carte de membre du parti libéral. Avais-je été piégé? Il m’arrive toutes sortes de mésaventures dès que je m’occupe de politique.

L’ambiance avait bien changé. Les jeunes étaient devenus agressifs avec nous à cause de la réaction de leurs parents. Ils sont même venus d’essouffler nos pneus alors que la camionnette était complètement remplie.

Suzanne rencontra les mères des petits, au cours de la semaine suivante, afin de leur expliquer la situation et si possible obtenir qu’elles retirent les plaintes. Ce fut peine perdue. Nous avons seulement appris que le père d’un des petits, reconnu comme un trouble-fête dans tous les mouvements sociopolitiques du quartier jurait d’avoir ma tête. Pourtant, il ne me connaissait même pas.

Suzanne continuait d’y voir une vulgaire affaire de mœurs. Elle avait peut-être raison. Moi, j’y faisais un rapprochement avec mes engagements politiques. Ça ne pouvait pas être encore une fois qu’une simple coïncidence.

Les problèmes causés le samedi à la camionnette avaient dramatiquement retardé notre déménagement.

Le soir, après ses cours. Suzanne se rendait à l’appartement qu’elle laissait pour faire du ménage. Elle a reçu à nouveau la visite des policiers qui apportaient deux mises en accusation.

Tout allait mal. Les enfants ne pouvaient voyager en autobus que le matin, il fallait le soir aller les chercher sur le pouce à quelque dix milles de chez nous. La fournaise ne fonctionnait pas et l’huile s’était répandue à la grandeur de la cave sur le plancher. Il fallait maintenant, en plus des problèmes de finance et de déménagement, se rendre en cour répondre à leurs accusations, les unes plus folles que les autres.

Suzanne a été la première à subir son procès.

La déposition de Réjean était particulièrement accablante. Il prétendait que nous lui avions donné des cigarettes pour avoir des rapports sexuels avec lui. Il ajoutait que Suzanne l’avait initié à faire l’amour alors que moi, le torse nu et en culotte, je m’étais appliqué durant ce cours de « baise » à lui peser sur les fesses. Un des petits témoins y alla même du refrain selon lequel je les terrorisais avec mes gros yeux méchants.

Suzanne était complètement révoltée contre les petits alors que j’essayais toujours de les disculper sous prétexte que ce n’était pas de leur faute, mais celle de leurs parents devenus complètement fous.

Une situation bien normale au Québec puisqu’on nous a prêchés toute notre vie que le sexe c’est le péché des péchés.

À mon avis, en principe, les enfants sont des êtres très propres que la société n’a pas encore corrompus d’où l’impossibilité que ce soit eux qui aient inventé ces histoires. Règle générale, les aveux sont contenus dans les questions des enquêteurs. Les jeunes les répètent pour leur faire plaisir et n’osent pas les contredire par la suite. Ils ont trop peur des réactions.

Comme cerise sur le gâteau, le père d’un des petits, qui ne s’occupait jamais de son garçon en d’autres occasions est venu témoigner que son fils avait été terriblement traumatisé par la nudité. Ce doit être pour ça qu’ils voulaient tous toujours revenir…

J’étais, au contraire, convaincu que la réaction stupide des adultes et l’obligation de venir en cour les avaient bien plus marqués. Ce ne doit pas être un cadeau pour un jeune que de voir la police venir s’intéresser à leurs petits jeux de cul et de  voir  les  adultes  explosés  comme  s’ils  avaient  tué  le  président  du  pays.

Après avoir pris la cause en délibéré, le juge a rendu un verdict de culpabilité envers Suzanne, disant que même s’il reconnaissait que de plus en plus de familles en Europe partagent notre option sexuelle et conçoivent une plus grande liberté sexuelle, la voulant même bénéfique aux enfants, il devait prendre cette position,  car   « il  fallait   éviter  que   trop  de   jeunes   soient  traumatisés   par fascination et courent chez tous les nudistes de leur voisinage pour en profiter eux aussi. »

Il insista surtout sur le fait que nous n’avions pas à éduquer tout le quartier. Il remit sa sentence à plus tard, tout en interdisant que d’autres enfants viennent chez nous à moins que les parents soient avertis auparavant de nos conceptions sexuelles.

Pendant quelques jours, j’ai paniqué plus que jamais, car l’avocat de la Couronne nous menaçait de nous enlever Patrick et Yanie. Non seulement notre avocat nous a rassuré qu’il ne pouvait pas en être question, mais le juge lui- même concéda qu’il est impossible de rendre des enfants malheureux sous le prétexte que de « bonnes mœurs » avaient été transgressées. Il y avait au moins une personne intelligente dans le système judiciaire.

Ce fut tout un soulagement de recevoir confirmation que la cour ne répondrait pas favorablement à cette demande fasciste. Je voyais le procureur de la Couronne comme un vieux garçon, eunuque et sans tête, pour avoir des idées aussi méprisantes de la famille et de l’ignorance du besoin des enfants de vivre avec leurs parents.

J’avais déjà passer mon temps en prison, la sentence de Suzanne était remise de semaine en semaine, de mois en mois, ce qui nous compliquait joliment la vie. Cela m’empêchait, entre autres, de pouvoir trouver un emploi stable et nous sortir des problèmes financiers qui m’insécurisaient affreusement.

Plusieurs mois plus tard, Suzanne a connu sa sentence. Selon le juge, j’y avais assez goûté puisque j’avais été condamné à la prison. Il ne voulait pas que ce soit la famille qui paye pour cette situation, car nos enfants devaient aussi assumer une part des inconvénients. Suzanne fut condamnée à payer une amende de 50 $. Je l’ai payé, car je me sentais responsable de ses malheurs.

À mon avis, si je ne les avais pas connus, cela ne serait jamais arrivé. Pire, j’avais indirectement incité Daniel et Réjean à venir le matin, car je leur avais dit qu’ils risquaient ainsi de nous trouver nus. Une tentation de voyeurisme qu’il ne laisserait pas tomber. Je doutais de mes avertissements peu sincères pour les empêcher de venir. Je le faisais, mais j’espérais le contraire. J’avais été égoïste et irresponsable. Mes petits désirs cochons l’avaient emporté sur le bon sens et le bien général.

J’avais manqué à une responsabilité qui constitue une première différence entre la pédérastie et la paternité. La responsabilité familiale. Je ne connaissais pas encore le mur entre le désir et la réalisation du désir. Je commençais à m’interroger sur la répercussion de mes gestes. La vie m’apprenait qu’il y a des différences, selon les situations.

Si tu es le père, passer aux actes peut vraiment être négatif pour le jeune, car avec la morale sociale acceptée dans le milieu, le père devient alors une forme de délinquant aux yeux de son garçon. Pédéraste, tu es un être de l’extérieur. Tu n’es pas celui de qui on attend un exemple, mais un partenaire de jeu. Donc, pour toi, franchir le mur du passage à l’acte n’a pas le même sens, ça n’a pas la même répercussion. Le jeune te voit autrement que le père. Si tu es père, passer à l’acte peut être un abus significatif si le jeune est élevé dans un milieu scrupuleux alors que pour le pédéraste, le refus de franchir ce mur peut être perçu par le jeune comme un manque d’amour et de confiance. Une forme d’indifférence, de rejet.

Je n’avais rien à être fier de moi, mais personne ne peut nous enseigner comment se conduire dans de telles occasions, sinon la stupidité de la chasteté de l’Église pour les jeunes. Je n’avais pas encore apprivoisé le contrôle de mes désirs pour protéger les autres. C’était mon seul remords. La leçon servait à ériger les premiers murs endiguant ma notion de liberté absolue. On peut être libre, mais il faut surtout comprendre la responsabilité qu’incarne cette liberté.

Je pensais devenir fou d’avoir ainsi créé autant de problèmes. Mais, je considérais la réaction des parents des jeunes encore plus folle. Il n’avait pas souffert, il n’avait été que plus heureux. Si les parents de ces jeunes avaient réagi d’une manière intelligente, les jeunes auraient oublié l’événement. Ils vivaient déjà des choses bien pires quand pour se faire des sous ils s’offraient aux bonshommes d’alentour.

J’avais trois chiffres d’accusation contre moi, trois chiffres d’accusation concernant Réjean, Daniel et Alain.

Ainsi, je les avais incités à la délinquance par ma nudité, mes propositions et mes gestes indécents.

Aujourd’hui, on essaierait de faire croire que ma démarche est un crime contre l’humanité. La folie existe et je ne pense pas qu’elle soit dans mon camp. Les jeunes étaient beaucoup trop excités et empressés de jouer avec moi pour avoir été fortement traumatisés. S’ils furent traumatisés, c’était de bonheur.

Je regrettais déjà de ne pas avoir accepté leur invitation à les sucer quand je les ai gardés; au moins, je ne comparaîtrais pas pour rien, pour  m’être retenu afin de donner le bon exemple.

Idiot, j’avais cru qu’il était maintenant de mon devoir de me retenir, car je croyais dans l’éducation libre et je ne voulais pas bousiller cette expérience. Je ne voulais pas abuser de mon âge et de mon expérience et ainsi faire déraper ces moments privilégiés, tout en respectant ce en quoi je crois.

Il va sans dire que voir des petits gars aussi beaux, aussi assoiffés de jeux sexuels, me rendait infiniment heureux. On naît pédéraste à vie. La pédérastie est profondément inscrite en nous. Est-ce que d’être tenté à l’infini constitue en soi un crime? Serions-nous coupables de ce que nous sommes en naissant? Il serait hypocrite d’en nier l’existence. Pouvoir dire que tu es pédéraste est une protection pour les jeunes et non un danger supplémentaire.

Je voulais bien en profiter, mais en même temps, je trouvais ces moments trop sacrés pour les détruire. Les petits gars étaient exactement ce que j’ai toujours cru que sont les garçons quand ils sont libres : curieux, affectueux et fort sympathiques.

Le procès débuta d’abord en analysant les accusations de Daniel.

Quand ce fut le temps de juger s’il savait ce qui se passait réellement. Coup de théâtre !

Daniel ne savait plus quoi répondre, quant à savoir ce qu’il pensait du péché et de l’enfer. Il a lancé :

  • Je ne sais pas si c’est ce qui s’est passé ou si je dis ce que les policiers m’ont dit de dire.

Le juge était furieux. Devant ce témoignage, il affirma qu’il ne lui restait plus qu’à se retirer de ce dossier.

L’avocat de la Couronne, affolé, a retiré toutes les accusations contre moi. Cependant, un peu plus tard, il a changé d’avis et a demandé au juge de rétablir les accusations concernant Réjean et Alain.

Le procès fut reporté à plus tard jusqu’à ce qu’un nouveau juge soit affecté à ma cause, un juge plus susceptible de me planter.  Il était dans l’ordre de choisir  une date et ainsi le juge officiant. On remettait ainsi bien des causes, en attendant d’avoir un juge favorable à sa cause. Une tradition qui existe encore.

Daniel ne se présenta pas à mon procès, sous prétexte qu’il avait été traumatisé par sa comparution. J’imagine le savon qu’il a dû subir. J’ai appris qu’il a dû être hospitalisé par la suite, souffrant d’une dépression nerveuse, probablement parce que ses parents s’étaient montrés très compréhensifs à son égard.

On tue des jeunes au nom de la morale sexuelle, par nos scrupules et on est trop stupide pour s’en rendre compte. On continue de croire l’Église qui nous a toujours menés par le bout du nez en tout ce qui concerne le sexe.

Juste avant mon procès, le père d’un des petits m’a crié :

  • Ils ont besoin de t’enfermer, mon hostie, sinon je m’occuperai pour que tu y goûtes quand même. Tu ne te rendras jamais chez toi.

J’ai eu peur d’un tel fou et j’en ai averti mon avocat.

J’ai été amené devant un vieux juge scrupuleux, une espèce d’écœurant qui semblait ne jamais en avoir entendu assez. Il se complaisait dans le problème. Un vieux cochon pour qui l’histoire manquait définitivement de piquant. Je n’ai jamais vu un être chercher autant de détails, comme nos confesseurs jadis et espérer entendre des choses plus croustillantes. Malheureusement, les jeunes ne disaient pas grand-chose d’explosif.

Quand je l’écoutais, je me demandais comment un vieux trou-du-cul de son espèce peut être appelé à juger des enfants. Il n’y connaissait vraiment rien. Je plaignais intérieurement les petits d’être aux prises avec un malade de cette espèce. Pour qui, il n’y avait jamais assez de détails sexuels. Un vieux paternaliste répressif.

Dans leur témoignage, les petits gars ont parlé que nous avions joués au jeu du silence le soir que je les avais gardés. Les plaintes ne portaient que sur cette soirée dont la date devait être précisée après le procès. Sans cette entente, le procès ne pouvait pas avoir lieu. Pour éviter ce genre d’inconvénients et pouvoir en condamner plus, le système judiciaire a fait disparaître depuis la nécessité de la date exacte.

Les  petits  ont  dit  ignorer  que  je   ne  portais  pas  de  sous-vêtement.  Ils    ont témoigné que mon exposition avait été très courte.

La meilleure, ils ont affirmé avoir appris le jeu du silence d’un moniteur dans un camp de la Cour du Bien-être social. Le vieux juge en avait les cheveux

« drette » sur la tête. Selon Réjean, nous avions passé le reste de la soirée à écouter de la musique. Je n’avais pas touché, ni incité qui que ce soit.

Réjean affirma aussi qu’en le tenant par la taille, les doigts entrés dans son pantalon à la hauteur des hanches, je n’avais jamais essayé d’aller plus loin, pas plus que je lui aurais fait de mauvaises propositions.

Le juge insistait, visiblement passionné, mais Réjean a maintenu ses affirmations, en lui faisant ainsi mordre la poussière. Le juge était visiblement, pitoyablement désappointé qu’il ne se soit pas passé autre chose. On aurait dit que  le  vieux  salaud  ne  pouvait  plus  jouir,  ce  qui  le  contrariait  clairement.

Alain, avec qui il ne s’était jamais rien passé, même pas des attouchements

rapides, affirma que j’avais essayé de lui poigner le moineau et que j’avais proposé aux autres de leur en faire autant.

  • Il m’a traité de scrupuleux comme Patrick. Il ne m’a rien dit d’autre.

Les policiers étaient furieux.

  • Le maudit, il va s’en sortir, pouvais-je entendre.

Le juge était encore plus furieux. Le vieux cochon ne se satisfaisait pas de ce qu’il entendait. La laverie des consciences devait être plus complète. « Dites tout, je veux jouir.»

Dans mon témoignage, j’ai raconté comment je me rappelais les événements, sauf nos discussions et que Réjean s’était baissé les culottes pour s’assurer que j’en fasse autant. Ses parents le menaçaient de le « placer » s’il était établi qu’il avait consenti à participer à ces jeux. Il faut être ignorant de ce que sont les jeunes pour réagir aussi bêtement.

Même si cette réaction parentale est tout bonnement débile, le système appuie ce genre de réaction et agit même comme si c’était ça la vie normale. Comment des parents peuvent-ils être assez sans-cœurs pour préférer l’abstinence sexuelle au bonheur de leur propre enfant? La religion rend débile.

Je ne voulais pas que ça lui arrive; mais je ne voulais pas non plus faire de faux témoignage. J’ai retenu les informations pour aider Réjean. Puisque je ne disais pas ce que les petits prétendaient, car j’affirmais que nous avions joué au mime après avoir baissé mes culottes, j’ai passé pour un menteur. Mon avocat était en maudit, car, à son avis, seul mon témoignage pouvait me faire condamner.

Deux faits ont pourtant été carrément illégaux dans ce procès. D’abord, le juge m’a demandé si j’avais un dossier judiciaire.

  • Vagabondage. Des brosses.

Le juge demanda à la sténographe de cesser d’écrire et a insisté à poser sa question en me rappelant que j’étais sous serment.

Pourquoi insistait-il autant? Selon la loi, puisqu’au moment où j’avais été condamné, plus de dix ans plus tôt pour des délits sexuels, étant mineur, la majorité était de 21 ans, je n’avais pas de dossier judiciaire en devenant un adulte. Pourquoi était-il au courant? La police lui avait-elle refilé, sous le couvercle, l’information voulant que mineur j’avais déjà fait trois mois de prison pour des délits sexuels avec des petits gars. (Je l’ai raconté en y ajoutant un peu de mordant dans Laissez venir à moi les petits gars, publié par Parti pris).           

Cet aveu changeait toutes les perspectives, d’autant plus qu’il n’a jamais été question des petites filles qui avaient été bien présentes et très actives à d’autres moments. Mais, c’était plus facile en s’en tenant aux petits gars. C’était moi qu’on voulait épingler, la vérité n’avait aucune importance, comme c’est le cas dans bien des procès. Ayant peur que le juge sorte ce dossier contre moi, je l’ai avoué. C’était illégal, mais ils sont plus forts que moi. Ils prétendent défendre la justice. Ils peuvent utiliser tous les moyens pour te mettre en cabane. Eux ne respectent pas la loi.

Les menaces du juge n’apparaissent pas dans les transcriptions du procès. J’ai pu le vérifier plus tard. Suzanne a pu les avoir grâce à notre mon avocat. Elle avait fait valoir que je voulais m’en servir pour écrire un futur livre.

Après mon procès, je me suis longuement demandé s’il est vrai que les dossiers des mineurs sont détruits, comme le dit la loi. Mon dossier était-il dans le rapport des policiers?

L’avocat de la Couronne reconnut que seul avoir baissé mes culottes quelques secondes en jouant avec les petits pouvait être retenu contre moi. Cela devenait somme tout assez banal et il recommanda que j’aie une petite sentence.

Mon avocat, pour sa part, a soutenu que je vivais simplement quelques années avant mon temps puisque cette pratique est courante en Europe et dans bien d’autres régions du monde où le sexe n’est pas encore un crime contre l’humanité.

À la fin du procès, le juge demanda que l’on fasse venir les jeunes, mais ça s’avéra inutile, car ils étaient déjà dans la salle, ce qui est contraire à la loi sur la délinquance juvénile et peut être puni pour deux ans d’emprisonnement.

Le vieux juge, sans se soucier de la loi, m’a servi un long sermon, tout en demandant, après avoir posé quelques questions aux enfants, à savoir s’ils avaient trouvé pénible de témoigner; d’être attentif à la sentence pour ne jamais oublier durant toute leur vie que ces petits jeux défendus peuvent conduire à la prison.

C’est incroyable que même un juge désobéisse à la loi pour te planter devant les jeunes.

  • Trois mois!, a-t-il lancé.

Je paniquais. Ce n’était pas tant à cause des trois mois de prison, mais parce les postiers entraient en grève. Comment irais-je chercher mon chèque d’assistance sociale? Comment vivraient Suzanne, Patrick et Yanie? Nous avions déjà toutes les misères du monde à manger à toutes les fins de mois.

J’étais convaincu de m’en sortir en ayant à payer une amende. C’était tellement niaiseux ce qui s’était passé. On ne pouvait quand même pas devenir fou parce qu’un gars avait baissé ses culottes quelques secondes. Y a des choses bien plus importantes sur terre.

Avec trois mois, ce vieux cochon sans jugement condamnait autant Patrick et Yanie que moi à connaître des heures difficiles puisque je ne ramènerais plus mon chèque mensuel. Ce fait ne le troublait pas comme tous les scrupuleux ne se soucient pas des résultats de l’application de leur bêtise. Ils sont trop centrés sur leur petit nombril pour essayer de comprendre les autres, et surtout supporter que d’autres aient le droit de penser autrement qu’eux. Pour lui, la leçon de morale était plus importance. Protection de la jeunesse, mon cul!

L’avocat de la défense m’a calmé les nerfs en disant qu’il interjetterait appel de la sentence et qu’entre les deux procès, je pourrais arranger les affaires pour que les petits n’aient pas trop de misère.

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