Aller au contenu principal

Un sourire d’enfer 49

mars 31, 2023

Un sourire d’enfer  49

                                                    19

                                 La vengeance des libéraux.

 
Les manifestations terminées, la vie continuait.

Ainsi, mon ami, Pierre qui connaissait mon intérêt pour Summerhill, décida de me présenter Suzanne dont les deux enfants fréquentaient une école de type Summerhill, l’école libre. L’école était située en dehors de la ville, mais Suzanne habitait Montréal.

Le charme de Suzanne résidait dans la voix, le regard et le sourire parfois triste. Elle avait une intelligence brillante et une approche séduisante de la vie et de la liberté. Ses enfants, Patrick, 10 ans, et Yanie, huit ans, fréquentaient cette école dite libre. J’étais captivé par cette approche nouvelle en éducation.

En aucun moment, il était permis d’intervenir, sinon pour empêcher la violence. Il fallait demeurer sans cesse à l’écoute des enfants pour capter tous leurs désirs, comprendre leurs besoins et s’assurer que chaque jour fournisse une nouvelle occasion aux enfants d’expérimenter leur autonomie.

Notre vie était fabuleuse. L’équivalent de n’importe quel conte de fées. La maison était toujours pleine à craquer d’enfants. Je n’avais ni les yeux, ni les oreilles assez grandes pour enregistrer toutes leurs réactions.

Si au début, je me suis tenu à distance ; à force de me rendre chez Suzanne, les enfants m’ont reçu dans leurs activités les unes plus captivantes que les autres. J’étais heureux, car je n’avais pas à combattre ma nature profonde. J’avais déjà apprivoisé la notion de consentement et je pouvais l’appliquer sans difficulté, malgré les frustrations requises parfois.

Les délatrices des gestes sexuels quant à elles prétendaient que les amourajeux prenaient leur temps pour convaincre les jeunes afin de les amener dans leur griffe en créant la confiance. Ce n’est pas connaître les jeunes que de penser qu’avec le temps ils se laisseront leurrer. Les jeunes peuvent aussi aimer ce genre d’aventures que ça plaise ou non aux adultes qui, eux, ont vu leur cerveau lavé par les prétendus péchés de la chair. Si un jeune est scrupuleux, il n’acceptera jamais de participer à un jeu sexuel.

Ce réalité doit être claire dans un cours de sexualité.  Tu aimes ou tu n’aimes pas et tu dois l’affirmer très clairement si la situation se présente.

En ville, les complexes et les frustrations d’être toujours anonyme, sans importance, sans amour, s’incrustent dans la peau des enfants sans que l’on s’en aperçoive. Les enfants sont souvent rejetés par les adultes, tenus à l’écart comme si c’étaient des lépreux.  Leur compagnie semble chez les adultes ajouter des problèmes différents et supplémentaires.
 
Chez Suzanne, ça n’existait pas. Chaque petit bout d’homme ou de femme était important. Leurs désirs étaient souvent des ordres. Ils étaient les rois.

Laissez libres, les enfants nous désorientent complètement. Ils ne sont jamais ce que nous aurions cru qu’ils sont.

Pour eux, tout est jeux, plaisirs, découvertes, rires et parfois, il faut bien l’admettre, des mesquineries, des jalousies. Les enfants qu’on prend naturellement pour des anges peuvent être d’une cruauté inouïe entre eux.

Patrick, souvent écrasé par ses petits copains, était très heureux que j’accepte de jouer avec eux. Il se sentait probablement mieux protégé, du moins, j’étais un atout dans ses cartes.

Je luttais souvent avec Patrick et ses petits copains.  Je les aimais bien et ils me le rendaient au centuple. Cela les amusait passablement à en juger les lamentations quand je refusais de lutter avec eux.


Les jeunes faisaient souvent la queue à la porte chez Suzanne dans l’espoir que j’accepte d’aller jouer avec eux. Partager le jeu des enfants, c’est leur faire le plus beau des cadeaux.


Si Patrick ne m’intéressait pas physiquement, il était trop jeune et trop petit, ses deux amis, Daniel et Réjean, me faisaient tourner le cœur à grande vitesse. Quant au troisième du groupe, Alain, il ne m’intéressait pas du tout, même je ne l’aimais pas tellement. Ce n’était pas sa légère infirmité qui me fatiguait, mais il était jaloux et hypocrite. C’était un petit frustré qui ne sortait jamais des dentelles ou des slips de sa mère.

J’essayais autant que je le pouvais de m’adapter à leur façon d’être, de voir. Je les adorais. J’aimais cette situation, car j’apprenais beaucoup sur le comportement des jeunes. Pourquoi nous fascinent-ils autant ?

Pour une fois, je n’étais pas toujours contraint d’agir contrairement à ce que je ressentais. Patrick m’intriguait plus qu’il ne m’attirait physiquement. J’étais curieux de savoir pourquoi il s’excitait autant dès qu’on s’occupait de lui. Il n’a pas fallu des mois pour que j’ouvre mon aile protectrice.


Plus le temps passait, plus j’étais souvent chez Suzanne.

Les enfants se réunissaient pour élaborer une foule de jeux auxquels j’étais très souvent invité à participer. Le jeu le plus populaire consistait à faire tenir, grâce à la salive, un bout de papier hygiénique sur l’ouverture d’un verre, d’y déposer une cenne et essayer par la suite, à tour de rôle de percer le papier avec le bout d’une cigarette allumée sans faire basculer la cenne à l’intérieur.

Parfois, les jeunes en profitaient pour fumer. Nous n’y faisions aucune objection, à condition qu’ils ne fument pas à la cachette et qu’ils ne jouent pas avec le feu sans la présence d’un adulte. C’était moins dangereux pour les incendies.

Les jeunes aimaient surtout se costumer, danser, fêter pour toutes sortes de raisons. Aussi quand j’ai eu mon chèque mensuel de BS, j’ai amené Patrick et Yanie, dans une salle de jeux, juste pour leur faire plaisir et avoir la joie de les voir ainsi goûter le plaisir. Daniel et Réjean les regardaient avec envie. Je les aimais trop pour ne pas tenter un effort supplémentaire. Ce fut une soirée délicieuse. L’électricité de leurs regards valait mille mots et autant d’argent. Je suis très vite devenu aussi jeune qu’eux. J’étais pendu à leurs gestes, ébloui, même si cela m’a coûté en jeux l’équivalent de deux paires de lunettes en peu de temps.

Je vivais avec Suzanne et les enfants une expérience surnaturelle : des adultes complices à part entière avec des enfants. Jamais je n’avais ressenti une atmosphère d’amour aussi dense.

Si les enfants sont libres, le souci de se déculotter, la curiosité de voir l’autre dans son intégralité ne tarde pas. C’était chose fréquente à l’école libre et nécessairement une prolongation à la maison ne tarda pas.


Je devais m’habituer à n’en pas faire un drame pour respecter la philosophie que l’on se faisait de l’éducation. La seule règle : le jeu ne devait jamais être initié par l’adulte. Même si on est ouvert d’esprit, notre éducation a souvent fait de nous des scrupuleux.

Dans notre éducation, on est toujours plus scrupuleux quand il s’agir de rapport avec le sexe opposé. Ce qui me prouva que même adulte, l’éducation reçue enfant nous mène encore par le bout du nez.

La nudité a quelque chose de terrifiant quand il s’agit la première fois de rompre avec les habitudes de notre culture qui valorise extrêmement l’esprit aux dépends du corps. Ce choix religieux est fait en fonction de se mériter une éternité spirituelle dont l’existence n’a jamais été prouvée.
 
L’approche sexuelle de Suzanne a été lente et plus fignolée. Nous sommes passés dans le même lit qu’après de longues discussions, plusieurs verres. De visiteurs, je suis devenu l’amant.     

Nous couchions ensemble, habituellement, quand les petits étaient endormis. Patrick et Yanie désiraient presque toujours coucher dans notre chambre, sur leurs matelas, ce qui nous compliquait un peu l’organisation de moments d’intimité.


Nos nouveaux amours étaient marqués par la tendresse, la musique, les enfants, la complicité d’esprit. Toute la vie nous entraînait comme dans un cyclone de bonheur.


Patrick était très bizarre. Il se servait de ses scrupules comme moyen d’attirer l’attention. Alors que nous nous couchions tous nus, lui, préférait garder ses sous-vêtements. Certains, voire la majorité, y verraient là un acte normal quoique ce soit la réaction d’un enfant dont la sexualité a été réprimée dans son entourage alors qu’il était tout petit.


Il accouchait des mêmes scrupules que ses camarades, même s’il vivait dans une famille très ouverte. Mais, notre cheminement acceptait ça comme un droit individuel au même titre que de ne pas aimer les épinards. Cependant, on craignait que ça cache un problème, car il agissait comme si cette honte de son corps dissimulait autre chose. Il ne se lavait pas et devenait affreusement sale.

Être scrupuleux cache presque toujours un fort complexe d’infériorité, la peur de ne pas être aussi beau que les autres. Pour éliminer ce problème « possible », car c’est son droit le plus absolu de coucher avec ou sans sous-vêtement, nous avions pris l’habitude de lui dire qu’il est beau, de jouer son jeu et de ne jamais lui parler de ses scrupules, sinon pour le taquiner.


À long terme, ça eut des effets très positifs. Il s’est senti plus valorisé, ses agissements le montraient très clairement plus francs, même s’il continuait à être scrupuleux. Il riait plus. Il s’amusait plus. Il était plus sécurisé. Donc, je faisais partie du problème.

Suzanne et moi, nous passions de longues heures à nous définir, à mieux se faire connaître l’un à l’autre. Notre drogue d’amour était certains disques que nous écoutions en faisant l’amour au même rythme, après avoir fumé un bon joint.

Suzanne avait connu des felquistes, ce dont je ne pouvais pas me vanter. Elle me les peignit tel qu’elle les avait connus à la Maison du pêcheur, en Gaspésie. Elle n’avait pas la même admiration pour eux que moi qui les vénérait tout simplement. Loin de là. Elle était étonnée de voir jusqu’à quel point je m’étais identifié au FLQ, même si je n’avais connu personnellement aucun membre de ce mouvement, encore moins une cellule. J’avais tout au plus rencontré à l’occasion Pierre Vallières, Charles Gagnon et Robert Lemieux. Ce qui n’a rien de miraculeux quand tu es journaliste.


Je lui ai raconté comment je m’étais servi de ma petite réputation pour hâter la réalisation des projets gouvernementaux dans les Vauxcouleurs (Estrie) parce que le fédéral me croyait plus dangereux que je l’étais en réalité. J’étais très fier de ces exploits.

Nous nous sommes souvent endormis sans faire l’amour, ne cessant jamais de placoter et, le matin, les petits nous tiraient du lit, ce qui nous privait de reprendre le temps perdu. On ne pouvait même pas y rêver. Toutes les situations possibles, nous arrivaient pour nous empêcher de vivre notre vie de couple.

Un soir, j’ai gardé les enfants pour permettre à Suzanne de sortir avec une amie. Cela me faisait plaisir. J’avais appris avec assez de rapidité à me faire écouter sans commander.

Pour être l’invité des enfants dans ce cénacle de confiance, j’acceptais leur façon de vivre, d’être pleinement complice dans tous leurs désirs. J’avais appris que ce n’est pas parce que tu es un grand que ton point de vue a plus d’importance que celui d’un petit. Nous devions tous être des égaux quel que soit l’âge et le sexe. Le fondement même d’une éducation libre.


Je lisais dans la cuisine, les jeunes jouaient au  « strip tease » ou  au « docteur » dans leur chambre. Je respectais le code de discipline de l’école libre : ne jamais intervenir, sinon pour empêcher la violence et ainsi s’assurer que personne ne soit blessé.

La morale sexuelle est la pire forme de domination, car elle sert à assurer l’esclavagisme individuel dans une structure sociale.

No comments yet

Laisser un commentaire