Un sourire d’enfer 64
Un sourire d’enfer 64
J’ai pressenti en partant pour Sherbrooke que le dénouement de mon aventure à l’école libre était pour bientôt. Je suis quand même allé en autobus à l’entrevue que l’on m’offrait en vue d’un emploi à la radio.
Par hasard, en route, j’ai entendu deux flics dire : « L’enfant de chienne, il ne se remettra plus nu devant des enfants.». Un drôle de hasard. Par intuition, j’ai fait un rapprochement avec mes dernières expériences à l’école. Puisque j’avais accepté de jouer le même jeu que les jeunes, ça ne pouvait pas demeurer impuni bien longtemps.
Je ne savais pas pourquoi ces flics se trouvaient là, mais je savais que le message me collait à la peau. La vie a de ces hasards incroyables.
Dès mon retour, j’appris que les femmes avaient fait bloc pour exiger des promesses à l’effet que je sois moins actif et que je refuse les propositions des jeunes. J’ai refusé, car c’était le contraire de l’esprit de l’école libre. C’est comme exigé de quelqu’un qu’il devienne personne. Pourquoi nier ce en quoi je crois ?
Si tu respectes l’autonomie absolue de l’enfant, tu ne peux pas faire exception sur la sexualité, un élément fondamental de la personnalité de chaque individu. Ta réaction à ta libido est ce qui tracera ta façon de vivre dans la vie. C’est que qui fera que tu seras une personne intro ou extraverti. Pourquoi un enfant ne pourrait-il pas être honnêtement informé sur sa sexualité ?
L’imbécilité ne crée pas des êtres supérieurs. Je crois que les gens scrupuleux sont ceux qui ont des troubles de personnalité, non le contraire.
C’était normal que ça arrive. Ces animatrices travaillaient dans des écoles ordinaires et elles n’aimaient pas ce qui s’y passait, donc, elles cherchaient ailleurs ; elles ne pouvaient pas se rendre aussi loin dans la liberté que l’école préconisait. Elles étaient marquées au fer rouge du scrupule. Que les adultes soient libres, soit ; mais pas les enfants, ils sont trop stupides pour décider.
Le sexe ça te rend fou que dans la mesure où ceux qui t’entourent te rendent coupables. On ne fait pas un tel tabac avec la violence.Cette nouvelle m’écœura complètement. J’avais travaillé comme un fou à construire cette école, je croyais dans ces principes fondamentaux de liberté ; mais dès qu’on eut plus besoin de moi, on me fichait dehors parce que je voulais appliquer ce pourquoi on avait fondé cette école : la liberté sous tous ses aspects.
Je trouvais dégueulasse qu’on accepte que l’école devienne pire qu’une porcherie, sous prétexte que les adultes n’avaient pas droit d’ingérence dans le choix des enfants. Pourtant, on n’acceptait pas qu’ils aient été intéressés par ce quoi j’avais entre les jambes et surtout que je ne me sois pas rebellé contre leur curiosité. On recréait la même école qu’avant, le même maudit schème. C’était aussi poigné sur tout ce qui touche la sexualité, aussi malade.
Pour ces femmes, j’étais un mystère, un monstre, l’inhabituel.
Pourtant, c’est ce qui se passe dès que les jeunes sont libres. Ils veulent réaliser ce qui leur a toujours été interdit. Rien de mal là, en autant que ça ne s’incruste pas comme une pathologie. C’est moins pire que la violence ou les drogues, mais ce n’est pas ce que l’on a appris dès l’enfance.
Chez nous, on était bien normal, personne sauf moi, n’est resté poigné dans ce désir sexuel de chercher à voir plus beau que la beauté. Je me croyais anormal, mais ça n’avait rien à voir avec ce qui e passait.
Je savais que je ne serais jamais dangereux et on avait beau me dire que c’est affreux pour les jeunes que de penser au sexe, je savais intuitivement que c’étaient eux les malades de voir du mal là où il n’y en pas. Je n’avais pas incité les jeunes puisqu’ils ont eux-mêmes initié le jeu.
Par contre, je me suis demandé si les jeunes n’avaient pas agi ainsi parce qu’ils auraient entendu quelque part quelqu’un parler contre ma pédérastie. Une nouveauté à essayer.
Les jeunes savent quand tu es dangereux ou non, du moins, quand ils ont plus de 12 ans. Puisqu’ils ne peuvent pas nécessairement être conscients avant cet âge, c’est la raison pour laquelle je serai toujours contre la pédophilie.
L’âge est important, car il correspond au développement du cerveau. Ce n’est pas juste un caprice de ma part que fixer une différence entre la pédophilie et la pédérastie. C’est une réalité physique et scientifique.
Habituellement, les jeunes participaient aux assemblées, car ils étaient les maîtres de l’école ; mais cette fois, pour me juger, leur accès a été interdit. Les jeunes concernés n’ont absolument rien eu à dire.
C’était formidable de voir les petits poser nus pour m’exciter, ça me suffisait, car ils prouvaient ce en quoi je crois, il n’y a que les adultes qui meurent de peur devant la sexualité parce qu’alors qu’ils étaient jeunes on leur a appris à nier leur sexualité. Ça même rendu la vie impossible à bien des gens.
C’est ce que les psychologues appellent une empreinte primaire. Quelque chose de subjacent qui dirige toute ta façon de penser. C’est ce que notre éducation sexuelle fait. Un mal particulièrement répandu chez les femmes parce qu’on les a toujours associées à Ève la pécheresse. (Pouvoir de l’horreur, Julia Kristeva, psychiatre féministe)
Je n’ai pas tellement rué dans les brancards parce que je trouvais l’existence de l’école libre beaucoup plus importante que mes droits.
L’école était construite, on avait plus autant besoin de moi. Si j’avais tant travaillé, c’était surtout pour les enfants de Suzanne.
Je croyais dans la nécessité d’améliorer l’éducation des jeunes, même si pour moi ce besoin passait par la liberté sexuelle ou si l’on veut, une meilleure connaissance de soi et de l’humain.
Pour moi, l’école libre, c’était essayer de comprendre, sans le filtre de toutes les règles que l’on impose aux jeunes, ce qui se passe vraiment dans le plus profond de l’âme des jeunes. L’éducation, c’est essentiel pour améliorer la société. Je vivais de plus en plus mon rôle artificiel de père et j’aimais ça.
De toute manière, l’école libre était en soi toute une expérience. J’avais appris à aimer deux jeunes qui vivaient en toute liberté, ce qui était pour moi le plus important de la vie.
Le garçon avait beau devenir le centre de ma vie, je savais qu’avec lui jamais je n’aurai une relation sexuelle. Ça ne l’intéressait absolument pas. Et, dans ce cas, si nous avions expérimenté la chose à force d’insister, notre relation aurait été anéantie car, il aurait subi une forme de culpabilité ou de honte. Deux sentiments qui ne peuvent pas vivre en même temps que l’amour.
Quant à la petite fille, elle avait beau beaucoup m’aimer, elle ne me permettait pas de comprendre les femmes. Le fait d’être pédéraste me donnait une certaine liberté vis-à-vis de la petite, car je n’étais pas attirée par elle physiquement. Je ne pouvais devenir pédophile ce qui est être pédéraste pour les hétéros puisque je suis définitivement gai.
Mais, tout est possible, aucun individu n’est à cent pourcent qu’une seule orientation sexuelle, car elle se manifeste de différentes façons. Il n’y a pas que le corps, il y aussi toute une dimension émotive. Elle est même plus importante. C’est elle qui donne un sens aux actes. C’est ce qui me permettait d’aimer les femmes à ma façon.
Pourquoi la petite était-elle une petite merveille de tendresse tant que sa mère n’était pas présente ? Dès que Suzanne mettait les pieds dans la maison, la guerre reprenait avec son frère et la vie devenait automatiquement un enfer.
Quand j’étais seul et que la guerre éclatait entre eux, je n’essayais pas de devenir l’arbitre, c’était impossible. J’envoyais les deux réfléchir dans leur chambre. Quand ils revenaient, j’avais la paix. Je recherchais mon impartialité. Pourquoi aurais-je dû prendre plus pour un que pour l’autre ; même si je sais que d’instinct on prend d’abord pour ceux de son propre sexe.
Apprendre à être libre, c’est immense. Ce n’est pas facile. Comment vivre sans interférer dans la vie des autres ? L’amour et l’amitié sont une forme de partage distincte, car elles ne font pas appels au même type de relation, de complicité.
J’étais encore victime à travers les nouvelles animatrices de l’imbécillité des féminounes, mais ça me permettait de voir la nuance entre féminounes et féministes.
Je détestais autant les féminounes que j’appuyais avec beaucoup de respect les féministes. Je n’avais pas encore lu Le pouvoir de l’horreur, mais je comprenais d’instinct qu’il est plus difficile pour une femme d’être libérée que pour un homme, à cause des religions.
En ce sens, je devrais dire que je suis féministe, même si jamais je ne serai d’accord avec les féminounes, car elles sont des frustrées qui propagent la bêtise humaine, la domination de l’homme sur la femme en se servant de leur peur et de leur haine de la sexualité. Elles concrétisent les sermons religieux.
Alors que les féministes travaillent à l’amélioration globale de la vie des femmes, les féminounes souffrent, en réactionnaires, de leur mépris de tout ce qui est sexuel, au point d’être des machos féminines. Selon elles, tout ce qui est mal vient du mâle. Le pire, elles essaient d’établir comme une règle sociale ce qui les a rendues gaga.
Je gardais les enfants depuis au moins une année quand survint un élément caractéristique dans ma définition de la tâche de l’homme : le pourvoyeur.
J’ai commencé à me sentir inférieur parce que je ne travaillais pas pour un salaire comme tous les autres mâles. Il me semblait, comme le prétendait Suzanne, que l’éducation libre n’est possible que pour les riches et nous n’en étions pas à cause de moi qui jouais à la nounou avec les enfants chez nous, pendant qu’elle allait à l’école. C’était une répartition des tâches que nous avions acceptée tous les deux.
J’adorais être la «femme du ménage» parce que ça me permettait de comprendre ce que vit une femme. Je n’aurais jamais cru qu’elles ont autant de travail juste à s’occuper d’entretenir la maison et s’occuper des enfants. Les moments libres sont rares, très rares.
Je comprenais le point de vue de Suzanne à l’effet qu’il faut être très riche pour pouvoir vivre l’école libre. Si tu ne veux pas te choquer parce que le petit à briser telle ou telle chose, il ne faut pas que tu sois assez serré pour que cette nouvelle dépense vienne te priver de l’essentiel par la suite.
La liberté est affreusement dispendieuse. C’est un essai qui englobe aussi les erreurs.
Riche tu n’as pas à endosser l’insécurité matérielle en plus de la patience que te demande cette forme d’éducation. Aujourd’hui, les éducateurs ont choisi la voie opposée : dès qu’un jeune bouge comme c’est normal, on court pour trouver des pilules afin de leur calmer les nerfs. On ne cherche pas le bien-être du jeune, mais celui de l’éducateur.
Quand tu as de la difficulté à manger à la fin du mois, tu paniques vite. Dans la vie quotidienne, tu n’as pas la même patience.
Je prenais tellement mon rôle à cœur que j’étais prêt à tout risquer, même à me prostituer mentalement un peu, pour avoir un emploi.
Par contre, Suzanne qui n’avait rien d’une nymphomane, mais elle se plaignait quand elle venait à la maison, que je n’étais pas assez bon au lit. Je travaillais comme un fou alors « jouer aux fesses » ne m’intéressait pas beaucoup. Je trouvais ça souvent même une occasion de honte, car je n’arrivais pas à bander ou à éjaculer aussi vite que désiré. J’étais déjà assez épuisé sans devoir toujours être un héros dans le lit. « Si tu en as tant besoin, trouve-toi un autre bonhomme, je ne serai pas jaloux.», répétais-je jusqu’à ce qu’elle m’annonce qu’elle avait un remplaçant dans son lit.
J’étais bien plus préoccupé par mon rôle de pourvoyeur que d’amant. Ce n’était pas différent de ce que je vivais avant, j’ai toujours été ainsi. Le sexe est intéressant tant qu’il n’est pas un emmerdement.
Je prenais très au sérieux mon nouveau statut de père-mère artificiel temporaire.